Le petit chat est mort
Putain l'année commence mal...
2012, l'année de la... ?
- Ma biscotte ! -
On ne sait pas où on va, mais au moins on a fini 2011 avec le sourire...
Ordure ?
"Noël, Nouvel an, No futur"
(inspirée par un autre blogueur persifleur, merci à lui).
Pour le reste, vivement l'année prochaine, qu'on passe à autre chose. Si c'est encore possible...
Zone
(un projet photographique)
- Sans issue -
Les photos que vous allez voir ci-dessous ont dormies pendant à peu près un an dans le disque dur, très dur, de mon ordinateur. C’est comme ça, parfois, on choute des trucs sans trop réfléchir et on se dit que « ça pourra servir plus tard. » Dans le cas présent de ce « choute » rouennais, cela n’était pas complètement irréfléchi. Ce projet photographique, je l’avais longuement pensé avant d’aller sur place. Il s’agit d’une zone urbaine aux portes de Rouen, à Saint-Etienne-du-Rouvray. Un endroit peu glamour en vérité, cerné par le boulevard Lénine (tout un programme !), les cheminées d’usine, la voie de chemin de fer, une autre usine, et la Seine. Là sont aussi échoués des hôtels bon marchés où l’on peut arriver et repartir sans avoir croisé un être humain, il suffit d’avoir une carte de couleur bleue. Près de cet endroit il y a un rond point, bizarrement nommé « des vaches, » parce qu’il y a des statues de vaches au milieu, inertes, semblant regarder passer les automobilistes et camions filant vers d’autres lieux moins inhospitaliers.
C’est l’apparente absence d’êtres humains qui m’avait justement attiré là, un jour d’automne froid et pluvieux, où les beaux jours ne sont plus qu’un vague souvenir, et où l’hiver s’annonce à petits pas, avec ses lumières froides et grises. J’étais souvent passé, en voiture, sur le fameux boulevard Lénine, qui se poursuit en boulevard Industriel, coincé entre les lignes de chemin de fer et la zone industrielle. Ce coin-là me paraissait un no man’s land, comme on dit. Mais on voyait bien que des gens habitaient là, entre les maisons abandonnées, une rue construite à la manière des corons du nord, cité – usine pour ouvriers échoués au milieu de rien ou si peu, rues sans issues et boulevards passants, parkings d’hôtel d’un soir et cheminées d’usines.
Cela semblait irréel, comme hors du temps et pourtant la trace de l’homme était partout, à bien y regarder. Voitures, jardinets, balançoires, poubelles, caravanes, plantes, rideaux aux fenêtres, chiens de garde.
J’ai passé la matinée à photographier ce lotissement à demi habité, à demi abandonné, ces rues boueuses et routes passantes (me répétant sans cesse, « boulevard Lénine »), en me disant que cette matière finirait, un jour, par servir. J’ai photographié jusqu’à ce que, de façon inattendue, le soleil perce les nuages. Ça changeait tout, et ce n’était plus la lumière que je voulais. Je suis parti.
J’ai repensé à ces photos en voyant, il y a quelques jours, une zone similaire près de Vendôme, dans le département où je vis désormais. Alors je me suis dit qu’il était peut-être temps de ressortir cette série et d’en faire quelque chose.
- Venir -
- Sud -
- Welcome -
- Fuite ? -
- Habiter -
- Spectacle permanent -
- La vie de château -
- Partir -
- Allo ? -
- Couleur -
- Sans issue (n & b) -
(c) Fred Sabourin. nov 2010 - dec 2011.
Triple andouille
- Aaaaaaahhhh ! -
La France risque de perdre son « triple A » ! Ah ! Ah ! Ah ! Ce n’est pas drôle pourtant, nous disent les spécialistes et autres experts qui se nichent dans de bien étranges agences de notation. Des Cassandre de tout poil et toute espèce prédisent le pire, qui n’est jamais certain mais qui peut venir. Un certain roi de France et de Navarre, Béarnais de surcroît, disait : « Ce qui doit arriver ne peut pas manquer. » A droite comme à gauche – je parle de bords politiques – on joue les innocents : « Ah bon ? Triple A ? Connais pas… » Le petit Nicolas qui voulait noter tout le monde (ministres, profs etc.) se retrouve noté à son tour : il va perdre un « A ». Ah, ah, ah ! Et sûrement plusieurs… C’est justice non ?
