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Le jour. D'après fred sabourin
Articles récents

Dans le panneau (3e partie)

24 Juin 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #voyage - voyage..., #rural road trip

Un projet photographique et topographique complètement foutraque et sans but précis, au gré de pérégrinations rurales et parfois urbaines, au hasard des rencontres. 1ère partie ici. 2e partie .

- Un endroit où passer la nuit dans de beaux draps -

- Un endroit où passer la nuit dans de beaux draps -

- Se fout de la charité -

- Se fout de la charité -

- "Entre iciiii, Jean Mouliiiinnn...!" -

- "Entre iciiii, Jean Mouliiiinnn...!" -

- Déjà ? -

- Déjà ? -

- Coule à flot -

- Coule à flot -

- Ce sont des choses qui finissent par arriver au bout d'un certain temps -

- Ce sont des choses qui finissent par arriver au bout d'un certain temps -

- Un hameau où les habitants ne font rien à moitié -

- Un hameau où les habitants ne font rien à moitié -

- On a trouvé où habite le corbeau que tout le monde recherche ! -

- On a trouvé où habite le corbeau que tout le monde recherche ! -

- Branchée direct sur Dieu - (photo Fabrice D.)

- Branchée direct sur Dieu - (photo Fabrice D.)

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Indochine

12 Juin 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #littérature

- (c) F.S. Pornic mars 2011 -

- (c) F.S. Pornic mars 2011 -

« Elle apportait du thé, il buvait de la chicorée au lait. Une chose horrible, disait-elle.

Il était sergent dans l’armée de terre, dans une aile discrète du Renseignement français.

Elle habitant Saïgon près du fleuve. On la tutoyait. Il la vouvoyait.

 

Un matin elle trouva un message enlacé autour de la tige d’un hibiscus rouge.

Ma chicorée est certainement horrible, mais votre thé est insipide. Apprenez-moi à l’aimer.

Ce qu’elle fit ».

Bernard Giraudeau, Les Hommes à terre.

 

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Angoulême : Herbes folles déconfinées (drôle de guerre, fin)

1 Juin 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #drôle de guerre

Angoulême : Herbes folles déconfinées (drôle de guerre, fin)

Elles nous ont tenues compagnie, les herbes devenues folles, pendant le confinement. On les a vu pousser derrière nos fenêtres, quand le mot d'ordre était « restez chez vous ! », à l'époque où il fallait raser les murs pour aller acheter une baguette de pain. Boulevard de la République à Angoulême, les pentes et le terre-plein central se sont couverts de ces grandes herbes, laissant libre court à leur croissance (verte !). Elles ont même été, courant avril, tachetées ça et là par de gentils coquelicots (mesdames).

Oui mais voilà : la nature, qui avait repris ses droits - comme on disait pendant cette "drôle de guerre" - est désormais sommée de rentrer dans l'ordre. Les jardiniers de la ville, dès potron-minet, ont cette semaine coupé net les instincts sauvages de cette flore sympathique mais un brin envahissante, à force. Comme le dit ma concierge : « quand c'est vert, tout le monde trouve ça beau, mais quand ça grille et que ça devient du foin... ». C'est comme au cinéma, il faut toujours que quelqu'un crie : « coupez ! ».

 

Drôle de guerre, série d'articles improvisés au gré des rencontres et choses vues, vécues pendant le confinement prend fin avec celui-ci. Peut-être une parution un jour prochain qui sait, si un éditeur daigne trouver ça intéressant et publiable. Par les temps qui courent (ou pas d'ailleurs) sait-on jamais...

(à lire aussi dans La Charentaise libérée, blog libre et indépendant d'un ex-journaliste qui ne l'est pas moins, série d'articles qui ne trouvent pas leur place ailleurs).

Angoulême : Herbes folles déconfinées (drôle de guerre, fin)
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Retour aux sources (rural road trip)

27 Mai 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #rural road trip, #voyage - voyage...

Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)

"C'est en allant vers la mer qu'un fleuve reste fidèle à sa source" (attribué à Jean Jaurès).

