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Le jour. D'après fred sabourin

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"

25 Juillet 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #montagne

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"

Trois mille quatre cent quatre mètres. Pour les rabat-joies qui ne jurent que par les Alpes – il y en a hélas – ce plus haut sommet des Pyrénées ne les fait point fantasmer. Ils ont tort, mais peut-être pas complètement : seraient-ils en effet capables d’en atteindre le sommet du crâne ? Pas si sûr…

Nous avons laissé la voiture en contrebas d’un lieu au nom comme une promesse : les Hospices de France. Un des plus vieux lieu de passage de la France vers l’Espagne, et inversement. Une auberge, un abri, un lieu de soin et de réconfort à l’époque où traverser la frontière signifiait encore quelque chose de terrifiant, une famille d’épicier du nord de la France n’ayant pas encore créé une célèbre marque d'équipement de sport à prix défiant toute concurrence...

Luchon d’un côté, Benasque de l’autre. Entre les deux, une vingtaine de kilomètres mais  surtout un gros millier de mètres de dénivelé. Il faut en effet franchir le « Port de Venasque » à 2.445 mètres, entaille creusée de toute pièce dans la roche pour permettre un passage plus aisé qu’au col de la Glère (quel horrible nom !) quelques hectomètres plus à l’ouest. Pas de quoi nous effrayer, d’autant plus que le village de Benasque n’est point notre but final. Notre but, c’est l’Aneto, le plus haut sommet de la chaîne pyrénéenne, à 3.404 mètres. Il nous salue autant qu’il nous défie sitôt embouqué le Port de Venasque.

 

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"

Quelques arpents plus bas (500 m de dénivelé quand même), une courte remontée permet de poser son sac et sa paillasse près du refuge de la Renclusa, sorte d’auberge espagnole bourrée d’Espagnols, justement. Son nom me fait toujours penser à « réclusion », allez savoir pourquoi… Le repos du guerrier y est cependant nécessaire, les choses sérieuses commenceront demain dès le lever du soleil. Nous nous couchons enveloppés dans une couverture d’étoiles, rien que le moelleux d’un sac de couchage entre elles et nous…

 

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"

Le jour levé, et nous avec, il faut partir en suivant la caravane de marcheurs vers la Mecque du Pyrénéisme, la Jérusalem de roche et de glace, quasi céleste. S’embarquer dans des pierriers, sauter les blocs, atteindre, enfin, une brèche nommée « Portillon supérieur ». De là, le sommet apparaît plus précisément, mais on devine qu’il n’est pas encore sous nos semelles. Ces dernières seront rapidement revêtues de crampons, la neige est là, la glace aussi, en pente douce d’abord – alternant avec les rochers – puis plus nettement en tirant est/sud-est le long des flancs du sommet désormais tout proche. C’est là que le camarade décide d’effectuer un peu de maintenance sur ses crampons, ces derniers ayant lâchement décidé de lâcher prise dans la première partie. Il faut toujours vérifier son matériel avant de partir, pour éviter la trop grande confiance qui peut s’avérer néfaste une fois dans le merdier.

 

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"
"Ce toit tranquille où marchent les colombes"
"Ce toit tranquille où marchent les colombes"

Sitôt la neige abandonnée, « il ne reste plus qu’à » suivre une crête sommitale et franchir l’ultime difficulté, à 25 mètres à peine du sommet : le « pas de Mahomet », que bon nombre de croyants comme d’athées ne franchiront jamais, vertige oblige. Dommage, même assis ça passe, et le prophète de la soumission ouvre sur un autre qui a mal terminé sa vie puisque c’est une croix métallique qui nous accueille, pour la seconde fois en 7 ans, au sommet de ces 3.404 mètres d’altitude et de bonheur absolu. La vue, totalement dégagée, porte aussi loin que nos petits yeux veulent bien aller. Pas un bruit, pas un souffle d’air ou c’est tout comme. Aucun emmerdement à l'horizon.