Evidemment, ceux qui risquent d’en prendre un peu plus plein la gueule, on les connait. Ce n’est pas difficile, ce sont les mêmes que la dernière fois, avec en plus des nouveaux arrivants qui perdront le peu qu’ils avaient réussi à arracher de la dernière dégringolade. Suivez mon regard.
Triple A donc. AAA. Comme l’andouillette. Vous avez déjà vu ça, au restaurant, « andouillette AAA », et même parfois AAAAA ! La classe ! Les charcutiers se défoncent pour faire de cette cochonnerie qui doit sentir la merde – mais pas trop – un produit goûteux et savoureux bien que difficile à digérer.
Je me souviens d’un charcutier particulièrement talentueux, à Angoulême, qui faisait de l’andouillette à tuer sa mère, comme on dit. D’ailleurs, depuis le temps que je le dis, j’aurai du le faire (tuer ma mère, NDLR). Albert Passebon avait un nom prédestiné pour devenir charcutier. Il avait un stand sous les très chic halles de la ville, et ses andouillettes étaient réputées jusqu’au bout du monde. Il était sympa et avait la tête de l’emploi, avec cet humour lourd mais qu’on aime bien chez les commerçants de proximité (comme on dit connement aujourd’hui qu’ils ne sont presque plus là). Quand une bourgeoise du plateau angoumoisin lui demandait s’il avait « des pieds de cochon », il regardait vers le sol et disait : « non ». Idem avec la tête de veau. Là il se touchait les joues et le front et disait : « ben non, j’ai une tête normale ! » Oui, c’est vrai, hors contexte c’est lourd, mais quand on fait la meilleure andouillette « AAA » du monde, on peut se permettre de faire le triple sot.
Le jour où il a annoncé qu’il allait prendre sa retraite, j’ai cru qu’il y aurait une vague de suicides à Angoulême. En fait, non, personne ne s’est jeté sous le train à la sortie du tunnel qui passe sous la ville, pas plus que du haut des remparts. Quand je lui ai demandé si quelqu’un reprenait derrière lui, et s’il avait transmis son savoir-faire, le bon Albert, roi de l’andouillette, a dit : « Non, personne. J’ai une fille mais ça ne l’intéresse pas. C’est un métier difficile et les horaires sont assez matinaux, alors vous pensez… » La s…pe. J’espère aujourd’hui qu’elle regrette amèrement ce choix à la con. Surtout si elle bosse chez Standard and machin truc, qui s’amuse à parler du triple AAA comme s’il s’agissait juste d’une note d’école élémentaire. Auquel cas, elle se venge des réveils nocturnes de son charcutier de père pour mettre les mains dans le cochon.
En attendant, ça fait une paie qu’on n’a pas mangé de bonne andouillette AAA. Et vu le merdier qui s’annonce, on ferait peut-être bien d’en faire provision.
Ah, ah, ah.
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On apprend dans un stupéfiant article du journal Le Monde du 8 décembre que « Lassé par la politique, Eric Besson rêve de football. Il pourrait reprendre le club OGC Nice après le 6 mai 2012 ». C’est dire si la confiance règne au Palais… La fin est proche.
Toujours dans le même article, on apprend « qu’il ne fait plus rien et passe ses journées sur Twitter. » Ce qui permet à Cécile Duflot d’Europe-Ecologie-les Verts de lui envoyer cette répartie moqueuse à l’invitation du ministre à participer à un live touite contradictoire sur l’accord Verts-PS : « Quand vous aurez fait un audit sur la sûreté nucléaire, sans problème. Plus urgent pour un ministre que de faire le kéké sur Twitter, non ? »
Pour la Duflot : AAA !
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Ce matin dans la matinale de France Cul, la chronique du toutologue Philippe Meyer portait sur les palindromes et anagrammes. Un régal. Exemple : ministre est l’anagramme d’intérims.
C’est bien ça. Les intérimaires en place depuis mai 2007 commencent à chercher à se recaser vite fait.
A Angoulême, il y a sous les halles un stand de charcutier disponible… Têtes de veaux et pieds de cochons acceptés.
