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Le jour. D'après fred sabourin

Ombres & lumière

20 Août 2009 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #montagne

Grotte de Casteret (2800m), massif Gavarnie - Mont Perdu


Le corps encore ensommeillé et endolori des affres du sac à dos hissé la veille peine à se mettre en route. Pour l’instant il ne s’agit que de sortir du duvet froissé, cocon protecteur sous la toile de tente posée là, façon bivouac, sans nulle autre assistance que l’appréciation du lieu et le coup d’œil inquiet à l’horizon de la météo nocturne. Quand enfin l’horizontal rejoint la position verticale, pour cette alliance journalière qui doit nous conduire ailleurs, toujours plus loin et – si possible – plus haut, alors l’œil se met lui aussi à reprendre vie. Et l’esprit !


Vignemale sortant des nuages, depuis le Balaïtous (3144m)

Des ombres et de la lumière jaillissent alors, ou parfois se montrent plus discrètes et inattendues comme au sortir de cette grotte de Casteret derrière la brèche de Roland, dans ce décor fantasmagorique et de science-fiction du côté espagnol. Il nous vient alors d’autres images, lunaires celles-ci. Et ce n’est pas le trépied du Balaïtous qui nous contredira, camarade.


Balaïtous (3144m)

Le soleil a rendez-vous avec la lune, et surtout avec les montagnes et les nuages, haleine d’Hercule sur l’olympe frontalière – nous ne quitterons jamais cette ligne du partage des terres – tantôt épaisse comme l’humide fraîcheur et moiteur qu’elle apporte ; tantôt légère comme une « mousse de rayons » (salut Arthur ! ). Sortir de l’ombre pour entrer dans la lumière, et y rentrer de nouveau. A l’image de l’aube fraîche à quelques mètres maintenant des premières roches de l’Ossau, dans ce fameux virage du col de Suzon, avant d’attaquer l’ultime pente qui fait basculer vers un autre univers…


Col de Suzon (2145m)

Nous ne savons plus si le jour recommence ou si le jour finit, si le crépuscule approche ou si l’aurore va déchirer le ciel, peindre et caresser la roche de sa chaleur nourricière, comme pour un acte charnel d’une matrice régénérante.


Lac d'Aule (2042m)

Nous ne savons plus quelle heure il est, ni quel jour nous sommes. Nous avons l’unique certitude d’être vivant et d’être là, tout juste toléré, comme des mendiants de passages, l’enfer succédant toujours au paradis sur ces pentes (in)hospitalières.

Glacier d'Ossoue, massif du Vignemale (3298m)


Massif Gavarnie - Mont Perdu depuis le refuge de Baysselance


depuis l'abri Michaud, dernière halte avant le Balaïtous


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Se canto

17 Août 2009 , Rédigé par Fred Sabourin




La fournaise je te dis, la fournaise ! Putaing cong faisait si chaud que de les voir avec des guêtres en laine et des vestes en drap de laine rouges te filait un jus le long de l’échine. Ils sortirent de la messe, au son de la Boun maï et des flûtes à trois trous. Et ils ont dansé sur la place du village, jeunes et vieux se réjouissaient ensemble et sautillaient au son des musiques traditionnelles ossalloises. Cela a bien duré une heure, et le soleil cognait fort sur les bérets marrons, couleur des jours de fête. Nous attendions sous un platane en se demandant comment ils pouvaient tenir.

Enfin, l’apéro semblait vouloir commencer, et le vin blanc de Gascogne, avant qu’il ne chauffe au soleil, tomba dans les verres. Tout le monde se rassembla sous l’ancienne halle. Tout le monde, ce n’est pas tout à fait exact : d’abord les hommes, ensuite les femmes. Ils se sont regroupés en petits cercles et après la première gorgée de blanc sur leurs gosiers secs, ils ont ouvert la bouche d’où sorti le son timbré et guttural des chants béarnais et ossalois. Je mentirais si je disais que la terre se mit à trembler, mais les murs et la voûte des halles oui. Polyphonie du pays, bouches ouvertes, gorges déployées, veines saillantes aux tempes et au cou, les yeux fixés sur le camarade d’en face. Vibrato, vibration, plus on s’approche du cœur de chant plus le cœur de l’homme se met à frissonner. Ni de chaud ni de froid. De chair, d’os et de sang ; de chants et de larmes ; de terres et de cailloux roulants dans les torrents et le gave ; de soleil et de tonnerre ; de laine et de sueur.



Les oreilles au diapason des polyphonies, les yeux encore fixés sur la montagne, là bas, en haut. Là où les bergers veillent, et s’endorment, écrivant en rêve les paroles des chants traditionnels, cœur ancestral des vertes vallées. « Depuis des temps immémoriaux, se canto… ».






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