C'est donc ici que tout commence. À 360 km en amont de Rochefort et de l'océan Atlantique, à Chéronnac exactement. Ce bourg de Haute-Vienne à quelques enjambées de la Charente affiche 290 mètres à l'altimètre. C'est peu, mais suffisant pour envoyer un mince filet d'eau de source vers le nord, puis l'ouest, puis le sud, puis de nouveau l'ouest, paressant ici ou là si bien qu'on le croit volontiers "benaise", comme on dit dans son pays. Ce mince filet d'eau de source se conjugue au féminin. Elle est comme un long cheveu qui serpente, prend son temps : le fameux "quart d'heure charentais". L'écrivain et poète Pierre Boujut, dans la revue La Tour de feu, disait d'elle qu'elle n'était pas "un fleuve civilisé, ni un fleuve sauvage", mais "un fleuve heureux : ceux qui s'y baignent le savent bien". La Charente - puisque c'est d'elle dont il s'agit - prend sa source à Chéronnac, au milieu des herbes et d'un bourbier spongieux, elle sourd d'un jardin clos privé. Qu'on traverse la route, et elle prend des airs de petit torrent sur quelques mètres, brisant le silence de ce paisible bourg d'un murmure d'eau vive. Elle a déjà son petit caractère. Ça ne durera pas longtemps : le barrage de Lavaud, quelques kilomètres en aval, va ralentir sa course et la gonfler d'aise, retenant ses eaux dans un lac aux charmes discrets mais puissants, où il est plaisant de flâner à pied, et de s'y baigner, aussi.

François Ier disait d'elle - douterions-nous de la parole du roi ? - que ce fleuve, le cinquième de France par sa longueur, était "le plus beau ruisseau du royaume de France". On ne le contredira point, lui qui fut pourtant élevé dès l'âge de quatre ans au bord de la Loire, à Amboise... Il n'avait pas encore lu Chardonne, mais ne voulait pas froisser les paysans charentais, qui "sont tous des seigneurs"

"La Charente descend toujours vers le soleil. La Charente ne porte plus de canons sur son dos. La Charente lentement a trouvé sa paix," dit encore Pierre Boujout. Avec son air paisible et peu pressée, elle fut longtemps le théâtre d'affrontements et de scènes violentes : qu'on songe à la révolte contre les "gabelous" (qui prélevaient l'impôt sur le sel, la gabelle) dont certains finir au fond du fleuve avec des poids attachés au cou. Ou au sang des combattants protestants - catholiques au XVIe siècle, entre Jarnac et Cognac.

La dernière fois - et la seule et unique fois - où j'étais venu goûter à la source de ce fleuve chéri, ce fut probablement au printemps 1984, où, après avoir tanné ma mère pour m'y emmener, elle céda au caprice du fleuve un après-midi de samedi, comme en pèlerinage. Mon instituteur de cours moyen 2e année cette année-là, zélé et passionné géographe, après nous avoir fait étudier (c'était au programme, est-ce que ça l'est toujours ?) les quatre principaux fleuves de France, leurs sources, leurs longueurs, leurs singularités etc. avait ajouté avec gourmandise "le 5e fleuve de France". On avait de la chance : il coulait sous nos fenêtres, et sa source était proche, dans un endroit accessible. Nous étions invités à aller y traîner nos guêtres. En vérité peu le firent je crois. J'en fus. J'en garde le souvenir ému d'une rencontre à la fois inoubliable et d'une étonnante banalité : rien de noble en apparence dans ce filet d'eau courante s'échappant d'un carré d'herbe spongieux, glissant le long d'un grillage comme un évadé d'une chanson des Frères Jacques... Quelques kilomètres plus loin, ce filet d'eau devenu adulte baigne pourtant les cités Taillefer et Valois, avant d'accompagner l'Hermione vers sa destinée : l'Amérique !

"Ensuite, aller vers le chemin qui marche et jamais ne se retourne, la grande couleuvre Charente, la lente migration du songe  ; attendre les nuages, leur silence de pluie ; prendre le pouls des saisons où la mort peut se glisser sans faire signe" (Daniel Reynaud, Profil songeur de la Charente, été 1995).

Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)
Retour aux sources (rural road trip)

Photos (c) F. Sabourin. Mai 2020

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Chez Mariaux tout oublier

25 Mai 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #voyage - voyage..., #rural road trip

Massignac - Massignac, un voyage à pied (suite et fin). Autour du hameau "Mariaux", en marchant vers celui de "Servolles".

 

« Non loin, quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes,

Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,

Et suivent de leurs yeux languissants et superbes

Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais ».

 

Charles-Marie Leconte de Lisle (1818 – 1894)

Chez Mariaux tout oublier
Chez Mariaux tout oublier
Chez Mariaux tout oublier
Chez Mariaux tout oublier
Chez Mariaux tout oublier
Chez Mariaux tout oublier
Chez Mariaux tout oublier

Photos (c) F. Sabourin - Mai 2020

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Massignac - Massignac, un voyage à pied

22 Mai 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #rural road trip, #voyage - voyage...

Cette partie de la Charente dite "limousine" a bien du caractère... Elle se découvre aussi à pied, autour du lac de Mas Chaban, en passant par Lésignac-Durand et quelques hameaux au charme désuet. Écrasé de soleil, on a souvent pensé à ce poème de Jean Richepin (1849-1926), Chemin creux.

Photos (c) F.S.

Le long d'un chemin creux que nul arbre n'égaie,
Un grand champ de blé mûr, plein de soleil, s'endort,
Et le haut du talus, couronné d'une haie,
Est comme un ruban vert qui tient des cheveux d'or.

Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied

De la haie au chemin tombe une pente herbeuse
Que la taupe soulève en sommets inégaux,
Et que les grillons noirs à la chanson verbeuse
Font pétiller de leurs monotones échos.

Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied

Passe un insecte bleu vibrant dans la lumière,
Et le lézard s'éveille et file, étincelant,
Et près des flaques d'eau qui luisent dans l'ornière
La grenouille coasse un chant rauque en râlant.

Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied
Massignac - Massignac, un voyage à pied

Ce chemin est très loin du bourg et des grand'routes.
Comme il est mal commode, on ne s'y risque pas.
Et du matin au soir les heures passent toutes
Sans qu'on voie un visage ou qu'on entende un pas.

C'est là, le front couvert par une épine blanche,
Au murmure endormeur des champs silencieux,
Sous cette urne de paix dont la liqueur s'épanche
Comme un vin de soleil dans le saphir des cieux,

C'est là que vient le gueux, en bête poursuivie,
Parmi l'âcre senteur des herbes et des blés,
Baigner son corps poudreux et rajeunir sa vie
Dans le repos brûlant de ses sens accablés.

Et quand il dort, le noir vagabond, le maroufle
Aux souliers éculés, aux haillons dégoûtants,
Comme une mère émue et qui retient son souffle
La nature se tait pour qu'il dorme longtemps.

Jean Richepin

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Extérieur pluie

13 Mai 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #voyage - voyage...

- (c) F.S. Le Havre mars 2008 -
- (c) F.S. Le Havre mars 2008 -

- (c) F.S. Le Havre mars 2008 -

"J'aime les grands cargos arrêtés dans les rades, qui ne se mêlent pas à la vie de la ville, et qui libèrent le soir des marins éperdus" (Louis Brauquier, 1900-1976).

- (c) F.S. Rouen août 2008 -
- (c) F.S. Rouen août 2008 -

- (c) F.S. Rouen août 2008 -

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Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)

10 Mai 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #rural road trip, #drôle de guerre

Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)