 

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"
"Ce toit tranquille où marchent les colombes"

Là sont les dieux et leurs sièges royaux. Pauvres mortels nous n’y sommes que brièvement tolérés, avant de redescendre par le même chemin (et donc aussi le même pas de Mahomet). Mais nous sommes chargés de souvenirs - ce qui doit peut-être nous différencier des dieux de cet Olympe pyrénéen - aussi et même surtout chargés de l’envie irrépressible de revenir là, un jour, sans tarder.

 

"Ce toit tranquille où marchent les colombes"
"Ce toit tranquille où marchent les colombes"
"Ce toit tranquille où marchent les colombes"
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Le Défi 41 est-il " propre " ?

24 Juillet 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

- "Ludo le fou" et son docteur, Alain Aumaréchal -

- "Ludo le fou" et son docteur, Alain Aumaréchal -

Depuis le 1er juillet, Ludovic Chorgnon, alias Ludo le fou, enchaîne quotidiennement les triathlons catégorie Ironman. Objectif : en faire 41 jusqu'au 10 août. En buvant uniquement de l'eau de Vichy et en mangeant des pâtes ?

 

Le record officiel est battu depuis samedi 11 juillet. Ludovic Chorgnon, que tout le monde appelle " Ludo le fou " (1) a enchaîné 11 triathlons catégorie Ironman (2) en 11 jours, battant le record officiel qui était de 10. Il aurait pu s'arrêter là, Ludo. D'autant plus qu'il a du courir après ce record un peu (beaucoup ?) dingue sous la chaleur caniculaire du début du mois de juillet. Les températures dans le Vendômois ont même dépassé les 40° à l'ombre… Or Ludo pédale et court pratiquement tout le temps au soleil. Mais non, il continue, Ludo le fou. L'objectif qu'il s'est fixé est bien d'en faire 41. Comme le Loir-et-Cher. Aussi un peu pour battre le record officieux de 33 triathlons Ironman, détenu par Didier Woloszyn, un Français qui aurait réalisé cette " performance " à Laval au Québec, en juin-juillet 2013. Ce record est non homologué, et suscite bien des questions.

Alors forcément, des questions, il s'en pose aussi beaucoup. Au-delà de l'engouement et de la fascination quasi mystique d'un cercle à géométrie variable de bénévoles Vendômois, de ses amis proches et de sa famille, la performance de Ludovic Chorgnon et du Défi 41 a de quoi interroger. Peu de médias s'y intéressent pourtant, en tout cas aucun nationaux, et si la fédération de Triathlon suit ça de près pour homologuer le record, la fédération d'Athlétisme regarde le défi avec circonspection. Nous l'avions vu littéralement cuit le 6 juillet dernier (lire la Renaissance du 10/07), jour où, en plus d'être " très déshydraté " (sic) Ludo le fou souffrait d'un ongle incarné, dont la seule évocation du nom empêche de marcher n'importe qui de normalement constitué. Alors courir des marathons – plus le reste – avec ça, pensez donc !

À l'heure où beaucoup de gens s'interrogent – c'est la saison – sur la nature réelle des performances réalisées par environ 180 coureurs sur les routes du Tour de France et notamment celles d'un certain Chris Froome, l'enchaînement des triathlons par Ludovic Chorgnon interpelle. Et suscite naturellement la suspicion du dopage. Comment pourrait-on éviter cette question ? Est-il vraiment possible de faire ça uniquement en buvant des boissons énergisantes et de récupération ? En mangeant des salades de pâtes chargée en calories (il en dépense 9.000 par jour !) et des barres de céréales ? En se trempant les membres inférieurs dans de l'eau à 9° chaque soir après l'effort pour accélérer la récupération ? Et en passant sur la table du kiné pendant une heure et demie - deux heures, avant d'aller dormir environ 3-4 heures et remettre ça le lendemain ? Vraiment ?
 

