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Que va devenir la bibliothèque personnelle de François Mitterrand ?
Les 29 et 30 octobre prochains sera vendue chez Piasa la bibliothèque personnelle des livres modernes de François Mitterrand. 683 lots, majoritairement composés de livres rares et magnifiquement reliés, aussi des autographes et des lettres de personnalités de l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle. Il est cependant regrettable que cette exceptionnelle collection de l’ancien chef d’État soit disséminée dans la nature…
L’enfant de Jarnac, ancien élève du collège Saint-Paul d’Angoulême, puis pensionnaire des frères Maristes au 104 rue de Vaugirard, l’homme de « l’union de la gauche » qui le porta jusqu’à la Présidence de la République, aimait les écrivains de droite, ce n’est pas une découverte. De Maurice Barrès, dont il dira sur la plateau d’Apostrophes le 7 février 1975 « que la première page de La Colline inspirée, pour moi, est restée un chef-d’œuvre », jusqu’à Brasillach, Drieu La Rochelle, en passant par le catholique et révolutionnaire Léon Bloy, François Mauriac, Michel Déon, et bien sûr Jacques Chardonne, Roger Nimier, Paul Morand : c’est un véritable trésor de la littérature française du XXe siècle qui va être présenté aux enchères les 29 et 30 octobre prochain chez Piasa, à Paris dans le 8e arrondissement.
François Mitterrand était bibliophile. Un bibliophile averti même si on en juge par l’excellente qualité de ses choix, au gré de ses pérégrinations secrètes, pour s’échapper d’un quotidien dominé par la politique et les grandes questions nationales ou internationales liées à la Présidence de la République. Il arpentait les librairies du Quartier Latin et Saint-Germain (Gallimard boulevard Raspail ou Loliée notamment, rue de Seine), à la recherche d’exemplaire « de tête », ces tirages numérotés en très faible quantité, imprimés sur des papiers de haute qualité : Vélin, de Chine, de Japon ou de Hollande. Il les faisait relier avec de très beaux maroquins aux cinq nerfs sur la tranche par les meilleurs relieurs de Paris, parfois par Danielle Mitterrand elle-même qui a visiblement assuré une partie du classement, des fiches et du catalogue manuscrit de cet extraordinaire témoignage de la passion d’un homme, d’un Président de la République pour les livres, qu’on ne reverra sans doute pas avant longtemps…
En 1990 déjà, François Mitterrand avait fait don de sa bibliothèque de livres « usuels », de documentaires, à la bibliothèque Jean-Jaurès de Nevers. 20.000 ouvrages dont la moitié lui était dédicacés s’y trouvent, témoignage de sa passion.
« François Mitterrand est un homme d’ordre » explique Jean-Baptiste de Proyart, libraire et expert, dans le catalogue de la vente Piasa qui à lui seul est déjà un trésor. « Les ouvrages de bibliophilie, eux, la leisure library, sont à Paris mais pas à l’Élysée. Danielle Mitterrand a pour eux aussi dressé un catalogue manuscrit sous forme de répertoire pour lequel elle a utilisé les mentions figurants sur les fameux petits papiers ». La majorité des livres comporte en effet « une marque de possession pleine de charme ». François Mitterrand avait pour habitude de découper une bande de papier verticale, sur laquelle il notait de sa célèbre écriture de couleur bleue, à la plume, le nom de l’auteur, l’endroit où il avait acheté le livre, son prix, la mention « ed. or. » s’il s’agissait d’une édition originale, la date exacte de l’acquisition et le nom du relieur si éventuellement il avait fallu le faire relier. Au dos de ces « petits papiers », on suit à la trace le parcours du bibliophile, de la « Chambre des députés », au « Palais de l’Élysée » en passant par le Sénat et « la Présidence de la République ».
Dans cette bibliothèque, de quoi faire s’évanouir de plaisir un passionné de littérature du XXe siècle : Hérvé Bazin, Michel Tournier, Louis Aragon, Blaise Cendrars, Malraux, De Gaulle, Mauriac, Léopold Sédar Senghor, Ernst Jünger, Milan Kundera, Françoise Sagan, Marguerite Duras, Albert Camus, Jacques Chardonne, Maurice Barrès, Gabriel Garcia Marquez, Julien Gracq, Marcel Pagnol, Gabriel Matzneff, Pierre Mendès-France, Jean d’Ormesson, Roger Nimier, Paul Morand, et Jacques Chardonne, bien sûr… Cet autre Charentais auteur du Bonheur de Barbezieux et des Destinées sentimentales, né à quelques dizaines de kilomètres de Jarnac dans une bourgade sensiblement de la même taille, Barbezieux, « une de ces bourgades endormies, qui fait pitié au Parisien quant il les traverse en voiture »… Il est probable qu’il ait fait siennes ses lignes de Chardonne dans Matinales : « Pour moi, la Charente est un songe, pays plus rêvé que réel (...). Avec les années, j’ai composé une Charente que j’aime. Ma terre natale m’est toute personnelle ; c’est ma création ». Cette bibliothèque d’un millier de livres est aussi la sienne.
F.S.
Des autographes et lettres inédites et rares qui vont aussi partir Dieu sait où !
