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Le jour. D'après fred sabourin

on dirait qu'ça t'gêne de marcher dans la boue

31 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma

                                                La Vie moderne

Ad Vitam

de Raymond Depardon. Film documentaire. France, 2008. 70 copies ; 90 mn. Distributeur : Ad Vitam.

Les semaines se suivent mais les sorties au cinéma ne se ressemblent pas. Après Jacques Mesrine, nous changeons radicalement de genre, avec ce troisième et dernier volet de « La Vie paysanne », après « L’Approche » et « le Quotidien » de ces paysans des terres rudes du Massif Central.
Raymond Depardon n’est pas seulement un observateur fin et avisé de ses contemporains. Il ne suffit pas de débouler au bout des routes, dans ces fermes reculées « à mille milles de toute terre habité », de planter la caméra et d’attendre que les gens se livrent. Au pays des « taiseux », il faut gagner la confiance, et respecter les silences.
Car ceux-ci sont aussi beaux que les dialogues. Les visages, entre deux phrases souvent ponctuées de borborygmes ou de réponses courtes (« oui ; non ; mouais »), parlent d’eux mêmes.
« Au commencement, il y a ces routes », dit le génial réalisateur de cette « Vie moderne ». Des routes qu’il faut parcourir avec patience, pour rencontrer l’homme, qui se fond peu à peu dans le décor. Ici, le paysage est un personnage à part entière.
Depardon retourne donc voir, avec son bon sens paysan, Marcel et Raymond Privat, deux frères de 88 et 83 ans, qui peinent à s’occuper de leurs vaches et brebis.
Leur neveu s’est marié avec une femme venue du Nord. La cohabitation est fraîche.
Paul Argaud, solitaire, taciturne, peu bavard, regarde distraitement les obsèques de l’Abbé Pierre à la télévision… en noir et blanc.
Marcel et Germaine, 80 et 70 ans, peinent à s’occuper de leurs deux vaches. Bientôt, ils s’en sépareront.
Et puis il y a « les jeunes », ceux qui veulent encore y croire, malgré tout. Michel et Amandine, qui tentèrent de démarrer un élevage de chèvres. Peine perdue, ils doivent renoncer.
Puis, comme sur la pointe des pieds, Raymond Depardon repart, sous la lumière d’automne, superbe. L’homme s’efface peu à peu dans le paysage, comme absorbé par lui. Que vont-ils devenir ces hommes, ces paysans, ces terres ? Abandonnés ? Confiées à des paysans – paysagistes subventionnés par les crédits européens ? Zones protégées pour « tourisme vert » ? Nul ne sait, à l’heure actuelle, la forme que prendront ces terres rudes.
Une seule chose est sûre : dans La Vie moderne, nous assistons bien à la fin d’un monde, et pas encore le début d’un autre.
Mais, loin d’être triste, on en ressort paisible, riche de rencontres qui marqueront à jamais le spectateur, pour la bonne raison que Raymond Depardon agit dans ce documentaire à la manière d’un impressionniste : il capte la lumière, la beauté, la rudesse et la puissance des caractères humains.
Tout le reste est silence…

Ad Vitam


Ad Vitam

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Victimes de la mode

28 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #quelle époque !


     Le gilet jaune est obligatoire dans les voitures depuis un mois. Le triangle rouge aussi. Depuis, ça ne vous aura pas échappé, les gilets jaunes fluo (ou oranges, ça marche aussi) ornent les sièges avant des automobiles des Français. Obligatoire rime donc avec ridicule, puisqu’il s’agit de les avoir à porter de main, pas sur le dos. A croire que cet objet – que les psychanalystes qualifieraient de transitionnel – manquait aux conducteurs, depuis la ringardisation, cruelle, de la moumoute sur le volant et les housses de siège en tigre de votre bonne vieille R12 des années 70. On ne compte plus, donc, ces Français devenus très respectueux de la règle, au point de décorer l’intérieur velours de leur 405 ou Clio, plus rarement les grosses berlines allemandes intérieur cuir… étrange, non ?
Ce que nous savions moins, c’est que le gilet jaune, officiellement porté pour être vu de nuit c’est-à-dire lorsqu’il ne fait plus jour, se portait aussi en plein après-midi, dans une rue résidentielle, pour changer une roue… Faut-il que la France s’emmerde en ce moment pour se vêtir d’un tel truc !
La question reste ouverte : peut-on rouler bourré ou au dessus de la limite de vitesse si on arbore un gilet jaune sur le siège passager ?



