Un phare dans la nuit (drôle de guerre)
Drôle de temps. Hier la neige, aujourd’hui le ciel bleu. Contraste saisissant dans ces paysages du nord-Charente à la beauté séculaire – dont n’aura raison aucune épidémie – qui n’ont de réelle rivalité qu’avec l’effondrement social du territoire. C’est en faisant nos tournées et « ramasses » de produits qui serviront à l’aide alimentaire aux personnes en grandes difficultés dans ce coin de Charente si paisible, au détour d’un virage, d’une minuscule départementale ou d’un chemin, qu'apparaissent parfois les phares dans la nuit. L’épaisse nuit économique et sociale d’un pays rural éprouvé. Lichères est de ceux-là. De ces phares auxquels on s’accroche pour garder l’espoir. Lichères et l’église saint-Denis, construite au XIIe siècle et peut-être - hypothèse de l’écrivain, journaliste et essayiste Jean-Claude Guillebaud - à l’origine réservée aux lépreux, ce qui expliquerait son isolement à l'écart du bourg. Une perle en plein champs, à peine troublée par l'immobile cimetière qui la borde, et des marronniers encore nus d’une fin mars qui n’en finit plus de mourir.
Un phare dans la nuit, étincelant de soleil et de colza - après la neige d’hier – tandis que la mort rôde dans les Ehpad, les hôpitaux, les maisons claquemurées où se confinent les habitants, reclus déjà si fortement éprouvés par l’isolement rural dans leur quotidien. Nulle part à l’horizon, rien ni personne. Seul un paysan griffe la terre et sillonne son champ ; son tracteur seul brise le silence. Un viticulteur solitaire attache des bois dans sa vigne, et ne parle à personne. Un jardinier remplit une brouette d’herbe fraîchement coupée. Il ne manque que Jean-François Millet pour immortaliser ces scènes, au pinceau, et l'on ne serait pas surpris que tout ce "monde" se fige à l'heure de l'angélus. Tout à coup au loin, là bas surplombant le colza, une biche esseulée, traversant la route sans même regarder si un danger métallique monté sur quatre roues rappliquerait. Elle s’est déjà habituée à notre absence. Il n’y a plus rien que la terre et les pierres médiévales, le souffle du vent et les éoliennes aux ailes de géants pour brasser l’air glacé de l’horizon. Pour rappeler qu’en cette aube d’avril le printemps est pour le moment comme le temps : suspendu.
Drôle de guerre.
Sous Verdun. Ceux de 14. (Drôle de guerre)
Vendredi, 4 septembre
Nouvelle étape au soleil. La chaleur a encore grandi Jubécourt, Ville-sur-Cousances. Il y a là des gendarmes, des forestiers ; on croise des autos à fanion, des autobus de ravitaillement : tout cela sent l'arrière en plein. Est-ce que vraiment ce serait une déroute ? Nous ne sommes pas talonnés. Je cherche à entrevoir au moins la raison de ces étapes bride abattue, de cette randonnée haletante vers Bar-de-Duc. (...) Julvécourt, Ippécourt. Nous faisons grand'halte en sortant de Fleury-sur-Aire. Des dizaines d'hommes arrivent avec d'immenses quartiers de fromage plat, coulant, qui ressemble au brie. D'autres sont cuirassés de bidons, qui arrondissent autour d'eux une ceinture énorme. Les musettes craquent.
L'herbe, dans le pré où nous sommes, est drue et vivace. J'en vois qui se déchaussent et marchent pieds nus dans cette fraîcheur verte. Presque tous, nous avons étendu au soleil nos capotes mouillées de sueur. Les chemises claires, les doublures des vêtements tirent à elles la lumière. Les couleurs papillotent, fatiguent les yeux.
On se lave jusqu'à la ceinture dans l'eau froide et transparente de l'Aire. Deux ou trois se sont mis nus et font une pleine eau. Parmi eux un nageur musclé, à peau brune, évolue avec souplesse en quelques secondes d'un bord à l'autre du large bassin où la rivière s'étale.
Au long de la rive, échelonnés, les hommes barbotent, s'ébrouent. Ils lavent des chaussettes, des mouchoirs, penchés vers l'eau ; le drap de leur pantalon se tend sur leurs fesses. Une pellicule bleuâtre, peu à peu accrue, flotte à la surface et s'irise au soleil.
Déjeuner gai, à l'ombre des saules qui trempent leurs basses branches dans le courant. Près de nous, un lieutenant, Sautelet, se tient debout au milieu d'un groupe, moustaches hérissées, bras nus, l'échancrure de sa chemise montrant une poitrine velue comme le poitrail d'un sanglier. Il étourdit les autres de sa faconde et de la violence de sa voix, éraillée mais formidable. J'entends ceci : "Il y a deux moyens de les avoir : enfoncer le centre, ou déborder sur les ailes !".
