Urbain (2)
Près d’ici il y a une « friche culturelle ». Des anciens entrepôts qui ont eu du pot : pas de promotion immobilière, point de supermarché marchand de moquette ou bricolage pour quadra aux 35 heures.
Une friche, une vraie, avec des artistes, des vrais. Certains vivent même dans des camionnettes / camions aménagés. En plein cagnard, c’est dire si la fibre artistique est dure à cuire.
Des grafs, tags, dessins, sculptures ornent les murs et chaque parcelle de béton de ces anciens ateliers. Une usine à gaz, si on considère comme tel celui qui sort des bombes de peintures agitées frénétiquement par les dessinateurs. Certains ont du talent. D’autres moins. Une affaire de goût, c’est sûr.
Pour ne pas piller la propriété intellectuelle de ces artistes en béton (il n’y a que peu d’herbe, et dans la plupart des cas déjà fumée), je ne prend aucun cliché des grafs & tags en question.
Pas grave, mon capitaine : il suffit juste de lever les yeux, pour voir d’autres formes qui, elles aussi, méritent le détour.
A chacun son jouet. Un appareil photo fait très bien l’affaire.
Urbain (1)
Les Gitans
Il fait beau au soleil sur le pont. Je regarde les gitans de l’autre côté du port. Ils sont beaux. D’ici je ne vois pas leurs têtes, ils sont justes beaux d’être, tous ensemble devant leurs caravanes à s’agiter autour de leur conversation. Ils doivent parler très fort, j’en entend des bribes par dessus le bruit des voitures. Leur présence rayonne sur le port, on sent qu’ils existent très fort. C’est pas comme l’autre, qui vient avec sa Porsche surveiller son petit voilier ; ni même comme les clodos du pont qui eux rayonnent la résignation. D’ailleurs ils sont partis c’est peut-être à cause des gitans.
Une petite boule rouge s’active autour du groupe, elle tient un balais qui fait deux fois sa taille, elle fait des pas immenses et secs, et le manche virevolte au dessus de sa tête. Elle paraît chargée d’électricité. D’ici sa robe lui tombant jusqu’au pieds m’apparaît comme un cerf volant frétillant dans le soleil de printemps.
Je t’avais peint ce tableau avec des mots, mais j’ai gardé pour moi cette lettre, cette journée qui m’ouvrait sa fenêtre.
(Mano Solo)
(à suivre...)
lignes de fuite
"On avait mis en panne, et c’était grande fête :
Chaque homme sur son mât tenait le verre en main ;
Chacun à son signal se découvrit la tête,
Et répondit d’en haut par un hourra soudain.
Le soleil souriant dorait les voiles blanches ;
L’air ému répétait ces voix mâles et franches,
Ce noble appel de l’homme à son pays lointain".
Alfred de Vigny, "la Bouteille à la mer"
(à suivre...)
des bateaux et des hommes...
Suite promise de quelques morceaux choisis de l'Armada de Rouen 2008.
Voltige sur la proue de l'Amerigo Vespuci. Maneouvres au sifflet.
Dans les heures du soir, le jeune Capitaine
A fait ce qu'il a pu pour le salut des siens.
Nul vaisseau n'apparaît sur la vague lointaine,
La nuit tombe, et le brick court aux rocs indiens.
- Il se résigne, il prie, il se receuille, il pense
A Celui qui soutient les pôels et balance
L'Equateur hérissé des longs méridiens.
A de Vigny (La Bouteille à la mer, suite)
des marins à l'ancre... (Amerigo Vespuci ; Italie)
ou des hommes à terre.
(à suivre... )
Messagerie maritime
Quand un grave Marin voit que le vent l’emporte,
et que les mâts brisés pendent tous sur le pont
que dans son grand duel, la mer est la plus forte,
et que par des calculs, l’esprit en vain répond ;
que le courant l’écrase et l’emporte en sa course,
qu’il est sans gouvernail et partant, sans ressources,
il se croise les bras dans un calme profond.
Alfred de Vigny, « La Bouteille à la mer » (Maine-Giraud 1846)
Armada de Rouen. Pas d’autres paroles que celle des marins, qui, comme chacun sait, ne disent que ce qui est nécessaire.
Le reste n’est que fourniture et accastillage.
(à suivre : des bateaux et des hommes ; des lignes de fuite ; de ciel et de cordages)
Reflets (suite)
NB : ceci n'est pas une photo de Yann Arthus-Bertrand...
