coup de gueule
Les masques en rade
La bamboche : c’était déjà terminé. Les apéros entre 18h et 20h aussi. Les bars, restaurants, cinémas et lieux culturels : repoussés aux calendes grecques. Les conversations dans les transports en commun : pas recommandées (ça vient de tomber, c’est l’Académie de médecine qui préconise). Et maintenant, voici le tour des masques « faits maison » : jugés moins efficaces face au « variant anglais », ils vont devenir hors norme, et hors la loi.
Pourtant, au printemps, le savoir-faire des milliers de couturières fut loué avec ferveur, jusqu’au sommet de la République ! Tout droit sorties des albums sépias des buffets Henri II de nos grands-mères, armées de leurs machines à coudre ressuscitées (pourtant non « connectées »), ces femmes – majoritairement – ont patiemment cousu des millions de masques, au moment où le gouvernement mentait effrontément sur leur utilité. D’abord « ça ne sert à rien, surtout si c’est mal porté », puis « vivement recommandé », et enfin « obligatoire » sous peine de sanctions (135 €, c’est le tarif pour à peu près tout depuis presque un an). Oui mais voilà, ces milliers de petites mains agiles, créatives dans le choix des coloris, motifs, matériaux, ne résisteront pas, moins d’un an plus tard, au « variant anglais » ; en attendant peut-être un jour le variant de Zanzibar, ou des Kerguelen (qui sait ?). C’est dit, c’est fait : il faudra acheter et porter des masques chirurgicaux, plus chers, plus polluants aussi car jetables.
On s’en fout du gaspillage ! Pourvu que les industriels fabricants de masques « aux normes » soient satisfaits et se rince au passage ! Une boîte de FFP2 - les plus efficaces, paraît-il, jusqu’à la prochaine norme qui les rendra caduc - coûte environ 30 € les vingt unités. Trois fois plus chers que les chirurgicaux conseillés jusqu’à présent. Pas pour toutes les bourses, donc…
Dans l’association d’aide alimentaire itinérante du Ruffecois dont j’ai la charge, les bénévoles, majoritairement des femmes qui n’ont que deux bras et pas les deux pieds dans le même sabot, ont sortis au printemps dernier leurs vieilles machines à coudre, pour fabriquer des masques « à la maison » où elles étaient confinées. J’en ai un très joli en vichy rose ; un autre gris anthracite très classe ; un avec des motifs qui rappellent « el dia de los muertos », cette fête mexicaine où l’on singe la mort pour mieux la tenir à distance. Ces masques sont doublés, lavables, polluent peu, et on ne peut que remercier la réactivité autant que la créativité de ces couturières remises sur le devant de la scène de façon inattendue. C’était pendant « la guerre », c’était avant...
Ces masques « faits maison », jusqu’ici en odeur de sainteté, servent aussi pour les clients-bénéficiaires de l’épicerie solidaire. Ce sont des gens qui majoritairement essaient de remplir leur frigo avec le montant d’un RSA et quelques poussières. Croyez-vous qu’ils vont acheter des masques à trente balles la boîte de vingt ? On voudrait se moquer de leur figure – pourtant masquée – qu’on ne s’y prendrait pas mieux.
Voici donc une nouvelle décision aussi absurde, hors-norme, hors-sols, complètement déconnectée de la réalité de la vie de millions de Français, et parmi eux les plus pauvres, les plus fragiles, les plus précaires.
Allez, encore quelques semaines et un comité scientifique Théodule ou une Académie des neufs obligera le monde entier à se déplacer en scaphandre, sans parler car ça fait de la buée dans le casque. Personnellement j’attends ce moment avec impatience : j’ai toujours rêvé de porter un scaphandre. Après avoir marché sur la tête, celui-ci me permettra peut-être, un jour, de marcher sur la Lune.