Heureusement, la moisson du we ne s’arrêta pas à ce ridicule événement, et ce sont quelques grands ados qui soignent leur obésité future sur un banc public de la place des Célestins à Lyon, un dimanche midi. Nous sommes loin des volailles – haricots verts de chez mémé. Regardez bien la photo, il s’y passe d’ailleurs beaucoup de choses, sur les ailes, y compris dans les arrières plans !
Du bio, du bon, du Mac Do !





Pendant ce temps-là, le chameau aboie, et la caravane passe…


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Deux voyous sur la balance

23 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #édito

Pathé Distribution


         Etrange coïncidence :
l’ennemi public numéro un sur les écrans de France le jour où l’amie publique numéro une, Sœur Emmanuelle, entre dans l’éternité. Deux voyous, à leur manière. Se retrouveront-ils en paradis ? Rien n’est moins sûr. Car si l’une a cherché à faire le bien autour d’elle, l’autre a souvent commis le mal, dans une fuite en avant dont il savait la fin à l’avance. Peut-on comparer les deux ? Au sens propre non. Et pourtant, ils ont été, dans leur genre, des agitateurs publics. Ils portent en eux, comme chaque être humain, les racines du bien et du mal. Sœur Emmanuelle n’a jamais caché ses positions dans un franc parlé qu’elle laissait fuser avec cette voix perchée et ce rire malicieux. Ainsi, elle disait à qui voulait l’entendre ce qu’elle pensait sur : les pauvres, les riches, l’amour, les prêtres mariés, l’Eglise, la contraception, la mission, la bourgeoisie qui l’avait élevée. La phrase qu’elle supportait le moins, lorsqu’elle était enfant : « cela ne se fait pas ». Elle aura – presque – tout fait.
Mesrine n’a jamais caché que les obligations, l’Etat, la vie rangée, ne l’intéressaient pas. Il se demandait comment un Français moyen pouvait vivre avec 2500 francs par mois. Le fric, les filles, la grande vie, le crime et bien d’autres crapuleries : ils les assumaient, et connaissaient la fin d’une vie de mise en scène dont il fut bien souvent le propre producteur.
Etonnant entrechoc des évènements. Ils ont même en commun d’avoir enregistré un message posthume à diffuser après leur départ !

Ce mercredi, sur les écrans de France, le film de Jean-François Richet, avec Vincent Cassel dans une interprétation magistrale. Mesrine fut traqué par la police, puis par l’Etat tout entier lui-même. Si le Président Giscard avait pu s’y mettre aussi, il aurait dégainé.
Au même moment, à Notre-Dame de Paris, un parterre prestigieux assistait à une messe de requiem pour celle qui avait consacré sa vie à l’amour, aux autres, jusqu’aux tréfonds des plus miséreux. Sous les voûtes sacrées, des hommes d’Etat, des femmes d’Etat. Des cardinaux. Des religieuses. Le Président, en personne.
Quel signe doit-on y voir ? J’ai envie de répondre : Dieu seul le sait, ou l’ignore encore... Car si on ne peut guère avoir de doutes sur l’avenir éternel et paradisiaque de « la petite sœur de tous », tout un chacun peut se poser des questions sur l’endroit où repose réellement Jacques Mesrine.
Il paraît que la miséricorde de Dieu est plus forte que tout. Qu’en est-il pour les voyous ? La réponse est sans doute un peu sur l’écran, un peu dans un petit cimetière du Var… 





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Viens voir les comédiens...

21 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #quelle époque !