Nubécourt. L'étape ne m'a pas éreinté autant que celle d'hier ; j'évoque la nuit proche que ke passerai dans un lit, avec Boidin, le Saint-Maixentais, pour compagnon. Pauvre de moi ! L'animal fait appel à mon bon cœur, à ce qu'il veut bien appeler ma "connaissance de la vie" : il a le gîte, et il espère le reste.
Popote dans une cuisine qui ressemble à toutes celles que j'ai vues, demi-ténèbres et lueurs jaunes des bougies. Le cuisinier à grosses lèvres nous sert, ce soir-là, une ignoble piquette gâtée, qui laisse au palais un goût d'encre. J'échoue dans une grange, sur la paille.
Maurice Genevoix. Ceux de 14. Sous Verdun.
Ainsi va la terre, pendant notre absence… (drôle de guerre – la photo du jour)
Faut-il que la terre se débarrasse enfin de ses habitants pour revivre et apparaître aussi belle et désirable ? Cette ambiance de fin du monde, traversant des paysages printaniers d’une campagne renaissante, me rappelle le livre de Cormac McCarthy, La Route. Plus personne (ou presque) dans les rues ni sur les routes. Des humains aux abonnés absents. Des automobiles à l’arrêt près des maisons isolées. Des bruits atténués aux ambiances de cimetière. La faune et la flore en grande conversation. Les adeptes du grand effondrement, de la collapsologie et du survivalisme doivent se réjouir, s’ils osent encore mettre un pied dehors et dans les forêts pour tester leurs théories. Même eux on ne les entend plus. D’arbres isolés et champs de colza, de vallons en coteaux grattés par les agriculteurs – seule présence humaine dans la campagne encore davantage désertée que d’ordinaire – il a même fallu faire demi-tour pour saisir l’image du jour. Encore une que le virus n’aura pas…
Drôle de guerre.
Colère d'un printemps des poètes (drôle de guerre)
Tiens pour changer ce soir je suis en colère. La journée avait pourtant bien commencée, dès l’aube sur mon petit chemin proche du ruisseau. Le chant du coucou s’est fait entendre, pour la première fois de l’année. Sans doute profite-t-il lui aussi du silence et de la quiétude retrouvée ? Plus loin, coq, poules et moutons ouvraient le concert très matinal d’une semi-campagne urbaine baignée du soleil levant dispersant la brume. Pas âme qui vive, sauf à considérer que les animaux d’une cour de ferme en ont une. « Qu’est-ce que tout cela qui n’est pas éternel ? » disait Lecomte de Lisle. J’en ressentais la fraîcheur à mes pieds.
Ça n’a pas duré. Sur toutes les radios, les sites d’infos, une nouvelle injonction (encore !) : il fallait télécharger et imprimer la nouvelle « attestation de déplacement dérogatoire » peaufinée pendant que nous dormions par les sbires du Gouvernement et de son fieffé Premier ministre, le Prince Édouard Philippe Ier. Par moment, il me fait penser à Pinocchio : mais lui à mesure qu’il raconte ses mensonges, ce n’est pas son nez qui s’allonge, c’est sa barbe qui blanchit. Ses allures martiales d’adjudant-chef ne trompent personne : ce chef est tout sauf un chef de guerre, et je ne connais pas beaucoup de soldats qui accepteraient de lui emboiter le pas pour franchir un pont style Arcole étendard en main. Même une passerelle ça serait déjà beaucoup.
À chaque semaine donc, son nouveau « laisser-passer » à présenter aux pandores qui tapent – c’est bien connu – les plus cons (ils s’en trouvent pas mal ces temps-ci qui prennent le soleil dans les centres villes et les cités) ; les plus distraits ; les plus fous (ils sont désormais en totale liberté, leurs psy sont confinés dans des résidences secondaires à la campagne) ; et surtout les plus faibles. Ah ! Quel choc de simplification cette nouvelle « attestation de déplacement dérogatoire » ! Déjà la première on l’avait bien sentie sortie tout droit du cerveau d’un technocrate hors-sol et rase-moquette (si, si, c’est compatible) des ministères, avec ses formules alambiquées et son vocabulaire choisi par Montaigne, sans la Boétie. Mais la seconde… ! Avec ses notes de bas de page ! Rappelez-vous gens d’en bas, gens de peu, gens des campagnes éloignées ravitaillée par les corbeaux où la 4G est encore un souvenir lu un jour sur un prospectus, rappelez-vous, vous qui ne possédez ni ordinateur ni imprimante, qui êtes parfois illettrés pour votre plus grand malheur, que vous pouvez la « recopier à la main ». À la main ! À la plume même tant que vous y êtes, à la manière d'un Flaubert, Voltaire ou Hugo. La première « attestation » mangeait les ¾ d’une page A4. Celle de cette semaine la page entière. La semaine prochaine, gageons qu’elle débordera sur le verso. Dans trois semaines deux pages. Et fin avril, deux volumes. Cela permettra aux bleus de sortir le carnet à souche pour compenser les pertes abyssales des radars automatiques, confinés eux aussi au bord des routes et qui doivent se demander où sont passées les autos ? Mais nom de dieu de bordel de merde (oui, je suis vraiment énervé ce soir) de quel cerveau moisi empoussiéré par des années de réflexions des bacs à sables de grandes écoles d'administration un tel torchon a-t-il pu sortir ? Qu’on nous l’amène bon sang, qu’on voit sa gueule et qu’on rigole un peu ! Il doit ressembler à Agnan dans Le Petit Nicolas, en moins attendrissant, au fond. En plus triste, avec ses lunettes pour éviter qu’on ne lui tape dessus.
