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Le jour. D'après fred sabourin

Sur la route (drôle de guerre)

22 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #rural road trip, #drôle de guerre

- Quelque part en Europe, au pays d'Alinéor -

- Quelque part en Europe, au pays d'Alinéor -

Elle a explosé de mille feuilles, avec ce vert cru du printemps ressuscité d’entre les morts, accompagné de pluies chaudes qui feraient presque songer aux orages d’été, lequel semble pourtant loin... La nature est belle à fendre le cœur, et le camion de l’épicerie solidaire taille les grises petites routes départementales à destination des cinq communes du nord Charente où clients et bénéficiaires viendront remplir un peu leurs cabas du nécessaire, oublié le superflu.

- land art in Aunac-sur-Charente -
- land art in Aunac-sur-Charente -

- land art in Aunac-sur-Charente -

Arrivée à Aigre – rien que le nom de la commune pourrait donner des aigreurs d’estomac – la petite troupe installe vite, vite, son petit cirque ambulant, dans la salle des fêtes au rez-de-chaussée de la mairie qui en a vu d’autres et probablement des plus joyeuses. On dirait un bal masqué vénitien, chacun s’agite selon une chorégraphie improvisée, aux gestes sûrs pourtant. « Ça ? ici. Ça ? Là. Tout le monde est prêt ? On a mis le flacon de gel hydroalcoolique à l’entrée ? Ok c’est bon on peut y aller alors ». On appelle les gens, un par un, on vérifie que les prescriptions des travailleurs sociaux sont à jour, on donne les consignes : respectez les distances sanitaires, les gestes barrières, etc. Qu’il semble loin, le temps de la terreur liée aux risques d’attentats, les fouilles, tout ça… On s’enquiert des nouvelles de l’une, s’inquiète de l’absence d’un autre. La résignation – la résilience ? – domine au dessus de chaque crâne, et, malgré les masques, on sent parfois poindre un sourire ici ou là, pas mécontent de nous voir maintenir à bout de bras l’aide alimentaire, avec les moyens du bord.

- Ceci n'est pas Abbey Road -

- Ceci n'est pas Abbey Road -

C’est dans le dernier quart de la file d’attente qui s’est formée qu’a jailli Victor. Un grand bonhomme sans âge – 55-60 ans, peut-être ? – le visage émacié dont le menton est bouffé par un masque et le reste mangé par une barbe blanche jaunie par le tabac au niveau de la moustache ; des cheveux à l’identique de ceux d’un juif errant, d’un pâtre grec : aux quatre vents. Un regard azur comme la ligne bleue des Vosges. Victor parle français en roulant les r, mais on le comprend parfaitement. Victor vient, nous dit-il quand on le lui demande, de Transylvanie. Il n’a pas dit « Roumanie », il a dit « Transylvanie ». Avec lui débarque un grand vent d’Est, de forêts profondes et inquiétantes, de voyages à pied. Victor fait la route, un routier comme on en voit sans doute peu – pas un routard, trop connoté – un chemineau, quelqu’un qui « chemine ». Depuis longtemps ? Oui, visiblement. À pied, à vélo : « je suis sans domicile fixe » avoue-t-il mais on s’en doutait. Victor est propre, sa casquette n’est pas crasseuse comme on pourrait l’imaginer. Aux pieds il porte des croquenots de montagne à bouffer du bitume et les chemins noirs - qui sont en réalité blancs - sur les cartes au 25.000e. Victor est un arpenteur. Il se joue des contrôles de gendarmerie : « Il me demandent de rentrer chez moi… Mais je n’ai pas de chez moi ! ». Victor a « entendu parler » de cette distribution alimentaire – pourtant réservée à ceux qui ont une prescription pour en bénéficier – il a besoin de nourriture, c’est tout. Que faire ? Lui dire de rentrer chez lui, nous aussi ? « Je dors dans une maison abandonnée, là bas (il esquisse un geste vers on ne sait où) ; demain je vais à Rouillac. Après… ? Je ne sais pas, difficile, pas de travail dans les champs pour les récoltes de fruits et légumes, tout est bloqué, j’aimerai bien travailler mais… » explique-t-il, le regard droit mais doux, avec cette espèce de sérénité mâtinée de résilience de ceux qui n’ont plus de port d’attache depuis longtemps, mais un sacré sens de la débrouille. Aujourd’hui ici, demain ailleurs, qui vivra verra. Victor n’a pas d’argent, mais il a faim.