… voir les musiciens, voir les magiciens qui arrivent. Ils ont déboulés en petites grappes, fendant la foule. Le spectacle commençaient déjà, s’interpellant les uns, les autres, devant les badauds qui badaient, entre la poire et le fromage au sens propre car il s’agissait d’un happening gastronomique populaire en pleine rue (la "fête du ventre", ça ne s'invente pas). Ca tombait bien, cette semaine nous avions vécu la journée mondiale du refus de la misère, et celle de lutte contre la faim. Bon.
Le prodigieux spectacle de la rue s’est mis en place, un drap, un faux projecteur, des visages blancs, des costumes années trente : on allait nous faire du cinéma. « Approchez ! approchez ! Mesdames et messieurs, dans un instant, ça va commencer ! ».
Puis vinrent « Drôle de drame », « Marius »… 

« Sur l’écran noir de mes nuits blanches, moi je te fais du cinéma, sans pognon et sans caméra, Bardot peut partir en vacances, ma vedette c’est toujours toi » chantait le poète.
L’espace d’un instant, c’était Jouvet, Simon, Raimu, Pierre Fresnay.
L’espace d’un instant, c’était bon de voir les comédiens, les musiciens, les magiciens.
Ils arrivent.









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Seventees revival

16 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #quelle époque !

Mesrine : L'Ennemi public n°1


Tout ce qui est vintage a du bon : et la « crise » participe à ce grand mouvement de l’adoration nostalgique du bon vieux temps qui n’était pas si mauvais que ça.
Le cinéma vient même, en ce moment, à notre aide en enfonçant le clou dans un spectacle du monde que d’aucun aurait tort de siffler avant le début du match.
Sur les écrans, cette semaine, et la semaine prochaine, quelques vignettes des années 70 et surtout deux personnages apparemment contradictoires, mais pas tant. Coluche et Mesrine. Le clown et le voyou. Celui qui faisait mourir de rire, et celui qui faisait mourir tout court.
Dans un article de Frédéric Théobald dans « La Vie » (semaine du 16 octobre), ce confrère prend le risque de comparer l’incomparable. « Pourtant, à l’écran, ils ravivent un même pan du passé et semblent, à leur façon, agiter un même drapeau de la contestation et de la radicalité » écrit-il.
Comme je n’ai vu de « Mesrine, l’instinct de mort » que la bande annonce, donc très commerciale et très réductrice, je ne m’étendrai pas trop sur le sujet. Cela étant, une conversation récente avec une personne intelligente m’amenait à quasiment défendre avant l’heure un film taxé de voyeurisme, voire de mythe errant depuis sa mort le 2 novembre 1979. Ou assassinat, c’est selon. Mais déjà, en utilisant à dessein le mot « mort » ou « assassinat », il y a, nous le savons bien, un parti pris.

Mesrine : L'Ennemi public n°1 - Vincent Cassel

« Coluche, l’histoire d’un mec » (de Antoine de Caunes) en revanche est sur les écrans depuis mercredi. Là aussi, la mythification du personnage Coluche, que certains, dans la France des années 80, n’ont pas été déçu de voir disparaître sous un camion d’une route à lacets de Corse, tient parfois du délire collectif. Mythe d’un âge d’or où la contestation, selon les propos du clown lui-même, « était née du capital, engendrée du capital, donc le capital était plus important que la contestation car la contestation ne vit pas du capital alors que le capital vit de sa contestation ». Cet excellent sophisme, à la limite de l’absurde, illustrerait - si j’osais ! – la frénésie et la schizophrénie financière dans laquelle banquiers et traders nous ont entraînés.
Dans les deux films, aux reconstitutions minutieuses (rien ne manque : ni costumes, ni images d’archives de télé et radio, ni véhicules d’époque), la tentation est forte de rapprocher les deux périodes : aujourd’hui, et hier (c’est-à-dire Coluche et Mesrine). Crise du pétrole, obsession du pouvoir d’achat, fête à gogo et ivresse pour oublier, peurs ancestrales agitées par l’ennemi public n°1, bordel organisé dans une campagne électoral chiante par un clown que les grossiers trouvaient vulgaire.