Et puis, comme si cela ne suffisait pas, il a fallu que j’aille, avec mon « attestation de déplacement dérogatoire » ancienne formule (oui car je n’ai plus de cartouche d’encre pour ma Canon MG3550 d’ailleurs je lance un appel au don si quelqu’un possède ce modèle rare, attention de marque Canon exclusivement car « madame » n’accepte pas les génériques), au supermarché ravitailler deux personnes très âgées de ma connaissance paumées dans le bordel ambiant et n’osant plus sortir de chez elles. Bref. J’étais dans ce haut lieu culturel du quartier qui parodiait il n’y a pas si longtemps les mousquetaires, et là, le choc : le rayon yaourts et produits laitiers qui dégueule de produits, jusqu’au plafond ! Il y a à peine une semaine on se serait cru dans un supermarché moscovite au meilleur temps de l’ex-URSS, et huit jours après, plein à craquer, alors qu’à peine une dizaine de clients ne se pressaient même pas pour choper les meilleures places aux caisses !
Alors « cher » prince Édouard Philippe Ier, vous pouvez prendre vos airs de colonel en pré-retraite d’un régiment de biffins pousse-cailloux du côté de Mourmelon, vos coups de mentons blanchi ne valent rien. En une semaine, vous et vos sbires sont incapables de fournir les millions de masques chirurgicaux nécessaires à la protection de vos nouveaux héros, les personnels soignants au chevet des Français qui souffrent et trépassent en trépassant aux aussi. En revanche les rayons yaourts de vos supermarchés dans lesquels vous nous commandez d’aller avec parcimonie sont bien garnis. Le monde nouveau, celui du temps « d’après » n’est pas encore advenu. Pour qu’il vienne, promis, une fois cette « guerre » fini, et on vous les fera bouffer, ces yaourts, avec de vrais morceaux de châtaignes dedans.
C’est décidé, je prends le maquis. Drôle de guerre.
Aux Jarris, j’ai pas ri (drôle de guerre)
J’ai un ami qui habite à côté des Jarris, un hameau de la commune de Bernac près de Ruffec en Charente. Je suis passé aujourd’hui à 500 mètres à vol d’oiseau de sa maison, une belle charentaise avec un tilleul sous lequel il fait bon vivre, boire des Spritz et dîner l’été, mais je n’y suis pas allé. Son père, très âgé, qui vit dans la maison pourrait attraper le maudit virus que je promène peut-être malgré moi. J’aime beaucoup aller chez cet ami, pourtant. Je l’ai connu il y a longtemps à Paris dans le 18e arrondissement, et depuis qu’il partage sa vie entre Ruffec et la capitale nous nous voyons plus souvent. On refait des coups en buvant le monde, au coin de la cheminée l’hiver et sous le tilleul l’été.
Mais aujourd'hui, je ne suis pas allé chez lui. Pourtant j'étais tout proche, aux Jarris. Un hameau, un confetti sur la carte de la Charente, bref : un trou. À l’horizon, l’air chaud de cet insolent printemps est brassé par les pales des éoliennes, très nombreuses dans ce coin de Charente. Si on tend l’oreille on entend distinctement la route nationale 10 et son incessant ballet de camions. Lesquels, même en cette période de confinement, continuent d’alimenter nos supermarchés. Il faut bien manger… Aux Jarris, il doit y avoir à la louche 80 habitants, et des vergers d’arbres fruitiers dans lesquels les agriculteurs travaillaient cet après-midi. Au carrefour de la route des Adjots et de Saint-Martin-du-Clocher, près des conteneurs de tri sélectif, il y a la maison de Jean-Paul. C’est là que j’ai rendez-vous, et ça sera court. Il s’agit de lui déposer un colis d’aide alimentaire. Jean-Paul n’a pas pu se rendre hier sur le lieu de la distribution pourtant proche (12km). Car Jean-Paul porte un masque chirurgical. Il a des frissons, des courbatures, il tousse : tous les symptômes du Covid-19 en somme. Jean-Paul a 63 ans, il est donc particulièrement dans la « cible » du virus. Sous l’auvent devant la maison, près de la voiture qui ne bouge plus, un fatras d’objets comme on en trouve dans le milieu rural : une sorte de niche à chien (vide), une tondeuse, une table et des chaises de jardin, et tout un joyeux bordel qu’on entasse quand on vit à la campagne. Jean-Paul a dû entendre le moteur de ma voiture arriver, je l’aperçois derrière la porte-fenêtre de ce qui doit être le séjour. Il attend que j’ai déposé le cabas avec les quelques produits sélectionnés pour survivre plusieurs jours, essentiellement d’épicerie. J’ai mis un masque, je recule à distance règlementaire une fois déposé le paquet. C’est alors seulement qu’il ose sortir, à contre-jour, masqué lui aussi. Une courte discussion s’engage, il me précise que les sous sont dans une petite bourse sur un pilier en béton près du portail. Je récupère l’argent, on se donne des nouvelles. Dire « comment allez-vous ? » dans ces conditions-là semble superflu, et pourtant c’est ce que je dis. Alors que j’ai à peine fini de poser ma question, il répond illico par une autre : il me demande des nouvelles des bénévoles de l’association, si personne n’est malade, tout ça. Cet homme qui est sûrement malade lui-même demande des nouvelles de ceux et celles qui s’occupent de lui, sous le ciel bleu des Jarris.