Alors on lui donne des pâtes (« le riz ça cuit trop longtemps, je n’ai plus de gaz… »), des céréales, du beurre, du poulet basquaise en plat individuel, une boîte de maquereaux, des fruits au sirop, des tomates pelées en conserve, un savon, du chocolat… Il fourre tout ça dans un sac et remercie, puis s’en va. En le regardant s’éloigner – on ne le reverra jamais, il n’a pas de téléphone impossible de savoir où il sera demain soir ni s’il a besoin de quelque chose – nous reviennent dans la gueule ces vers d’Aragon, qui prennent tout à coup une épaisse réalité inattendue :

« Que ton poème soit dans les lieux sans amour

Où l’on trime où l’on saigne où l’on crève de froid

Comme un air murmuré qui rend les pieds moins lourds

Un café noir au point du jour

Un ami rencontré sur le chemin de croix ».

(Ce que dit Elsa, 1942)

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Je voudrais pas crever (drôle de guerre)

19 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #drôle de guerre

- Ecce homo -

- Ecce homo -

Silence absolu, silence de mort. Nature morte ? Nature vivante, mais vide de l'Homme, ou presque. Sa trace est encore présente, pour longtemps encore. Apocalypse, demain ?

- Dernier métro avant l'apocalypse -
- Dernier métro avant l'apocalypse -
- Dernier métro avant l'apocalypse -
- Dernier métro avant l'apocalypse -

- Dernier métro avant l'apocalypse -

 

Je voudrais pas crever - Boris Vian

 

   Je voudrais pas crever

    Avant d'avoir connu

    Les chiens noirs du Mexique

    Qui dorment sans rêver

    Les singes à cul nu

    Dévoreurs de tropiques

    Les araignées d'argent

    Au nid truffé de bulles

    Je voudrais pas crever

    Sans savoir si la lune

    Sous son faux air de thune

    A un coté pointu

    Si le soleil est froid

    Si les quatre saisons

    Ne sont vraiment que quatre

    Sans avoir essayé

    De porter une robe

    Sur les grands boulevards

    Sans avoir regardé

    Dans un regard d'égout

    Sans avoir mis mon zobe

    Dans des coinstots bizarres

    Je voudrais pas finir

    Sans connaître la lèpre

    Ou les sept maladies

    Qu'on attrape là-bas

    Le bon ni le mauvais

    Ne me feraient de peine

    Si si si je savais

    Que j'en aurai l'étrenne

    Et il y a z aussi

    Tout ce que je connais

    Tout ce que j'apprécie

    Que je sais qui me plaît

    Le fond vert de la mer

    Où valsent les brins d'algues

    Sur le sable ondulé

    L'herbe grillée de juin

    La terre qui craquelle

    L'odeur des conifères

    Et les baisers de celle

    Que ceci que cela

    La belle que voilà

    Mon Ourson, l'Ursula

    Je voudrais pas crever

    Avant d'avoir usé

    Sa bouche avec ma bouche

    Son corps avec mes mains

    Le reste avec mes yeux

    J'en dis pas plus faut bien

    Rester révérencieux

    Je voudrais pas mourir

    Sans qu'on ait inventé

    Les roses éternelles

    La journée de deux heures

    La mer à la montagne

    La montagne à la mer

    La fin de la douleur

    Les journaux en couleur

    Tous les enfants contents

    Et tant de trucs encore

    Qui dorment dans les crânes

    Des géniaux ingénieurs

    Des jardiniers joviaux

    Des soucieux socialistes

    Des urbains urbanistes

    Et des pensifs penseurs

    Tant de choses à voir

    A voir et à z-entendre

    Tant de temps à attendre

    A chercher dans le noir

    Et moi je vois la fin

    Qui grouille et qui s'amène

    Avec sa gueule moche

    Et qui m'ouvre ses bras

    De grenouille bancroche

    Je voudrais pas crever

    Non monsieur non madame

    Avant d'avoir tâté

    Le gout qui me tourmente

    Le gout qu'est le plus fort

    Je voudrais pas crever

    Avant d'avoir gouté

    La saveur de la mort...