"Si je lui dis stop, il arrêtera"

 

Nous avons posé la question très franchement à son médecin particulier, qui le suit depuis longtemps, le docteur vendômois Alain Aumaréchal. Le Défi 41 peut-il et est-il " propre ", c'est-à-dire sans aucun soupçon de dopage ? " Il s'est énormément préparé avant le Défi, son alimentation est très suivie, il a deux heures de soins kiné par jour après la course. Et il y a son mental. Il faut savoir qu'il a lui-même sollicité l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) pour qu'elle vienne faire des contrôles pendant le Défi. Pour l'instant personne n'est encore venu. Moi-même je vais faire pratiquer des analyses d'urine. " Deux prises de sang par semaine permettent de surveiller son bilan biologique, mais ne permettraient pas la détection d'un produit dopant ou alors par le plus grand des hasards, et Ludovic Chorgnon lui laisse peu de place. " Mais les questions sont légitimes ", ajoute le docteur Aumaréchal. " Il faut mettre vraiment de côté les six premiers jours, où la chaleur était très forte, et contrairement à ce qu'il croyait lui, il n'était pas déshydraté, mais trop hydraté justement ! Il mangeait et buvait trop salé, il avait donc un taux de sodium très et trop élevé. On a adapté son alimentation et son hydratation. Après, l'organisme s'habitue et s'adapte à l'effort. Lui aussi adapte son rythme. Jusqu'ici il a effectué des courses autrement plus difficiles dans des conditions climatiques autrement plus extrêmes, et il en ressortait pire que ça. "

Certes, il y a la course, les jours qui défilent sur le Défi 41. Mais après, docteur, ça peut laisser des traces, non ? " On avance jour après jour. On ne sait pas ce qui peut se passer le lendemain. Ce qui me paraît évident c'est que si il va au bout, il va falloir ensuite qu'il observe une longue période de repos total, ce qui me semble difficile vu le personnage… Il y aura forcément des dégâts articulaires, il faudra lever le pied, vraiment. Et son alimentation devra aussi continuer d'être suivie de très près. " D'autres confrères médecins s'intéressent-ils à ce phénomène ? " J'avais demandé à des confrères de m'aider car pour moi, être sur le pont 41 jours de suite c'est difficile. Mais pas grand monde ne s'est manifesté, c'est la période qui veut ça aussi… " Il le jure, et c'est un contrat très clair entre lui et Ludovic Chorgnon : si le docteur Alain Aumaréchal lui demande d'arrêter, Ludo le fou arrêtera. " Sans poser de question. Si je lui dis stop, il arrêtera. Evidemment si c'est la veille du 41e, la négociation serait difficile. Mais ce que je crains le plus pour lui, c'est une chute à vélo. Ça, ça l'arrêterait vraiment. "

 

À l'heure où vous lirez cet article donc, vendredi 24 juillet, selon toute vraisemblance Ludo le fou en sera à son 24e triathlon Ironman en 24 jours, avec une moyenne de 13h30 à 14 heures d'efforts quotidiens. Et tout ça propre et naturel. Jusqu'à preuve du contraire.

 

(1) Lire la Renaissance du Loir-et-Cher du 17 avril dernier, et du 10 juillet.

(2) Enchaîner 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon (42,195 km)

 

Enquête parue dans la Renaissance du Loir-et-Cher du 24/07/2015

Ludo, à chaud

 

