Auto promo
de g. à d. Christiane Abbadie ; Marcel Pouyllau (conteur) ; Nanou Saint-Lèbe (écrivain) ; F.S
Après tout, pourquoi pas. Il s'agit aussi d'assurer la promotion de "Franchir les Pyrénées sur les chemins de la liberté", paru en avril 2011 et qui aurait dépassé les 2000 exemplaires (pas de chiffres récents).
Ce bouquin a obtenu le Prix transfrontalier à la fête du Livre d'Aure, à Saint-Lary (65) en mai dernier. Comme je ne pouvais venir chercher ce prix le jour J, un séance de rattrapage m'a permis de le faire, le 9 août dernier aux granges du Moudang, dans la vallée du même nom, près d'Aragnouet (après Saint-Lary, direction Néouvielle et tunnel de Bielsa). Un bien bel endroit ma foi, et de biens sympathiques Pyrénéens, auteurs, photographes, marcheurs, lecteurs, conteurs etc.
Que soient remerciés ici les organisateurs de cette "randonnée littéraire," en tout premier chef Christiane Abbadie-Clerc, organisatrice (entre autres) de la fête du Livre d'Aure et membre de son comité de lecture.
Photos : Pierre Duffour (merci Pierre !).
http://pierre-duffour.blogspot.com
Un « Avenir radieux, » chargé de nuages…
Du théâtre documentaire était proposé par la Halle aux Grains de Blois, au théâtre Peskine fraîchement rénové, les 16 et 17 octobre dernier. Décapant.
Connaissez-vous Nicolas Lambert ? Peut-être pas encore. Auteur de Elf, la pompe Afrique, spectacle sorti en 2004 après de longues heures passées sur les bancs de la salle d’audience du procès Elf, il est actuellement en scène avec le deuxième volet de sa trilogie Bleu-Blanc-Rouge : Avenir radieux, une fission française. Pendant deux heures, le comédien-auteur-interprète balaie devant les spectateurs un brin médusés un pan entier de leur histoire. Et pour cause : cinquante ans de choix nucléaires en France, confidences empruntes de cynisme et de non-dits, le tout enrobé dans un humour caustique qui fait souvent rire (jaune) les spectateurs. Nicolas Lambert est seul en scène, enfin, presque. Il est accompagné d’un contrebassiste de grand talent, Éric Chalan (auteur des créations musicales du spectacle), et de 23 personnages qu’il interprète tous en leur donnant une épaisseur singulière à chaque fois. Et au petit jeu de la galerie de portrait, on peut y croiser Pierre Mesmer, Pierre Mauroy, Nicolas Sarkozy, Pierre Mendes-France, Guy Mollet. Mais il y a plus encore : le très secret Pierre Guillaumat, grand serviteur de l’Etat, membre des services secrets, administrateur du CEA au début des années 50, ex-ministre des Armées du Général de Gaulle, fondateur d’Elf, premier président d’Elf-Aquitaine. Cet ancien polytechnicien, diplômé de l’Ecole des Mines eut surtout une énorme influence sur la politique nucléaire en France, en matière civile et militaire (la première bombe atomique, le 13 février 1960 en Algérie, l’opération « Gerboise bleue, » c’est lui).
Le théâtre pour piger le monde
D’autres personnages viennent peupler ce spectacle qui est tout sauf roboratif (sur un thème qui pourrait l’être) : la foule des inconnus, citoyens inquiets, maires de petites communes impuissants, militants de collectifs anti-EPR, rencontrés dans les débats publics en Normandie, simulacres de démocratie organisés pour faire croire à des choix démocratiques en matière de construction de réacteurs. N’allez pas croire que tout ceci est une fiction : le grand mérite de Nicolas Lambert est de nous servir les propres paroles et textes des décideurs, politiques assujettis au pouvoir nucléaire de quelques entreprises (EDF et Areva ont les oreilles qui chauffent !). Morceau de bravoure : l’annonce, par Pierre Mesmer, en direct à l’ORTF le 6 mars 1974 du choix de construire les premiers réacteurs sur le sol français (à trois semaines de la mort prévisible de G. Pompidou…). Ou le discours du président Sarkozy à Gravelines – la plus grosse centrale française, six réacteurs de 900 MW - le 3 mai 2011, quelques semaines après la catastrophe de Fukushima. Tiens d’ailleurs, cette centrale… qui devait être livrée, avec une autre, à l’Iran, qui avait largement aidé au financement de la construction de l’usine d’enrichissement d’uranium de Pierrelate, dans le Tricastin (1 milliard de dollars remboursable à partir de 1981), détenant 10% de la société Eurodif (rien à voir avec l’enseigne de vêtements et linge de maison…) et un droit d’enlèvement de 10% de cet uranium enrichi. Là, le public est concentré, conscient d’apprendre des choses bien utiles et peu médiatisées.