Les mains d'or
- Mano à mano -
Au risque de déplaire à certains – tant pis – je répète ce que j’ai déjà écrit ici : le métier de journaliste localier est un beau métier. Pour peu qu’on sache regarder dans les marges pendants les « trucs » officiels, les conférences de presse (agrume ? livre ?) se révèlent alors sous un autre jour.
Celle où je prends place, ce matin-là, à tout pour (dé)plaire. Le Conseil général invite à se réjouir du déblocage « d’une enveloppe exceptionnelle de 445.000 € d’aide aux agriculteurs éleveurs qui ont souffert de la sécheresse » (je cite). Grâce aux malpropres qui ne respectent pas le Grenelle à Borloo, le climat est déréglé, et les calamités que ce dernier envoie annuellement dans ses colères permettent aux élus locaux en quête de réélection de « débloquer des enveloppes. » A ce prix-là, 445.000 €, on devrait carrément parler de valises. Mais je sens que je dérape.
Donc on est invité. Et plutôt bien, avec ça. Café, jus d’orange, petits gâteaux, « servez-vous, » nous dit la charmante dame de la communication (pléonasme) en nous priant de nous asseoir. Bon, d’accord. Le café, au Conseil général, ce n’est pas un breuvage de bonnes sœurs, comme on dit ailleurs, alors j’en prends volontiers, et même deux fois comme ça j’économise sur celui de ma rédaction, plus douteux question saveur.
Ça commence. Autocongratulations d’usage, et formules idoines : « On a toujours répondu présent, et on répondra toujours présent, » lance le président. C’est donc simple comme un coup de fil. Bon, ça blablate, de toute façon, on a tout sur le communiqué, et vas-y le vieux journaliste dans le coin là bas qui connaît tout le monde et que même le président du CG il lui fait la bise (très mauvais mélange des genres… mais à 65 ans on ne retoque pas un confrère, c’est un coup à s’en prendre une dans la gueule, jeune merdeux), il y va de ses vannes. Sauf que ça agace le président, etc etc. Bref. Il faut s’évader d’urgence, par l’esprit j’entends.
Et c’est là que sur la table, au-delà des tasses à café désormais vides dont certaines dessinent des ronds brunâtres du la table, je vois deux paires de mains, quasiment identiques. Des grosses mains, des pognes même comme on dit chez moi, avec l’annulaire boursoufflé par la présence d’une vieille alliance. Des mains qui se croisent, et se décroisent, dans cet auto contact bien connu des gens légèrement stressés. Alors je regarde les propriétaires de ces mains, calleuses, des mains qui n’appartiennent sûrement pas à des Énarques. Et pour cause : ce sont celles d’agriculteurs. L’un est président de la FDSEA, l’autre est conseiller de canton, agriculteur de son état.
D’un coup, ces mains-là me réconcilient avec la politique. Je me dis, peut-être un peu benoîtement, que ces gros doigts fermes, ces pinces monseigneur ont servi et servent encore à autre chose que de tenir un stylo ou des biftons. Dans un coin de mon crâne, j’entends la chanson de Bernard Lavilliers, Les mains d’or. Dans le cas qui nous intéresse, il ne s’agit pas de rendre hommage aux ouvriers des laminoirs, mais des grattes mottes de terre et autres porteurs de foin. Les paysans, les vrais.
Oui, je sais, c’est idiot. Mais ces mains-là, ce jour-là à cet endroit-là, leur chaleur apparente et leur expérience au travail, faisaient oublier la grande et belle opération de com’ à laquelle, malgré nous, nous étions en train de communier.
Avec du café.
L'âge du non
- Tordu -
L’auberge dans laquelle je prends place à Saint-Viâtre, au cœur de la Sologne dite « des étangs », ne brille pas par la chaleur de son accueil. Je ne parle pas de celui de la maîtresse de maison, qui est poli et comme on doit s’y attendre, mais bien plus de la froideur du lieu. Il doit y avoir un problème de chauffage, et les radiateurs électriques portatifs flanqués dans les angles de la pièces semblent aussi peu efficaces que les ingénieurs de l’EPR de Flamanville.