 

Je voudrais pas crever (drôle de guerre)
Je voudrais pas crever (drôle de guerre)
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Le vent d’hiver souffle en avril (drôle de guerre)

17 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #drôle de guerre

Le vent d’hiver souffle en avril (drôle de guerre)

À chaque guerre ses morts. Il y a ceux, bien réels, qui s’inscrivent en lettres d’or sur les monuments de nos places. Il y a ceux, moins visibles mais tout aussi réels, des attentats. Il y a ceux, discrets, sur des plaques aux coins de certaines rues : « ici est tombé Pierre, Paul ou Jacques, FFI, en 1944, fusillé par les nazis ». On s’en aperçoit quand parfois fleurissent les chrysanthèmes au bas des murs gris de nos villes. Et il y a ceux du Covid-19. Cette « drôle de guerre » comme on dit, nous fauche en plein élan de renouveau printanier, dont on ignore l’issue et surtout quand. Beaucoup de morts anonymes, seuls ; et ceux, depuis quelques jours, qui donnent des visages connus à la pandémie. Il y a d’abord eu Patrick Devedjian fin mars, puis cette semaine l’écrivain Luis Sepùlveda et Christophe, ce matin au saut du lit. L’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour et celui des Mots bleus. Et merde.

C’est une part de notre jeunesse qui s’en va, tombée au front de l’épidémie. Le roman de Luis Sepùlveda – le premier, celui qui l’a révélé au monde littéraire – fut lu la dernière année lycée, sous les copies de cours qui nous rasaient, et fut une révélation. Le titre était déjà tout un programme. On l’avait dévoré. "Le ciel était une panse d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au dessus des têtes. Le vent tiède et poisseux balayait les feuilles éparses et secouait violemment les bananiers rachitiques qui ornaient la façade de la mairie. Les quelques habitants d'El Idilio, auxquels s'étaient joint une poignée d'aventuriers venus des environs, attendaient sur le quai leur tour pour s'asseoir dans le fauteuil mobile du dentiste, le docteur Rubincondo Loachamin, qui pratiquait une étrange anesthésie verbale pour atténuer les douleurs de ses clients".

Christophe, comme tous les artistes populaires, a accompagné notre vie depuis l’enfance, souvenirs mêlés des hit-parades écoutés ad libitum dans les autoradios des 504 familiales sur la route des vacances (toujours trop longues) ; mélodies entêtantes et sirupeuses réécoutées jusqu’à l’usure des 45 tours puis des « K7 » audio sur les premiers « walkman » qu’on appelait pas encore « baladeurs ». Ses chansons se lisent même avant de s’écouter.

« Dandy un peu maudit, un peu vieilli, dans ce luxe qui s'effondre ; te souviens-tu quand je chantais  dans les caves de Londres, un peu noyé dans la fumée, ce rock sophistiqué. Toutes les nuits tu restais là, peut-être un beau jour voudras-tu retrouver avec moi les paradis perdus ».

