Pantin (Zone, session 3)
- Godasses -
- Ligne de fuite -
- Trait d'union -
- Ici ou là -
(c) Pantin, Porte d'Aubervilliers, Canal de l'Ourcq. Janvier 2012.
Monsieur le Président, je vous fais une lettre...
Cette fois c'est sûr : ce blog est espionné en haut lieu (cf article précédent).
Un seul mot d'ordre : rester soi-même.
Je pourrai dire qu'aux derniers voeux de Nicolas, "j'y étais" !
(merde, faut que je retrouve une cravate...)
PS : il va sans dire que je vous raconterai ça ici, bande de lascards... Comptez sur moi !)
C'est pas possible...
D'après vous, qui a bien pu dire :
«En cas d’échec, j’arrête la politique. Oui, c’est une certitude.»
«De toute façon, je suis au bout, dans tous les cas, pour la première fois de ma vie, je suis confronté à la fin de ma carrière.»
«Vous voulez que j’anime des sections UMP ? Je ne mérite pas ça. Je préfère encore le Carmel. Au Carmel au moins, il y a de l’espérance !»
En tout cas, je changerai de vie complètement, vous n’entendrez plus parler de moi!»
« Si l’on veut être aimé dans le futur, il faut couper.»
******************
Alors ? Non ? Vous ne voyez pas ?
Vous n'allez jamais le croire : le petit Nicolas ! Le prince de la République, lui-même !
(Dans "Le Monde" daté du 25/01/2012)
Dingue, non ? On ose à peine y croire... D'ailleurs on n'y croit pas du tout.
Dommage, parce que le "vous n'entendrez plus parler de moi," c'est drôlement tentant.
Quant à être aimé dans le futur, faut pas exagérer non plus...
Mais "couper", ça oui.
Allez, l'espoir fait vivre (y parait).
L'ordre blanc
Ça nous changera des fachos…
En rentrant de l’escapade lyonnaise, traversant le Bourbonnais, le givre nous a saisi. Je dis nous, à savoir ma bagnole et moi en fait. D’un coup l’hiver vous tombe dessus, sans prévenir ou presque. Passé Saint-Pourçain-sur-Sioule, givrée : la forêt de Vacheresse, la bien nommée. Givrée : la traversée de la rivière Gratteloup, tout un programme. Givrée : la traversée de Saint-Marcel-en-Murat, son petit cimetière, et son église qui me saute à la gueule, tant est si bien que passé trop vite je dus faire demi tour au carrefour suivant. Givrée : la séance photo dehors, klaxonné par les autos qui fuient ce lieu sans vie apparente. Apparente seulement.
Dire que certains(nes) trouvent l’hiver fade, brumeux, épais, trop blanc délavé et usé, ou trop gris et monotone, vide et sans âme ! Les pauvres… Ils ne savent point regarder.
Donnons-leur une seconde chance.
(c) Fred Sabourin. 15 janvier 2012. Saint-Marcel-en-Murat, Allier, France.
L'ordre noir
Avec les fachos, comme si vous y étiez.
Le hasard et la coïncidence ont fait que ce samedi-là, j’étais à Lyon. A la une du journal Le Progrès deux manifestations à haut risque sont annoncées : les jeunesses nationalistes d’une part et les anti-extrême droite d’autre part. Le journal précise, plan de la ville à l’appui, qu’ils auront deux parcours et des horaires très différents, pour éviter qu’ils ne se croisent, et que 350 policiers seront à pied d’œuvre pour éviter tout débordement. Je me tâte. Le mieux serait d’éviter la presqu’île, vu le bordel que ça va être (en plus ce sont les soldes). Mais une irrépressible curiosité me pousse à aller voir du côté des fachos, alerté au printemps par un article du site d’infos Rue 89 sur le renouveau des identitaires et nationalistes de tout poil, principalement actifs dans le quartier Saint-Jean du Vieux Lyon. Ayant habité récemment la cité des gones, je me demande à quoi cela ressemble. Je ne serai pas déçu, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi.
