Et le coffre de Mazarin fit sauter la banque hollandaise...
- Deux coups de marteaux à 5,9 millions -
La 25e vente de l’étude Rouillac à Cheverny a tenu ses promesses, elle. Dépassant toutes les espérances des commissaires-priseurs père et fils. Le coffre ayant appartenu au cardinal Mazarin a été adjugé à 5,9 millions d’euros pour le Rijksmuseum d’Amsterdam. Qui dit mieux ?
Comme les Cadets de Gascogne, de Carbon de Casteljaloux, les Rouillac père, mère et fils « font cocus tous les jaloux. » Si Cyrano de Bergerac était encore en vie, il aurait pu voir un beau spectacle, en couleur et haute définition, à en décrocher la lune, dont il rêvait. La 25e vente de Cheverny, qui s’est déroulée les 9 & 10 juin dans l’orangerie du château, en présence de la famille Hurault de Vibraye propriétaire des lieux, et de la marquise de Brantes*, qui fut à l’origine la toute première vente en 1989, a atteint des sommets. Pratiquement l’Everest. Plus que jamais, ce n’est pas la crise pour tout le monde ! Les objets d’art demeurent, sans surprise, une valeur sûre et un refuge en ces temps de disette. Il y en avait pour tous les goûts, et – osera-t-on l’écrire – pour toutes les bourses. Vous ne nous croyez pas ? Dommage, vous auriez pu par exemple emporter deux Rolls Royce pour moins de 30.000 €. Une Corniche de 1973 pour 17.000 €, et une Silver Shadow pour « seulement » 11.000 €. L’histoire ne dit pas si le réservoir était plein, ce qui pourrait doubler la valeur du véhicule.
Comment expertiser aussi ce reste de cigare havane que le dernier empereur d’Allemagne, Guillaume II, fuma lors d’un dîner à l’ambassade de France le 5 mars 1889 ? Bien malin qui peut le dire, et Aymeric Rouillac déguste avec un malin plaisir son effet. C’est au château de Cheverny, pour 350 euros que cet objet insolite, ce cigare de pharaon, rejoindra la collection du musée Tintin, Moulinsart oblige.
Pour 100.000, t’as plus rien
C’est bien sûr le coffre ayant appartenu au cardinal Mazarin qui suscita tous les désirs, qui attisa tous les regards, qui fit vibrer la salle, et suspendre le temps. Les secondes apparaissaient des minutes, et les minutes semblaient des heures. Cet exceptionnel coffre en laque du Japon, dont il n’existait que quatre exemplaires à l’origine au XVIIe siècle, a fait l’objet d’une âpre bataille par téléphone et dans la salle, les appels provenant du monde entier, des plus grands musées (Victoria & Albert Museum de Londres notamment, déjà propriétaire d’un coffre semblable). Un mystérieux personnage, expert dépêché par un grand musée américain, présent à Cheverny, a en effet résisté jusqu’à 5,8 millions d’euros, puis, comme au poker, se coucha pour rien, ou presque : 100.000 €... Le coffre a été adjugé à 5,9 millions d’euros et restera en Europe, puisqu’il rejoint le prestigieux Rijksmuseum d’Amsterdam. Un record pour l’étude Rouillac, qui dépasse ainsi les 5,2 millions d’euros du portrait de George Washington en 2002. Le coffre, acheté par Mazarin en 1658, retourne ainsi dans son lieu de quasi naissance, puisqu’il fut commandé aux meilleurs ateliers japonais de Kyoto** par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Seul regret avoué par Aymeric Rouillac : « qu’aucun conservateur de musée français ne se soit déplacé pour venir voir le coffre. » Il est probable que le prix – dont on ignorait jusqu’où il irait mais dont on pouvait raisonnablement supposer qu’il crèverait le plafond – ait un peu freiné les ardeurs des maigres budgets culturels de la France. Les Hollandais, fidèles à leur réputation historique de grands marchands très réactifs, se sont mis à plusieurs pour faire le chèque de 7.311.280 millions d’euros (le prix de adjudication plus les 23,92 % de frais dont la TVA) : le Rijksmuseum bien sûr, mais aussi la loterie nationale des Pays-Bas, la Société Rembrandt et plusieurs mécènes permettent à ce meuble unique, cette « Mona Lisa du mobilier asiatique » comme aiment à le dire Philippe et Aymeric Rouillac, de devenir l’objet phare de cet équivalent du Louvre aux Pays-Bas.
La vente pouvait se poursuivre, elle dura presque cinq heures - plus qu’une finale de Roland Garros ce même jour ! - et si la tension a quelque peu baissé suite au braquage de tous les regards vers ce coffre aux trésors, ce qui vint derrière n’en était pas moins digne d’intérêt. Rouillac père et fils se sont employés à passionner le public, buvant avec lui le calice jusqu’à la lie. Rincés mais ravis, ils pouvaient donner un dernier coup de marteau sur les sculptures d’Alfred Janniot, dont les exceptionnelles Trois Grâces, adjugées pour 370.000 € (record mondial). Pas de doute, elles avaient veillé sur la 25e vente de Cheverny, qui devait se poursuivre lundi 10 juin, en attendant les nouvelles surprises qui ne manqueront pas de sortir du chapeau de l’étude Rouillac. Mais ça, mille millions de mille sabords, c’est pour le 15 juin 2014.
F.S
(article paru dans La Renaissance du Loir-et-Cher du 14 juin)
* Belle sœur d’Anne-Aymone Sauvage de Brantes, épouse Giscard d’Estaing.
** par un Français, François Caron, chef du bureau de commerce de la V.O.C, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, installé sur place 20 ans auparavant.
- Honneurs rendus aux Trois Grâces de Janniot (in Cheverny) -
- Chauffeur ! A la maison ! -
- Le cigare de l'empereur -
- Cueillez, cueillez votre jeunesse... -
- Vous aimez les bijoux ? Vous aimez le nu ? Vous aurez les deux avec ce Nu aux bijoux ! -
(c) Fred Sabourin. Cheverny, Loir-et-Cher, juin 2013.
Tiens, à propos des fachos...
- Parvis de la primatiale St-Jean à Lyon, 14 janvier 2012 -
Lundi 16 janvier 2012, je publiais sur ce blog cet article L'ordre noir , revenant d'un week-end lyonnais où j'étais tombé par hasard sur une manif des "Jeunesses nationalistes."
C'est étrange comme les propos gueulés lors de cette manif n'ont, hélas, pas pris une ride, s'il est permis de s'exprimer ainsi.
Le gouvernement parle de dissoudre un de ces mouvements. Ce qui, à écouter les chercheurs s'intéressant au sujet, sera contre-productif. Car une fois tombés dans la clandestinité, ces groupuscules sont plus difficiles à suivre. Certains renaissent de leurs cendres quelques mois après, sous un autre nom, plus énervés que jamais.
Le Président Hollande, pendant sa campagne électorale l'année dernière voulait "une France appaisée," après les cinq ans de crispation, d'énervement, de coups de menton, de démonstration de biceps, de "vous allez voir ce que vous allez voir."
Le moins que l'on puisse dire, c'est que jusqu'à présent c'est raté, bien au contraire.
A force de jouer avec le feu, les apprentis sorciers... etc. etc.
F.S