Préhistoire en Charente : les Vachons
Sur la commune de Voulgezac (16) se trouve le site des Vachons, au lieu-dit "Prés-Vachons", au pied d'une ligne de falaise karstiques d'une trentaine de mètres de hauteur. Le site est traversé par un affluant de la Boême, qui trouve sa source dans la Font-Robert, puis traverse un étang formé par une retenue d'eau en aval. Dès 1867, A. Trémeau de Rochebrune manifesta un intérêt pour le site, qui fut ensuite fouillé. Une douzaine de grottes et abris, d'Est en Ouest, composent les Vachons. Le plus connu, l’Oeil de bœuf, a été fouillé par A. Coiffard avec minutie, surtout entre 1914 et 1922, jusque dans les années 1929-1933. Silex, pierres taillées et os calcinés furent découverts, remontant à la période aurignacienne du Paléolithique supérieur (-30.000 à -25.000 ans).
Le gisement des Vachons est le seul à avoir livré des restes humains contemporain du Périgordien (-27.000 à -20.000 ans) : il s'agit d'une molaire supérieure gauche portant des traces d'action humaine. Dans les niveaux aurignaciens de fouilles archéologiques, d'autres molaires, qui pouvait appartenir à la même mandibule.
Source : André Debénath : Néandertaliens et Cro-Magnons, les temps glaciaires dans le bassin de la Charente. Ed. le Croix Vif, 2006.
Et, soudain, à 18 heures...
C'est peut-être l'unique - je dis bien l'unique - avantage à cet absurde couvercle qui tombe sur la tête des Français depuis un mois : à 18 heures pile, la nature se vide des hommes (et des femmes, comme ça, pas de jalouses), pour laisser monter en solitaire le soir où seuls quelques irréductibles Gaulois - les vrais, pas les sois-disant réfractaires qui ont peur que le ciel leur tombe sur la tête - peuvent profiter d'un silence de cathédrale. Celui-ci remémore le printemps dernier, en mars-avril, quand seul le chant du coucou déchirait le silence d'une campagne vidée des humains, claquemurés chez eux, morts de trouille. Ils n'ont rien vu venir, pas même le printemps, à peine du bout de leur grillage des jardins clos, par delà les murs des quartiers de leurs villes, dont ils ne pouvaient s'éloigner à plus d'un kilomètre.
Dix-huit heures donc. Seul le souffle du vent ose briser le silence, quelques chants d'oiseaux qui se pressent de rejoindre, eux aussi, leurs nids ; des palombes effrayées par notre arrivée ; peut-être dans les sous-bois le craquement de sabots de biches sur les feuilles mortes. À cet instant la sève d'une terre bientôt assoupie monte dans tout notre être et dans l'âme ; on se surprend à réciter quelques vers.
"Je ne parlerai pas, je ne penserai rien, mais l'amour infini me montera dans l'âme. Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, par la Nature - heureux comme avez une femme". (Arthur Rimbaud ; Sensation. 1870).
C'est à peine si l'on entend la rumeur d'une route au loin, très loin là-bas, à l'ouest, où rien de nouveau n'arrive, pas plus qu'hier. Le beau blond descend peu à peu et perce les derniers nuages ; nous le saluons tête nue comme il se doit. La fraîcheur du vent commence à se faire sentir, mais elle n'est point gênante. On s’enivre à pleins poumons ! Cet instant ne dure que quelques minutes, que l'on s'empresse d'éterniser. "Il est d'autres soldats en ville, et la nuit montent les civils. Remets du rimmel à tes cils, Lola, qui t'en iras bientôt. Encore un verre de liqueur... Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Et leurs baisers au loin les suivent. (...) Comme des soleils révolus" (Aragon).
Rien ni personne ne nous volera ces moments, surtout pas les stratèges de l'enfermement qui bouclent jusqu'aux esprits faibles. En bas, dans la plaine, les braves gens peuvent dormir tranquilles. Voici la nuit. Sur la table de chevet, le réveil est réglé à six heures du matin. Ce jour nouveau sera - ils feignent de l'ignorer - difficile...
Photos (c) F.S. Vallée des Eaux-Claires (Pymoyen, 16).