L’échange n’a duré que quelques secondes, deux minutes tout au plus. Je remonte en voiture, non sans lui avoir dit qu’on ne les abandonnait pas, ni lui ni les autres. Que nous ferons tout notre possible pour maintenir coûte que coûte le lien et le service. Sur la route qui me ramène à la maison – avec mon attestation de déplacement dérogatoire dûment remplie pour éviter de me faire choper par la gestapo - me reviennent les images d’un film pourtant très moyen qui ne marqua pas durablement l’histoire du cinéma français : Le Toubib, de Pierre Granier-Deferre, avec Alain Delon et Véronique Jannot. C’était une histoire d’amour bluette qui se passait pendant une hypothétique troisième guerre mondiale dans un pays indéterminé, entre un chirurgien brisé par le départ de sa femme faisant la rencontre d’une infirmière débutante et idéaliste. On y voyait surtout régulièrement des gens vêtus de combinaisons anti-bactériologique, portant des masques chirurgicaux en toutes circonstances. Ça se passait dans un hôpital de campagne - à la campagne - le tout filmé dans des camps militaires de l’Aisne ou de Mourmelon. C’était glaçant. Un peu comme ce court « bal masqué » qui nous fut donné de vivre. Jean-Paul et moi avons esquissé cet étrange pas de danse à distance. J’ai la faiblesse de croire que c’était pourtant chaleureux ; peut-être c'est ce qui restera de ce confinement, quand la boîte se rouvrira.
Le tout sous un soleil glorieux écrasant une nature quasi déserte de toute activité humaine, continuant son insolente provocation, en maintenant les Hommes dans leurs maisons transformées en caves.
Drôle de guerre…
Printemps pourri, temps superbe (drôle de guerre)
Temps superbe, silence de mort et concert d’oiseaux. Par-delà les champs et les fossés, de jeunes hérons nous narguent de leurs becs pointus montés sur eschasses. La douceur du printemps fait naître les premières feuilles sur nos arbres : marronniers en bourgeons fraîchement éclos, buissons ardents, frémissement végétaux sortis des prés jaunis par les fleurs de pissenlits. Mon dieu que la campagne charentaise était belle aujourd’hui ! Comme le fleuve, jeune femme printanière déjà lascive qui retrouve peu à peu son lit après les pluies des dernières semaines d’un hiver dégoulinant. Cette veine paresseuse dans laquelle on aimerait tant se coucher, ce lit d’un printemps qui nous fait un bras d’honneur, un bras d’horreur. Nom de dieu que la terre nous fait payer cher nos errements, nos excès, nos erreurs. « Dieu nous assiste jusque dans nos folies. Et quand on lève le poing pour le maudire, c’est encore lui qui nous soutient le bras » écrivait Bernanos dans Sous le soleil de Satan. Mais nom de dieu que ne lui a-t-on fait depuis tant d’années pour mériter ça ? Fallait-il que nous soyons ivres d’accélérations épileptiques dans un monde devenu totalement fou au point que nous n’ayons pas vu venir le coup de frein si brutal ?