L’imposante collection d’ouvrages de Jacques Chardonne va se trouver disséminée à moins qu’un collectionneur n’acquière l’ensemble des lots mis à la vente ce qui nécessitera de mettre un joli chèque sur la table. Parmi les 28 lots présentés lots de cette vente Piasa, le n°145, Lettres à Roger Nimier chez Grasset en 1954 porte une dédicace de la main même de Jacques Boutelleau (son vrai nom), patron des éditions Stock : « À François Mitterrand, souvenir d’un compatriote, avec beaucoup de considération et de sympathie ». Mais aussi un envoi historique d’Albert Camus d’un exemplaire broché des Justes (Gallimard 1950) « en souvenir d’une juste cause ». La biographie de De Gaulle par François Mauriac en 1964 chez Grasset : « à François Mitterrand, qui ne sera pas d’accord, bien sûr ! ». Un des 12 exemplaires sur Whatman de l’introuvable Notre Jeunesse de Charles Péguy (1910) en édition originale acheté 20.000 francs en 1985 chez Coulet et Faure, coté 22.000 francs chez Loliée un an plus tard (mise à prix 8.000-12.000 €). Encore des manuscrits comme une lettre de Charles De Gaulle (lettre à Francisque Gay, fondateur du MRP) datant du 1er janvier 1956 ; une lettre de Flaubert à Ivan Tourgueniev au sujet de sa possible nomination à un poste de conservateur à la bibliothèque Mazarine) ; la lettre de Georges Marchais secrétaire général du PCF « Cher ami, je vous confirme l’accord de notre Parti avec les mesures dont nous avons convenu jeudi dernier à l’issue de notre rencontre » (4 janvier 1973) ; une lettre de Golda Meir ; des courriers de Shimon Peres en 1978-79 ; des autographes de Françoise Sagan ; de Saint-John Perse ; Philippe Sollers ; Milan Kundera ; Margaret Tchatcher ; Michel Tournier ; et… une carte de vœux de Léonid Brejnev en 1977.
Matthieu Ricard, jusqu'au bouddhiste de la photo
Exposées durant les Promenades photographiques de Vendôme jusqu'au 18 septembre, les photos du moine bouddhiste Matthieu Ricard étaient vendues aux enchères le 6 septembre par maître Rouillac père et fils, au profit de son association "Karuna Shechem". Rencontre privilégiée avec un homme touché par la grâce.
"Pourquoi je fais des photos ? Pour faire ressortir la beauté de la nature, et la beauté intérieure de l'être humain. Je fais de la photo parce que c'est ma façon favorite de perdre mon temps". On l'écouterait des heures, Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain depuis plus de 40 ans, et photographe depuis l'âge de 13 ans. "Au début, je photographiais tout et rien, des flaques d'eau... Ma famille disait : ne demandez pas des photos à Matthieu, ça ne sert à rien. Pendant longtemps, pour illustrer mes livres, je mettais mes propres photos. Les gens disaient : qui est-ce qui a pris les photos ? A partir du moment où j'ai fais du noir et blanc, on a commencé à s'intéresser à elles..."
Jardins du siècle à venir
Portfolio du 25e Festival international des Jardins du Domaine de Chaumont-sur-Loire, jusqu'au 2 novembre. Sur le thème : "Jardins du siècle à venir".
Ça peut paraître paradoxal, mais il y avait presque "trop" de soleil... (les photographes me comprendront).
(c) F.S
Teknival à Salbris : le jour d’après…
13.500 « teufeurs » au plus fort du week-end du 1er mai ont participé au Teknival à Salbris, de manière illégale et donnant des sueurs froides à la préfecture et aux gendarmes mobiles. Lundi après-midi, environ 3.000 d’entre eux étaient encore sur zone, et quittaient progressivement le site, qui doit être libéré au plus tard mardi matin.
Six hectares, perdus au milieu de nulle part, ou presque. Près de Salbris, au croisement des routes départementales 121 et 89, en pleine Sologne, au milieu des grands arbres, les oiseaux se sont tus trois jours durant. « En mai, fais ce qu’il te plaît », dit le dicton : alors 13.500 « teknivaliers » se sont donné rendez-vous dès vendredi 29 avril au soir, provoquant dans un premier temps un envahissement de la commune de 5.500 habitants d’ordinaire plutôt habitués à se coucher tôt. Rapidement elle a été dépassée par l’afflux de véhicules, environ 3.000, en 2h30, soit quasiment autant que dans une seule journée, mais en quelques minutes. Pour la première fois depuis 2009, aucune demande d’autorisation préalable pour l’organisation d’un Teknival n’avait été déposée en préfecture, une illégalité qui a semble-t-il séduit bon nombre d’adeptes de musique techno, dont le niveau sonore dépasse très largement celui d’une boîte de nuit. La pluie battante de samedi n’a pas douché les teufeurs, transformant les 6 hectares (plus une trentaine pour les parkings) de prairies et de friches en Woodstock solognot. Immédiatement, le préfet de Loir-et-Cher a pris les mesures pour qu’aucun débordement n’ait lieu, rétablir la situation à Salbris et aux abords directs, et que la situation sanitaire soit la plus opérationnelle possible. 3 escadrons de gendarmerie mobile, soit 360 gendarmes, sous le commandement du colonel Eric Chuberre, du groupement de gendarmerie de Loir-et-Cher ont été à pied d’œuvre tout le week-end. Pompiers et Croix-Rouge sur le pied de guerre aussi. Lundi après-midi, 73 personnes avaient été prises en charge par les postes médicaux, 13 évacuations vers l’hôpital de Blois dont un jeune Belge de 17 ans en état d’urgence absolue, par hélicoptère. Plusieurs fois dans le week-end, le préfet Yves Le Breton – qui n’a pas pris d’arrêté préfectoral interdisant tout rassemblement festif sur son département, alors que tous ses voisins de la région Centre l’ont fait – a tenu des points presse afin d’informer sur l’évolution de la situation, inédite dans le Loir-et-Cher. Lundi après midi, c’est Alain Brossais son directeur de cabinet qui tenait ce rendez-vous, en présence des colonels de gendarmerie et des pompiers, et du maire de Salbris Olivier Pavy.