Ou encore : « J'avais dessiné, sur le sable, son doux visage, qui me souriait. Puis il a plu, sur cette plage, dans cet orage, elle a disparu »

Et encore : « Il est six heures au clocher de l'église, dans le square les fleurs poétisent, une fille va sortir de la mairie. Comme chaque soir je l'attends, elle me sourit. Il faudrait que je lui parle à tout prix. Je lui dirai les mots bleus, les mots qu'on dit avec les yeux, parler me semble ridicule, je m'élance et puis je recule devant une phrase inutile qui briserait l'instant fragile, d'une rencontre, d'une rencontre… »

Que sont ces morts au milieu du champ de bataille mondial qui est en train de se dérouler actuellement ? Pas grand-chose assurément. Mais par leur pouvoir d’évocation, de sensations, d’émotions partagées et retrouvées, en faisant un peu le ménage « des feuilles en vrac dans le bureau de nos mémoires » (sic), les mots de Sepùlveda et de Christophe apportent encore davantage de paradis perdus à nos illusions qui ne le sont pas moins. Et l’on se surprend à frissonner comme dans un vieux pull, dans ce si beau printemps où « le vent d’hiver souffle en avril ».

Drôle de guerre.

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À Joinville-le-Pont, Pon ! Pon ! (drôle de guerre)

11 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #drôle de guerre

À Joinville-le-Pont, Pon ! Pon ! (drôle de guerre)

Pour conjurer le mauvais sort d’être confinés, les températures plus que printanières le permettant, les Français ont ouvert les fenêtres. Pour chercher l’évasion, sans doute. Pour gagner en surface et avoir ainsi l'impression d'être un peu dehors. S’échappent des maisons et appartements des bruits parfaitement distincts, les rues étant désertes, débarrassés du vacarme des moteurs. C’est à peine si l’on entend le pas plus ou moins pressés de quelques évadés provisoires, dument munis de leurs laisser-passer. Des bruits, et des odeurs de cuisine, de vieilles caves par endroit, de lilas et bientôt de muguet. Un long dimanche de 15 août depuis plus de trois semaines. Jusqu’à la fin de notre mort, toute notre vie, qui sait ? 

Elle a surgit au détour d’une rue, quartier Saint-Roch à Angoulême, pendant que nous faisions notre petite promenade quotidienne de taulard. La voix de Bourvil, chantant « À Joinville-le-Pont, Pont ! Pont ! Tous deux nous iront, Ron ! Ron ! Regarder guincher chez chez chez Gégène… ». Une voix et une musique qu'on aurait pu croire sorties d’un vieux phonographe, qui nous ramène pratiquement dans la France post Seconde Guerre mondiale. Cette France qui sentait bon l’encaustique des vieux escaliers de bois, les pivoines de la Fête-Dieu et les dentelles de nos grands-mères. Une France d’avant qui se pensait dans l’après-guerre, un peu comme nous quand on imagine le jour d’après (mais quand ?).

Une tête hirsute poivre et sel est sortie par la fenêtre du rez-de-chaussée – ça n’était donc pas Bourvil lui-même – cravaté et le pantalon de tergal gris tenu par des bretelles carmins. « Un ancien militaire », m’a dit la voisine qui, sur ces entrefaites, est arrivée en voiture et s’est garée devant sa fenêtre. « J’ai planté de l’ail » déclara l’homme à un autre, un peu en retrait dans l’appartement, dont on apercevait aussi le bordel organisé d’une table de cuisine prête à partir, chargée d’un fatras d’objets quotidiens jamais rangés et toujours sous la main.

Et la sono crachait « À Joinville-le-Pont, Pont ! Pont ! Tous deux nous iront, Ron ! Ron ! », nous éloignant le sourire aux coins des lèvres dans cette rue étroite d’une ville moyenne, d’un département moyen, dans la vaste région chère à une certaine Aliénor, en France métropolitaine confinée au milieu d’une Europe fermée dans un monde qui ne l’est pas moins.

Notre vie semble être entrée dans un entonnoir, faisant penser aux pavillons des phonographes qui crachotaient autrefois le répertoire populaire des bals musettes dans les guinguettes des bords de Marne. Une époque où les gens aimaient à se retrouver dans l’insouciance revenue, le temps d’une valse. Autant dire il y a une éternité…

Drôle de guerre.