A 15 heures, je suis place Carnot, près de la gare de Perrache, où est fixé le début de la manif. Il fait froid. Là se rassemblent les sympathisants de la cause nationaliste, sous la bannière « Jeunesses nationalistes. Une mission : combattre. Un devoir : vaincre. L’action sans concession.» Tout un programme… De (très) jeunes hommes – mais aussi quelques rares filles – habillés de noir (blousons de cuir, pantalons à poches, lunettes noires, gants de cuir, chaussures à l’image du reste), crânes rasés pour la plupart, casquettes sombres pour d’autres (pour ne pas être reconnus), certains arborant un tee-shirt, noir lui aussi, frappé d’un aigle les ailes déployées. L’ambiance est silencieuse, presque recueillie. Un service d’ordre, reconnaissable aux casquettes bleues marine et aux brassards oranges, veille. La police est là, les renseignements généraux aussi, les talkies-walkies crachotent des informations concernant l’autre manif, partie de la Guillotière une heure plus tôt et dans le sens inverse. Près d’un banc, une sorte de stand où l’on peut acheter le fameux tee-shirt noir, que les jeunes enfilent par-dessus leurs cuirs sombres, et des croix, blanches. « Pourquoi ces croix ? » demandais-je à l’un de ces nationalistes en tenue de deuil. « Il y en a 78, une pour chaque soldat tué en Afghanistan depuis le début du conflit, cette manifestation est pour leur rendre hommage et demander le retrait des troupes de là bas, où ils n’ont rien à faire. » L’instrumentalisation a déjà commencée. Le discours est bien rôdé, ça sort tout seul. J’essaie d’en interroger un autre qui me renvoie dans mes 22 : « Vous allez déformer mes propos, alors non. » Okay.
15h30 précises, le cortège s’élance, drapeaux français et du groupe Occident flottant au vent, banderole en tête de manif : « Afghanistan, honneur à ceux qui sont tombés, honte à ceux qui les ont fait tuer. » Et déjà, les premiers slogans fusent, repris en chœur par les jeunes. Florilège.
« Aujourd’hui l’anarchie, demain l’ordre nouveau »
« Afghanistan, plus de sang »
« Europe, jeunesse, révo-lu-tion »
« Bleu, blanc, rouge : la France aux Français »
« Ni droite, ni gauche : nationalistes »
« Nos soldats en France, pas pour la finance »
Et à l’arrivée quartier Saint-Jean, devant la primatiale : « On est chez nous, on est chez nous ! »
Si vous avez lu jusqu’ici restez encore un peu…
Le trajet est court, longe à contre courant la Saône par les quais, passant sous l’église Saint-Georges, puis tourne vers le Vieux Lyon pour stopper devant la primatiale Saint-Jean. Sur le trajet, sous haute escorte policière et Cé air esse, les badeaux regardent médusés cet étrange cortège, le visage interrogatif, souvent interdit, stupéfait, et souvent dégoûté. Seul point positif, si je puis dire : le faible nombre de ces combattants de l’ordre noir : environ 250. A leur tête, un conseiller régional exclu du F haine (pour avoir été reconnu sur une photo faisant le salut nazi), d’anciens membres du même parti exclus eux aussi, quelques vieux dignitaires locaux plus dignes du tout.
Arrivés sur le parvis de la primatiale, un riverain a le courage d’ouvrir sa fenêtre et leur crie : « Bleu, blanc rouge, c’est pour ça que vous êtes tous noirs ? Comme la mort ! » Il se fait copieusement huer. Un chien de combat aboie, on n’a pas envie d’aller lui caresser le crâne…
Puis viennent quelques discours, dont celui d'un conseiller municipal de Vénissieux (exclu lui aussi du F haine pour s’être déclaré « antisioniste, antisémite, antijuif ») dont je n’ai pas besoin de décrire le contenu : « Israël, cette verrue qui doit disparaître. » Puis le conseiller régional Rhône-Alpes termine en citant « Le plus grand militaire français, le Maréchal Pétain : Courage, on les aura ! » Les jeunes nationalistes entonnent le chant des Lansquenets (en chantant faux). La dispersion « dans le calme » est demandée.
Un membre du service d’ordre à casquette, qui cache son visage derrière la visière, s’approche et me demande pourquoi j’ai pris des photos, si je suis journaliste, pour quel média je travaille et si j’ai une carte de presse. Il tient à la main un parapluie noir dont il manque la poignée, mais pas le bout pointu. Je lui réponds que je suis là depuis le début, que oui, je suis journaliste et que non, je ne lui montrerai pas ma carte, que j’ai pourtant dans ma poche gauche sous ma main. Je lui dis aussi que depuis la place Carnot, lui et ses acolytes ont été photographiés des milliers de fois et pas seulement par des journalistes, les passants ayant brandi leurs téléphones portables pour immortaliser cet après-midi champêtre et pacifique. Il tourne les talons, visiblement peu satisfait de ma réponse, et j’en ai sincèrement rien à foutre. Ni de lui ni des autres d’ailleurs. J’ai la tête qui tourne, et en rentrant je n’espère qu’une chose : que ce soit le froid qui m’ai rendu malade plutôt que cette démonstration minable d’un ordre noir qui n’est pas, hélas, dans les oubliettes de l’histoire…
(c) F.S. Lyon. Janvier 2012
Photos réalisées sans trucages...