L’endroit est désert, et ce n’est pas pour me déplaire. Alors que j’attaque par la face nord le buffet d’entrées (avec des harengs à l’huile et aux oignons…), je change brusquement d’avis. Vient de rentrer un couple avec une charmante petite fille de deux ans environ. Je ne crois pas me tromper sur l’âge : elle dit non à toutes les sollicitations qui lui sont faites. Faut dire que ses parents sont doués pour poser des questions qui ne devraient pas l'être à un gosse de cet âge-là, même si on possède de fortes valeurs démocratiques et participatives. Nous sommes en république, au nom de quoi un enfant serait-il « roi » ?
Il y a d’abord la question des toilettes : « veux-tu aller faire pipi ? » se risque sa mère. « Non ! » répond le tyran en devenir. Elle insiste, re-non. Elles finissent par y aller, et je vois le joli minois de Tiphaine (c'est son prénom) barré d’une énorme tétine qui ne devrait pas être plantée là à son âge et surtout à cette heure-ci de la journée.
Elles reviennent et le monstre prend place sur une chaise haute, adaptée pour elle. Et le festival commence. Alors qu’elle s’évertue à se lever, ses géniteurs passent leur temps à lui demander de s’asseoir, ce qu’elle consent à faire qu’à grand renfort de menaces, qui ne s’abattront jamais sur elle et elle le sent bien. « Assis ! » (même ordre que pour un chien). « J’ai dit assis ! » (la mère s’énerve). « Assis ou tu prends une fessée ! » (le père s’y met). Là, ça semble fonctionner, le temps regarder son menu seulement… « Tu veux une fessée ? » demande la mère, excédée.
Que croyez-vous que Tiphaine répondit ? « Non ! » Pas folle la guêpe.
Je n’en peux plus, et en plus on se caille. Le café et l’addition en même temps svp, et zou, me voilà dehors sous le soleil solognot qui réchauffe sacrément l’atmosphère. Pendant que j’étais à me geler le derrière en ingurgitant l’émincé de volailles sauce-tomate, j’eus le temps d’entendre le père dire à la patronne : « elle est réveillée depuis 6 heures ce matin, » comme pour justifier l’énervement de la moutarde. En sortant, je me dis qu’elle échappe donc à ce principe qui d’ordinaire se vérifie pourtant : faites faire des activités difficiles ou bruyantes à des gamins, ils seront fatigués. Et c’est bien connu, les gens fatigués sont moins fatigants. A ce rythme, ses parents – s’ils ne donnent pas la fessée maintes fois promise – le seront avant elle.
En regardant le clocher et la perspective du château d’eau, je me demande si je n’ai pas un peu forcé sur le rosé. Le clocher semble tordu. Le rosé n’y est pour rien (seulement ¼ compris dans le menu à 12 € entrée – plat – fromages – dessert – café). Il s’agit d’un clocher tors, une soixantaine sont visibles en France.
- Confort moderne -
Saint-Viâtre, 1164 habitants, son clocher tors donc, sa maison des étangs, ses deux auberges – restaurants, sa pharmacie, sa boulangerie et le tabac presse devant laquelle la Une d’un journal de papa rat d'zi triomphe avec je ne sais qui. Je ne travaille pas pour ce journal et je m’en réjouis.
Le site internet du village précise : « Un tissu commercial de proximité complète les services rendus. Un médecin et un pharmacien veillent sur la santé de tous... on trouve également une poste et un guichet de banque. »
Merci docteur et le bon apothicaire de veiller sur les habitants de ce gros bourg…
On y apprend également que : « au cours du XVIIe siècle, le nom du village s'est transformé pour devenir Tremblevif, probablement à cause des "fièvres intermittentes" (ou paludisme) qui sévissait alors. Au XIXe siècle, ce nom est devenu difficile à porter et à la demande de la commune, le village prit le nom de Saint-Viâtre en 1854. »
On comprend aisément pourquoi.