La camionnette blanche de l’épicerie solidaire du pays ruffecois fend l’air doux des routes qui serpentent, près de la Charente, entre Mouton et Verteuil, jusqu’à Barro, dans ces lieux où le fleuve, encore juvénile, prend son temps, benaise, serpente entre les champs, les saules, les peupliers, les lavoirs, les hameaux et les bourgs. On aimerait tant se rouler dans l’herbe parsemée de fleurs de pissenlit, de pâquerettes, sentir cette odeur d’herbe fraîchement coupée près des maisons de Barro qui se serrent les unes aux autres, car elles ont encore un peu froid le matin et cherchent à se rassurer entre elles. Tout le monde est frileusement derrière ses murs, ses portes, mais fenêtres ouvertes comme pour fuir ce confinement, cette retraite forcée dont chacun comprends bien qu’il s’agit maintenant d’une question de vie ou de mort. Mais de qui, de quoi, au juste ? Cette privation de liberté orchestrée par ceux-là mêmes qui, dans d’irresponsables décisions tranchèrent dans le vif d’une santé privatisée, nous ordonnent désormais de rester à la maison après nous avoir enjoint de nous mettre en marche.
Fenêtres ouvertes, masques sur le nez, la camionnette avance vers son destin dans une odeur de fleurs des champs et de gel hydroalcoolique : la mission de rejoindre ceux qui n’ont rien, ou si peu. Ils ont vu, à la télévision, le spectacle désolant de ceux qui stockent pâtes et papiers toilette – à croire qu’ils craignent que le virus s’attrape par leur derrière - mais eux ne peuvent, faute de moyens, se ravitailler aux mêmes étales. Las ! La camionnette va vers eux, à défaut qu’ils aillent vers ceux qui les ont rejetés dans ces recoins sois disant perdus de Charente…
C’était, aujourd’hui, parmi les plus beaux coins de France à parcourir, et les tours du château de Verteuil en témoignent à travers les siècles ; il fallait pour cela prendre le risque de la solidarité. La seule liberté qui nous soit encore permise. Elle seule demeurera. Le reste – tout le reste – est déjà mort.
Drôle de guerre.
Les promesses de l’aube (drôle de guerre)
J’ai la chance d’avoir, tout près de chez moi, un petit chemin au bord d’un ruisseau qui permet de s’évader, seul et à l’aube, pour quelques enjambées. Traverser les rues un peu avant 7h du matin ressemble, depuis une semaine, à un long dimanche de 15 août. Il n’y a personne, et s’ils n’étaient quand même de sortie, on pourrait dire qu’il n’y a pas un chat. Ces évasions fugaces ne permettent pas seulement au corps d’éliminer les fortes tensions qui s’accumulent depuis le début du confinement – et dont chacun a compris que ça allait durer – elles permettent aussi à l’esprit de retrouver un peu de lucidité dans le merdier. Passé les premiers effets de sidération, nous devons retrouver la possibilité de penser, pour essayer de comprendre ce qui nous arrive, même dans la grande difficulté. Le moins qu’on puisse dire c’est que nous peinons tous à trouver une explication à ce qui nous arrive.
Ces « promesses de l’aube » – Romain Gary, que je n’ai pas encore lu, me le pardonnera j’espère – permettent de garder l’espoir, si possible, et de penser à ceux qui souffrent du confinement dans d’exiguës appartements des grandes villes, avec des enfants très jeunes qui ne comprennent rien à ce qui se passe, pourquoi on ne peut plus sortir, etc. Ceux qui souffrent de l’isolement et de la solitude forcée, que la folie guette. Le désespoir des dépressifs chroniques va probablement s’accentuer dans les jours et semaines à venir. La mort rôde. Elle ne devrait plus tarder dans notre région. Le climat se réchauffe, et il est anxiogène.
Promesses de l’aube aussi car si l’Homme a désormais déserté petits et grands chemins, sous-bois, alpages d’altitude et bords de mer, les animaux et les oiseaux s’en donnent, eux, à cœur joie ! Si ce constat ne venait pas s’ajouter au pathétique de la situation, nous pourrions nous en réjouir et en sourire, mais… Nos relations se trouvent entravées par cette saloperie de virus, alors que la nature est belle à fendre le cœur et se félicite presque de notre quasi disparition – momentanée on l’espère – lui permettant de vivre une inattendue résurrection, bien avant Pâques.
Cet après-midi, alternant la lecture d’un Malraux et de Tesson (j’aime les grands écarts), les tourterelles roucoulaient tranquillement, les pattes posées sur les antennes de télévision, qui ne servent plus qu’à ça. En collant mes mains et portant une petite fente entre les pouces à la bouche, j’imite leur chant depuis qu’un copain m’apprit ce truc il y a une bonne trentaine d’années. Comme un appeau portatif qu’on aurait toujours avec soi. Ma fille adore, cette technique me permet d’imiter les tourterelles, et les chouettes à la tombée de la nuit. Délaissant un temps ma lecture, j’ai alors engagé un petit dialogue avec cette tourterelle sans doute intriguée par la scène, avant qu’elle ne fuit vers d’autres antennes. Non, je ne me prends pas encore pour Saint-François d’Assise…
Pendant notre confinement forcé, les animaux reprennent possession de la nature – la transition écologique en 48h finalement c’est possible – et il faudra se méfier, le jour où nous retournerons dans les bois, les champs et les montagnes, que loups, ours et autres « prédateurs » (tels que nous les nommions avant le 17 mars dernier…) ne nous présentent pas, à nous aussi, la facture qu’on leur fait payer depuis si longtemps.