Zone (2)
(un projet photographique, suite)
Ici, pendant presque quarante ans, se dressait une belle base de loisirs : auberge de jeunesse, piscine en plein air de cinquante mètres, et un camping. Bourgines, à Angoulême, Charente.
Pour beaucoup d’Angoumoisins, Bourgines, c’était d’abord et avant tout une piscine, où on venait passer du temps l’été, à une époque pas si lointaine où les bassins individuels n’avaient pas encore envahit les jardins des pavillons de banlieue ou des maisons chics du centre ville. Beaucoup y apprirent à nager. Certains y ont compté fleurette, sur le béton des dalles irrégulières qui râpaient les pieds ou sur la pelouse, derrière une haie, plus discrète. On y fumait des blondes à dix balles le paquet - des Dunhill bleues, des Craven ‘A’ ou des Benson & Hedges - en compagnie de jolies brunes dont les tétons pointaient sous le maillot mouillé, en mastiquant des gommes à mâcher à la chlorophylle, pour garder l’haleine fraîche. Les plus audacieux osaient sauter, ou plonger, du haut des cinq mètres de plongeoir qui dominait le rectangle bleu, sous les yeux des belles de jour qui attendaient l’exploit, ou le plat. D’autres enfin scrutaient le fond, cinq mètres plus bas, imitant un certain Jacques Maillol dans Le Grand bleu. Bourgines, c’était une piscine, une époque, des vies.
A côté de celle-ci, il y avait le camping municipal du même nom. « Cent quatre vingt emplacements de caravanes, » me dit le vieux que je croise contre toute attente dans ce lieu désormais désert et à l’abandon, en friche, en zone. Je prenais des photos dans ce qu’il reste de sanitaires, aux murs défoncés, tagués, au sol jonché d’immondices et de déjections, de briques et de tuiles, quand j’ai entendu ses pas. J’ai alors pensé à des flics en ronde, ou un squatter qui m’aurait vu rentrer. Me croyant seul, j’avoue, j’ai flippé. Non, c’était un octogénaire, « un des deux derniers propriétaires de petits jardins ouvriers d’à côté, » me dit-il. On a discuté, un peu. Il croyait que je faisais « mon inspection. » Il m’aura pris pour un flic, lui aussi, ou quelqu’un de la mairie, sans doute. Il m’annonce qu’il vient ici « faire son tour, et voir les occupants de la caravane, là bas dans l’fond. » Une caravane ? Oui, et bien planquée, entre les arbres et le reste de végétation surabondant. Des grilles ferment cette sorte d’enclos, fausse propriété privée où des chiens aboient. Il me plait qu’ils soient derrière et que le dit enclos semble hermétique. Pas âme qui vive autre que ces cabots, on sent néanmoins la présence humaine ordinaire de gens hélas ordinaires, qui, exclus de tout, vivent dans ces abris de fortunes, à l’écart, planqués, repoussés, exilés. Deux toiles de tente jouxtent la caravane, je les découvre en faisant le tour par un trou du grillage de l’ancien camping.
Des gens vivent là, comme près du parking où j’ai laissé ma bagnole tout à l’heure. Sur une autre caravane, plus visible, dont l’auvent est fait de bric et de broc, de toiles et de palettes, il est écrit le modèle : évasion 400 luxe. D’autres avaient aussi posé leur caravane près du stade, entre noël et nouvel an, mais celle-ci vient de disparaître, seules restent les traces d’une courte organisation de vie dans ce coin en friche, vestiges d’anciens jardins ouvriers. Quand je reviens vers ce parking, un homme et une femme, d’un âge certain, coupent du bois mort humide tombé là. Ils ramassent le tout et le rangent dans un petit chariot à course, modèle pour bourgeoises du plateau de la ville haute, ou de la mémé qui ne peut plus porter de sacs.
J’ai décidé de publier ces photos. Ces lieux ont l’air sans vie, sans âme, sans rien. C’est un leurre. Personne ne regarde ces lieux, ou si peu, et c’est bien dommage. Ils rebutent et sont repoussés peu à peu du centre clinquant de nos villes, quelle que soit leur taille. Mais ils existent, ces lieux de rien, ces lieux de friches, ces lieux de zones. Ils se rappellent à nous quand on veut bien les regarder vraiment, en prenant le temps, en ouvrant les yeux, tout simplement.
Et, contre toute attente sans doute, ils témoignent d’une vie qui est encore là, tristement là même parfois. Ils ont une âme, et celle-ci mérite qu’on la mette en pleine lumière.
- Vague terrain -
- 50 mètres olympiques -
- Réception ? -
- Douche froide -
- Jeux interdits -
- Homo sapiens -
- Vivre ? -
- Camouflage -
- Jeux interdits (2) -
- Ligne de fuite -
(c) Fred Sabourin. Janvier 2012, Angoulême.