Colère d'un printemps des poètes (drôle de guerre)
Tiens pour changer ce soir je suis en colère. La journée avait pourtant bien commencée, dès l’aube sur mon petit chemin proche du ruisseau. Le chant du coucou s’est fait entendre, pour la première fois de l’année. Sans doute profite-t-il lui aussi du silence et de la quiétude retrouvée ? Plus loin, coq, poules et moutons ouvraient le concert très matinal d’une semi-campagne urbaine baignée du soleil levant dispersant la brume. Pas âme qui vive, sauf à considérer que les animaux d’une cour de ferme en ont une. « Qu’est-ce que tout cela qui n’est pas éternel ? » disait Lecomte de Lisle. J’en ressentais la fraîcheur à mes pieds.
Ça n’a pas duré. Sur toutes les radios, les sites d’infos, une nouvelle injonction (encore !) : il fallait télécharger et imprimer la nouvelle « attestation de déplacement dérogatoire » peaufinée pendant que nous dormions par les sbires du Gouvernement et de son fieffé Premier ministre, le Prince Édouard Philippe Ier. Par moment, il me fait penser à Pinocchio : mais lui à mesure qu’il raconte ses mensonges, ce n’est pas son nez qui s’allonge, c’est sa barbe qui blanchit. Ses allures martiales d’adjudant-chef ne trompent personne : ce chef est tout sauf un chef de guerre, et je ne connais pas beaucoup de soldats qui accepteraient de lui emboiter le pas pour franchir un pont style Arcole étendard en main. Même une passerelle ça serait déjà beaucoup.
À chaque semaine donc, son nouveau « laisser-passer » à présenter aux pandores qui tapent – c’est bien connu – les plus cons (ils s’en trouvent pas mal ces temps-ci qui prennent le soleil dans les centres villes et les cités) ; les plus distraits ; les plus fous (ils sont désormais en totale liberté, leurs psy sont confinés dans des résidences secondaires à la campagne) ; et surtout les plus faibles. Ah ! Quel choc de simplification cette nouvelle « attestation de déplacement dérogatoire » ! Déjà la première on l’avait bien sentie sortie tout droit du cerveau d’un technocrate hors-sol et rase-moquette (si, si, c’est compatible) des ministères, avec ses formules alambiquées et son vocabulaire choisi par Montaigne, sans la Boétie. Mais la seconde… ! Avec ses notes de bas de page ! Rappelez-vous gens d’en bas, gens de peu, gens des campagnes éloignées ravitaillée par les corbeaux où la 4G est encore un souvenir lu un jour sur un prospectus, rappelez-vous, vous qui ne possédez ni ordinateur ni imprimante, qui êtes parfois illettrés pour votre plus grand malheur, que vous pouvez la « recopier à la main ». À la main ! À la plume même tant que vous y êtes, à la manière d'un Flaubert, Voltaire ou Hugo. La première « attestation » mangeait les ¾ d’une page A4. Celle de cette semaine la page entière. La semaine prochaine, gageons qu’elle débordera sur le verso. Dans trois semaines deux pages. Et fin avril, deux volumes. Cela permettra aux bleus de sortir le carnet à souche pour compenser les pertes abyssales des radars automatiques, confinés eux aussi au bord des routes et qui doivent se demander où sont passées les autos ? Mais nom de dieu de bordel de merde (oui, je suis vraiment énervé ce soir) de quel cerveau moisi empoussiéré par des années de réflexions des bacs à sables de grandes écoles d'administration un tel torchon a-t-il pu sortir ? Qu’on nous l’amène bon sang, qu’on voit sa gueule et qu’on rigole un peu ! Il doit ressembler à Agnan dans Le Petit Nicolas, en moins attendrissant, au fond. En plus triste, avec ses lunettes pour éviter qu’on ne lui tape dessus.
Et puis, comme si cela ne suffisait pas, il a fallu que j’aille, avec mon « attestation de déplacement dérogatoire » ancienne formule (oui car je n’ai plus de cartouche d’encre pour ma Canon MG3550 d’ailleurs je lance un appel au don si quelqu’un possède ce modèle rare, attention de marque Canon exclusivement car « madame » n’accepte pas les génériques), au supermarché ravitailler deux personnes très âgées de ma connaissance paumées dans le bordel ambiant et n’osant plus sortir de chez elles. Bref. J’étais dans ce haut lieu culturel du quartier qui parodiait il n’y a pas si longtemps les mousquetaires, et là, le choc : le rayon yaourts et produits laitiers qui dégueule de produits, jusqu’au plafond ! Il y a à peine une semaine on se serait cru dans un supermarché moscovite au meilleur temps de l’ex-URSS, et huit jours après, plein à craquer, alors qu’à peine une dizaine de clients ne se pressaient même pas pour choper les meilleures places aux caisses !