Les promesses de l’aube n’en seront que plus belles, le jour où, autorisés à retrouver les grands espaces, nous pourrons enfin nous réjouir de nuits à la belle étoile et de sa splendeur, nous crevant les yeux des beautés du petit matin. Aube, nous te faisons cette promesse de revenir te voir, et sentir ton haleine fraîche me sortir du sommeil forcé d'une nuit dans lequel le monde est désormais plongé.
Drôle de guerre…
Je t’écris cette lettre… (drôle de guerre)
À ma fille
C’est le week-end. Demain, c’est dimanche. Nous aurions dû, normalement, nous voir et être ensemble. Mais cette maudite crise épidémique du Covid-19 coronavirus nous empêche, cette fois-ci, de nous retrouver. Vendredi soir, j’aurai dû – et j’aurai pu puisque pour l’instant rien ne nous en empêche - prendre ma voiture et parcourir les 100 km qui me séparent du lieu de rendez-vous, avec ta maman qui elle aussi aurait fait la moitié du chemin. Nous serions rentrés heureux et joyeux de nos retrouvailles, comme à l’accoutumée. En temps normal, tu m’aurais demandé « qu’est-ce qu’on va faire ce week-end ? » et je t’aurais probablement répondu, vu la météo, « nous irons pêcher samedi après-midi ». J’aurais entendu ton exclamation de joie, car tu aimes beaucoup la pêche et moi aussi, ces après-midis au bord de l’eau, près du pont, à « taquiner le goujon ». Nous serions peut-être rentrés bredouilles, mais avec ta chance nous aurions sûrement accroché une ablette à notre hameçon, et vécu sans aucun doute quelques aventures, ou démêlé le fil de ta canne (ou la mienne !) pris dans des branches… J’aurais un peu pesté, mais pas trop : la pêche doit rester une école de patience, de mouvements comptés, et de silence.
Nous avons décidé de sursoir à ce week-end. L’inquiétude, face à cette crise sans précédent pour chacun d’entre nous, la peur te gagnent aussi, naturellement. Comme beaucoup d’enfants de ton âge, tu as parfaitement intégré que tu pouvais être porteuse de ce satané virus, ne pas en souffrir toi-même, mais le refiler à quelqu’un. C’est dur, à ton âge, de porter cette enclume au dessus du crâne. Quand j’avais ton âge, au début des années 80, c’était le péril d’une possible 3e guerre mondiale qui nous planait au dessus de la tête, et les images des journaux télévisés me hantaient parfois la nuit, où je voyais des manœuvres de chars soviétiques aux portes de l’Europe, des missiles braqués vers l’ouest – c’est-à-dire vers chez nous – des morts par centaines en Iran-Irak, Afghanistan, des coups de mentons et démonstrations de biceps entre les États-Unis et l’URSS, comme on disait à l’époque. J’avais peur, vraiment, mais finalement celle-ci restait à distance. Désormais elle est non seulement ici, mais son venin mortifère s’insinue dans nos veines, dans nos haleines, dans nos souffles de vie qui peuvent devenir pour les plus fragiles des souffles de mort.
Il conviendra, le moment venu, de réfléchir à tout cela, de « récapituler la situation » comme on dit, de philosopher sur tout ce que cela peut bien vouloir dire, et davantage encore ce que nous devrions changer ensuite dans nos comportements humains. Le moment n’est pas venu, nous vivons d’abord les évènements jour après jour. Demain ? On verra…
Aujourd’hui, tu me manques. Je m’inquiète pour toi même si je sais que tes conditions de vie sont bonnes et que maman fait tout ce qu’il faut pour toi. Je regrette d’être si loin pour ne pas pouvoir plus facilement faire l’échange, mais pour l’instant c’est probablement mieux ainsi. Pour éviter de m’effondrer, je songe que je pourrais être à la guerre, loin, au front, ou en opération, comme ces militaires de la caserne d’Infanterie de marine près de chez moi, dont j’entends parfois les chants des escadrons résonner jusqu’à ma rue, quand le vent les porte. Moi qui regrette parfois de ne pas avoir fait carrière chez les « paras », me voilà servi. Mais je suis comme tout le monde : confiné, cloué au sol, et je ne sais pas si je pourrais te voir le prochain week-end, ou s’il faudra attendre encore. Bien sûr d’autres vivent des séparations plus longues à la fois dans le temps et les kilomètres. Mais pour tenir, je me dis que je suis moi aussi au combat – puisqu’on nous parle de guerre - et que nous nous reverrons quand la paix sera revenue. Avec la liberté qui l’accompagne…
Hier je t’ai posté, comme chaque semaine, une lettre. J’ai appris le soir même que La Poste ne travaillerait pas samedi, ce qui retarde davantage le moment où tu la recevras. Cela m’attriste mais là aussi il faut faire preuve d’adaptation. J’imagine ta joie quand tu en découvriras son contenu. Si j’avais dû y mettre tout l’amour que j’ai pour toi, un colis de plusieurs centaines de kilos n’aurait pas suffit. Il faudrait un convoi exceptionnel pour te l’acheminer.