Vendôme, près de la piscine des Grands-Prés, lundi 20 juillet. Ludovic Chorgnon vient d'en finir avec son 20e Ironman en 20 jours. Une petite centaine de personnes danse au rythme d'une musique techno lorsqu'il franchit la ligne d'arrivée, en compagnie d'autres coureurs dont son fils Antoine qui réalisait son premier marathon. Rapide interview sur le podium (sujet du jour : "les courses de montagnes les plus belles que tu as faites, Ludo"). Il évoque la Diagonale des fous (traversée de l'Ile de la Réunion, près de 10.000 mètres de dénivelés positifs et 169 km, qu'il "fera en octobre pour récupérer" - sic). On le voit discrètement avaler quelques gelulles de compléments alimentaires prescrites par son diététicien. Puis direction le tivoli des soins. Il y retrouve le docteur Alain Aumaréchal, qui lui ôte ses grandes chaussettes de contention afin d'examiner son orteil souffrant d'un ongle incarné. On hésite à prendre une photo de l'orteil en question, et puis... non. Ludo le fou grimpe ensuite l'échelle qui le conduit dans le bain à 9°, la fameuse cryothérapie, pour ses membres inférieurs endoloris.

Vous en êtes à la moitié, comment allez-vous ? "Bien, ça va, j'ai le moral." Et l'orteil, ça ne va pas mieux ? "Si, depuis qu'on m'a percé le pue, j'ai mal mais beaucoup moins qu'avant." Et les douleurs aux quadriceps dus à la mauvaise position de course ? "Ça va en s'améliorant." Vous dormez combien de temps par nuit ? "Environ 3 ou 4 heures, les soins kiné prennent du temps, je mange et ensuite je m'occupe un peu de mon entreprise, je bosse..." Vous bossez ? "Oui, mon principe c'est être bien dans son corps, et bien dans sa tête. Comment je pourrais faire si j'étais préoccupé par les affaires de mon entreprise sans m'en occuper moi-même ? Ma fille s'en occupe un peu dans la journée, mais il faut que je fasse aussi des choses." Toujours pas de médias nationaux ? "Si, Tout le sport est venu, il y aura l'Equipe web aussi, France 2." (pas encore diffusé). Et... l'AFLD (Agence française de luttre contre le dopage) ? Toujours pas ? "Non, et j'aimerai bien qu'ils se décident à venir. Sans ça... Mais je peux difficilement faire plus que ce qu'on a fait, on a même demandé au vice-président qui habite la région. Mais c'est le ministère de la Jeunesse et des Sports qui décide."  

 

Le Défi 41 est-il " propre " ?

" Oui, c'est possible sans dopage "

 

Julia Muller est kinésithérapeute à Blois. Elle répond à deux questions : est-ce possible d'accomplir un tel effort surhumain répété pendant 41 jours sans rien prendre ? Et qu'est-ce que cela peut laisser comme traces dans le corps humain, une fois terminé ?

 

" Oui, c'est possible. Il existe un système d'endurance qu'on peut travailler, et avec un entrainement spécifique on peut y arriver. Si on vous demande de soulever 300 kg en une fois vous n'y arriverez pas. Mais si vous vous entrainez d'abord à 100 kg, puis 200, vous pourrez peut-être monter jusqu'à 300. Les fibres musculaires sont de deux types : force et endurance. Cet athlète a du entrainer ces dernières. On peut tout optimiser. Le but c'est de repousser les limites, et médicalement on en a les moyens. Il faut aussi noter l'adaptation du matériel de sport : vélo, chaussures etc. Et, je le répète, être bien suivi médicalement. Pour moi, trois choses sont importantes : les capacités initiales, et il semble en avoir beaucoup. Un entrainement spécifique et adapté. Et n'oublions pas le mental, qui rentre en ligne de compte pour au moins 20 à 30 %, et c'est prouvé par des études scientifiques récentes. Ce mental aide à dépasser encore plus les limites, et pour battre un record le mental a un rôle vraiment important. Alors oui, on est encore capable de faire des choses sans dopage. Encore faut-il aussi se soumettre quand même à un contrôle…"

" Concernant l'après : on n'a pas assez de recul au sujet de ces efforts longs, intensifs, c'est trop récent sur l'échelle temps pour savoir ce que cela produira sur l'organisme. "

 

" Difficile, mais faisable "

