Chrysanthèmes
J’aime bien la Toussaint. Ce sont les jours où les morts ont l’air vivants. On a beau parler des saints, ceux auxquels on pense sont morts depuis longtemps parfois, et il arrive qu’ils soient nombreux. Si on pense à eux, alors qu’ils sombrent dans l’oubli trois-cent soixante quatre jours durant, c’est la faute aux chrysanthèmes. Ces fleurs qu’on dit mortuaires font sortir les morts des tombeaux. Chaque année, en particulier depuis qu’ils ont vaincu les citrouilles ridicules d’halloween, les chrysanthèmes refont surface, comme les morts – nos morts – dans notre champ visuel. On en trouve partout, impossible d’y échapper.
Etonnant rituel d’ailleurs, à l’heure où la mort a quitté et notre champ de vision usuel grâce aux progrès techniques, médicaux et sociaux, et notre langage habituel (qui ose encore évoquer la mort, comme ça, au détour d’une conversation ?), le fleurissement des tombes, avec l’extraordinaire dérégulation des croyances de l’au-delà semble faire persister dans nos vies un besoin de se retrouver quelque part, avant et après la mort. On dira ce qu’on voudra, mais la pierre tombale, à un endroit donné, est le premier lieu de mémoire pré et post mortem, le point d’arrivée d’une vie et le point de départ d’une espérance.
Le chrysanthème, par ce qu’il représente, par son omniprésence dans nos villes, villages, cimetières et pensées, marque l’irréductible besoin, pour nos sociétés modernes, de se raccrocher à l’interrogation sur le sens de l’existence. Et d’entrevoir, peut-être, grâce à cette drôle de fleur, un horizon au-delà d’une triste fin.
Alors vive ces jours sombres où l’automne s’enfonce dans nos vies en réduisant la lumière, qui grâce aux chrysanthèmes gardent un peu de couleurs en nous rappelant que les morts de jadis seront des vivants jusqu’à demain.
Palme d'or : und ?
Le Ruban Blanc
Das Weisse Band, de Michael Haneke. Allemagne, Autriche, France, Italie 2009. 145mn. Distributeur : Les Films du Losange. Avec : Christian Friedel ; Leonie Benesch ; Ulrich Tukur…
C’est un critique qui pose la question, et, en sortant de la projection du Ruban Blanc, elle devient nôtre : « peut-on ne pas aimer un grand film ? », se demande Christian Berger dans « les Fiches du Cinéma » ? A « Première Séance », nous préfèrerons être encore plus précis : peut-on ne pas aimer une palme d’or ?
Le cinéma de Michael Haneke est un cinéma inconfortable qui met le spectateur mal à l’aise. C’est une chose que nous savions. Froid et clinique, Le Ruban blanc ne procure pas pour autant un aussi grand malaise que Funny Game, La Pianiste ou encore Caché. Peut-être parce que Le Ruban blanc est d’abord un très bel objet de cinéma. La faute au noir et blanc, tout en nuances et contrastes saisissant, sans égal pour accentuer les saisons, étouffer les acteurs dans des intérieurs strictes et mornes, saisir les visages dans les cadrages serrés. On pourrait d’ailleurs remplir la chronique à elle seule avec les aspects factuels de cette palme d’or.
C’est sans doute sur le fond qu’il faut désormais chercher. Rarement l’humiliation humaine aura été traitée avec autant de précision, et sans doute Michael Haneke fait partie des rares à prétendre y parvenir. Dans ce village allemand protestant et rigoriste de l’avant première guerre mondiale, il ne fait pas très bon vivre. D’étranges évènements viennent perturber la vie tranquille et bien réglée d’une communauté renfermée sur elle-même, où les adultes – et particulièrement les hommes – cherchent à former leur progéniture à coup de trique et d’humiliation. Personne n’y échappe, pas même les épouses, seule bouffée d’oxygène dans ce film étouffant, mais qui ne parviennent jamais à donner un rayon de soleil dans la vie de ces gosses qui resteront marqués à vie. On peine à sourire. D’ailleurs Haneke cherche-t-il à la faire ?