Je t’embrasse fort comme je t’aime, mais de loin, car ce satané virus nous attaque là où nous sommes à la fois les plus faibles, et les plus forts : l’amour et l’affection que nous avons les uns pour les autres, malgré tout.
Drôle de guerre. Putain de guerre !
A bientôt je l'espère.
Ton papa
Poètes, écrivains : des livres et nous ! (drôle de guerre)
Quatrième jour de confinement, c’est dur pour tout le monde et pour certains plus dur que d’autres on l’a bien compris. Entre ceux qui doivent continuer d’aller bosser coûte que coûte ; les parents confinés dans quelques mètres carrés avec leurs jeunes enfants qui pètent les plombs ; transformés en enseignants, femme de ménage et cuisiniers tout en « télétravaillant » ; les personnes isolées qui souffrent de la solitude davantage que d’habitude et ceux qui cherchent à s’occuper des « sans » (abris, sans travail, sans argent etc.), il reste peu de temps finalement pour glander, comme semble le faire une certaine classe bien « confinée » dans les résidences secondaires à la campagne.
Ce matin, le sage Sylvain Tesson était invité de l’interview de France Inter. Il a une certaine expérience, à la fois de « l’épilepsie du mouvement » comme il le dit parfois - il a arpenté le monde à pied, à cheval, à bicyclette avant d’être stoppé dans son élan suite à une chute d’un toit au cours de l’été 2014) – mais aussi du « confinement ». Certains ont peut-être lu avec délices Dans les forêts de Sibérie récit de six mois de réclusion volontaire dans une cabane au fond des bois et au bord du lac Baïkal, avec une bonne provision de bouquins et… de vodka. Plus récemment, il a raconté dans La Panthère des neiges comment il était resté à l’affût pendant des jours entiers avec le photographe Vincent Munier à la recherche d’une panthère aussi invisible qu’introuvable, sauf de manière très soudaine et fugace.
Tesson. On l’aime, ou il agace. Nous, on l’aime. Il apporte un éclairage intéressant au début de cette période qui s’ouvre, et dont chacun est persuadé désormais qu’elle durera plus de quinze jours. Mélange de réclusion involontaire - à géométrie variable quand même - de confinement quasi monastique - en plus confortable, c’est-à-dire avec le wifi dans toutes les cellules – bref une période où personne ne sait encore comment il va en ressortir. « La seule manière de ne pas succomber dans l’effondrement général, et le seul sur lequel on peut intervenir, c’est l’effondrement de soi-même. Ce que j’ai découvert c’est que la seule chose qu’on puisse faire c’est de ne pas engager une lutte contre le temps ; la guerre arithmétique contre les secondes qui passent, si on fait cela on est écrasé », dit-il. Il poursuit : « Il ne faut pas lutter contre le passage du temps, mais l’accompagner. Nous avons la possibilité aujourd’hui de transformer nos vies sous pression, nos vies hâtives, qui nous soumettaient en permanence à des injections de dire ce qu’on pense, de courir, il nous est offert l’exact contraire. Nous le subissons, mais si nous ne tâchons pas d’en faire quelque chose, c’est la double peine ».
On ne saurait mieux dire. Ici, c’est-à-dire de ce côté-ci du clavier, on continue de bosser, avec inquiétude même, afin d’organiser au mieux une distribution alimentaire pour les personnes en situation de (grande) précarité du nord-Charente où nous nous trouvons. C’est une angoisse de chaque instant, pour organiser au mieux l’itinérance chamboulée de l’aide alimentaire la semaine prochaine, mais maintenue quand même ! Ça n’empêche pas l’esprit de tourner, quand le soir approche, et que je regarde ces bibliothèques qui ornent quasiment chaque mur de ma maison. « Des livres, et nous », semblent dire ces rayonnages chargés à blocs de bouquins lus, pas lus, à moitié lus, en projet d’être relus… Cela faisait un moment que je jouais à la liste des dix livres que j’emporterais sur une île déserte au cas où, et je ne parvenais jamais à choisir, dans l’urgence, ce que j’emporterai vraiment dans ma valise si j’avais 24h pour la boucler et fuir dans une cabane au fond des Pyrénées (chacun son obsession géographique… Tesson, c’est la Sibérie).
Vingt-trois. J’en ai sorti vingt-trois des rayonnages – et encore, je ne suis pas passé devant celui des Pléiades j’en ajouterai deux, Verlaine et Baudelaire, ni devant les historiens, là je prendrai au moins Duby, Le Goff et Leroy Ladurie… Ce qui pourrait porter la liste à 30 bouquins « indispensables » à lire ou relire pendant ce temps de retraite forcé.