Solitude du maire
Ce dernier, même si il a apprécié la réactivité de la préfecture, des forces de l’ordre et de secours, s’est cependant senti bien seul, vendredi vers 21h30, lorsque le lieu de cette « petite fête improvisée » a été connu : Salbris, sa commune. « Ces personnes prônent la liberté mais ils font l’inverse de la liberté. Du coup, la collectivité qui est obligée de gérer, de coordonner. Je suis quand même surpris que depuis 23 ans que les Teknivals existent (1), on ne soit pas parvenu à trouver un terrain d’entente avec les organisateurs de ces free party. Tout sera facturé à l’Etat, à l’heure de la baisse des dotations, il appréciera », a-t-il indiqué en marge de la conférence de presse. Et d’ajouter : « pas un parlementaire du département n’est venu sur place se rendre compte ou m’épauler, pas un coup de fil : rien ». Aucune dégradation n’est cependant à déplorer à Salbris, et les habitants ont fait contre mauvaise fortune bon cœur. Sur le profil Facebook d’Olivier Pavy, une annonce avec photo pour le festival Olé Bandas, le 25 juin prochain. Nul doute qu’il y aura moins de monde, mais il sera, avec les 15 agents municipaux déployés tout le week-end dans sa commune, rompu à l’exercice…
(de g. à d.) E. Chuberre, O. Pavy (maire de Salbris), Col Aigueparse (SDIS) et A. Brossais (cabinet du préfet)
Ecstasy, LSD, cannabis, diverses poudres, petite bière et gros whisky
Vers 14h lundi 2 mai, alors que le soleil séchait à plein rayon depuis la veille le champ de boue parsemé de toiles de tentes, de camionnettes, de containers remplis de poubelles, la musique s’est soudain arrêtée. Beaucoup de teufeurs étaient repartis depuis la veille au soir et dans la nuit, mais près de 3.000 étaient encore sur place, l’air hagard, les yeux fatigués, dans le vague. Certains dorment à même le sol. D’autres errent une bouteille de bière à la main. D’autres encore mettent la sono des voitures à fond comme pour faire durer le plaisir. « Il convient d’accompagner l’évènement jusqu’à la fin », explique le colonel Chuberre. « L’enjeu est de laisser repartir les gens en état de conduire, et sécuriser les déambulations le long de la route ». Fouille des zones boisées à la recherche d’éventuelles personnes en détresse, contrôle d’alcoolémie et de stupéfiants : les gendarmes, qui n’ont pas beaucoup plus dormi que les teufeurs, effectuaient des contrôles parmi les véhicules quittant la zone. 35 détentions de stupéfiants, 100 conduites sous l’emprise de stupéfiants, et 5 d’alcoolémie ont été recensées. « Ecstasy, cannabis, LSD, diverses poudres… Il y a de tout… » souffle le colonel de gendarmerie, qui se souviendra longtemps de son week-end du 1er mai, en plein état d’urgence, alors que ses hommes sont déjà mis à rude épreuve. Des renforts en équipes cynophiles ont également été déployés sur place.
Occupation illégale d’un terrain privé
Vient déjà le temps des questions sur l’effet surprise de l’évènement, « qui a dépassé nos capacités d’action », a indiqué Alain Brossais, « mais le niveau d’engagement de tous a été à la hauteur. La motivation c’était de mettre en place un festival en toute illégalité, une action réfléchie en amont, basée sur la rapidité et l’effet surprise. Nous avons dû nous adapter à une situation de fait ». Deux plaintes ont été déposées, le propriétaire du site et celui de champs limitrophes. Ces plaintes viennent d’être transférées au parquet du département, qui annonce des poursuites judiciaires, pour « organisation d’une manifestation festive sans déclaration préalable, infraction susceptible d’entraîner la saisie des systèmes de son ». Une occupation illégale et un rassemblement qui laisse songeur alors que l’état d’urgence, mis en place lors des attentats du 13 novembre dernier, a été prolongé de trois mois depuis le 26 février. « C’est un public très hétérogène » explique encore le colonel Eric Chuberre, « nous n’avons pas affaire à des adversaires. On a vu des mères de famille venir récupérer leurs grands enfants. Nous devons nous assurer que ces gamins-là rentrent chez eux, et pour l’instant, même si la musique s’est arrêtée, l’évènement n’est pas terminé ». Comme dit un animateur télé très connu : on n’est pas couché.
- Importées d’Angleterre en 1993, les « rave parties » (rave = délirer) réunissent des « teufeurs » (fête en verlan). Depuis 2001 les autorités imposent des mesures répressives pour encadrer les fêtes, et saisissent fréquemment les sound systems.
Déambulation au milieu des « ravers » fatigués
Un champ piétiné par 27.000 pieds, bordé d’arbres et de buissons. De la boue séchée, par endroit non. Quelques touffes d’herbe résistant tant bien que mal au milieu des véhicules, tentes quechua, camions utilitaires bricolés en camping-car. Des jeunes, l’air fatigué, vraiment fatigué, très très fatigué. D’autres légèrement survoltés. Certains, le sac au dos brinqueballant se dirigeant vers la route, pouce levé pour rejoindre Salbris, et s’en aller ailleurs. On est alpagué par un groupe dans une camionnette blanche, portes grandes ouvertes, prenant le soleil. Il faut dire qu’avec un jean propre sans aucune trace de boue, un calepin et un appareil photo, on ne passe pas inaperçu. « Eh ! vous ne voulez pas nous prendre en photo ? » lance cette jeune femme volubile, en débardeur décolleté et feutres de couleurs en main. Séance de graff directement sur la peau, comme pour faire un souvenir… On s’exécute, et on fait la photo. « Vous êtes journaliste ? » On hésite un peu : comment cela est-il perçu dans le milieu ? On essaie de comprendre : « Mais comment saviez-vous que c’était ici, et ce week-end ? » Les rictus apparaissent au coin des visages. C’est LA bonne question à poser, qui ne trouvera de réponse chez aucun teufeur rencontré ce lundi de mai. Charly, Estelle, Lana, Sifrid, Baba et Georges Mickael viennent de Loire-Atlantique, et de Poitiers. Ils ne se connaissaient pas sauf les deux copines, qui enchaînent les teufs technos tous les week-ends. Pour elles, le Teknival, c’est le rêve absolu.