C’est cette même source d’humiliation qui pourra faire le lit du totalitarisme vingt ans plus tard, en faisant de ces enfants, au-delà de l’humiliation, un terreau favorable aux nazis d’Hitler. C’est du moins ce que tente de nous dire Haneke dans les interviews. On voudrait le croire, tant on se demande comment évolueront les enfants et les femmes humiliés par tant de rigueur et d’anéantissement des patriarches. Mais cela n’a rien d’une évidence. On y pense, c’est tout. Voir le film avec ces lunettes-là est sans doute une manière de s’auto-manipuler, Le Ruban Blanc ne fait que poser les questions, laissant le spectateur en suspend avec les interrogations philosophiques de l’œuvre.
Michael Haneke signe un grand film, c’est vrai, on a du mal à trouver des failles, surtout pas dans l’interprétation magistrale des enfants en tout cas, ni dans la mise en scène où il ne manque rien, répétons-le à l’envie, pas même un bouton de culotte.
Le problème, à mon sens, réside plutôt dans la déshumanisation du film, déshumanisant les personnages eux-mêmes, et les paysages, jusqu’au chaos final représenté en creux, où l’on parle d’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, avec les conséquences que l’on connaît. Tout le monde est rassemblé au Temple et on chante les cantiques, comme si de rien était.
Le Ruban blanc, symbole de pureté et d’innocence dans cette société rurale ultra corsetée, étouffée et étouffante de rigueur, devient en fait le symbole d’un mécanisme implacable du mal, dont on aimerait finalement ne jamais connaître les racines. Ce sont celles d’un arbre affreux où gisent les corps sans vie de ceux qu’on y a pendu. Attention, danger : la fascination pour l’humiliation peut conduire au néant. Que choisiront ces enfants plus tard ? Nous le savons pas.
En sortant, revient en mémoire l’interrogation qu’on entend le plus souvent dans le film : « und ? ». Ce qui peut se traduire par : « et alors ? »
« Première Séance », une chronique cinéma à retrouver le mercredi 11h45 sur RCF Angoulême & le jeudi 11h35 et 12h55 sur RCF Haute Normandie. Fréquences au www.rcf.fr
Jean veut plus !
« Il procède du père et du fils… ». Jean Sarkozy renonce, recul, n’ira pas dites-le comme vous voulez, briguer la présidence de l’EPAD, mais reste candidat au conseil d’administration de la même structure. Jeudi soir, sur France Deux, le Prince Jean a jeté la couronne de la Défense en même temps que l’éponge. Vraiment ? Dans un surprenant numéro de communication télévisuelle, le jeune homme de 23 ans a très vite appris tous les codes de l’exercice, et a du passer l’après midi dans un média-training, ce que résume très bien François Brochet ce jour dans « le Progrès » : « en cinq minutes à peine, Jean Sarkozy nous a tout fait : l’innocent persécuté, le fils obéissant, l’élu dévoué à ses électeurs, l’homme blessé, le jeune homme mûri dans l’épreuve, le politique d’une ambition. Du grand art. son père en plus blond, plus jeune, et plus calme. La gauche se réjouit ? Les inconscients ! ».
Mais s’il s’agissait d’un renoncement, dans l’intimité du confessionnal de David Pujadas, simultanément nous avons surtout la furieuse impression d’avoir assisté à un début. Hier soir, Jean Sarkozy a montré combien la chose politique le « passionne » pour reprendre son expression, et s’il se défend désormais de présider la Défense, il ne lâche rien pour la suite. Du genre : « on s’reverra… ». Il jette l’EPAD (cf le titre de « Libé » ce matin), mais pas pour autant le bébé avec l’eau du bain.
La polémique s’éteint là où elle se rallumait. Les « commentateurs qui commentent vont commenter » (ce qui donnera raison à Frédéric Lefèbvre et à papa), les parlementaires UMP vont pouvoir retourner dans leurs circonscriptions ce we sans trop se faire engueuler. Ceux qui avaient soutenu mordicus sa candidature vont pouvoir, avec la même mauvaise foi, affirmer qu’il a fait preuve de « sagesse, maturité », bref le plan com’ va tourner à plein régime avec ses expressions à réchauffer sur tous les tons, tous les modes, tous les temps du verbe, et l’écran de fumée va pouvoir se dissiper : nous pourrons passer à autre chose. Vraiment ?