Alors « cher » prince Édouard Philippe Ier, vous pouvez prendre vos airs de colonel en pré-retraite d’un régiment de biffins pousse-cailloux du côté de Mourmelon, vos coups de mentons blanchi ne valent rien. En une semaine, vous et vos sbires sont incapables de fournir les millions de masques chirurgicaux nécessaires à la protection de vos nouveaux héros, les personnels soignants au chevet des Français qui souffrent et trépassent en trépassant aux aussi. En revanche les rayons yaourts de vos supermarchés dans lesquels vous nous commandez d’aller avec parcimonie sont bien garnis. Le monde nouveau, celui du temps « d’après » n’est pas encore advenu. Pour qu’il vienne, promis, une fois cette « guerre » fini, et on vous les fera bouffer, ces yaourts, avec de vrais morceaux de châtaignes dedans.
C’est décidé, je prends le maquis. Drôle de guerre.
"les" Charente(s), ça n'existe pas !
Par Frédéric Sabourin, Charentais.
Caftons : c’est de la faute à la météo. Joël Collado, Jean-Michel Golinsky et Jacques Kessler sont peut-être d’excellents ingénieurs météo et bons vulgarisateurs, ils n’en demeurent pas moins inexacts en géographie de la France, véhiculant une idée fausse et une approximation qu’il convient de rétablir une fois pour toutes. « Les » Charentes, ça n’existe pas ! Pas plus que « les Indres », « les Seines », « les Loires », « les Garonnes », ou quoique ce soit d’autre. Les Charentes n’existent que dans le raccourci administratif et politique de l’entité régionale « Poitou-Charentes » (parfois nommée « Ségolie » ou « Terre Royale »). Les Charentes n’existent pas car la Charente est un fleuve, un et indivisible. Long de 360 km, il prend sa source à Chéronnac, en Haute-Vienne (tiens au passage on ne dit pas non plus « les Viennes »), puis, après quelques paresseux et heureux méandres, se jette dans l’Océan Atlantique, près de Rochefort. Entre les deux, un département, « La » Charente (le 16), et plus près de l’Océan, « La » Charente Maritime (le 17, autrefois injustement nommée « Charente Inférieure » pour signifier qu’elle était en aval de la source).
Alors pourquoi donc faire comme si nous étions (par exemple) Ardennais ? On dit effectivement « Les Ardennes », car il ne s’agit pas d’un fleuve mais d’une forêt (Arduenna silva). Mais on ne dit pas, on n'a jamais dit - et il serait bon qu’on ne dise plus, foi de Charentais – « les » Charente(s).
Ne faisons pas la liste de ceux qui tombent dans le panneau de la facilité, ils ne sont pas uniquement postés aux prévisions météo, il s’en trouve aussi – pour ne citer que ceux-là – au quotidien « Le Monde », et sur le réseau « Radio France » (et non des moindres : France Inter et France Culture). Des médias réputés irréprochables et cultivés…
Laissons à Pierre Boujut, écrivain charentais né à Jarnac, le soin de conclure cette chronique coup de sang (alors que le Charentais est d’un naturel plutôt placide, en témoigne la pantoufle qui y a vue le jour et qui porte son nom) :
« La Charente descend toujours vers le soleil. La Charente ne porte plus de canons sur son dos. La Charente lentement a trouvé sa paix. La Charente n’est pas un fleuve civilisé, ni un fleuve sauvage. La Charente est un fleuve heureux, ceux qui s’y baignent le savent bien. C’est pourquoi la Charente m’a parlé de certitude. Non pas de l’espoir qui est une ombre, mais son contraire. La certitude qui est lumière ». (D’une révélation permanente, revue La Tour de Feu n°93)
Charentais, Charentaises de tous les continents : unissons-nous !