 

Fabien D. est médecin du sport, pour lui, " c'est tout à fait possible sans se doper c'est-à-dire sans rien prendre pour aider à minima la récupération, mais ça paraît difficile quand-même. Surtout avec l'énorme chaleur qu'il a du subir dans les premiers jours de son effort, il a certainement sérieusement entamé sa préparation et sa capacité à récupérer. Mais c'est faisable. Le corps humain s'adapte comme peu de gens l'imaginent, et la force mentale y est pour beaucoup. Mais ne faisons pas non plus d'angélisme béat : la plupart des produits classés sur une liste noire des produits dopants interdits cachent mal la forêt de ceux qu'on ne dépistent pas encore, ou très mal, ou très longtemps après. Ces athlètes courent des épreuves sur toute la planète, dans des lieux très différents. Ils rencontrent beaucoup de sportifs comme eux, les échanges peuvent être nombreux avec des trucs qu'on ne connaît pas encore très bien chez nous… On sait que ces courses d'endurance extrême rassemblent des coureurs du monde entier qui ne font pas que se parler de conditions météo, de marques de chaussures ou d'ampoules aux pieds… Cela peut aussi devenir un grand supermarché mondial de substances pouvant améliorer la récupération."

Sur le fait que " Ludo le fou " n'ait pas encore subit de contrôle, Fabien est catégorique : " Il le faut, car même s'il est très probable qu'on ne décèle rien – et son record n'en sera que plus beau évidemment – il doit accepter les questions que cela pose, et si il n'y a jamais aucun contrôle, même si une fédération sportive reconnaît son record, le doute planera toujours, et entachera malheureusement pour lui son record. "

 

Le Facebook du Défi41 s'agace de la question

 

Dans la soirée de vendredi 17 juillet, le Facebook du Défi41 bruissait déjà de rumeurs sur les questions - légitimes selon nous - du dopage de leur champion préféré. On pouvait y lire ceci :

"Dopage !! Etant donné les nombreuses suspicions de dopage de la part de personnes qui ne connaissent rien au sport, à l'effort et à la préparation d'un athlète, mais surtout dont tout ce qui n'est pas de leur (petit) niveau est suspect plutôt que de se poser des questions sur ce qu'elles devraient faire pour y arriver, l'équipe médicale fera une recherche de produits dopants d'ici à la fin du Défi41. Les résultats vous seront bien évidemment communiqués.

L'idéal serait que l'AFLD (Agence Française de Lutte contre le Dopage) déclenche elle-même ce contrôle, malheureusement nous n'avons aucun pouvoir pour le faire, il n'y a que le Ministère des Sports qui décide. Aussi nous invitons toutes les mauvaises langues à se défouler auprès de cet organisme pour que celui-ci déclenche un contrôle.

Enfin pour clore le bec à celles et ceux dont le goût de l'effort est un goût inconnu, sachez que Ludo se prêtera volontiers à n'importe quel contrôle que ceux-ci voudront bien payer (un contrôle anti-dopage coûte 600 €) auprès du laboratoire de leur choix et qu'il remboursera celui-ci si d'aventure il était positif. Un grand merci à tous les sceptiques de se cotiser ...

Euh si quand même, il est un peu beaucoup dopé par l'engouement et les encouragements des Loir-et-Chériens qui nagent, roulent, courent et chantent à ses côtés et par tous ceux qui à distance vivent le défi avec lui."

Un ton plutôt accusateur qui tranche avec les valeurs que souhaite pourtant véhiculer "Ludo le fou" et son défi, ainsi que toute l'équipe qui l'accompagne. Ce message Facebook a ensuite été abondamment commenté et partagé. Sans toutefois briller par le sens de la mesure ou le fair-play de certains commentateurs. Il faut parfois aussi savoir supporter ses supporter...  