Militantisme non déguisé pour cet auteur né dans une famille modeste « sans bibliothèque, » rappelle-t-il, qui a découvert le théâtre grâce à un professeur de Français (loué soit-il !) et tourné souvent en banlieue notamment grâce au Théâtre universitaire de Nanterre qu’il dirigera de 1990 à 1992.
Instructif, enrichissant et drôle, Avenir radieux, une fission française est un documentaire théâtral, ce que revendique son auteur sans rougir : « Si le théâtre ne sert pas à piger le monde, il ne sert à rien. »
On a compris.
Avenir radieux, une fission française, de et avec Nicolas Lambert. Musique d’Éric Chalan. Vidéo Erwan Temple. Compagnie Un pas de côté. Livre disponible aux éditions L’Échappée. Dates etc. : www.unpasdecote.org
Bourlinguer
Une semaine ailleurs, pour voir si on y est toujours.
Quelques heures de printemps
Film de Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon, Hélène Vincent, Emmanuelle Seigner.
Dans le film il y a un puzzle, qu’Yvette – magnifique Hélène Vincent – s’emploie à vouloir terminer alors qu’elle se sait condamnée par un cancer. Régulièrement, sous l’abat-jour de son séjour très propre dans un pavillon de ville moyenne de province qui l’est tout autant (ici, la Saône-et-Loire), on la voit qui cherche la bonne pièce. Dans la chambre, à côté, son fils, la quarantaine fatiguée (Vincent Lindon, éblousissant), fume des clopes la fenêtre ouverte. Il sort de 18 mois de prison, et peine à retrouver du boulot. Il était routier. Il est à quai, chez sa mère. Il est revenu dans sa chambre, mais pas chez elle. Ils s’évitent.
Yvette a un cancer, mais en parle peu à son fils. Et pour cause : elle a pris contact avec une association suisse censée l’aider à mourir dans la dignité, avant qu’elle ne devienne un légume et souffre trop pour décider de son sort. Son fils découvre tout ça par hasard en cherchant des somnifères dans un tiroir. Les choses vont changer, leurs relations aussi. Elles vont surtout empirer : Alain quitte la maison de sa mère après une forte engueulade, et se réfugie chez un voisin, ancien routier, comme lui. La décision d'Yvette semble de plus en plus irrévocable, comme l’évolution de sa maladie : elle est foutue, elle va mourir et se faire aider pour cela. Par le truchement de son chien qu’elle tente d’empoisonner (mais qui survivra, lui !), elle renoue avec son fils, qui revient vivre chez elle. Il va alors l’accompagner jusqu’au bout, c'est-à-dire jusqu’à sa mort à laquelle il va assister, en direct.
Stéphane Brizé, le cinéaste qui nous brise. Depuis trois films, il sait trouver, sans nul autre pareil, le ton juste pour évoquer des sujets graves sans en rajouter avec le pathos. Brizé ne filme pas, il nous emmène dans la vie simple des gens simples, aux relations parfois terriblement compliquées. Dans Je ne suis pas là pour être aimé, avec Patrick Chesnaie et Anne Consigny, il avait fait douter une future jeune mariée avec un bougre de notaire fatigué et usé jusqu’à la corde, empêtré dans la relation avec un père acariâtre. Dans Mademoiselle Chambon, il avait peine à faire dire à ce couple adultère les sentiments qu’ils éprouvaient sans mot dire (avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain). Avec Quelques heures de printemps, il aborde le sujet casse-gueule de la fin de vie, du droit à mourir dans la dignité, tout ce dont on va entendre parler en polémiquant à outrance dans les mois qui viennent.
Mais résumer Quelques heures de printemps, à cette seule thématique serait passer à côté du film de Stéphane Brizé. Le seul vrai sujet du film est celui de relations manquées. Celle d’Yvette avec la vie et son fils. Celle d’Alain avec lui-même et avec sa mère. Celle d’un amour qui n’a jamais pu se dire, plus par manque d’envie que par courage. Le vieux chien sert à peine de trait d’union entre ces deux êtres que rien ne semble plus illuminer, Yvette et Alain se disputant le peu d’affection par son intermédiaire.
Stéphane Brizé produit à nouveau un film ciselé, âpre, beau et terrible à la fois. Sans issue autre que celle qu’il nous offre à contempler, si l’on peut dire, avec une économie de mots et de gestes. Chacun de ceux qui seront portés ou proférés sont là où ils ne pourraient être ailleurs, et chaque plan apporte son lot d’abandon à cette vie corsetée de tics pour Yvette, d’échouage pour Alain, enfermé dans une armure.
À la fin Vincent Lindon quitte le cadre et nous laisse là, avec un paysage d’arbres soufflés par un léger vent, au soleil d’une fin d’après midi qui s’annonce belle. Cette lumière nous transperce, littéralement, alors qu’on vient de passer 1h48 dans le noir.