Coluche, l'histoire d'un mec - François-Xavier Demaison

Je me souviens, enfant, des images de ces deux personnages : à entendre les adultes parler de lui, j’avais l’impression que Mesrine allait débarquer dans la petite ville de province qui m’abritait alors, au cœur du Poitou, et allait flinguer tout le monde. Je me rassurais comme je pouvais, en constatant qu’à la maison, il y avait un fusil de chasse : on saurait se défendre. Et il n'avait jamais braqué d'école primaire.
Mais je me souviens aussi des rires grinçants que provoquaient le clown en salopette et tee-shirt jaune qui conspuait la publicité, et les « z’hommes politiques ». Il provoquait cette philosophade bien connue : « il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ». Hélas, pourrions-nous dire ! Dans un monde d’hypocrisie - valeur sans doute la mieux transmise malgré elle – si le mensonge était moins notre plus grand dénominateur commun, on rigolerait sans doute moins, mais on s’en porterait peut-être un peu mieux.
Jean-François Richet, à qui l’on doit ce « Mesrine, l’instinct de mort », dépeint son héros de la sorte : « un homme libre, un vrai rebelle. Mesrine, c’est quelqu’un qui dit non, qui dit : ‘ j’aime pas les riches et les forts… J’aime pas l’Etat’ ». C’est pourtant l’Etat qui l’a eu, après l’avoir bien fait cavaler.
Ce revival des années 70 finissantes et 80 pleines des promesses de nouveaux commencements est à voir sur écran.

Coluche, l'histoire d'un mec - François-Xavier Demaison

Ah ! J’allais oublier ! Raymond Depardon sort le 29 octobre le troisième volet de ses documentaires sur le monde paysan : « la vie moderne ». A voir, vraiment. L’effondrement d’un monde, celui de nos racines pour la plupart, réduit à peau de chagrin dans des contrées lointaines si belles pour le tourisme estival. Des paysans approchés avec une infinie tendresse et un profond respect, noueux comme un pied de vigne. Dans le précédent volet, une vieille paysanne demandait à une autre (à propos de R. Depardon) : « pourquoi il me film ? »  - Réponse : « parce que tu es là ».

Silence… ça tourne… 


La Vie moderne

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Première Séance

9 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma

                        La Frontière de l’aube


Les Films du Losange

de Philippe Garrel. France, Italie 2008. 105 mn. Distributeur : les Films du Losange. Avec : Louis Garrel ; Laura Smet ; Clémentine Poidatz…

Le film de Philippe Garrel a vidé la moitié d’une salle pendant le dernier festival de Cannes en un quart d’heure. N’allez pas croire que les festivaliers, public difficile s’il en est, aurait posé ce geste en réaction contre le film. Il s’agirait plutôt de chercher du côté de l’auteur, cinéaste maudit sur la croisette. Pour ceux qui ont eu l’audace de rester jusqu’à la fin, ils ont pu assister – tout comme nous – à un très bel objet de cinéma, tendance nouvelle vague. Ce film possède une âme, un charme poétique à la finesse qui n’a d’égal que le désir du réalisateur de ne pas avoir cherché, justement, à faire œuvre de poésie.
Sans doute un des plaisirs à voir La Frontière de l’aube tient-il à l’image, en noir et blanc, relevant les contours de Louis Garrel, Laura Smet et Clémentine Poidatz. Ils apparaissent comme sortant d’un rêve, où les apparitions de Carole (Laura Smet) sont bricolées à la manière d’un Cocteau.
C’est l’histoire d’amour entre une star de cinéma délaissée par son mari rapidement parti à Hollywood, et d’un photographe qui doit faire un reportage sur elle. Amants pendant quinze jours dans un hôtel, ils se quittent brusquement au retour du mari acteur. Sans nouvelles, Carole se noie dans l’alcool, au sens propre comme au figuré.
François, le photographe, refait sa vie avec Eve, jeune femme fragile, qui, tombant enceinte, souhaite garder l’enfant. François, un peu sceptique, accepte. Il se met alors à voir des hallucinations : Carole apparaît dans un miroir, et l’appelle à elle. Il doute alors de ses sentiments.
Film sublime aux accents romantiques, La Frontière de l’aube laisse le spectateur au bord du vide, prêt à sauter. Mais dans cette sensation onirique, comme le cinéma, reste « pour de faux », et on en ressort les yeux émerveillés par tant de grâce et de beauté sur pellicule.
Dommage que le jury cannois n’y ait vu, lui, que de la poudre aux yeux, obsédé par autre chose, sans doute.

Les Films du Losange


Les Films du Losange


Les Films du Losange


Les Films du Losange


Les Films du Losange


Les Films du Losange

Cette chronique cinéma qui n'engage que son auteur est audible chaque semaine, le mercredi 12h55, sur RCF Angoulême 96.8 (podcastable) ; et le jeudi sur RCF Rouen 90.2 à 11h30 & 12h55.