"le" fleuve ("plus beau ruisseau du Royaume", selon François Ier, né à Cognac en 1494 et Henri IV), ici : à Coursac
Fissa papa, fissa !
Pas une semaine sans sa polémique. Celle que nous vivons concerne la nomination à la tête de l’EPAD de Jean Sarkozy, fils de, 23 ans, un diplôme de droit en cours, pas ou si peu d’expérience, et qui va se retrouver à la tête d’un organisme public dont le budget oscille entre 115 et 200 millions d’euros, et dont le personnel avoisine les 250 000 unités (et presque 500 000, en comptabilisant les emplois induits). Le prince Jean est élu du Conseil Général des Hauts de Seine, nous dit-on comme pour nous assurer de sa « légitimité ». N’empêche. C’est à une autre légitimité à laquelle on pense, un pédigrée même, glissant peu à peu vers un népotisme de république bananière que nous aurions tort de reprocher à ceux qui d’ordinaire la pratique. Sur ce sujet, la littérature abonde, donnons pêle-mêle quelques exemples tirés au hasard sur rue89.com , slate.fr, mediapart.fr , pour ne citer que les plus « indépendants ».
Gageons également que passé le ouikende, la polémique sera oubliée, remplacée fissa par une nouvelle en début de semaine prochaine.
Ce qui est juste inquiétant – outre l’ampleur prise fissa par le grossissement outrageux de l’affaire – c’est la résignation à laisser faire. Dénoncer la grosse ficelle, s’indigner, hurler avec les loups, faire croire à la nouveauté d’une telle nomination (même si elle fait partie des plus réussies à n’en pas douter), rappeler le principe bafoué de méritocratie à la française, en appeler aux valeurs d’égalité au sein de notre République, douter des capacités réelles du jeune louveteau aux commandes d’un navire exigeant doigté et expérience etc, on pourrait continuer la liste, tout ceci est relativement facile. D’ailleurs on ne s’y trompe pas : de gauche à droite en passant par le centre, plus les observateurs avisés des grands médias nationaux dont certains ne laissent planer aucun doutes sur leurs origines, tout le monde y va fissa de son commentaire, même le blogueur ça va sans dire.
Le même blogueur, à l’annonce de cette nomination, repensa à ce singulier épisode récent : lors de son inscription au Pôle Emploi en septembre dernier, pendant qu’il attendait son tour, il lu cette information : 45% des 18-25 ans sont inscrits au chômage. Des fils et fille d’un papa et d’une maman visiblement moins inspirés que le Prince. Certains d’entre eux diplômés, d’autres non. Quelque chose me dit que ce genre de nouvelle ne va pas fissa les encourager à se résigner le jour où l’insurrection sera là… Le blogueur a déjà évoqué, ici même à propos des footeux qui gagnent des millions d’euros les ravages possibles de l’humiliation associé à la pauvreté.
A moins que le Tiers Etat ne reprenne la Bastille, ça ne sert à rien, mais pourvu qu’on la prenne !
Fissa, fissa…
Fou - foot ! (deuxième mi-temps)
Ah ! Nous vivons des heures tellement incroyables, avec cette chaleur nous pourrions presque passer à côté d’infos rafraîchissantes…
Karim Benzema, jeune footballeur prodige de l’Olympique Lyonnais, sera transféré (il faut lire vendu) au Real Madrid pour la modique somme de 35 à 45 millions d’€. Ce qui, au regard de Ronaldo (93 millions ici) et le brésilien Kaka (65 millions) peut paraître comme un rabais digne des soldes. D’ailleurs ce sont les soldes en ce moment, c’est peut-être pour ça !
Prenons notre calculette… voyons voir, 93+65+40 (juste milieu entre « 35 » & « 45 »), ce qui nous fait… 198 millions d’€. Ce qui en anciens francs donne à la louche – à ce niveau-là on peut se permettre – environ un milliard deux cents millions d’euros…
Tout ça pour du foot, rappelons-le, et en Espagne, pays touché par une crise économique jetant comme partout en Europe des gens au chômage, pour certains dans la rue etc. Bref.