Bassac : le vaisseau fantôme
Bassac, l'abbaye. Fondée en 1009 environ par le conte de Jarnac, Wardrade, et son épouse Rixendis. Abbaye bénédictine, réformée par la congrégation de Saint-Maur au milieu du XVIIe s., elle est vendue bien national à la Révolution, puis peu à peu abandonnée, malgré son classement MH en 1880. En 1947, la Fraternité des Missionnaires de Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus, arrivant de Vendée, et acquièrent l'abbaye, en ruine. Les restaurations successives lui redonnent son éclat et son âme. Ils quittent l'abbaye en 2012, affaiblis par l'obligation de remise aux normes, insoutenables à mettre en œuvre pour poursuivre l'accueil de groupes sur plusieurs jours. Acquise par la SCI de l'abbaye de Bassac en 2015, elle pourra devenir un centre spirituel et culturel d'envergure... si 12 millions d'€ sont levés ! La recherche de fonds et de mécénat sera mené par la Fondation de l'Abbaye de Bassac. Mais le projet tarde visiblement à voir le jour (la premières tranche de travaux était annoncée pour 2018-2020), et l'abbaye a triste mine.
Malgré les incertitudes qui planent encore - la période est propice à cela - l'âme de l'abbaye demeure, malgré les coulures de rouille sur les murs, et les peintures écaillées. Dans la mélancolie pluvieuse et grise d'un dimanche d'hiver, aux allures de vaisseau fantôme, Bassac garde le charme puissant d'une abbaye millénaire, telle qu'elle l'a toujours été même aux plus difficiles heures de son histoire.
[Photos : (c) Fred Sabourin]
Cellefrouin : lanterne des morts et église abbatiale Saint-Pierre
Voici Cellefrouin, et sa célèbre lanterne des morts. Époque romane fin XIIe siècle, il était hissée au sommet une lampe allumée, censée guider les défunts dans leur passage dans l'au-delà. Classée Monument historique en 1886. Elle est située dans le cimetière communal de Cellefrouin, à la confluence du Son et de la Sonnette, donnant naissance au Son-Sonnette. Une autre lanterne des morts charentaise très connue également est située à Pranzac, près de La Rochefoucauld.
L'église abbatiale Saint-Pierre de Cellefrouin, est fondée vers 1025 par l'évêque de Périgueux Arnaud de Vitabre. Rattachée à l'abbaye de Charroux au tout début du XIIe s., elle reprit son autonomie sous la règle de saint Augustin, puis de saint Benoît sur ordre du Pape Urbain II. Ne subsiste que l'église abbatiale - l'une des plus anciennes de Charente - les bâtiments monastiques ayant disparu.
(c) Fred Sabourin. Janvier 2021.
Les masques en rade
La bamboche : c’était déjà terminé. Les apéros entre 18h et 20h aussi. Les bars, restaurants, cinémas et lieux culturels : repoussés aux calendes grecques. Les conversations dans les transports en commun : pas recommandées (ça vient de tomber, c’est l’Académie de médecine qui préconise). Et maintenant, voici le tour des masques « faits maison » : jugés moins efficaces face au « variant anglais », ils vont devenir hors norme, et hors la loi.
Pourtant, au printemps, le savoir-faire des milliers de couturières fut loué avec ferveur, jusqu’au sommet de la République ! Tout droit sorties des albums sépias des buffets Henri II de nos grands-mères, armées de leurs machines à coudre ressuscitées (pourtant non « connectées »), ces femmes – majoritairement – ont patiemment cousu des millions de masques, au moment où le gouvernement mentait effrontément sur leur utilité. D’abord « ça ne sert à rien, surtout si c’est mal porté », puis « vivement recommandé », et enfin « obligatoire » sous peine de sanctions (135 €, c’est le tarif pour à peu près tout depuis presque un an). Oui mais voilà, ces milliers de petites mains agiles, créatives dans le choix des coloris, motifs, matériaux, ne résisteront pas, moins d’un an plus tard, au « variant anglais » ; en attendant peut-être un jour le variant de Zanzibar, ou des Kerguelen (qui sait ?). C’est dit, c’est fait : il faudra acheter et porter des masques chirurgicaux, plus chers, plus polluants aussi car jetables.
On s’en fout du gaspillage ! Pourvu que les industriels fabricants de masques « aux normes » soient satisfaits et se rince au passage ! Une boîte de FFP2 - les plus efficaces, paraît-il, jusqu’à la prochaine norme qui les rendra caduc - coûte environ 30 € les vingt unités. Trois fois plus chers que les chirurgicaux conseillés jusqu’à présent. Pas pour toutes les bourses, donc…
Dans l’association d’aide alimentaire itinérante du Ruffecois dont j’ai la charge, les bénévoles, majoritairement des femmes qui n’ont que deux bras et pas les deux pieds dans le même sabot, ont sortis au printemps dernier leurs vieilles machines à coudre, pour fabriquer des masques « à la maison » où elles étaient confinées. J’en ai un très joli en vichy rose ; un autre gris anthracite très classe ; un avec des motifs qui rappellent « el dia de los muertos », cette fête mexicaine où l’on singe la mort pour mieux la tenir à distance. Ces masques sont doublés, lavables, polluent peu, et on ne peut que remercier la réactivité autant que la créativité de ces couturières remises sur le devant de la scène de façon inattendue. C’était pendant « la guerre », c’était avant...