Oui car restent les questions, et parmi elles l’inévitable de savoir si il a pris sa décision seul ou si « quelqu’un lui a dit que… ».
Lors de l’interview de Pujadas sur France Deux, Jean le fils, avec sa bonne tête d’apôtre, a eu cette sortie émouvante qui restera dans les mémoires : « si la question est de savoir si j’en ai parlé au président, la réponse est non. Si vous voulez savoir si j’en ai parlé à mon père, la réponse est oui ». Ah ! que c’est beau ! Il a parlé comme les prophètes, le disciple que papa aimait… Malgré des ficelles de communication très visibles, il faut admettre qu’il s’en est bien sorti, avec un costume de la fabrique Sarkozy, même si elle peut apparaître du coup effrayante.
Si le fils se sacrifie pour sauver le père, il devra le tuer un jour si l’animal politique qui sommeil en lui veut se révéler complètement, prouvant ainsi qu’il a « appris », comme il dit.
Si le père a sacrifié le fils, il doit s’attendre à ce qu’un jour ce dernier le dépasse, sans allusion de taille, au sein d’un dynastie dont nous avons peut-être assisté hier soir à l’acte I de naissance.
Et peut-être, pour toute cette affaire, un enseignement à garder pour la suite. A mi-mandat, Nicolas Sarkozy père pourrait bien commencer son chemin de croix, dont la fin nous a déjà été contée… Par le fils, justement.
peu de mots et beaucoup de sentiments
Mademoiselle Chambon
De Stéphane Brizet. France, 2009. 1h40. Distributeur : Rezo Films. Avec : Sandrine Kiberlain ; Vincent lindon ; Aure Atika ; Jean-Marc Thibault…
Adapté d’un roman d’Eric Holder, Mademoiselle Chambon, nouveau film de Stéphane Brizet, joue sur un fil ténu mais ô combien réel de la comédie dramatique des sentiments, sans jamais verser dans le mélo. Stéphane Brizet est un cinéaste de l’intime, de l’épure pourrait-on dire, du tout petit jeu des acteurs qui donnent à l’écran des sentiments grandeur nature, et une maturité affirmée. On se souvient avec bonheur de Je ne suis pas là pour être aimé avec Patrick Chesnais et Anne Consigny. Histoire d’amour sans consommation, mais pas pour autant sans sentiments ou désordres amoureux. Dans Mademoiselle Chambon, Brizet réussit le tour de force de nous faire croire à l’incroyable : une histoire d’amour troublante entre un maçon et l’institutrice de son fils, par ailleurs violoniste et détentrice d’un secret qui lui donne la fragilité d’un archer sur les cordes d’un violon. Même si cette différence sociale n’est pas le nœud du film, on retiendra la scène d’ouverture où l’on découvre Jean et sa femme aux prises avec une définition du complément d’objet direct pour le moins ardue.
Le contraste est saisissant : Vincent Lindon (qu’on avait laissé en maître-nageur crédible dans Welcome), apparaît en maçon, un brin lourdaud, encombré par un corps fait pour construire des maisons (« un peu de la vie des gens » dira-t-il aux gosses de l’école un samedi matin où l’instit l’invite à parler de son métier), mais terriblement sous le charme de Sandrine Kiberlain, « Mademoiselle Chambon ».
Elle-même, tout en sensualité retenue et fragilité déconcertante, à la fois perdue dans un monde scolaire où elle semble néanmoins nager comme avec grâce et facilité, et à la vie terriblement solitaire sitôt la porte de chez elle refermée. Lui : tout en lourdeur mais avec une économie de mots et de gestes, lesquels sont toujours précis (voir les scènes de maçonnerie où Vincent Lindon parvient à nous faire croire qu’il a toujours fait ça). Elle : tout en résignation, comme une fleur déjà fanée avant d’avoir vécu, et à la sensualité prête à se déployer si un magicien souffle sur ses braises.