 

L'antidopage aurait besoin d'un stimulant

 

C'est sous l'impulsion notamment du célèbre alpiniste Maurice Herzog, alors haut commissaire à la jeunesse et aux sports que se tient en 1963 en Isère un colloque européen sur le doping. Médecins, toxicologues, sportifs, journalistes s'y retrouvent. Deux ans plus tard le 1er juin 1965 est votée une loi, première disposition ministérielle contre le dopage. Le décret d'application paraîtra un an plus tard le 10 juin 1966 et entre en vigueur lors du Tour de France qui débute quelques jours plus tard. L'application de la loi prohibe les stimulants, très en vogue à ce moment-là. Ils occasionnent des malaises et surtout des décès chez les sportifs en compétition, notamment des coureurs cyclistes en plein effort. On se souvient de l'Anglais Simpson en juillet 1967 sur les pentes du Mont Ventoux, devant les caméras de télévision du monde entier… Les premiers contrôles urinaires positifs décèlent des traces d'amphétamines ; mais encore fallait-il prouver qu'ils avaient été pris sciemment… Cet argument va perdurer longtemps, et on se souvient du désormais fameux " à l'insu de mon plein gré " de Richard Virenque, coureur de l'équipe Festina en 1998. En outre, pendant des années, les hormones étaient associées aux vitamines. C'est notamment sur ce flou que les sportifs vont s'appuyer.

Les années passent et globalement les contrôles positifs sont en diminution. Allait-on crier victoire trop tôt ? On annonçait la fin du dopage, des Tours de France " naturels " et " propres ", des compétitions sportives exemptes de tout dopage. Erreur : ce dernier était entré dans la clandestinité. On allait déchanter. La plupart des substances interdites par le Comité international olympique (CIO) et inscrites sur leur liste noire disposent en effet d'un délai de carence entre le moment où elles sont interdites et la capacité des laboratoires à les dépister. Par exemple, les corticoïdes sont interdits en 1978, et ne sont décelables qu'en 1999. Les stéroïdes anabolisants sont interdits en 1976, certains sont toujours indétectables. L'EPO est interdite en 1990, mais décelable en 2000. L'hormone de croissance est interdite en 1989, décelable depuis peu. On ne fait pas mieux avec la liste française des produits interdits : 300 noms y sont inscrits, mais combien de substances sont encore indécelables ?

C'est à la suite de l'affaire Festina lors du Tour de France 1998 (1) que sera créée l'AMA, l'Agence mondiale antidopage, sous l'impulsion des politiques français et du Conseil européen. En 2000, c'est le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage qui sort de terre (CPLD), devenant en 2006 la fameuse AFLD, Agence française de lutte contre le dopage. Marie-Georges Buffet, alors ministre des Sports, montre les crocs et durcit le ton. La France montrait l'exemple, mais qu'elle était sa réelle influence contre les mastodontes du sport mondial – notamment le CIO - et ses fameux enjeux financiers, médiatiques, politiques etc. ?

S'en suivent dix ans de politique hybride faite de compromis, de pressions, de coups médiatiques, de conflits d'intérêts, de baisse d'autorité sur le territoire et surtout… de budgets ridicules face à l'ampleur de la tâche. En 2015, l'AFLD dispose de 8 millions d'euros pour effectuer ses missions dans les compétitions sportives, entrainant notamment la baisse des échantillons prélevés sur les sportifs (11.040 en 2013. 6.200 en 2015). L'AMA n'est pas beaucoup mieux lotie : avec 25 millions d'euros annuels pour le contrôle antidopage de la planète entière, c'est en comparaison le même budget que celui de l'équipe cycliste Sky de Chris Froome… Et ce n'est pas l'AMA qui permit de mettre au jour le scandale Lance Amstrong (entre autres), ce qui laisse songeur. En 2014, l'AFLD a décelé 46 sportifs en France convaincus de dopage.