À Joinville-le-Pont, Pon ! Pon ! (drôle de guerre)
À Joinville-le-Pont, Pon ! Pon ! (drôle de guerre)

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Comment ça va ? « C’est dur, vous savez », a-t-elle dit (drôle de guerre)

7 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #rural road trip, #drôle de guerre

C’était au 21e jour de réclusion (pudiquement nommé « confinement »), dans une petite bourgade de Charente, sur un parking de collège désert et désespérant, à l'ombre d'une salle polyvalente sans âme sous un ciel gris délavé par la pluie du matin. Ni chaud ni froid : tiède, comme l’époque que nous vivons. Une tiédeur à vomir, comme aurait dit Dieu, paraît-il. Un printemps tout d’un coup mou.

- "le diable rit avec nous" -

- "le diable rit avec nous" -

L’épicerie solidaire a déployé ses caisses, sorte de petit cirque ambulant d’un jour, d’une heure seulement. Quarante-sept colis alimentaires préparés à l’avance et vendus quelques euros pour les bénéficiaires du coin. Et dans cette partie du nord Charente les coins sont souvent très éloignés les uns des autres.

Comme il est désormais convenu, et sans doute pour une période encore indéterminée, nous demandons de respecter les « mesures de distanciations sociales », et les « gestes barrières ». Avant, on tentait d’être un peu chaleureux, on se parlait de près et on se touchait pas trop quand même) bref : on discutait. Désormais, on se tient à distance des autres, par crainte de tomber malade, voire d’en mourir, pour certains.

Pour signifier à une personne qu'elle peut s’approcher et tendre son sac de courses que nous allons remplir, on s’approche à quelques mètres en les appelant par leur nom. Parfois, c’est plus fort que nous, on glisse à quelqu’un qu’on connait un peu mieux que les autres : « comment ça va ? ». Marie-Christine (le prénom a été changé) a répondu tout doucement, sans forcer la voix : « C’est dur, vous savez… ».

Dans son regard, on a perçu toute la détresse d’un monde en train de s’effondrer. Pas seulement la détresse d’une situation sanitaire difficile à contrôler – et inquiétante à plus d’un titre – mais la détresse de ceux et celles qui savent parfaitement que "le jour d’après" sera encore plus dur que ce que nous vivons actuellement, confinés. La détresse des lendemains qui déchantent, ceux d’une crise économique désormais certaine, violente, écrasante. La détresse de l’effondrement d’un monde d’où ces « personnes en situation de précarité » comme le dit la novlangue du XXe siècle sont déjà exclus, rejetés, confinés dans les fonds de campagnes – les fameux « territoires ». Là où tous les réseaux rament : téléphoniques, Internet, transports collectifs, services de soins, services publics... « C’est dur, vous savez… ». Oui on sait et on imagine sans peine que cela va l’être davantage pour vous ensuite.

Déjà en rade du « système » en vigueur jusqu’alors, qu’en sera-t-il après, quand ils rejoindront, avec de bonnes longueurs d’avance, les millions de gens qui vont se retrouver dans leur situation, qui chercheront eux aussi à grignoter quelques miettes d’un gâteau où déjà leurs propres dents parviennent à peine à dégager de quoi se survivre ? « C’est dur, vous savez… ». On n’a pas fini de l’entendre, cette petite phrase, dans les coins perdus du nord Charente jusqu’aux centres des villes, en métropole jusque dans les confettis de l’Empire. « C’est dur, vous savez… ». Et c’est déjà ce qui nous donne un frisson quand on ne peut pas faire grand-chose, ou si peu, essayer de trouver des « solutions » dont on devine là aussi qu’il y aura beaucoup de monde sur le créneau.

« C’est dur, vous savez… ». Cette vie d’aujourd’hui qui commençait déjà hier, ce sera très probablement la vie de demain, le fameux jour d’après, quand « on sera sorti du confinement » dont Dieu lui-même ignore la date. On entend parler de refonte totale de nos modes de vie, de nos sociétés, de nos modes de déplacements, de fabrication, de relations... Des utopies, en somme. Ça aussi, « c’est dur, vous savez… ».

Drôle de guerre.

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