Les deux vont se croiser, se troubler, lui va changer une fenêtre chez elle, puis lui demander l’impossible : jouer du violon pour lui seul, juste une fois. Ce qu’elle accepte, gênée mais terriblement fière.
Tout repose assurément sur ce fil tendu entre deux comédiens, Vincent Lindon & Sandrine Kiberlain, sur les silences d’Aure Atika (la femme du maçon), et aussi, ne l’oublions pas, sur Jean-Marc Thibaut le père, le vieux père devrait-on dire, ce qui permet à Brizet de filmer la vieillesse comme nul autre (et on se souvient d’un coup de l’énorme Georges Wilson dans Je ne suis pas là pour être aimé, vieillard chiant et acariâtre, tranchant avec la bonté et l’abandon de JM Thibaut).
Il ne faut surtout pas raconter la fin du film, splendide, dont on ne saurait trop conseiller de rester jusqu’au bout de la chanson de Barbara clôturant ce petit bijou de cinéma qu’est Mlle Chambon. Tout en retenue, sensiblement, avec un respect immense pour les comédiens qui le lui rendent au centuple, une bien belle fenêtre ouverte sur un cinéma qui donne beaucoup de plaisir. Un certain regard sur la frugalité, à l’heure où l’omniprésence d’images et de soliloques nous rendraient presque obèses.
"Première Séance", une chronique cinéma de Fred Sabourin sur RCF à Angoulême (mercredi 12h45) et en Haute Normandie (jeudi 11h35 & 12h55). Fréquences sur www.rcf.fr
Fissa papa, fissa !
Pas une semaine sans sa polémique. Celle que nous vivons concerne la nomination à la tête de l’EPAD de Jean Sarkozy, fils de, 23 ans, un diplôme de droit en cours, pas ou si peu d’expérience, et qui va se retrouver à la tête d’un organisme public dont le budget oscille entre 115 et 200 millions d’euros, et dont le personnel avoisine les 250 000 unités (et presque 500 000, en comptabilisant les emplois induits). Le prince Jean est élu du Conseil Général des Hauts de Seine, nous dit-on comme pour nous assurer de sa « légitimité ». N’empêche. C’est à une autre légitimité à laquelle on pense, un pédigrée même, glissant peu à peu vers un népotisme de république bananière que nous aurions tort de reprocher à ceux qui d’ordinaire la pratique. Sur ce sujet, la littérature abonde, donnons pêle-mêle quelques exemples tirés au hasard sur rue89.com , slate.fr, mediapart.fr , pour ne citer que les plus « indépendants ».
Gageons également que passé le ouikende, la polémique sera oubliée, remplacée fissa par une nouvelle en début de semaine prochaine.
Ce qui est juste inquiétant – outre l’ampleur prise fissa par le grossissement outrageux de l’affaire – c’est la résignation à laisser faire. Dénoncer la grosse ficelle, s’indigner, hurler avec les loups, faire croire à la nouveauté d’une telle nomination (même si elle fait partie des plus réussies à n’en pas douter), rappeler le principe bafoué de méritocratie à la française, en appeler aux valeurs d’égalité au sein de notre République, douter des capacités réelles du jeune louveteau aux commandes d’un navire exigeant doigté et expérience etc, on pourrait continuer la liste, tout ceci est relativement facile. D’ailleurs on ne s’y trompe pas : de gauche à droite en passant par le centre, plus les observateurs avisés des grands médias nationaux dont certains ne laissent planer aucun doutes sur leurs origines, tout le monde y va fissa de son commentaire, même le blogueur ça va sans dire.
Le même blogueur, à l’annonce de cette nomination, repensa à ce singulier épisode récent : lors de son inscription au Pôle Emploi en septembre dernier, pendant qu’il attendait son tour, il lu cette information : 45% des 18-25 ans sont inscrits au chômage. Des fils et fille d’un papa et d’une maman visiblement moins inspirés que le Prince. Certains d’entre eux diplômés, d’autres non. Quelque chose me dit que ce genre de nouvelle ne va pas fissa les encourager à se résigner le jour où l’insurrection sera là… Le blogueur a déjà évoqué, ici même à propos des footeux qui gagnent des millions d’euros les ravages possibles de l’humiliation associé à la pauvreté.