Première Séance
Le Voyage aux Pyrénées
de Arnaud et Jean-Marie Larrieu. France 2008. 100 mn. 180 copies. Distributeur : Diaphana. Avec : Jean-Pierre Darroussin ; Sabine Azéma ; Arly Jover ; Philippe Katerine…
Dans Peindre ou faire l’amour, le précédent film des très récréatifs frères Larrieu, c’est la Grande Chartreuse qui était le décor d’une singulière histoire de couple échangiste malgré lui. Daniel Auteuil et Sabine Azéma étaient en effet troublés par Sergi Lopez, non-voyant polisson qui savait se servir de ses autres sens.
Cette fois, dans Le Voyage aux Pyrénées, ce sont bien ces splendides montagnes franco-espagnoles qui offrent le décor de cette histoire d’un couple de comédiens très célèbre, venu se reposer dans les alpages en automne. Car madame (Sabine Azéma) a des crises de nymphomanie, et le meilleur moyen de calmer ses ardeurs, pense son mari (JP Darroussin), c’est encore de venir les rafraîchir aux vents des petits matins frais.
C’est peu dire que les Pyrénées offrent plus qu’un décor et un prétexte : un personnage à part entière, filmé avec délectation par les facétieux frères Larrieu (les amateurs reconnaîtront les environs du Cirque de Gavarnie et de Luz Saint-Sauveur).
Sautillant joyeusement d’un genre à l’autre, sans souci d’unité ou de cohérence, Le Voyage aux Pyrénées transporte le spectateur aux frontières de l’absurde en donnant à penser, comme dirait le philosophe. Filmé parfois à la manière d’un documentaire, on bascule aussi du côté de la farce fantastique et mystique, lorsqu’un ours des Pyrénées apparaît trop humain, lorsque JP Darroussin se met à parler tibétain, lorsque des moines joyeux et chantant (excellent Philippe Katerine) se promènent nus au creux d’un torrent régénéré, et jouent de la guitare dans une chapelle.
Alternant des scènes parfois grossières ou gratuites, des situations saugrenues, mais toujours superbement interprétées, Le Voyage aux Pyrénées abuse du spectateur, qui hésite entre l’hilarité et la retenue. Parce que quand même, tout ceci n’a pas l’air de tenir debout.
Et pourtant : un seul but pour les réalisateurs et les acteurs : bien se marrer, prendre du plaisir dans cette farce montagnarde où tous prouvent que le jeu est avant toute chose un art de vivre, et les histoires toujours bien bonnes à raconter.
Négri-culture, mais pas trop
Lyon est en finale, avec Marseille, Paris, Toulouse et Bordeaux, pour devenir « capitale européenne de la culture » en 2013.
Date qui, cela ne vous aura pas échappé, tombera un an après l’élection présidentielle, et Dieu lui-même ignore encore ce qui se passera cette année-là, et encore plus d’ici là !
Mais bon. Lyon veut devenir capitale européenne de la culture, et elle s’en donne les moyens. Sans doute ses concurrentes aussi. Elle a ses chances ceci dit.
Alors, pilier de la culture, Lyon communique. Quatre par trois JC Decaux dans toute la cité.
Sur l’un d’eux, le visage « d’un homme de couleur », expression à la con car en réalité le noir est l’absence de couleur. Il y a du politiquement correct dans l’air, me dis-je en voyant la photo pour la première fois. De l’audace, enfin ! Il y a certes encore du chemin à faire, mais pour une fois qu’on ne nous sert pas sur une publicité institutionnelle une bonne tête de blond, race des purs, ou une belle brune pas trop typée sud mais plutôt de race parisienne…
Ah oui mais voilà : je regarde mieux la photo, et ce que je crois être un méchant reflet d’un néon mal réglé est en réalité un effet volontaire de la part de l’infographiste sûrement aidé par un logiciel de retouche photo qui permet de « blanchir le noir ».
Pour faire moins nègre.
Pour faire plus propre sur le placard quatre mètre sur trois. Chez Gérard Colomb, faut pas trop blaguer avec certaines audaces. C’est bien un homme de couleur, mais pas trop, en fait. C’est vrai quoi ! La parité a des limites, quand même !
Il ne faudrait pas effaroucher le bon bourgeois de la « presqu’île », ghetto de la frange culturelle candidate pour 2013. On ne sait jamais, si par hasard le ministre des reconduites à la frontière, Brice H. passait dans le coin. Il serait fichu de lui demander ses papiers !
Vous voyez l’affaire si, comme dans des restaurants chics du 1er et 2è arrondissements il n’en avait pas ?
Reflets
Belledone apparaît au centre d'un lac des Grandes Rousses, perché dans le plan de Cavalles (2600m)
Lac de Grand Maison, vu du Col du Sabot (2100m). Au fond, le toit de l'Europe.
(à suivre...)