Un peu plus loin, il marche les mains dans les poches, torse nu, dreadlocks et foulard sur la tête, pieds nus dans la boue. C’est Fred, il vient de Strasbourg, et il regrette que ça soit déjà fini. « Ici, c’est la liberté, les gens se parlent, on partage tous la même passion pour ce mode de vie. Pas d’esclavagisme par d’autres esclaves c’est le pied total ». La suite de la conversation est parfois difficile à suivre, tout y passe : le capitalisme, les esclaves modernes, les théories complotistes…
En repartant, deux teufeurs aux pantalons maculés de boue séchée à cause des « nuits de boue », sont venus de Vitry en stop et comptent bien rentrer de la même façon. « Ça ne va pas être facile en effet, mais on devrait y arriver ». On échange sur les substances qui circulent pendant le Teknival, et les fêtes technos de façon générale. « On nous emmerde avec quoi ? Quelques pétards ? On nous contrôle et on nous dit vous n’avez pas le droit ? Et tous ces gens qui prennent chaque jour des anti-dépresseurs, psychotropes et autre Tranxene ? Ils sont complètement azimutés et on les laisse faire ? Tiens, toi le journaliste, là il y a un vrai sujet à faire ! »
C’est une manière de voir les choses en effet…
F.S
Jungle de Calais : la grande générosité et dangerosité de l’homme
Dans trois jours l’arrêté préfectoral ordonnant le démantèlement de la partie sud de la « jungle » de Calais entrera en vigueur. Environ 1500 personnes seront déplacées, mais où ? Centre d’accueil provisoire (CAP) ou Centre d’accueil et de d’orientation (CAO) : peu de migrants souhaitent y aller, malgré les conditions dantesques dans lesquelles ils évoluent actuellement. Récit d’un samedi à marauder dans les refuges de fortune, entre thé et restaurants afghans.
Sur un poteau solitaire à l’entrée de la jungle, près du pont de la RN 216 qui mène au terminal ferry de Calais, l’arrêté préfectoral est agrafé. On peut y lire : « Il est fait commandement aux occupants sans droit ni titre du site dit de « la Lande » de libérer de toutes personnes et de tous biens l’emprise située dans la zone dite « sud » du camp (…) au plus tard le mardi 23 février à 20 heures ». A-t-on vu le début d’un déménagement, samedi après midi trois jours avant l’heure dite ? Non. Des inquiétudes quant à ce qui va réellement se passer mardi soir ? A peine plus. Pour en avoir le cœur net, deux bénévoles d’une associations d'aide aux migrants ont frappé aux portes des shelter, ces petits refuges en planches et bâches bleues, grises ou noires qui peuplent le bidonville, jouxtant buissons, immondices et boue. Entre musique et thé offert de bon cœur, les migrants sont au courant de l’arrêté de démantèlement, mais demeurent flegmatiques. A croire qu’ils sont déjà Anglais, alors que l’espoir s’amoindri de jour en jour. « On essaie de sortir toutes les nuits », disent ces Syriens dans leur petit shelter capitonné de tissus aux couleurs du club de football de Bradford. « Mais on craint de plus en plus de se faire taper par les fachos. Et quand il pleut trop, on ne sort pas. » Les « fachos » sont des habitants de Calais, excédés par la présence des migrants et qui s’organisent en milice plus ou moins structurées, traquant les migrants dans les rues ou aux alentours de la jungle. Un groupe Facebook, les vrais Calaisiens en colère, regroupe plus de 3500 personnes. Les Calaisiens en colère en regroupent 66.485. Sauvons Calais : 20.745. Parce qu’ils sont habillés en noir et portent des rangers, les migrants les confondent avec la police. Au début du mois de février, plusieurs cas de migrants passés à tabac ont alerté les ONG comme Médecins du Monde (MDM) ou Médecins sans frontières (MSF). Des plaintes ont été déposées.
« On ne se faisait pas d’illusions sur l’Europe, on savait que c’est un continent où il fait froid, où la vie n’est pas forcément plus facile qu’ailleurs malgré ce qu’on peut croire. Mais pour nous, c’est mieux que la guerre, et il n’y a pas de retour possible ». Ces jeunes Syriens, qui nous accueillent en pianotant régulièrement sur leurs smartphones en nous proposant une barre de chocolat viennent tous de la même ville, Deraa. Le plus jeune, un mineur de 15 ans, a essayé d’embarquer à bord d’un train il y a trois semaines. Pris par la police, il a reçu un jet de gaz lacrymogène en plein visage, sa bouche et son menton ont été brûlés. Les bénévoles de MSF l’ont soigné sur place. MDM est allé porté plainte avec lui. Un autre profite de la présence d’une infirmière – pourtant de repos ce jour-là – pour évoquer des soucis de santé : des calculs rénaux. Il sort des photocopies de radios des reins, et évoque un frère déjà présent en Angleterre, qui pourrait lui proposer de se faire soigner là-bas. Est-ce une raison suffisante pour avoir la possibilité de s’y rendre ? « Il faut que tu ailles à la tente juridique, ils te diront ce qui est possible ou pas », indique Anne, traductrice de langue arabe.
Un peu plus loin, le Good chance center, autrement nommé « le dôme » : une structure construite par des bénévoles anglais, abrite des ateliers d’arts de tous genres, dessins, photos, danse acrobatique, et même ce samedi-là de la boxe thaï. Sur une table où trône des feuilles de dessins, un migrant afghan colorie à travers des pochoirs. Une scène d’une étonnante fraîcheur de la part d’un adulte, qui détonne dans le contexte. « Avec ça, j’oublie, un peu », dit-il, à peine gêné par la question.
Autre ambiance dans le quartier libyen et soudanais, où le thé coule dans les tasses à peine installés dans les refuges de fortune, aménagés avec un sens de la débrouille à reléguer l’inventeur du système D au rang de petit joueur. Dans l’entrée, un homme pédale sur un vélo posé sur des cales, afin de produire le courant nécessaire à la recharge de téléphones portables posés devant lui. Dans une cocotte sur une gazinière reviennent des oignons. Un brasero dehors fait bouillir de l’eau. Trois libyens roulent en riant une cigarette assis sur un canapé sans forme. Un jeune soudanais parlant parfaitement français raconte ses déboires dans sa demande d’asile, déposée fin 2014 et en souffrance depuis. Une enceinte sono digne d’une boîte de nuit, récupérée on ne sait où, diffuse de la musique reggae, et même James Blunt, chanteur pop anglaise adulé par toute une génération… Au moment du départ, ils cherchent à retenir les visiteurs à déjeuner mais la maraude continue vers les cabanes des Soudanais. De nouveau du thé et une partie de dominos chèrement disputée. Dans un coin, une partie de rami. La discussion s’engage. Le démantèlement ? « Ah bon ? On ne sait pas trop… C’est quand ? » interroge l’un d’eux chaussé de tongs, pas vraiment les chaussures adaptées à l’hiver calaisien. Dans la jungle, on vit au jour le jour.