Au début du confinement, il y a eu cette période de sidération où la ville, fantomatique, respirait le silence. Un silence de mort qu’on ne reverra peut-être pas de sitôt, seulement troublé par les applaudissements et bruits de casseroles le soir aux fenêtres pour encourager les soignants. Au début de ces opérations collectives de bobos de centre-ville, il faisait nuit à 20h, et jour à 7. Les arbres étaient encore nus – à peine les premières feuilles de marronniers perçaient-elles l’air limpide des crépuscules et aubes fraîches. Pourtant imperceptiblement quelque chose fendait l’atmosphère, un air de printemps qui s’en donnait à cœur joie d'autant plus que personne ou presque ne pouvait en profiter. C’était le temps où tout le monde marchait vite dans les rues, essentiellement pour aller réapprovisionner au supermarché, ou faire des joggings de néophytes autour du pâté de maison. On entendait dire que certains se prenaient des prunes parce qu’ils s’étaient assis sur un banc, voire s’arrêtaient pour observer le paysage : c’était au temps du « discernement » des forces de l’ordre. Qui devrait continuer avec le fameux calcul des cent kilomètres « à vol d’oiseau »...

Munis de nos attestations dûment remplies, nous n’avons cessé de sillonner la campagne du nord Charente durant ces 55 jours, par obligations professionnelles d’aide alimentaire. On ne va pas se mentir : si ça n’a pas toujours été serein, ça n’a pas non plus toujours été un calvaire de voir le printemps arriver, au détour d’un village, d’un chemin, de petites routes départementales ou communales, et parfois même dans le maquis de bois isolés.

On en a rapporté quelques images, quasi intégralement prises avec le smartphone, sans arrière pensée et souvent par opportunisme, au gré des rencontres paysagères. Qu’importe, finalement, en regardant ce roman-feuilleton depuis la première, le 24 mars, on se dit que beaucoup rêvaient de voir arriver ce printemps et ne l’ont vu qu’à travers la fenêtre, pour les plus malchanceux, ou par l’intermédiaire de quelques arbres le long des boulevards ou des jardins de villes qui se sont révélés, d’un coup, des trésors inestimables.

Alors bon voyage.

42 photos (c) Fred Sabourin. Mars-avril-mai 2020

Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)
Ce printemps que vous n’aurez pas vu venir (drôle de guerre)

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235 grammes (drôle de guerre)

8 Mai 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #rural road trip, #drôle de guerre

À Xavier, fidèle lecteur.

Il a annoncé d’emblée la couleur, Nicolas Horvath* : « J’ai pu venir car j’ai retrouvé des pièces de 1 et 2 centimes. J’ai tout pesé : 235 grammes en pièces de 1 centime ça fait 1 euro, je connais le chiffre par cœur ! Je suis numismate vous savez, je m’y connais… ». Avant d’ajouter : « mais j’ai environ que 2 euros, c’est toute ma richesse pour aujourd’hui… ».

Parfois, la fortune, ça pèse pas lourd.

- Par ci, par là -

- Par ci, par là -

Il est sorti de son Berlingo bleu azur aux pneus lisses comme un crâne chauve. Derrière le pare-brise, les étiquettes d’assurance et du contrôle technique sont comme certaines denrées ramassées dans les supermarchés partenaires de l’épicerie solidaire : périmés. Le coffre est un bordel incroyable de sacs plastiques en tous genres ; on ne serait pas étonné de voir surgir des marques disparues comme Mammouth ou Euromarché. Il s’excuse : « Pardon, il y a quinze jours je ne suis pas venu, j’avais trop honte j’étais encore plus fauché qu’aujourd’hui ». Son pantalon type chantier, trop large, est sommairement recousu aux genoux, mais il porte un veston et un foulard qui semble être en soie, noué autour de son visage à partir du nez. À V. (petite commune du nord Charente où nous nous trouvons ce matin-là), le pharmacien a annoncé qu’il allait avoir des masques à vendre pour la population. « Mais pas avant le 18 mai », nous dit N., cliente de l’épicerie solidaire itinérante. On se souvient pourtant que cette crise a commencé en janvier, et a pris un tournant dramatique depuis début mars. Dans le nord Charente, on attend toujours les masques...

Parfois, le bal masqué ressemble à une mascarade.