- Gilet non fourni -
- Sans titre -
Peu de bruit pour (presque) rien
- Ô combien de marins ? -
Quinze jours de rien, la tête vide ou presque, une moisson insignifiante de photos. Maigre bilan des « vacances » qui n’en étaient pas vraiment, comme un interminable vendredi de carême dirait l’autre. Pourtant, il y aurait beaucoup à dire, et donc à écrire, sur les aires d’autoroutes par exemple. Je n’aime pas l’autoroute - c’est cher et on rate les petits bleds aux bistrots surannés et commerces désuets - mais en revanche j’aime bien les aires d’autoroute. Je ne les aime pas pour ce qu’elles sont, ni pour ce qu’on y mange ou boit, mais pour ce qu’on y voit, sent, entend. Un concentré de France encore riche (faut avoir les moyens pour prendre l’autoroute), familiale, commerciale, et routière. Sur ce dernier point, j’aime bien constater que depuis l’époque où mon père faisait ce métier, les routiers ont vachement progressés question confort et ingéniosité de cuisine débrouille et système D. De vrais petits chefs cuistots, et les cabines de camions se transforment en ateliers culinaires à ciel ouvert. On entend frire les poêles devant lesquelles patientent de gros hommes en sabots et pull à cols zippés ou gilets polaires sans manches. S’ils sont souvent assez enveloppés, c’est la faute à l’immobilisme lié au métier. Les deux Belges aperçus sur l’aire de Longué-les-Cossonières, dans le Maine-et-Loire, ont l’avant du camion qui bascule formant ainsi un petit plan de travail. Assis sur deux minis tabourets dont on jurerait qu’ils vont ployer sous leurs séants, l’un d’entre eux prépare un truc qui frit pendant que l’autre met le couvert sur la mini table. Ils s’apprêtent à manger dehors, comme en plein été, alors que la température est tout juste acceptable. Signe des temps, de la crise ou peut-être plus simplement du bon goût, les deux mastards préfèrent manger leur popote que d’engloutir des sandouiches thon ou poulet mayonnaise à 4,5 € qui laissent sur la faim et donnent la gerbe. Espagnols, Portugais, Belges et Roumains de tous pays, unissez-vous contre notre malbouffe !
Près des toilettes – c’est tout dire – les machines à café, thé, chocolat et potages attirent le chaland. On peut présager que la marge sur ces boissons doit approcher les 70%. Le manque de goût de ces breuvages n’a d’égale que la honteuse réputation de fine bouche française. Il en coûte désormais 1,2 € voire 1,5 € (pour un thé !). Difficile de trouver quelque chose au prix symbolique de 1 €. Parfois je me dis que comme métier, j’aurais dû faire loueur de machines à café.
Dehors, sur les parkings entre les pompes à essence au prix du litre plus cher qu’un litre de vin rouge (faut pas rouler bourré ça coûterait une fortune), et les magasins de stations où on vend de tout – qui a donc l’idée saugrenue de faire ses courses ici ? – des voitures chics à côté desquelles la notre fait pâle figure. Quand me vient l’envie de prendre l’autoroute avec ma vieille 306 diesel de presque 310.000 km, je m’amuse à la comparer avec les grosses cylindrées immatriculées dans le 7-8 ou le 9-2. Les gens qui en sortent sont bronzés toute l’année, ont des chemises blanches et des jeans « slims » pour les hommes et des talons pour les dames. Certaines ressemblent à des p… mais en moins bien car franchement plus vulgaires.
Le pire, ce sont les moutards mal élevés qui profitent de la fatigue de papa au volant et de la résignation de maman pour faire acheter l’inachetable : bombons en tous genres, glaces, boissons sucrées qui font grossir etc. Ils courent partout et manquent de renverser les cafés achetés à prix d’or. Le pire du pire : le savon des stations d’une marque d’essence aux bénéfices records de 14 millions d’euros, qui vous colle aux mains jusque tard dans la journée. C’est la totale.
Il est temps de foutre le camp d’ici.
Heureusement, l’île où nous nous rendons nous offre le spectacle d’une route submersible historique – le passage du Gois – qui disparait sous les flots toutes les douze heures. Si ce n’était la présence du pont, depuis 1971, on se sentirait vraiment à l’écart du monde.
Novembre est là à Noirmoutier et les hordes touristiques insupportables n’y sont plus, la plupart des maisons sont fermées et ouvertes aux cambrioleurs. Je ne suis point Arsène Lupin, je ne fais que toucher avec les yeux. Il flotte ici un parfum de Méditerranée au bord de l’Atlantique. On sent le sel et le varech à plein nez, et les bulots, huitres ou autres délices de l’Océan sont à prix (très) abordables.