A moins que le Tiers Etat ne reprenne la Bastille, ça ne sert à rien, mais pourvu qu’on la prenne !
Fissa, fissa…
Extension du domaine de la lutte
Lorsqu’en mars et avril 1938, les troupes nationalistes, prenant Barbastro, investissent par le sud la partie est de l’Aragon et le nord-ouest de la Catalogne, l’armée républicaine espagnole se replie vers le nord. Adossée à la frontière, elle va, dans la « bolsa » de Bielsa (« la poche de Bielsa ») opposer une résistance héroïque, acharnée, ingénieuse pendant près de trois mois, jusqu’en juin. Dès le mois d’avril est organisé l’exode des civils : en une petite dizaine de jours, plus de 4000 républicains, habitants des vallées proches laissant tout derrière eux, vont former une colonne ininterrompue à travers « la frontera », la frontière franco-espagnole, matérialisée par l’imposante et apparemment infranchissable muraille des Pyrénées. Ils vont pourtant escalader ce mur par plusieurs cols devenus célèbres pour les randonnées pyrénéennes transfrontalières : Port d’Ourdissetou, Port de Bielsa, Port Vieux et Port de Barroude (ou de Barrosa). 8000 combattants militaires et miliciens, vont résister à une armée franquiste de 15000 hommes, appuyés par l’aviation allemande et italienne. Il semblerait, selon une source de la Vallée d’Aure, que ces derniers aient, dans un geste offert aux civils, attendus le dernier passage de la frontière d’un soldat républicain, dans la nuit du 15 au 16 juin 1938 vers 4h du matin, pour bombarder davantage la « bolsa de Bielsa ».
Port de Bielsa (2425m)
en descendant sur le Port Vieux (2300m)
C’est sur ces chemins qu’est née l’idée d’un guide de randonnées thématiques, alliant le plaisir de la marche, l’admiration des grands et beaux espaces pyrénéens et l’histoire. Car si le promeneur, marcheur, randonneur emprunte aujourd’hui ces chemins bien balisés, cairnés, où il est finalement difficile de se perdre et où la sécurité est assez simple à assurer, il n’en a pas toujours été de même. Aujourd’hui, dans les Pyrénées, lors d’une randonnée, il est extrêmement facile de franchir la frontière, voire de la suivre une journée entière par la ligne des crêtes, tantôt en France, tantôt en Espagne.
En 1938, puis ensuite pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de réfugiés espagnols d’une part, et d’évadés de France d’autre part, y ont parfois laissé la vie, en voulant gagner la liberté.
C’est tout l’objet de ce projet dont voici aujourd’hui, bien modestement, le premier épisode. Peut-être un jour prochain, si le bébé grandit et trouve un œil et une oreille intéressée auprès d’un éditeur, pourrons-nous randonner « utile », ou du moins en gardant à l’esprit ces témoignages d’histoire et de vie (rassemblés dans de nombreux livres, dont celui d’Emilienne Eychenne : « Les Pyrénées de la Liberté ; les évasions par l’Espagne, 1939-1945 », Privat 1998), et la beauté des paysages face auxquels l’homme se sent petit et qu’il doit approcher avec tout le respect et l’humilité due aux espaces de montagne, qui ne lui sont que rarement favorables.
En cheminant sur ces sentiers, au départ de l’Hospital de Parzan, et par la suite sur les chemins frontaliers empruntés pendant une semaine, je pensais à tous ceux-là : hommes, femmes, vieillards, enfants, malades, blessés, soldats réguliers, miliciens, réfractaires au STO, Juifs, pilotes tombés en zone occupée, futur résistant... Avec des moyens rudimentaires, et sans avoir le nez en l’air comme le fait le randonneur d’aujourd’hui équipé en quechua, ils ont franchis la frontière, attendue depuis longtemps, espérée autant que crainte. Certains y sont parvenus, d’autres non. J’ai la chance d’y être arrivé à chaque fois. Et si nous pouvons le faire aujourd’hui librement, c’est grâce à eux.
Hasta la victoria siempre !