Dans l’avenue principale – car c’en est une – bordée des restaurants afghans et commerces vendant de tout (et même davantage), les odeurs d’épices et de cuisine orientale poussent à entrer dans le « Kaboul café ». Un écran plat de télévision diffuse des clips kitsch devant lequel se sont rassemblés des hommes, majoritairement jeunes, qui semblent attendre la nuit comme d’autres guettent le jour dans l’espoir d’avoir moins froid. Du thé au lait fortement sucré coule dans les verres en plastique, et le riz aux haricots rouges remplit les assiettes. A peine deux heures avant, dans l’après-midi, un coup de feu à retenti tout près d’ici, informe le site Internet du quotidien local La Voix du Nord. Un migrant d’origine afghane d’une trentaine d’année aurait été blessé, de source policière « à la colonne vertébrale ». Rixe entre migrants ou règlement de compte isolé ? Trop tôt pour le dire. Cet évènement est survenu pendant que les deux bénévoles que nous suivions étaient accueillies par les Syriens, Libyens, Soudanais et Afghans, comme un concentré du Moyen-Orient rassemblé à deux pas des dunes de Calais. Grande générosité et dangerosité de l’homme s’y côtoient. Jusqu’à quand ? Mardi soir, 20 heures, l’arrêté préfectoral…
F.S
- Le CAP (Centre d'accueil provisoire) containers entourés de grilles. Peu de migrants souhaitent réellement y aller. Leurs empreintes sont prises en rentrant, et ils sont confinés dans les boîtes -
Fulgence, « the teacher » au camp du Basroch
Dans le camp du Basroch à Grande-Synthe, un homme debout les deux pieds dans la boue du cloaque tente de tirer les enfants de migrants vers le haut. Avec une école.
A Grande-Synthe, dans la banlieue de Dunkerque, le quartier porte le nom de « Basroch ». Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est son vrai nom. Là, entre un éco-quartier tout neuf, Jardiland et Décathlon, jouxtant un stade de foot, un terrain marécageux. Un cloaque indescriptible. Une décharge à ciel ouvert. A chaque pas, il faut arracher littéralement ses bottes à 30 cm de boue, d’ordures, de couvertures et de matelas gorgés d’eau. Là sont plantées – on devrait plutôt dire qu’elles y flottent – des tentes Quechua consolidées par des bâches. La gale, la grippe, la rougeole, se disputent le haut du tableau. Au milieu de ce chaos innommable, une tente kaki sur laquelle on peut lire : école - school. Entre deux chemins fait de palettes boueuses, un homme à la tignasse rouquine parsemé de cheveux gris-blancs, émerge. C’est Benoît Cuchet, alias Fulgence, mais beaucoup l’appellent ici « the teacher ».
Fulgence vient à l’origine de l’abbaye bénédictine Saint-Georges, à Saint-Martin-des-Bois, dans le Loir-et-Cher. Mais il n’était pas du genre à rester les deux pieds dans la même sandale : il a pris l’air depuis longtemps, pour étudier à Oxford tout d’abord puis à l’Ecole biblique de Jérusalem, passé cinq ans à Gaza, à faire de l’éducation dans les camps palestiniens, entre deux attentats terroristes. Il est ensuite rentré en France… en vélo, tout simplement. L’urgence l’a rattrapé, et déposé là, à Grande-Synthe, camp de migrants passé en quelques semaines de 80 personnes (depuis 2006) à environ 2.500, à l’automne dernier, entre fin septembre et fin novembre. « Mais on est retombé à 1.200 », dit-il comme si cela changeait la donne : ceux qui sont partis n’ont pas emporté la boue avec eux. « Je ne pouvais pas rester sans rien faire. Pour moi la question essentielle est ‘qui est mon prochain ?’ Il est ici, je dois y être aussi. » En attendant que le camp de réfugiés avec grandes tentes, toilettes et douches, construit sur un terrain communal par MSF puisse être vraiment opérationnel (fin mars, si tout va bien), il faut survivre ici. « Il y a eu jusqu’à 200 enfants, majoritairement des Kurdes irakiens, qui ont fuit les persécutions de Daesh ». Comme pour défier le chaos, le camp est organisé en deux parties : les familles d’un côté, les hommes seuls de l’autre. Parmi eux, un certain nombre de mineurs isolés, dont beaucoup de bénévoles associatifs se demandent ce qu’ils vont devenir. Tous espèrent encore pouvoir passer en Angleterre, mais l’espoir est aussi faible que le prix est fort : environ 10.000 € demandés par des passeurs sans états d'âmes, qui font régner la loi sur le camp, et dont le nom ne se prononce jamais..