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Vide bourse

6 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #regarde-la ma ville



Nous avons bien pris acte que c’est la crise, la récession, la dégringolade financière, le temps des patates est de retour (pour certains il ne fait que continuer), la fin de partie pour tous ceux dont le métier était de jouer avec l’argent, le tiens, le mien, le nôtre pour être plus précis. Qu’on se rassure, beaucoup de ces joueurs sont à l’abri des embiernes - comme on dit dans la capitale des Gaules - grâce à des matelas de fric confortables, et durement amassés depuis des lustres.
Mais d’autres ont déjà trouvé une reconversion, tel ce peintre aux pastels, qui, après discussion, accepta le cliché volé. Il faut bien vivre, me disais-je, et si les anciens banquiers accrocs de la finance pouvaient laisser filer au grand jour la fibre artistique qui sommeille en eux, le monde s’en porterait peut-être un peu mieux. Mais je vois déjà poindre en vous, lecteur à la sagacité bien affûtée, un sourire de compassion : quelle candeur ! Un monde d’artistes ! Un rêve éveillé, un cauchemar pour d’autres…



« Pas de souci », selon l’expression très en vogue et terriblement rasoir (égratignée, parmi d’autres, par Philippe Delerm dans Ma grand-mère avait les même. Les dessous affriolants des petites phrases chez Point). « Pas d’souci », la rue suivante vient m’arracher à mes rêveries de saltimbanque. Nous sommes bien dans un monde où règnent l’argent, les financiers et les banquiers. Et mieux vaut avoir ses mains près de ses poches, de peur que des sous n’en tombent et se perdent. La preuve par l’image.



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quatre saisons, douze photos (n°2)

4 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #concept

Deuxième photo de cette série sur le déroulement du temps et des saisons sur un même lieu. Automne, suite, un mois après le commencement début septembre. (ici)



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Le crime est notre affaire

3 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma

Le nouveau film de Pascal Thomas sera sur les écrans de France et de Navarre mercredi prochain. Il s'agit d'une adaptation d'un roman d'Agatha Christie, la deuxième pour ce réalisateur, après Mon petit doigt m'a dit en 2005 ; nous y reviendrons.
Ce jeudi, il était invité dans nos studios, avec André Dussolier et Catherine Frot. Moment délicieux, on en salivait d'avance.
Et combien l'heure passa vite !




 

 


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la photo des noces

1 Octobre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #émerveillement

(fable cynique et iconoclaste à l’usage des malpolis)




Dans un mariage, on peut s’emmerder ferme. Je ne parle pas de la mairie ou de l’église, qui mettent les convictions des récipiendaires à rude épreuve. Les uns considèrent le passage sous les ors de la République comme une formalité sans valeur, seul compte le sacré d’une église romane du XIè siècle avec le vieil oncle prêtre. Pour d’autres, c’est l’inverse, et les convictions chèrement acquises se diluent dans un simulacre de cérémonie lisse et sans saveur. Comme une vieille toile cirée qu’on a eu peine à retaper avec une éponge hors d’âge.

Ensuite vient le vin d’honneur. C’est encore le moment le plus amusant. On se rince le gosier à grand coup de champagne frais, et, au fur et à mesure de l’avancement du pince-fesses, tiède. Ce qui revient à dire qu’on se fait de plus en plus suer à mesure que se rapproche le moment tant redouté : le dîner « assis – placé » (comme aux courses de chevaux). Dans un instant nous y reviendrons. On se gave de petits fours, et il faut reconnaître aux traiteurs des trésors d’ingéniosité : ces temps-ci, les « verrines » au guacamol sont très « tendance ».
Le cocktail a néanmoins, disions-nous, quelques avantages : les bavardages y sont polis, gracieux, emprunts d’une sincérité à faire se cabrer un cheval de bois pour donner des coups de pieds. Tout le monde est beau, bien habillé, les hommes rasés de près (ou légèrement barbus, pour un négligé bc-bg très étudié), les jeunes femmes à moitié nues sous des robes transparentes, et, conséquence du champagne, de plus en plus avinées donc pour certains des proies faciles. Les beaux-parents rayonnent (même s’ils ne sont pas beaux). Les parents jubilent. On recrée l’histoire, souvent la leur, le mariage n’étant – visuellement du moins – qu’une réédition de celui célébré trente ans plus tôt.