Monsieur Horvath vit seul depuis la mort récente de sa vieille mère – « le 24 décembre, vous vous rendez compte ? » précise-t-il - dans une maison qui ressemble à pas grand-chose au bord d’une petite départementale entre Courcôme et Charmé. Le nom pourrait laisser penser à quelque chose de bucolique. Il n’en est rien. Dans sa cour, un capharnaüm inimaginable témoigne de la vie de quelqu’un qui ne jette rien (ou presque) au cas où ça pourrait servir. Comme beaucoup de personnes à la solitude subie, dès qu’il sort et voit du monde, il parle, parle, parle, une logorrhée dont on ne voit jamais le bout, les phrases s’enchaînant les unes aux autres comme cousues serrées par des points de suture. Il demande à toutes les bénévoles leurs années de naissance pour, la prochaine fois jure-t-il, nous offrir une pièce de l’année en question. « Une pièce étrangère, ça ne vous gêne pas ? ». Pourquoi donc cela nous gênerait ?

Parfois, les pauvres sont très généreux. Ils n’ont ni or ni argent mais quelques pièces étrangères. Des kopecks, peut-être.

- Sur la route -

- Sur la route -

On remplit tant bien que mal son cabas de produits de première nécessité. Et même du frais et du poisson surgelé. Des ailes de raies. Il exprime une joie indicible. C’est fou ce que ce poisson déclenche comme exotisme. Les bobos urbains devraient le savoir avant de venir s’installer à la campagne.

À l’arrivée en caisse, on scanne un à un les produits, en espérant ne pas trop dépasser les deux euros. Même à 10 % du prix, on y arrive vite… Quand tout à coup, un « miracle » se produit. Il ouvre une poche zippée de son sac glacière, plonge sa main farfouillant à l’intérieur sans qu’on sache ce qu’il va en faire apparaître et découvre quelques pièces jaunes : « Hourra ! » s’exclame-t-il, « Je suis plus riche que je ne croyais ! ». De deux euros on passe à trois. Byzance n’est plus très loin.

Parfois, je suis content que Bernadette Chirac et David Douillet n’aient pas récupéré toutes les pièces jaunes dans des boîtes en carton.

Pourtant, il en manque encore. Pas beaucoup, mais il en manque. On laisse filer, « on verra en comptant la caisse » se dit-on en aparté. C’est tout vu. Monsieur Horvath parle encore, et encore, en s’éloignant alors qu’on l’aide à porter ses sacs jusqu’à sa voiture. Il espère revenir dans quinze jours, mais quinze jours, cela semble si loin… Dehors, près des halles, c’est pour l’instant tempête de ciel bleu et soleil de gloire. Un air d’été. Une petite musique nous vient à l’esprit, et ne nous quittera pas tout le long de la route du retour. Celle d’Aznavour : « Il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil »

Parfois, n’en déplaise à Charles, je pense qu’il a tort.

* le nom a été changé.

235 grammes (drôle de guerre)

Photos (c) F.S.

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Sur la route (drôle de guerre)

22 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #rural road trip, #drôle de guerre

- Quelque part en Europe, au pays d'Alinéor -

- Quelque part en Europe, au pays d'Alinéor -

Elle a explosé de mille feuilles, avec ce vert cru du printemps ressuscité d’entre les morts, accompagné de pluies chaudes qui feraient presque songer aux orages d’été, lequel semble pourtant loin... La nature est belle à fendre le cœur, et le camion de l’épicerie solidaire taille les grises petites routes départementales à destination des cinq communes du nord Charente où clients et bénéficiaires viendront remplir un peu leurs cabas du nécessaire, oublié le superflu.