- Benoît, alias Fulgence, dans la yourte construite de ses mains et chauffée par un poêle de récupération -
Obnubilé par l’éducation, « seul moyen d’humaniser un peu cette désespérance » se lamente Fulgence, il a ouvert une petite école au centre du camp, aussitôt arrivé sur place, en décembre dernier. « Une vingtaine d’enfants viennent tous les jours – sauf le vendredi – prendre des cours de français, d’anglais, dispensés par Rory, un Irlandais rencontré pendant mes études à Oxford, et un autre prof venu nous aider ». Et lui aussi, bien sûr. Au départ, il a utilisé une yourte qui servait de salle de récréation pour les enfants dont on se doute bien que la place n’est pas vraiment d’être dans cette décharge à ciel ouvert. « J’ai construit une autre école avec une grande tente, que la tempête a arrachée il y a quelques semaines. On reconstruit, je dois installer des palettes pour rendre le sol plus convenable. En attendant, on a commencé, on écrit sur tout ce qu’on peut trouver ». Accrochées sur un fil, des feuilles grand format avec des chiffres, et des dessins pour apprendre à compter. Les associations AFEV (lutte contre les inégalités) et la britannique Edlumino (aide par l’éducation) étaient déjà sur le coup, « mais l’idée était aussi d’y intégrer des adultes » ajoute Fulgence. « Les classes sont de tous les niveaux, la plupart des enfants ne sont pas scolarisés depuis deux ans ». Quarante kilomètres plus loin, dans la « jungle » de Calais, l’école laïque du Chemin des Dunes est ouverte depuis juillet 2015, dans la zone sud en cours de démantèlement. Elle s’est développée grâce à Virginie Tiberghien, bénévole et orthophoniste de profession qui la coordonne, et depuis début février une trentaine de bénévoles accueillent chaque jour une vingtaine d’enfants : Kurdes, Soudanais, Syriens, Afghans, Irakiens, Iraniens… Deux heures de français et un support en anglais. « A Grande-Synthe il n’y avait rien. Quand on pense caritatif, on se préoccupe d’abord d’un toit, de la nourriture, de quoi se chauffer etc. D’ailleurs ça vient assez vite et ça marche assez bien. On ne pense jamais à l’école, alors que c’est un droit prioritaire en Europe », et même une obligation en France pour les 6-16 ans.
Dans le futur camp de réfugiés qui ouvrira le long de l’autoroute A16, Fulgence travaille déjà à l’installation de l’école. « Je souhaite qu’elle soit au centre du camp», dit-il. « Avec l’école, on créé une dynamique de village. On humanise le début d’une possible intégration de ceux qui ne rejoindront jamais l’Angleterre » ajoute-t-il avec conviction. On le suit jusque dans une grande tente en forme de chapiteau, où vit une famille kurde avec deux enfants, et Souan, la mère, est enceinte de cinq mois. Sur un cahier d’écolier, pendant que le thé chaud coule dans les verres, la petite Maïli, quatre ans, écrit sans mot dire sur un cahier d’écolier : « maman » en lettres capitales.
L’éducation fait tenir debout dans la boue. Et Fulgence part dans un grand rire qui déchire le chaos du « Basroch ». Le teacher est ici connu et apprécié de tous, car il redonne de la dignité aux naufragés de cet enfer à ciel ouvert, sur lequel s’abat une pluie glaciale alors que le soir tombe et sera le gage d’une nouvelle nuit horrible pour les plus vulnérables.
F.S
Ceci est une ébauche d'un article qui cherche un débouché dans un média potentiellement intéressé. Il peut être retravaillé, raccourci au besoin et illustré par d'autres photos. Contactez-moi si vous êtes intéressé ou si vous avez un contact potentiellement intéressant.
Le Département de Loir-et-Cher va inaugurer un « Espace Michel-Delpech »
Lors des vœux aux personnalités de Loir-et-Cher le 11 janvier dernier, Maurice Leroy a annoncé qu’un « Espace Michel-Delpech » serait prochainement inauguré dans l’enceinte de l’hôtel du Département.
Des personnalités comme s’il en pleuvait. Des stars locales et internationales aussi : Ludo le fou, l’homme aux 41 triathlons ironam consécutifs réalisés l’été dernier à Vendôme. Marie-Amélie Le Fur, athlète paralympique plusieurs fois médaillée. Frédéric Saussay, quadri-amputé des membres, qui va participer aux prochaines 24 Heures du Mans sur prototype. Françoise Delord, fondatrice du zooparc de Beauval (1,1 million de visiteurs en 2015), etc. Les 600 places de la Halle aux Grains de Blois pleine à craquer, plus le hall où allait se dérouler le cocktail, avec une retransmission vidéo devant un parterre débordant de retardataires. La sono diffusait discrètement des chansons de Michel Delpech, le plus loir-et-chérien des chanteurs de Courbevoie. Maurice Leroy, après un longue séance de poignées de mains à ses invités comme pour un mariage, pouvait entrer, et les vœux du Conseil départemental commencer.
Dans son discours de vœux, le président du Département a tour à tour convoqué Victor Hugo, André Malraux, Winston Churchill, le géographe très en vogue Christophe Guilluy (dont on peut lire une interview dans le sulfureux et utile mensuel Causeur), chantre des « périphéries » des petites villes moyennes et zones rurales, les « nouvelles fractures françaises ». Et même – mais qui l’a noté ? – des accents gaulliens époque Algérie française : « Je le dis aux Loir-et-Chériens : nous ne vous abandonnerons pas ! Jamais ! » On connaît la suite…
L’Espace Michel-Delpech
Il a fustigé comme on pouvait s'y attendre les baisses de dotations de l’Etat depuis 14 ans, qui coûtent 282 millions d’euros au Loir-et-Cher, face à François Bonneau, président de la Région Centre – Val de Loire étonnement présent dans l’assistance avec certains des conseillers nouvellement élus (Marc Gricourt, JP Charles, Audrey Rousselet, Pascal Usseglio secrétaire départemental du PS, etc.). Maurice Leroy espère « que l’avertissement très sérieux donné à la majorité sortante réélue à 0,75 points portera ses fruits et permettra d’ouvrir enfin un dialogue avec les six Départements de notre région. Je le souhaite et je le demande».
Avant que les invités happy few ne se ruent sur le buffet des saveurs préparées par des artisans et producteurs locaux, Maurice Leroy a appelé, en 2016, à « aller à la rencontre les uns des autres (…) Appuyons-nous sur les acteurs locaux pour innover, proposer, faire avancer notre Loir-et-Cher ! C’est par le bas que nous arriverons à faire avancer les choses».