Ces masques « faits maison », jusqu’ici en odeur de sainteté, servent aussi pour les clients-bénéficiaires de l’épicerie solidaire. Ce sont des gens qui majoritairement essaient de remplir leur frigo avec le montant d’un RSA et quelques poussières. Croyez-vous qu’ils vont acheter des masques à trente balles la boîte de vingt ? On voudrait se moquer de leur figure – pourtant masquée – qu’on ne s’y prendrait pas mieux.
Voici donc une nouvelle décision aussi absurde, hors-norme, hors-sols, complètement déconnectée de la réalité de la vie de millions de Français, et parmi eux les plus pauvres, les plus fragiles, les plus précaires.
Allez, encore quelques semaines et un comité scientifique Théodule ou une Académie des neufs obligera le monde entier à se déplacer en scaphandre, sans parler car ça fait de la buée dans le casque. Personnellement j’attends ce moment avec impatience : j’ai toujours rêvé de porter un scaphandre. Après avoir marché sur la tête, celui-ci me permettra peut-être, un jour, de marcher sur la Lune.
L'heure bleue à Saint-Amant-de-Boixe
À force de nous empêcher de mourir, on nous empêche de vivre. Et si ça continue on finira par mourir quand même.
La contemplation, c'est finalement tout ce qui nous reste - avec nos yeux pour pleurer - à admirer pour se cultiver, un peu, pendant cette période de crise sanitaire, économique, politique. Les théâtres, cinémas, musées et lieux d'expositions étant considérés comme "non essentiels" par ceux qui nous gouvernent, il reste certains lieux patrimoniaux ouverts, fort heureusement.
L'abbatiale de Saint-Amant-de-Boixe est de ceux-là. Les vitraux et le chœur, fraîchement rénové et récemment rouvert à l'admiration du public, permettent de se régaler d'un spectacle comme peu d'édifices peuvent y prétendre.
"Mentionnée pour la première fois dans les textes en 888, l'abbaye est refondée un siècle plus tard par la volonté du comte d'Angoulême, Arnaud. Vers 1025, son fils Guillaume IV Taillefer accomplit la volonté du père : construire une abbaye. Le succès est rapide, si bien que l'abbé Guillaume décide de reconstruire la partie orientale de l'église abbatiale. Le 1er octobre 1125, cette première campagne de travaux est achevée. Puis, la nef, réservée à la paroisse, est reconstruite sur les fondations de l’ancien édifice. La consécration du nouvel édifice a lieu en présence de nombreux dignitaires le 15 novembre 1170.
Au XIIIe siècle, l’abbaye est dévastée par un gigantesque incendie. Le cloître et le chœur de l’église sont reconstruits et voûtés d’ogives. L’abbaye reste prospère jusqu’au XIVe siècle. Par la suite, le long déclin de l’abbaye commence.
Elle est tout d’abord ruinée lors de la guerre de Cent Ans. Puis les guerres de Religion et le régime des abbés commendataires la vident de ses richesses temporelles et spirituelles..."
"... En 1572 l’abbaye ne compte déjà plus que douze moines et, deux en 1774. Cette même année un édit royal supprime la mense conventuelle et l’affecte au Séminaire d’Angoulême. Mais la Révolution Française empêchera la réalisation de ce projet.
En 1791, les bâtiments abbatiaux sont vendus comme biens nationaux, et l’église devient paroissiale. Tout au long du XIXe siècle, la commune cherche des subventions pour pallier à la ruine de l’église. En 1840 celle-ci est classée Monument Historique. Mais il faut attendre 1897 pour que d’ambitieux travaux de restauration, à la mesure du mal, soient enfin réalisés. En 1935 le cloître et les bâtiments abbatiaux sont classés.
Rachetés en 1973 par la commune, ils seront restaurés à partir de 1985. En 1999 l’abbaye s’oriente vers une nouvelle vocation : accueillir en ses murs l’Espace d’architecture romane, qui sera inauguré en 2008. Depuis 2016, une thèse de doctorat est en cours, sous la direction de Cécile Treffort (Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale, UMR 7032, Université de Poitiers, CNRS). De nos jours, l’histoire continue avec les travaux de restauration du chœur qui seront lancés en 2017".
(Source : https://abbayesaintamantdeboixe.fr/ )
Un sujet de France 3 Nouvelle Aquitaine (décembre 2020) à lire et voir ici.