- land art in Aunac-sur-Charente -
- land art in Aunac-sur-Charente -

- land art in Aunac-sur-Charente -

Arrivée à Aigre – rien que le nom de la commune pourrait donner des aigreurs d’estomac – la petite troupe installe vite, vite, son petit cirque ambulant, dans la salle des fêtes au rez-de-chaussée de la mairie qui en a vu d’autres et probablement des plus joyeuses. On dirait un bal masqué vénitien, chacun s’agite selon une chorégraphie improvisée, aux gestes sûrs pourtant. « Ça ? ici. Ça ? Là. Tout le monde est prêt ? On a mis le flacon de gel hydroalcoolique à l’entrée ? Ok c’est bon on peut y aller alors ». On appelle les gens, un par un, on vérifie que les prescriptions des travailleurs sociaux sont à jour, on donne les consignes : respectez les distances sanitaires, les gestes barrières, etc. Qu’il semble loin, le temps de la terreur liée aux risques d’attentats, les fouilles, tout ça… On s’enquiert des nouvelles de l’une, s’inquiète de l’absence d’un autre. La résignation – la résilience ? – domine au dessus de chaque crâne, et, malgré les masques, on sent parfois poindre un sourire ici ou là, pas mécontent de nous voir maintenir à bout de bras l’aide alimentaire, avec les moyens du bord.

- Ceci n'est pas Abbey Road -

- Ceci n'est pas Abbey Road -

C’est dans le dernier quart de la file d’attente qui s’est formée qu’a jailli Victor. Un grand bonhomme sans âge – 55-60 ans, peut-être ? – le visage émacié dont le menton est bouffé par un masque et le reste mangé par une barbe blanche jaunie par le tabac au niveau de la moustache ; des cheveux à l’identique de ceux d’un juif errant, d’un pâtre grec : aux quatre vents. Un regard azur comme la ligne bleue des Vosges. Victor parle français en roulant les r, mais on le comprend parfaitement. Victor vient, nous dit-il quand on le lui demande, de Transylvanie. Il n’a pas dit « Roumanie », il a dit « Transylvanie ». Avec lui débarque un grand vent d’Est, de forêts profondes et inquiétantes, de voyages à pied. Victor fait la route, un routier comme on en voit sans doute peu – pas un routard, trop connoté – un chemineau, quelqu’un qui « chemine ». Depuis longtemps ? Oui, visiblement. À pied, à vélo : « je suis sans domicile fixe » avoue-t-il mais on s’en doutait. Victor est propre, sa casquette n’est pas crasseuse comme on pourrait l’imaginer. Aux pieds il porte des croquenots de montagne à bouffer du bitume et les chemins noirs - qui sont en réalité blancs - sur les cartes au 25.000e. Victor est un arpenteur. Il se joue des contrôles de gendarmerie : « Il me demandent de rentrer chez moi… Mais je n’ai pas de chez moi ! ». Victor a « entendu parler » de cette distribution alimentaire – pourtant réservée à ceux qui ont une prescription pour en bénéficier – il a besoin de nourriture, c’est tout. Que faire ? Lui dire de rentrer chez lui, nous aussi ? « Je dors dans une maison abandonnée, là bas (il esquisse un geste vers on ne sait où) ; demain je vais à Rouillac. Après… ? Je ne sais pas, difficile, pas de travail dans les champs pour les récoltes de fruits et légumes, tout est bloqué, j’aimerai bien travailler mais… » explique-t-il, le regard droit mais doux, avec cette espèce de sérénité mâtinée de résilience de ceux qui n’ont plus de port d’attache depuis longtemps, mais un sacré sens de la débrouille. Aujourd’hui ici, demain ailleurs, qui vivra verra. Victor n’a pas d’argent, mais il a faim.

Alors on lui donne des pâtes (« le riz ça cuit trop longtemps, je n’ai plus de gaz… »), des céréales, du beurre, du poulet basquaise en plat individuel, une boîte de maquereaux, des fruits au sirop, des tomates pelées en conserve, un savon, du chocolat… Il fourre tout ça dans un sac et remercie, puis s’en va. En le regardant s’éloigner – on ne le reverra jamais, il n’a pas de téléphone impossible de savoir où il sera demain soir ni s’il a besoin de quelque chose – nous reviennent dans la gueule ces vers d’Aragon, qui prennent tout à coup une épaisse réalité inattendue :

« Que ton poème soit dans les lieux sans amour

Où l’on trime où l’on saigne où l’on crève de froid

Comme un air murmuré qui rend les pieds moins lourds

Un café noir au point du jour

Un ami rencontré sur le chemin de croix ».

(Ce que dit Elsa, 1942)

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