Y revenir, avant vingt ans comme lors de ma précédente visite. En écrivant cela on dirait que je sors de prison…
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En allant à la préfecture de Loir-et-Cher (retour aux réalités du travail), croisé deux adolescents / branlotins pur jus dont l’un des deux bâillait à s’en décrocher la mâchoire. On voyait presque ses amygdales. A la main, un téléphone qui crachotait de la musique insipide. Il s’est couché tard le gamin. Crois-tu que c’était pour regarder l’excellent No country for old men des frères Coen diffusé hier soir sur France deux ?
- Ligne de fuite(s) -
- Solitude automnale -
No comment
- Nature (morte) -
En attendant le retour des écritures...
Tiens au fait Charlie a brûlé.
Et personne pour soupçonner Siné ?
Si c'est pas une erreur judiciaire ça !
Bourlingue & vagabondage jusqu'au 13 novembre environ.
- Mangez-en tous -
Les Sénégalaises
- Nocturne tourangeau -
Bien avant les poules, le laitier et les éboueurs le réveil a sonné ce mercredi, à une heure que je connais puisque c’était celle de mes levés aux aurores pendant 370 matins où j’allais piloter une matinale radio. Un rendez-vous avec les chefs du journal qui me nourrit m’attendait dans cette bonne vieille ville de Bordeaux, il me fallait donc rejoindre la gare de Saint-Pierre-des-Coprs en voiture, l’heure (trop) matinale interdisant tout départ de la cité blésoise pour cause de déficience du service public. Après m’être difficilement délesté de deux euros dans le voleur parcmètre (en espérant que les pervenches restent au chaud ce jour-là car je n’ai bien sûr pas mis assez), le train démarre direction Poitiers où m’attend une correspondance.
A Châtellerault montent quatre adolescentes pure sucre, qu’un écrivain persifleur rouennais nomme avec justesse et drôlerie « branlotines » (et « branlotins »), portables blaque berry en main, parfums forts et juchées sur des talons compensés. Elles ont quinze ans et doivent être en seconde, si j’en juge par les options langues étrangères dont elles parlent (Italien, Arabe…). Elles pianotent frénétiquement sur leurs portables tout en devisant sans se soucier de ma présence.
- Ah tiens ! C’est l’anniversaire de Léa aujourd’hui !
- Comment tu sais ?
- C’est marqué sur fesses bouc ! Oh, on a trois amis en communs… Remarque cet aprème je vais chez elle pour son anniversaire.
- Tu es toujours meilleure amie de cette fille d’Aix-en-Provence ?
- Non, je n’ai pas écrit un texto ni un fesses bouc depuis… octobre l’année dernière tu vois.
- C’est chaud de rester ami sur fesses bouc quand même.
- ouais, à moins de monter à Aix, je ne vois pas comment faire.
- Descendre à Aix. (dit sa voisine de gauche, visiblement plus au fait de la carte de France qu’elle)
- Ouais bon on s’en fout. Je ne vais pas aller à Aix et pis c’est tout.
La quatrième « branlotine » claironne que c’est son dernier jour de classe avant les vacances, parce qu’elle « part au Sénégal avec mes parents ». Elle fait l’admiration mâtinée de jalousie de ses comparses.
- La Chine, les Etats-Unis, maintenant le Sénégal ! C’est toujours avec le boulot de tes parents ?
- Non, là c’est pour des vacances tu vois.
- C’est où d’ailleurs le Sénégal ?
- C’est dans la corne de l’Afrique.
En disant cela, elle mime dans le vide avec son doigt la carte de l’Afrique et lui montre la partie ouest de cette dernière, soit l’exact opposé de la « corne de l’Afrique. »
- Ah ouais, je vois. C’est bien en dessous du Maroc, tout ça.
- Oui, vachement.
- Tu veux que je te donne des cours d’arabe ?
Visiblement elle en prend, mais doit sécher elle aussi les cours d’histoire-géographie.
Le festival continue :
- Samedi je vais à une fête de premières (suscitant l’admiration mâtinée de jalousie des trois autres)
- Ah t’as d’la chance, moi les vacances, faut que j’garde mes frères, tu vois le genre ? Et Julien il est au courant que tu vas à cette fête ?
- Non, tu penses. Sinon il ferait encore sa crise tu vois…
- Ça fait longtemps que vous êtes ensemble maintenant ?