Sansac, perle de Beaulieu-sur-Sonnette en Angoumois
"À l'Ouest de la commune de Beaulieu-sur-Sonnette, dominant la verdoyante vallée de la Sonnette, se dresse le château de Sansac, un des plus anciens châteaux de l'Angoumois, en partie reconstruit à la Renaissance. Les Prévost de Sansac, très ancienne famille charentaise, furent propriétaire du château dès le XVe siècle. Loys Prévost, seigneur de Sansac, compagnon d'armes de François Ier fut gouverneur de l'Angoumois de 1559 à 1532. C'est à cette époque que le château pris l'aspect qu'il a aujourd'hui".
(Source : Châteaux, logis et demeures anciennes de la Charente. Sous la dir. de J-P. Gaillard, ed. Bruno Sépulchre 1993 et 2005).
"Sansac, siège d'une grosse exploitation agricole assume ainsi, au fil des siècles, la contradiction entre la puissance de ses bâtiments et son isolement géographique, loin des grandes villes qui attirent les fortunes capables de faire vivre de telles demeures. On monte au château par une allée qui serpente sur le roc, bordée de haies de buis soigneusement taillées. L'édifice, élevé en 1559 par Louis Prévost, comprend deux corps de logis en L. Le corps principal, ouvert aux étages par de larges fenêtres à meneaux, est flanqué au nord de deux grosses tours rondes qui n'ont pas la même hauteur pour s'adapter à la déclivité du terrain. Il est couvert d'une vaste toiture en tuiles plates qui s'harmonise avec les cônes des tours. En retour d'équerre, une aile constitue un second corps de logis, plus récent. Cette aile renferme une galerie au rez-de-chaussée refaite au XIXe s. La porte d'entrée se trouve dans l'angle intérieur. Les moulurations des amples fenêtres sont particulièrement soignées et donnent beaucoup d'élévation et de noblesse à cet ensemble, égayé par des terrasses qui partent de la base d'une ancienne tour. Sansac est assurément une solide forteresse, qui allie la puissance et le raffinement de la Renaissance, un noble et élégant belvédère. Son éloignement des grands centres urbains ou économiques pose le problème de son existence comme le lieu de vie rayonnant qu'il devrait être. (...) Sansac est vendu au début XIXe siècle à un bourgeois d'Angoulême, M. Montaxier, dont les deux fils, célibataires, laissent l'héritage à leur neveu, M. Vignaud. Le peintre Josué Gaboriaud (1883-1955), dont on peut voir les œuvres au musée d'Angoulême, séjourna alors à Sansac. Les occupants allemands commirent des déprédations pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le fils de M. Vignaud préféra vendre le château en 1949 à M. Barot, industriel, ancien directeur de la fromagerie coopérative de Bougon dans les Deux-Sèvres, actuel propriétaire. Le nom de Sansac est toujours porté par des descendants, par des branches cadettes, de Louis Prévost, de Touchimbert, de La Vauzelle et de Traversay".
Source : Jacques Dumont, in Châteaux, manoirs et logis de la Charente, sous la dir. de P. Dubourg-Noves, 1993.
Le château de Sansac, à Beaulieu-sur-Sonnette (Charente) tel qu'on peut l'admirer aujourd'hui date du début XVIe siècle, a été construit à l'époque de Louis Prévost de Sansac, probablement sur les bases d'un château antérieur dont les traces les plus anciennes remontent aux XIVe et XVe siècle. Intrépide capitaine, "turbulent et colère" selon les mots de Brantôme, était né à Cognac comme François Ier en 1506, et fut un de ses compagnons d'armes ; il le considérait comme l'un des quatre gentilshommes de Guyenne, "allants et venants : moi, Sansac, Esse et Châtaigneraye". Grand fauconnier en 1549, gouverneur de l'Angoumois en 1553, sénéchal de Saintonge en 1560, il reprit Angoulême aux Protestants en 1562. Lieutenant général de sa Majesté pour le duché de l'Angoumois, chevalier des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, il meurt en 1578 à la veille d'être nommé maréchal de France. Marié à Louise de Montbron, il eut un fils, Jean, baron de Sansac. Son frère Antoine fut archevêque de Bordeaux en 1591.
F.S.
Photos (c) : F. Sabourin, décembre 2020.
L'eau monte !
Abondance de liquide à la confluence de la Charente, de la Bonnieure et du Son-Sonnette ! Les pluies diluviennes de ces derniers jours ont chargé la barque des deux rivières qui se jettent dans la Charente, à Puigelier près de Mansle, Mouton et Lichères. Déambulation hivernale en images.