(A suivre… )
Hourquette de Cap de Long (2900m)
Port de Campbieil (2596m)
du Port de Bielsa au Port Vieux (crête frontalière ; au fond : la crête du Cirque de Troumouse)
Lacs de Barroude, 2355m
Lacs de Barroude, 2355m
Port d'Urdiceto, 2403m
chouette ! un film !
Le Petit Nicolas
de Laurent Tirard. France, Belgique 2009. 1h30. Distributeur : Wild Bunch. Avec : Maxime Godart ; Valérie Lemercier ; Kad Merad ; Sandrine Kiberlain ; François-Xavier Demaison…
Chouette ! le petit Nicolas est de retour, et sur les écrans de cinéma ! Chers amis spectateurs nous allons pouvoir nous régaler de tartines au beurre d’Alceste, un super copain qui est gros et qui mange tout le temps. On va pouvoir profiter des largesses du papa de Geoffroy qui est très riche. Si Agnan enlève ses lunettes, on pourra enfin lui taper dessus (parce que sinon, on ne peut pas). Eude nous donnera des coups de poing sur le nez, car il est très fort, Eude. Joachim nous parlera de son petit frère qui est né il n’y a pas longtemps, et Clotaire ira au piquet, car c’est le cancre que toute la classe aime bien, même la maitresse.
Papa et maman vont pouvoir se fâcher et puis on ira se promener dans la forêt, et le bouillon nous dira : « regardez-moi dans les yeux », et c’est même pour ça qu’on l’appelle le bouillon, parce que dans le bouillon, il y a des yeux. On ira jouer au terrain vague, et on fera plein de bêtises, parce qu’on aime bien ça les bêtises avec les copains.
Voilà résumé en quelques mots les aventures du petit Nicolas, pour ceux qui par hasard n’auraient pas fait partie des lecteurs juvéniles – et même au-delà – des histoires inventées à la fin des années 50 par René Goscinny et Jacques Sempé. Le succès, que dis-je, l’adhésion féroce de ceux qui ont lu au moins une fois une page de cette formidable revue de l’âge bête, était difficile à imaginer ailleurs que sur les pages des petits livres de poche écornés qu’on se prête en douce pour mieux rire des farces de son enfance, et retrouver l’odeur de la bonne nostalgie des craies sur les tableaux noirs et les encriers.
Laurent Tirard, auteur inspiré de Mensonges et trahisons, et de Molière, s’empare d’un mythe, avec tous les risques attenant à l’exercice. Quoi de plus légitime pour les aficionados d’en attendre beaucoup, au risque d’être déçu ? Il ne ménage pas ses efforts, Laurent Tirard, pour tenter de faire passer sur écran et donc visible par tous un véritable monument de l’imagination franco-française : costumes, décors, accessoires, ameublement, style, rien ne manque, tout y est pour nous plonger dans cette enfance soit disant dorée qui sentait bon la torgnole facile et les punitions scolaires où tailler les oreilles en pointe semblait encore le plus doux des châtiment…
Valérie Lemercier & Kad Merad font eux aussi beaucoup d’efforts pour sembler crédibles dans le rôle de papa-maman, mais n’y parviennent jamais réellement, allez savoir pourquoi. C’est surtout le petit Nicolas lui-même qui frôle l’erreur de casting, pourquoi diable avoir choisi un petit bonhomme à tête d’ange pour incarner un professionnel de la bêtise organisée, à la gouaille si caractéristique de son père réel, René Goscinny ?
L’adaptation des dialogues par Alain Chabat & Grégoire Vigneron laisse parfois échapper quelques morceaux de bravoure, mais ne parviennent pas à effacer la bêtise principale du film lui-même : celle d’extraire de l’imaginaire collectif un héros singulier qui aurait sans doute dû rester entre les pages de livres qui l’avaient enfanté, où leurs auteurs, véritables potaches eux, semblaient s’amuser au point d’en oublier d’être adulte.
Le petit Nicolas sait ce qu’il fera quand il sera grand : il veut faire rire.
Alors vivement qu’il reste enfant en étant adulte, c’est encore là qu’il est le mieux.
Et nous avec.