Nikon d300, objectif Tamron 10-24 mm. Focale moyenne : 5 et 9-11.
Mon beau sapin
- Présumé coupable -
Ça sent le sapin pour le roi des forêts...
- Sans titre -
- Abonné absent -
- Diabolo-menthe -
- Mi-temps -
- Evasion -
(c) Fred Sabourin. Janvier 2012. Angoulême
Une vie meilleure ?
On cherche, depuis le début du mois, de vaines raisons pour justifier les vœux formulés à l’occasion du passage à la nouvelle année. Cela semble tellement surfait, mielleux, inutile, futile, exagéré, infantile même. L’exercice, qui vire au marronnier, comme disent les journalistes d’un évènement qui revient immanquablement chaque année et qu’il faut couvrir, coûte que coûte, provoque une indigestion bien pire finalement que celle déclenchée par l’abus éventuel de chocolats et autres canards gras.
Plutôt que des vœux, j’ai envie de vous parler de l’histoire de Yann. Un petit trentenaire, ni complètement adulte ni complètement post adolescent, cuisinier en restauration collective, et qui aspire à autre chose. Tombant sous le charme de Nadia, une serveuse d’un restaurant chic qui élève toute seule son fils de 9 ans, Slimane, ils découvrent une bâtisse abandonnée au bord d’un étang. Yann y voit l’occasion de pouvoir monter sa propre affaire. Faute d’un apport suffisant, le jeune couple recomposé contracte des crédits à la consommation – les fameux revolving – pour effectuer les travaux. Las, l’emprunt ne suffit pas, la commission de sécurité retoque le projet, et le restaurant ne peut pas ouvrir. Le couple s’endette encore plus. C’est le début de la spirale infernale. Dans le mobile home où ils vivent, une violente dispute éclate. Le jeune femme part avec son fils, et cède aux sirènes d’un travail bien payé promis au Canada. Mais elle ne peut pas tout de suite emmener Slimane, qu’elle confie à Yann, pour un temps, dit-elle. Ce dernier, acceptant enfin de mettre le restaurant en gérance, vit avec le jeune garçon dans une piaule miteuse louée à un marchand de sommeil. Il s’enfoncera d’avantage lors de la vente du restaurant. Les relations avec l’enfant sont compliquées et tendues pour ce père malgré lui et le garçon qui n’en avait pas. Yann va tout faire pour essayer de retrouver Nadia au Canada, elle qui ne donne plus de nouvelle depuis plusieurs mois sans raison apparente.
C’est une histoire dure. Une histoire qui pourrait être vraie, et qui pourtant est aussi, malgré elle, romanesque. Une histoire qui oscille entre la poursuite d’un idéal et le simple souci de survie. Une histoire d’audace aussi : du premier baiser à l’envol pour Montréal, Yann n’a de cesse, dans une sorte de mouvement perpétuel, de déployer cette audace qu’il possède au fond de lui. C’est aussi l’histoire de silences. Comme dans la vie, lorsque deux êtres vivent et ont à se dire quelque chose d’important, ou simplement partager un moment ensemble, il n’y a pas de musique additionnelle en fond sonore, pour arracher un pathos supplémentaire à des spectateurs qui n’en demandent pas. En quelques plans nous est brossé à traits fins la rencontre amoureuse, le déclassement social, la naissance du lien filial. Ce n’est pas la moindre qualité de cette œuvre.
L’engrenage est trop bien connu : combien se battent contre un système aberrant, qui prône l’entreprenariat mais barre la route de tracasseries financières et administratives, gangréné par des économies parallèles et brutales ? Cessons le couplet sur l’Internationale.
Une heure cinquante dans une salle obscure, c’est tout le mal que je vous souhaite en ce début d’année 2012, et l’avantage de la lumière éteinte c’est que personne ne verra votre émotion qu’il serait dommage de retenir : ça vous ferait plus mal qu’autre chose, et il n’y a pas de honte à dire qu’on peut être ému au cinéma.
Car ce n’est pas le tout, voyez-vous, d’être "indigné". Encore faut-il conjuguer cette indignation pour qu’elle se transforme en action, ce que la maturité de l’acteur Guillaume Canet et le réalisateur Cédric Kahn parviennent magnifiquement à faire. En trouvant chez nous – fait rare – la corde de l’émotion vraie et non feinte.
Une vie meilleure. Film français de ce Cédric Kahn, avec Guillaume Canet, Leïla Bekhti, Slimane Khettabi. Sur les écrans depuis le 4 janvier.
Bonne année.
Le petit chat est mort
Putain l'année commence mal...