Château de Fayolle, Abzac
Surgissant du brouillard confolentais, à Abzac, le château de Fayolle. Signifierait "petit bois de hêtres". En 1506 Antoinette Ambasmat épousa François de Couhé de Lusignan, qui donne au château - une construction très ancienne, probablement XIIIe siècle - l'aspect résidentiel qu'on lui connaît aujourd'hui. Cette famille conserve Fayolle pendant trois siècles. Il change de famille fin XVIIIe et au XIXe s. Donjon flanqué de contreforts pleins (comme Chauvigny, Niort, Angle-sur-Anglin, Loubressay ou La Mothe-de-Persac dans le Poitou voisin) ; il reçoit au XVIIIe s. une toiture à la Mansart en tuiles plates. Tour ronde d'escalier côté façade, toiture en poivrière. Au nord-ouest (non visible sur les photos) une quatrième tour, polygonale. Très élégant château du Confolentais, les contreforts pleins donnent de l'élévation à l'ensemble. (Source : Châteaux, manoirs et logis de la Charente, ss dir. de P. Dubourg-Noves).
(c) Fred Sabourin. Décembre 2020.
Parfois, le réel désaltère l’espérance
« Chaque homme, dans sa nuit, s’en va vers sa lumière ». J’aime beaucoup me répéter cette citation de Victor Hugo, quand je regarde s’éloigner après leurs courses les bénéficiaires de l’épicerie solidaire itinérante que je coordonne depuis un an et demi, avec la vingtaine de bénévoles qui se donnent à fond pour apporter une aide alimentaire dans le Ruffecois. En cette fin d’année 2020, 170 familles y sont inscrites - soit exactement 400 personnes – et viennent chercher non pas du superflu, mais le strict nécessaire pour essayer de joindre les deux bouts entre deux distributions, tous les 15 jours dans les cinq communes où E.I.D.E.R. trimbale son épicerie ambulante (1).
« Une vie pauvre, est-ce une pauvre vie ? ». J’ai entendu cela récemment dans une émission de radio sur le thème de la précarité – le sujet est à la mode hélas. Ce questionnement est ma boussole quotidienne, celle qui m’évite la tentation de baisser les bras, avec ceux que la vie n’épargne pas, pour lesquels rien ne semble jamais changer dans le fatras de vies cabossées à tous les étages. Et pourtant, en moins de quinze jours trois petites lanternes viennent de s’allumer dans la nuit de 2020. Trois bénéficiaires ne reviendront plus chercher l’aide alimentaire à l’épicerie solidaire. Et c’est plutôt une bonne nouvelle ! Chacun a donné les raisons pour lesquelles on ne les reverra plus, avec le sourire qu’on a perçu à travers le masque : un mari qui a retrouvé du travail pour Alexandra, qui venait parfois les mercredis matin avec sa petite fille de 4 ans. Une retraite enfin digne de ce nom pour Jeanine, jeune retraitée qui a cumulé ses difficultés économiques avec de gros ennuis de santé. Un crédit de réparation de voiture terminé pour Jean-Claude, fringuant retraité de 80 ans à qui on donnait 10 ans de moins. Tous les trois se sont confondus en remerciements chaleureux, le regard empli de sincérité, pour le coup de main apporté grâce à une ouverture de droits alimentaires qui se veut toujours provisoire, mais dont on sait que celui-ci peut hélas durer un certain temps…
« Mieux vaut allumer une petite lanterne que de maudire les ténèbres », dit une sagesse chinoise (Confucius si ça vous chante). J’ai donc choisi, en sillonnant les routes du Ruffecois cette semaine, de ruminer ces trois exemples de personnes qui, heureusement, vont s’en sortir au moins provisoirement. En essayant de garder à distance l’émotion qui pourtant m’a étreinte à ce moment-là, je me suis demandé si, à l’aube de ce Noël teinté de gris, ça n’était finalement pas ça qu’il fallait retenir de cette p… d’année 2020. Un petit bonheur fugace. Une fragile lueur dans la nuit. Une espérance désaltérée. Et ça, 2020, avec ton cortège de mauvaises nouvelles et de coups sur la tête, tu auras beau faire tout ce que tu voudras, tu ne m’enlèveras ni à moi ni aux bénévoles de l’association cette petite lanterne dans la nuit, à quelques heures de Noël…
Frédéric Sabourin
Coordinateur de l’épicerie solidaire E.I.D.E.R.
(1) Espace Itinérant D’aide alimentaire En pays Ruffecois.
Tribune publiée en partie dans Charente Libre du 22 décembre 2020. In extenso ici.