Puis vient le moment tant redouté du dîné « assis – placé » (ndlr). Si on a de la chance, pas la peine d’épiloguer. Mais souvent, on se retrouve assis en face d’une cousine incasable et donc pas casée (on comprendra très vite que ce n’est pas uniquement à cause du physique). Ou en face d’un ami d’enfance informaticien dans le Jura. Et entre deux couples : l’un danois, rencontré lors d’un Erasmus improbable en Biélorussie ou à Barcelone. Pas de chance, ceux-ci ne parlent qu’anglais avec un fort accent du Danemark, et ne comprennent rien aux mœurs francophones. De l’autre côté, un couple de jeunes mariés avec leur premier enfant de deux mois et demi, donc ils passeront le repas alternativement absents (au début) pour aller voir « si tout se va bien ». Puis bientôt les deux (pendant dix minutes). Puis tout le reste du repas. Ils sont inquiets, la route a été longue, le petit a des rougeurs sous les fesses et pleure beaucoup. Je passe sur les discours des « amis / es », avec l’inusable (et pourtant archi usé) diaporama de la love story, des couches culottes au séjour au ski « où ils se sont dit oui devant tous leurs amis », en passant par l’enterrement de vie de garçon et de jeune fille. Enfin, là, les photos sont soigneusement sélectionnées, parce que sinon c'est le drame…

Un vrai mariage ne serait pas un vrai mariage sans le discours du père de la mariée. Ah ! Quel grand moment de littérature ! Un délice oratoire ! Parfois, il faut quand même admettre que certains s’en sortent pas si mal, à grand renfort de mise en scène (lumière tamisée, lunette sur le bout du nez, emphase dans la gestuelle et/ou le phrasé). Mais souvent, c’est une catastrophe émotive, émosionifiante, banalisante, reléguant le gendre au rang de gentil voleur qui sera toujours le bienvenu, à condition qu’il n’oublie jamais qu’avant de franchir la porte, il y a le paillasson. Sous un tonnerre d’applaudissements et un torrent de larmes, le tout s’achève sous les feux follets de la pièce montée, aux curieux petits personnages juchés en haut, prêt à choir.
Puis vient la valse, à trois temps si on écoute bien, mais, sous le contre rythme de marteau piqueur du marié raide comme un piquet – qui a souvent daigné prendre deux ou trois leçons avec sa future, sous la menace d’un divorce par anticipation – évolue rapidement en valse à mille temps. Massacre de Rostropovitch, ou Strauss, naufrage du cygne dans le beau Danube bleu. Trente secondes pas plus en solo, et les invités (souvent plus expérimentés mais la chose devient rare) viennent cacher de leurs duos le couple de mariés chancelant et au bord du précipice. Déjà.
Ensuite, après deux valses, trois rocks à papa et « Just a gigolo », les vieux sont priés d’aller se rasseoir pour finir leurs discussions sur le prix de l’immobilier dans le sud de la France et la difficulté à trouver des étudiants fiables pour la location du studio dans le 6è à Paris, et les « jeunes » se trémoussent sur de la housse, techno des années 80 – 90, bien vite rejoint par les « entre deux jeunes », quadras finissant au regain d’adulescence (non, il n’y a pas de faute d’orthographe…).

Les vieux tontons sont bourrés. Les jeunes leur trouvent d’immenses qualités de conversation, et surtout de bons cigares. Paul et Virginie s’en vont dans un buisson, la cravate en berne, une bretelle de robe déjà par terre. Et tout le reste, qu’on ne verra pas, finira dans la piscine pour un « bain de minuit » à quatre heures du matin, lorsque le DJ passera « Méditerranéenne » d’Hervé Villard, juste après « Cherchez le garçon » de Taxi Girl.



Finalement, le seul truc qui restera dans un mariage, c’est la photo des noces. Tout le monde est là. Tout le monde sourit. Tout le monde semble content. Sauf une.

Et c’est celle-là qu’on remarque le plus.



"Une noce chez le photographe" (1879). Pascal - Adolphe - Jean DAGNAN-BOUVERET

musée des beaux arts, Lyon


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