 

(1) Toute une équipe renvoyée du Tour le 18 juillet par J-M. Leblanc son directeur pour "manquement à l'éthique" à la suite de l'arrestation du soigneur de l'équipe Willy Voet avec des sacs isothermiques dans sa voiture contenant 400 flacons de produits dopants et stupéfiants.

 

Source : enquête de Pierre Ballester dans Le Monde.

L'AFLD muette comme une carpe (ou presque)

 

Nous avons tenté de joindre l'Agence française de lutte antidopage, en lui demandant comment elle procédait lors des contrôles antidopage des épreuves sportives (quelles qu'elles soient) et si la performance surhumaines du Défi 41 n'était pas de nature à soulever de légitimes questions. Par le biais d'un échange mail avec le secrétariat général, la réponse est sans appel : "Même lorsque nous avons des doutes, ce qui peut nous arriver, nous ne les exprimons pas pour ne pas jeter l'opprobre sur le sportif ou la sportive et ne pas donner le sentiment que nous avons pré-jugé d'une affaire sur laquelle nous pourrions être appelés à statuer. En conséquence, la seule expression de l'Agence passe par le contrôle antidopage et l'examen scientifique du prélèvement réalisé." Sur les demandes formulées par Ludo le fou et son entourage à venir procéder à un contrôle urinaire, pas mieux : "Seul le directeur du département des contrôles ou ses représentants ont connaissance des contrôles programmés, ce qui garantit leur indépendance."

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"Ludo le fou" a soif

21 Juillet 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

"Ludo le fou" a soif

Ludovic Chorgnon, depuis le 1er juillet, enchaîne les triathlons catégorie Ironman quotidiennement. Comme d'autres vont à l'usine, mais le sourire aux lèvres. Ou presque. (article paru dans La Renaissance du Loir-et-Cher du 10 juillet)

 

Quand vous lirez cet article, il devrait normalement égaler le record du monde de triathlon catégorie Ironman d'affilés (1), soit 10 en 10 jours. Si vous lisez ce journal samedi 11 juillet au soir, peut-être ce record sera-t-il battu… Et dimanche 12 juillet ? Nul le sait, sauf lui. Le jour où nous sommes allés cueillir "Ludo le fou " sur la ligne d'arrivée, lundi 6 juillet dernier, le mercure frôlait les 33°, à l'ombre évidemment. Presque " frais " comparé aux 40° des premiers jours ! Et pourtant, c'est bien de la chaleur et du vent dont cet extra terrestre souffrait le plus. Plus dur que le marathon des sables (2) ? " Ça c'est rien, c'est de la blague ", dit-il dans un demi sourire crispé (quand même) quelques minutes après l'arrivée de ses 13h24 mn d'effort. " Vraiment c'est le pire, ça me dessèche beaucoup ", souffle-t-il en retirant à grand peine ses sockets poussiéreuses, trempées de sueurs. " Mais mon équipe médicale est super. Bon, les temps de massage ont tendance à s'allonger – 1h30 au lieu de 1h au début – mais c'est super. La chaleur, ça va bien finir par s'arrêter. J'espère seulement que ça s'arrêtera avant moi ! " Juste après ces mots, et un soin par une pédicure – car il souffre d'un ongle incarné – il " plonge " ses membres inférieurs endoloris, raides comme deux morceaux de bois dans une piscine d'eau refroidie à 9°. On appelle ça la cryothérapie, et c'est sensé accélérer la récupération. Et de la récupération, Ludo en a bien besoin.
 