Ouvrons la fenêtre… C’est déjà fait… Ah ? non, toujours pas de manifestation pour dénoncer l’ordure de cette insulte financière à la gueule de l’humanité. Tiens juste en passant, depuis que j’ai commencé à écrire cette chronique, soit environ cinq minutes, dix enfants sont morts de faim dans le monde, puisqu’il en trépasse un toutes les trente secondes.
Ne nous fâchons pas ! Tout ceci est pour le plus grand plaisir des supporters, et du sport en général, à n’en pas douter. Mais si, puisqu’on vous le dit, tenez : « un accord a été trouvé entre les deux clubs pour un montant net minimum de 35 millions d’€, auxquels pourront s’ajouter différents bonus liés aux performances sportives, permettant d’atteindre un maximum de transfert de 41 millions d’€ ».
C’est ça : il s’agit bien de performances sportives.
Aaaaarrrrgggghhhh (cri d’étranglement étouffé)
(sur les pentes de la colline aux canuts...)
Fou - foot !
L’information est tombée aujourd’hui, et ne fait pas de bruit : Christiano Ronlado, attaquant portugais de Manchester, sera transféré au Real Madrid pour la somme de… 93 millions d’euros. La dépêche indique « environ » 93 millions d’euros. Soyons précis dans l’énormité.
Quatre-vingt treize millions d’euros (écrivons-le en toutes lettres pour dissiper les doutes). Ne résistons pas, pour une fois, à la conversion en anciens francs (ceux d’avant 2002) : 610 millions de francs. Six cent dix millions. Ca donne le vertige, non ? Le précédent « record » était détenu par notre Zizou national, 75 millions en 2001, déjà par le Real qui avait aligné les billets sur le tapis de la Juventus de Turin.
Chiffre astronomique, indécent, immoral, outrageant, révoltant… les mots nous manquent pour dire notre stupéfaction, à l’heure actuelle, dans le monde en crise, lequel veut se moraliser, refonder le capitalisme financier, nettoyer les poubelles de la planète. Le même monde qui court à plat ventre devant Obama, nouveau messie, le monde qui verse une larme à la vue d’un film d’un photographe aérien.
Et pas une manifestation spontanée, pas d’appel de syndicat – même un seul – aucune alarme dans les rues de nos villes et nos campagnes devant cette insulte à la gueule du monde entier. Le monde dort-il, en attendant de se presser devant son téléviseur pour éructer, le ventre rempli de bière bon marché et de pizzas surgelées livrées par des sans-papiers, en regardant la prochaine coupe d’Europe de la Ligue ?
Non, rien. J’ai beau tendre l’oreille par la fenêtre ouverte, je n’entends rien, juste le chant des oiseaux et le souffle du vent dans le cèdre.
Il y a pire que le chômage, la pauvreté, la maladie rampante, les épidémies, les fermetures d’usines, le bling-bling et autres mensonges d’Etat. C’est l’humiliation des hommes traités avec mépris. Ces derniers n’ont alors plus rien à perdre, puisque la vie ne vaut plus rien. Sauf pour l’un d’entre eux : 93 millions d’euros. Pour jouer au foot. Evidemment, il y a le fameux panem et circenses, vieux comme le monde.
Attention à l’humiliation et au mépris. L’Histoire nous a déjà appris où ils conduisent.
le caporal casse bonbons
Cherchez la femme
L’Ardèche fait figure d’exception culturelle à la française : elle ne compte pour l’instant aucune femme au conseil général, très peu de maires, et encore moins de députés.
Qu’à cela ne tienne : il y en aura au moins une dimanche soir, le président de la collectivité territoriale s’y est employé. Mais il pourrait y en avoir plus, si les stratèges locaux n’avaient pas placé une autre candidate en situation périlleuse, obligeant un retrait au second tour, au profit d’un homme, évidemment. Coïtus interrompus. Ca va salir les draps.