« Jamais sans mon livre » dis-je parfois quand je dois franchir le seuil de ma porte même pour quelques heures. Jamais sans les écrivains, romanciers, philosophes, poètes, essayistes, écrivains voyageurs… La liste est là, en photo sur le parquet de la cuisine. Ensemble, nous plongerons dans ces pages aimées, dans ces mots choisis pour panser nos plaies, nos maux d’être isolés les uns des autres – nous qui parlions il y a quinze jours encore de conquête de Mars et d’homme augmenté comme disait Tesson ce matin – nous nous délecterons de ces récits de voyages, ou écrits appelant à l’introspection, au retour sur soi, à l’ouverture solidaire aux autres, ces amis, ces enfants, ces voisins qui sont le quotidien de nos pauvres vies.
Et on commence avec un de mes préférés : René Guy Cadou, mort à trente ans laissant une œuvre conséquente malgré la fulgurance de sa vie…
Drôle de guerre...
Plain-chant
Reverrai-je la mer au bord des fûts tranquilles
L’arène bleue où juin roule dans les grillons
Parmi les herbes tapageuses
Depuis vingt ans mes bras coulent de mes épaules
La crue de mes poignets fait déborder mon cœur
Je veux aller plus loin que l’horizon d’ébène
Tresser des incendies par-dessus les moissons
Et fleuve me mêler au rut des carènes
Je suis seul
Mais tout seul je puis me délivrer
Élever dans mes mains mon front comme un bûcher
Écarter de ma bouche le rideau de la soif
Vivant je suis grand ce soir que tous les morts
Et puis la route est belle
Les toits portent très haut leur fardeau d’hirondelles
Un essaim de ciel clair s’effiloche au plafond
Je pars
Mon sang léger tinte dans ma poitrine
Vingt ans à mes côtés ombre que tu chemines
A la fin je suis las
Et je voudrais dormir
« Marche encore dans le vent et dans ton repentir
Dans les flots de silex et ta conscience aride
Homme
Je te reconnaîtrai bien derrière tes rides »
A quoi bon implorer
J’ai repris la besace
Bu mon visage noir tout au fond de la tasse
Et seul vers le midi j’arpente les rayons
René Guy Cadou, Morte-saison (1940)
La meilleure amie du jardinier confiné (drôle de guerre)
Alors d’abord je demande aux lecteurs qui n’auraient pas de jardin – même minuscule – de bien vouloir m’excuser. Être confiné dans une ville moyenne, avec un jardin (petit ou grand) n’est pas tout à fait la même chose que de s’entasser à quatre dans un 70 m² parisien ou d’une quelconque métropole, ou même seul dans un studio de 20m² avec vue sur l’asphalte en banlieue. Mais pour ceux qui ont encore ce maigre plaisir de pouvoir aller « au jardin », depuis hier ils auront remarqué que les villes et villages ne sont pas si « silencieux » qu’on veut bien le dire…
Car ça ronronne à tout va ! Si on entend presque plus les bagnoles, une autre a pris provisoirement le relais. La reine de ces deux premiers jours de confinement, c’est elle, que vous aviez abandonnée depuis l’automne dans un coin de la cave ou du garage ; celle dont il aura fallu des trésors d’ingéniosité et de sueur pour la faire démarrer (dans le cas d’une thermique), ou remettre la main sur l’enrouleur de la rallonge pour les électriques. « Chérie ? Tu l’as mis où l’enrouleur ? - Ben… chais pas, c’est toi qui l’a rangé à la fin des vacances de la Toussaint ! ». Vous l’aurez compris, je veux parler de la tondeuse.
Les premiers rayons du soleil printaniers – d’une insolente provocation après les quinze jours de pluie des vacances scolaires – ont fait pousser fissa l’herbe des jardins, qui en avaient déjà mis un coup mi-février lors du passage des grues, une « pelouse » tellement arrosée par endroit qu’elle n’était pas loin de nous chatouiller les aisselles… Il a suffit qu’un des habitants du quartier se saisisse de l’engin et de ses décibels (96 en moyenne), pour que tout le monde suive en chœur, dans une communion de folie jardinière. Certains ne se sont pas arrêtés-là et ce sont les taille-haies ou autres tronçonneuses qui ont joué leur partition, dans un joyeux boucan d’ordinaire un peu irritant il faut bien le reconnaître. Mais, dans le contexte actuel, ce bruit de voisinage nous rappelle avec délice que nous ne sommes pas seuls dans cette galère.
Car ces tondeuses qui déchirent depuis deux après-midi le silence pensant (pour les uns) ou bienfaisant (pour les autres) de la vie en ville, nous rappellent au besoin que si « l’enfer, c’est les autres », le paradis, finalement, aussi…
Drôle de guerre !
F.S.