En boucler 41, ou rien

 

Auparavant, sous le tivoli installé près de la piscine des Grands-Prés à Vendôme, alors qu'il lui restait encore deux boucles de 6 km chacune pour achever son marathon quotidien, une bassine d'eau glacée où flotte un mélange de glaçons, de serviettes microfibres et de torchons, attendait Ludovic, alias " Ludo le fou ", pour un rafraîchissement bienvenu après ces heures et ces heures d'effort. De quoi s'alimenter aussi, barres énergétiques, sachet contenant une salade de pâtes à 500 calories pour 100 grammes, mais aussi – plus surprenant – des viennoiseries. Des boissons énergisantes, de l'eau bien sûr, et l'incontournable coca. Ludovic l'a avoué sur le podium lors de la traditionnelle courte interview qu'il livre sitôt la ligne d'arrivée franchie, à l'adresse des supporters et bénévoles en petites grappes venus l'applaudir : " Je suis déshydraté. Très déshydraté même. " On le serait à moins, en effet. Mais, l'assure-t-il, " c'est sous contrôle médical. " On s'interroge, tout de même, sur ce ou ces fameux médecins, kiné etc. qui donnent l'autorisation à l'athlète de continuer cet effort surhumain - n'ayons pas peur du mot - sous cette chaleur écrasante, et pas seulement dans l'optique de battre le record du monde homologué de 10 triathlons Ironman consécutifs. Mais plus encore – car c'est bien l'objectif qu'il s'est fixé – d'en boucler… 41, comme le Loir-et-Cher, et on se prend à regretter pour lui qu'il n'habite pas l'Aude ou l'Aveyron…
 

Les médias nationaux absents

 

À côté de lui, lors du dernier ravitaillement mais aussi juste après avoir franchi la ligne, une discrète femme brune en débardeur orange et aux lunettes de soleil a le regard fixé, sur cet homme, en nage, au bout de lui-même. Cet homme c'est le sien, Delphine est sa femme. Craint-elle pour la santé de son mari ? " Pourvu que ça tienne ", nous confit-elle presque en chuchotant, comme pour conjurer le sort. Comment se passe les relations avec son triathlète de mari le soir après ce " boulot " ? " On parle peu. Il rentre à 21h45 environ, on mange, moi j'ai souvent mangé avant lui. Après il va se coucher. On peut parler ensemble un peu, mais de tout sauf du Défi 41. Je lui parle de sa société… " dit-elle avec comme une pointe de résignation. Comment pourrait-il en être autrement, tant les questions sont très nombreuses autour de ce " défi " qu'il s'est lancé. Qu'ils se sont lancés, car c'est une affaire de famille. Antoine et Anaïs, ses enfants et la petite Elsa (4 ans) sont aussi embarqués dans l'organisation. Anaïs veille d'ailleurs aux médias, dont les nationaux tardent un peu à se manifester, au regret du speaker sur le podium. Ludo est confiant – c'est une seconde nature chez lui – " ça va venir… "

Demeure la lancinante question vue de l'extérieur : qu'adviendrait-il si le staff médical lui disait, un soir, " stop, arrête là, ta santé est en jeu " ? Ludo le fou est si déterminé, si sûr de son objectif dont il ne démord jamais, écoutera-t-il ? Ingrid, membre de " Vendôme triathlon " et qui vient de boucler le dernier tour à ses côtés l'affirme : " Il écoutera bien sûr. Il n'est pas si fou que ça ". Pourtant, dans la piscine à 9° où on le quitte en train de faire barboter ses pauvres jambes lourdes comme du béton, Ludovic Chorgnon ne veut pas entendre parler du samedi 11 juillet, jour où il pourrait battre le record officiel. Il ne voit qu'un chiffre : 41. " J'ai réservé l'hôtel jusqu'au 10 août, alors… " lance-t-il dans une ultime boutade, sans se départir de son (presque) éternel sourire.

 

(1) enchaîner dans la même journée 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon soit 42,195 km.

(2) Une semaine dans un désert à courir un marathon par jour dans les dunes et en autonomie presque complète.

 

Lire aussi sur ce blog le portrait de "Ludovic : l'homme de "faire" en fer (17 avril 2015)

Prochain article : Le Défi 41 est-il "propre" ? (enquête)

- La solitude du coureur de fond -

- La solitude du coureur de fond -

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