Le président, dont le débit de paroles et l’accent méridional se rapproche de celui de Bernard Laporte (du temps où on essayait de le comprendre à la fin des matchs de ‘rrrubi’ sur ‘Frangceu deux’), a franchi le mur du çon récemment dans les colonnes du « Monde ». «Je peux vous assurer qu’il n’y a aucune misogynie de la part des Ardéchois. Ca commence à me casser les burnes cette histoire de machisme. Les Ardéchois ne sont pas des machos, la preuve : Ségolène Royal, lors des primaires internes du PS, avait été majoritaire». Prononcez cette phrase avé l’accent c’est encore plus délicieux, surtout l’expression casse bonbons.
En effet, voilà un argument de choix et de choc pour appuyer sur le bouton rouge. Mais le meilleur est pour la fin, lorsque le grand patron du département, au demeurant fort sympathique, ajoute : « Ici, une campagne, c’est du porte à porte chez les gens, dans les bistrots. Il faut passer dans chaque commune, avaler les kilomètres. Les gens veulent de la proximité. C’est peu compatible avec une vie de famille ».
Moralité : bobonne ne pourra pas aller récupérer les mioches à l’école, les emmener au sport ou au piano, faire les courses, surveiller les devoirs, la lessive, le ménage et préparer la bouffe pour ce soir.
Car la « vie de famille », c’est bien connu, c’est ça, et ce sont uniquement les femmes qui peuvent le faire. Pour la parité et les responsabilités tu repasseras. Le linge.
Vivement qu’une d’entre elle prenne un siège en effet, puis deux, puis trois etc. Ne serait-ce que pour donner des coups de pieds bien placés dans les b.. de ces caporaux casse bonbons, et les envoyer chez carrouf un vendredi soir avec un plein caddie et les enfants énervés.
Pendant ce temps-là, Mesdames les élues, vous pourrez aller discuter bagnoles, tricot, et politique locale au bistrot du coin.
Devant un « petit porto » bien sûr. Car c’est un apéritif pour dame…
les grossiers trouveront ça vulgaire
Marion Cotillard a donc reçu quatre récompenses pour son interprétation d’Edith Piaf dans La Môme, dont le César et l’Oscar de la meilleure actrice. Toute considération désobligeante sur le show business du cinéma mises à part (les strass & paillettes), son émotion faisait plaisir à voir, autant d’ailleurs que dans le film lui-même.
Au même moment, ou presque, un homme qui devait garder son sang-froid l’a perdu, une fois encore, faisant voler en éclat ce qui restait de dignité humaine face à un con - citoyen mal inspiré et traité justement comme tel, mais il ne fallait pas le dire aussi vertement. « Viril » a même dit un ancien premier ministre originaire du Poitou-Charentes, où on s’y connaît en matière de baudets velus au caractère caprin.
La comparaison, bien sûr, ne souffre même pas d’être envisagée, entre le « pauv’con » d’un côté et la môme de l’autre. L’image renvoyée de part et d’autre reste finalement assez décevante : la France, pour les Américains, c’est Edith Piaf, les rues pavées, les photos sépias et les radios à lampes qui crachotent des chansons où les paroliers sont inspirés par des voix qui ont vécues de drôle de combats, cassées par l’alcool et les excès dus aux déceptions amoureuses.
Mais la France, c’est aussi l’insulte qui fuse tous les jours aux carrefours de nos villes, villages, collèges, famille et désormais salon de l’agriculture. On savait le paysan adepte du bon sens. On ignorait que le petit Nicolas avait de gros sabots tout crottés. D’ici à ce que trois capitaines l’appellent ‘vilain’, il n’y a qu’un pas. Ou des coups de pieds au c… qui se perdent !
Finalement, la morale de cette piètre histoire vient dans le film lui-même. Dans une dernière scène, un long plan séquence où la môme Piaf, Marion Cotillard donc, livre une interview de fin de vie à une journaliste américaine. Cette dernière lui demande si « elle a peur de la mort ». « J’ai plus peur de la solitude que de la mort », répond-elle.
Et le silence se fait.
La solitude de l’homme d’Etat dans tous ses états est malgré elle éloquente (si on peut me permettre cette comparaison « à la con »). Il a peut-être peur des deux, tout simplement.
On devrait peut-être l’inviter à dîner…