- (elle réfléchi) Ça fait… ça va faire un an lundi !
Juste avant d’arriver à Poitiers, elles remarquent les ongles à paillettes d’une des quatre du mini club, qui arbore aussi des lunettes façon Audrey (Montebourg) Pulvar.
- Ouah, trop la classe, comment t’as fait ?
- Ben au début, je mettais les paillettes sur les ongles et puis j’ai fini par mettre les paillettes dans le pot à vernis et à tremper mon doigt dedans !
Elles se lèvent tout en parlant des cours à venir, de « Monsieur Machin prof de.. », de « Madame Truc prof de.. » etc., laissant derrière elles des effluves de parfums de grandes dames, ce qu’elles sont encore loin de devenir malgré les artifices arborés. Me vient en tête une chanson des Frères Jacques : « Si tu t’imagines, fillette, fillette, » chantée aussi par Juliette Gréco.
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A Bordeaux, ville souvenir, de l’époque où nous habitions Marmande au début des années 80, et où la belle endormie des bords de Garonne était un but excitant de balade dominicale. Les façades étaient noircies de pollution, Chaban-Delmas maire depuis presque quarante ans, Robert Hossein y tournait Les Misérables et le centre commercial portait déjà l’étrange nom de « Mériadek ».
Ville souvenir, quelques années plus tard, en chemin vers la garnison de Mont-de-Marsan où je servis sous les drapeaux pendant presque un an. Souvent en rade à la gare de Bordeaux, pour des attentes bâtardes de deux ou trois heures et en début de soirée, le temps de ne rien entreprendre. Sac paquetage à l’épaule, impossible de bouger ailleurs que dans les bistrots adjacents, aux ambiances fétides de petits trafics, de putes aux origines douteuses et de filles à soldats, souvent les mêmes d’ailleurs. Aujourd’hui Bordeaux est redevenu la bourgeoise qu’elle ne cessa jamais d’être vraiment. Centre-ville piéton chic, boutiques de fringues ou de luxe (et souvent les deux), quelques kébabs pour faire populo et un tramway pour faire socialo.
Dans la rue menant à la gare, une fille à piercing et chargé de sacs de courses parle fort au téléphone. Elle ne devrait pas, vu le contenu de ses propos :
- Putain, grave, on était en stress, ils étaient quatre autour de nous, et encore heureusement qu’ils n’avaient pas les chiens sinon ils en auraient trouvé partout dans la bagnole et les passagers ! Dans ces moments-là tu sers les fesses, et après tu te retournes pour voir s’ils ne te suivent pas, tu vois ?
Mais de quoi et de qui parlait-elle donc…
Gare de Bordeaux : la grande carte murale du réseau ferré d’Aquitaine et Midi-Pyrénées. Seul élément du décor qui me fasse ici rêver.
Place de la Bourse : les statues entourées de moches rubans roses témoignant d’une quelconque opération de lutte contre je-ne-sais-quoi, mais probablement une maladie. Pas celle du mauvais goût en tout cas.
Dans le tégévé du retour, deux femmes « d’affaires, » la trentaine, dont l’une d’elle dit :
- Si je suis si intraitable sur la sécurité, c’est parce que les gens ne se rendent pas compte du risque qu’ils font prendre à l’entreprise.
C’est surtout par trouille de perdre son poste, on sait combien la santé des salariés importe assez peu, dans « l’entreprise. »
Gare de Poitiers (retour) : grosse démonstration de force des agents de « sécurité ferroviaire, » qui filtrent les accès aux quais, flanqués des contrôleurs en livrée mauve et grise. On les voit beaucoup moins quand la nuit tombe et à l’approche des grandes villes « chaudes ». Ayant souvent fait du Paris – Lyon et Paris – Rouen à des heures tardives et nocturnes, ces trains sont souvent livrés à eux-mêmes, dans le style trains-fantômes…
La contrôleuse fait les annonce dans un Anglais charabia, ce qui laisse songeur quant au niveau scolaire de l’enseignement des langues étrangères dans notre beau pays de France. Les non francophones comprennent sûrement mieux la phrase en français que le gloubi-boulga qui suit.
Arrivé à ma voiture je constate avec délice que la dégradation du service public peut avoir du bon : pas de pévé malgré mon ticket dépassé depuis trois heures…