Mais auparavant il a lancé, après une rétrospective sur fond de « on dirait qu’ça t’gêne de marcher dans la boue », le scoop de son avant-dernière soirée des vœux (avant l'entrée en vigueur en mars 2017 de la loi sur le non-cumul des mandats) : pour rendre hommage au chanteur charmeur disparu le 3 janvier dernier - et en accord avec la famille du défunt - M. Leroy a annoncé que la galerie du cloître de l’hôtel du Département serait prochainement baptisée officiellement : Espace Michel-Delpech. « Ce s’ra bien, ce s’ra chouette, et l’on reparlera, des histoires du passé, chez Laurette »…
F.S
Comme si de rien n’était…
François Bonneau et la liste « A fond ma région » conserve le pouvoir à la tête de la Région Centre à l’issue d’un second tour très serré. Et contre toute attente.
Quand, le 2 juillet 2000, l’arbitre accorde quatre minutes de temps additionnel aux joueurs du match France-Italie en finale de l’Euro de foot, il ne sait pas encore que trois minutes plus tard, le gardien de buts Fabien Barthez tirera un dernier coup franc loin des seize mètres. Le ballon de cette ultime relance - alors que l’Italie mène un but à zéro et s’apprête à faire péter les bouchons de champagne - effleure la tête de David Trézéguet, puis de l’italien Fabio Cannavaro et place cette balle dans une situation idéale pour l’attaquant bordelais Sylvain Wiltord, qui contrôle, tire du pied gauche et marque le but de l’égalisation, sous les yeux médusés de millions d’Italiens qui attendaient un titre depuis… 1982. La suite, on la connaît : les Italiens savent désormais comment reboucher une bouteille de champagne. Depuis dimanche 13 décembre dernier, l’union de la droite et du centre le sait aussi. La liste d’union de la gauche menée par François Bonneau (PS), a été réélue à la tête de la Région Centre, de 9.000 voix.
Le passage était étroit, quasiment le chas d’une aiguille, mais il l’a trouvé, et s’y est engouffré. Alors même que la droite (L.R, UDI, Modem) le donnait perdant depuis des mois, et particulièrement les jours précédant la saint Nicolas. Alors même que le FN l’a fait vaciller le 6 décembre lors d’un premier tour décevant pour tout le monde, sauf lui. Si la région Centre ne brillait pas par l’absence de sommets – dans tous les sens du terme – on pourrait presque comparer François Bonneau à une sorte d’alpiniste trouvant un improbable passage entre deux dièdres, et en surplomb par-dessus le marché !
Beaucoup de bruit pour rien ?
Mais que s’est-il donc passé dimanche dernier ? Au fond, pas grande chose, et parions qu’on va très vite tourner la page, s’occupant désormais des vrais sujets d’actualité. Comme les cadeaux de Noël par exemple, ou le bourrage de dindes - qui n’ont rien demandé - avec des marrons ; les hectolitres de champagne tiède et de bûches glacées. Que s’est-il donc passé ? Se souviendra-t-on dans quinze jours que le Front national, ce parti républicain danger légal et autorisé pour la République, a réalisé des scores historiques en région Centre les 6 et 13 décembre ? Au point de déclencher un autre état d’urgence, sonnant le branle bas dans tous les états majors politiques ? Combien de temps se remémorera-t-on cette folle semaine de l’entre deux tours des élections régionales 2015 ? Comme disait le grand penseur Pierre Desproges : « quand au mois de mars, je dis ça, c’est pas pour cafter, mais ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver ». Ce mois de décembre ne devrait pas trainer non plus.
Pressions et mercato
Il s’est passé un de ces tours de passe-passe tel que la vie politique française les adore. On se dit et on entend à chaque fois qu’on ne nous y reprendra plus, mais, comme le matou de la célèbre chanson, il revient le jour suivant ; il est toujours vivant. La gauche - qui était partie désunie au premier tour, jouant la partie un peu comme la droite autrefois - la gauche s’est réunie entre les deux tours, et est allé chercher ses électeurs dans leurs lits, les trainant de gré ou de force dans les bureaux de vote. Pour cela, elle n’a pas ménagé ses efforts, listes électorales à l’appui. Mieux : elle a même joué un mercato géographique, plaçant qui en Indre-et-Loire au lieu du Loir-et-Cher, qui en Loiret au lieu de l’Indre-et-Loire. La gauche a aussi fait pression sur les syndicats qui ont gentiment relayé le message auprès des salariés qui y adhèrent encore, jusque dans les fonds de couloirs de grands centres régionaux de formation. La gauche a tracté, dans le froid glacial et blafard des petits matins de décembre, sur les marchés y compris devant des maries adverses… Finalement la gauche a rassemblé, au-delà de ses espérances.
Et pendant ce temps-là, devant la machine à café…
Et la droite ? Qu’a-t-elle fait ? Pareil, ou presque. La droite et le centre, uni comme un bloc de briques solognotes, sitôt le vrai saint Nicolas venu les encourager la veille du premier tour (c’était dans la poche, vous vous souvenez ?), la droite a d’abord essuyé ses sueurs froides. Philippe Vigier n’avait pas fait le score attendu, la faute à cette maudite abstention… et au siphonage de ses voies par le FN. La droite l’a dit, et même crié : « on a entendu votre colère, gens du FN ! Mais revenez chez nous, nous sommes les seuls à pouvoir alterner ! » Et il s’en est fallu de peu (à peine 9.000 voix) pour que ça marche.
Quand au FN, il fait comme à son habitude contre mauvaise fortune bon cœur - même s’ils n’ont pas tous le cœur à gauche loin s’en faut. Et il regarde déjà vers la suite, dans toutes les têtes : 2017.
Ce matin, dans les rues de Blois, les camions poubelles ramassent les ordures, comme tous les lundis matin. Ce matin, comme tous les matins, il y a des bouchons sur les trois ponts qui enjambent la Loire à Blois, ce trait d’union entre Chinon et Jargeau, qu’une adolescente prétenduement pucelle remonta autrefois, brandissant l'étendard, « gouvernant d’un seul mot le rustre, ou le soudard…». Ce matin, en se rasant, peut-être que le jeune maire de Neung-sur-Beuvron repensera à cette citation d’Etienne de La Boétie qu’il lança lors du meeting de Bruno Le Maire le 30 novembre dernier à Blois : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». Ce matin… à la machine à café des entreprises, des collectivités ou dans les bistrots on parlera quelques secondes du résultats des élections régionales. Puis la vie recommencera comme hier, comme si de rien était, avec cette question tiens par exemple : « alors, t’as fait tes courses de Noël ? »
F.S
KFC : du poulet, en veux-tu ? En voilà !
Le 188e KFC en France est ouvert à Blois depuis le 10 novembre. Il y avait du beau monde la veille pour se pencher sur son berceau lors de l'inauguration.
KFC. Kentucky Fried Chicken. « Le spécialiste des vrais morceaux de poulets entiers cuisinés sur place », dit le slogan. Le géant américain de la restauration rapide, fondé à la fin des années 30 du siècle dernier par Harland Sanders (alias « le colonel Sanders »…), a ouvert le 188e restaurant français de la marque à Blois, boulevard de l’Industrie, le 10 novembre dernier.
Un restaurant rapide construit… rapidement, c’est le moins qu’on puisse dire : en à peine 6 mois tout était fait ! Permis de construire, construction, aménagements urbains nécessaires au futur afflux de clients, assainissement etc. On connait des projets blésois qui mettent plus de temps à sortir de terre (1).
Mais le poulet de l’oncle Sam – pardon, Sanders – c’est du rapide. Ce natif de Louisville, Kentucky, mit au point en 1939 la cuisson du poulet sous pression. Les morceaux, découpés sur place, sont ensuite saupoudrés de farine afin d'être panés, puis après un passage au four atterrissent dans des « buckets », sorte de petits sauts en carton où les clients peuvent picorer en trempant les morceaux dans des sauces. Car chez KFC, ce qui est épatant, c’est aussi le « partage »...
10.000 emplois en France, en 10 ans
A la barre de la machinerie, un Breton. Erwan Tourtelier, physique de basketteur et mince comme s’il ne mangeait jamais de burgers, 42, marié et sept enfants, déjà partenaire-franchisé du KFC de Saran, près d’Orléans. Un self-made-man lui aussi sous pression, à l’américaine mais en France, ce qui est rare et d’autant plus impressionnant. « Je suis entré à 18 ans chez Quick, comme simple équipier. J’ai gravi tous les échelons. Ensuite – après un passage chez Castorama et Bricorama, je suis passé chez KFC, et après avoir été directeur des opérations au niveau national, j’ai ouvert ma première franchise à Saran, puis maintenant à Blois », explique le jeune homme de bonne famille avec franchise aussi. Pourquoi donc avoir quitté la maison Quick après tout ce chemin avec eux ? « Chez KFC, ce qui me plaisait, c’est qu’ils ont un savoir faire ancestrale. Aujourd’hui, je suis fier d’ouvrir ce restaurant en Loir-et-Cher, ce qui me permet de développer mon projet entrepreneurial dans la région », ajoute-t-il sans se séparer de son sourire très managérial, et de sa chemise blanche immaculée estampillée du logo de la firme. So corporate.
Côté employés justement, KFC peut se targuer, en 10 ans, d’être passé de 10 restaurants sur le territoire national à… 200 en milieu d’année 2016 ! 10.000 emplois ont été créés. Entre les deux, un investissement à l’américaine : 500 millions d’euros. « Il y a plus de 20.000 restaurants KFC dans le monde » ajoute un ponte de la maison mère venu boire lui aussi le champagne de KFC lors de l’inauguration. « En semaine normale, on table sur 60.000 € de chiffre d’affaires. Les premières semaines d’ouverture, c'est environ 150.000 € de C.A ». Des chiffres qui donnent le tournis. Mais tout le monde ne rentre pas dans la salle de restauration – au nouveau décor et design créé spécialement pour Blois, et qui devrait servir ensuite à tous les KFC dans le monde. « 40 % du C.A se fait avec le drive », ajoute Erwan Tourtelier. Car si on ne peut plus téléphoner en conduisant, on peut toujours grignoter au volant, voilà pourquoi les restaurants du Kentucky poussent souvent près des grands axes routiers, très fréquentés.
Côté emplois donc, ce sont « 55 emplois, de 18 à 53 ans » qui seront créés, mais pas tous en même temps, et pas tous à temps plein. Des contrats « 24 heures » d’intérimaires seront signés en fonction de la demande. « 25 personnes seront présentes en situation standard » dit le jeune directeur. Une réactivité très anglo-saxonne qui fait le succès - et les marges - des restaurants de poulets de M. Sanders.
Marc Gricourt, maire de Blois et vice-président de l'agglo en charge des questions économiques, et Christophe Degruelle, président d’Agglopolys, n’ont pas raté l’inauguration et se sont vu offrir un beau tablier rouge estampillé du logo de la marque. Tous deux se réjouissent des emplois créés, en attendant ceux générés par Leroy-Merlin au printemps prochain (90 emplois pour l’hyper du bricolage qui s’installera zone d’activités de la Garbottière, Leclerc etc.). Et un grill Courtepaille été 2016. Bientôt donc, la périphérie de la cité blésoise n'aura rien à envier aux villes de même strate, et à leurs cousines du Kentucky...
A ceux qui pourraient penser, caustiques personnages (y en a-t-il ?) que c'est « encore un truc de malbouffe américaine qui vient nous envahir ! », KFC indique, dans son communiqué officiel d’inauguration, que si la farine utilisée dans la conception de la panure vient des Pays-Bas, deux fournisseurs de poulets sont français : « Doux » à Châteaulin (Finistère) et « Gastronome » dans la Sarthe voisine.
Après, libre aux potentiels clients blésois de « jeuner avec les aigles, ou picorer avec la volaille », selon le proverbe sud-américain (dit-on)…
F.S
(1) Certains depuis trente ans, comme le "chevet Saint-Vincent"...
KFC Blois, 34 bd de l’Industrie.
20.000 restaurants dans 120 pays. Appartient au groupe Yum ! Brands Inc (avec Pizza Hut et Taco Bell). Ce qui totalise 41.000 restaurants dans 125 pays.