ambiance verticale
montagnes de feu, montagnes en feu...
Au Moyen Age, paraît-il, le coucher du soleil était presque considéré comme une malédiction : il était signe de nuit, de dangers, de froids, de peur. L’Homme médiéval ne s’extasiait pas sur les couchers de soleil, mais plus sûrement sur le levé du beau blond.
Aujourd’hui, l’occident oxydé qui n’en finit pas de mourir à lui même s’ébahit le soir devant des soleils couchants, certes beau à pleurer, mais du coup il est bien difficile d’être aussi au rendez-vous matinal du levé du roi… soleil. Et c’est bien dommage.
Les montagnes offrent aux « lève tôt » des spectacles pour les yeux que le gras dormeur ne verra jamais. Elles prennent des couleurs hallucinantes, de sorte qu’on a l’impression qu’elles sont en feu. Elles appellent de leurs pentes qui tout à l’heure paraissaient encore hostile, le marcheur valeureux qui veux bien les caresser, sans les souiller, du bout de ses chaussures. Se laisser apprivoiser par elles. Blesser aussi parfois, lorsque les jambes lourdes d’une journée de marche ne trouveront le repos qu’après la halte, enfin. Boire au ruissellement de ses sources ou ses neiges persistantes. Sentir le vent monter contre leurs flancs, parfois chaud, souvent glacial.
Le matin, tôt, les montagnes sont en flamme. D’un amour sans limite, celui qui se lève tôt pour leur rendre hommage leur prête aussi allégeance. La reine au soleil chauffe ses pierres. Le prince pourra sans doute être adoubé à son sommet. Mais il lui faudra braver bien des dangers, dont le plus fort est le découragement de l’homme qui lutte vers son apogée.
Plus que jamais, elles appartiennent à ceux qui se lèvent tôt.
Comme le monde qu’elles dominent de leurs incandescentes verticalités.
chronique toulousaine (2è partie)
On ne discute plus sur le sexe des anges, et c’est tant mieux. J’ignore, comme beaucoup, s’ils en ont un et si cela est important.
Ce que je sais, c’est qu’ils ont des bras, qui parfois montrent l’essentiel. Le pupitre de la Parole de Dieu est là, à droite comme il se doit, dans la lumière baignée de bleu. Le bras de l’ange se lève et montre la direction. C’est donné d’en haut, par une chaude clarté qui vient droit du dehors. Il est midi, encore, heure propice aux reflets caressants des vitraux qui donnent leur pleine mesure. Même les stalles, désormais si tristement vides, ont la couleur de l’Océan, à moins que la Méditerranée soit plus proche. La Garonne, nous le dira, peut-être ? Elles résonnent désormais de lumière qu’on pourrait qualifier de divine, après l’avoir psalmodié durant quelques siècles.
Je suis à Notre - Dame de la Daurade, à Toulouse, « Daurade » qui vient du vieil occitan « doré, or ». Autrefois les moines installés ici déchargeaient les bateaux et traversaient un pont jusqu’à l’autre rive, celle de l’Hôtel Dieu, passage obligé des pèlerins vers Compostelle. « Le champ d’étoiles ». Encore une histoire de lumière…
Il ne reste que le chaud et enveloppant rayon transperçant les vitraux, dont la statue de l’ange montre la direction. Fixé dans l’attente d’un retour qui se fait tantôt proche, tantôt lointain. Le sexe des anges prend la forme des bras, l’un qui nous tient par la main, terriens attachés au sol, l’autre qui nous montre le ciel, où nous sommes censés parvenir. Le bleu et l’or du Midi assurent le reste.
chronique toulousaine (1ère partie)
Monsieur Nougaro, vous aviez raison quand vous chantiez : « Ô mon païs ! Ô Toulouse ! Ô Toulou-ou-ou-se» , c’est même l’expression qui nous vint naturellement au détour de la rue des Changes et du Capitole ce jour là, un dimanche pas comme les autres, sous la lumière de midi. Ville rose, briques roses, pincée de tuiles, canal, tours des capitouls, ruelles étroites, place de la Daurade, rue du Taur, Saint Sernin, Esquirol, Jacobins….
Mais tout ceci n’est rien sans une présence humaine - je dirai même féminine ! - qui exprime à elle seule toute la sensualité, la beauté et l’esprit du Midi.
Elle était là, simplement assise sur la rambarde qu’elle effleurait à peine, pareil à un flottement léger. Envoûtante, elle semblait attendre. Qui ? Je ne sais. Le vent qui déjà faisait gonfler les drapeaux, et fièrement celui du pays d’Oc, caressait ses cheveux, dans une onde chaude à l’accent d’ici. Ils étaient bruns. Fille du soleil, couleur d’Espagne, ce noir sur fond rose me rappelle le rouge du sang qui bat dans tes veines. Je ne verrai jamais ton regard, bouffé par des lunettes trop sombres, elles aussi. Le soleil est ton ami, fille du sud, mais il est aussi ennemi de tes beaux yeux, lorsque chauffé à blanc il les fait pleurer.
Nougaro avait bien raison : « voici le Capitole j’y arrête mes pas… ». C’est un tort (Taur ?) de ne faire que traverser la place. La marche du promeneur s’arrête, la respiration se suspend, le cœur se repose enfin. La rose est noire et balancée au vent brûlant des Occitans. Elle chante et danse, comme les cheveux de cette gitane…
le jour d'après revient...
Après quelques marches régénératrices dans les Pyrénées, les carnets de Fred Sabourin vont être de nouveau alimentés de textes et photos, et ce dès le 17 ou 18 août… Patience donc, merci pour votre visite, amitié et… fidélité !
Fred Sabourin, « quelques jours après… »
le jour d'après Fred...
« Je suis un soir d’été »
C’est une rue calme du vieil Angoulême. On y entends, par les fenêtres ouvertes, la vie des gens du dedans. Téléviseur, discussions, rires et jeux d’enfants. Assiettes et verres qui s’entrechoquent dans le bruit du repas qui se termine. Chansons à la radio. Jacques Brel racontait dans « Je suis un soir d’été… » que « les nappes tombent en miettes par dessus les balcons ».
Au centre de la rue, la petite place bruisse du cliquetis d’une eau rafraîchissante, dans la fontaine où des enfants jouent à l’arroseur arrosé. Tout le reste se tait, enveloppé de chaleur et du cri strident des étourneaux qui filent entre les pierres des façades.
Errant moi aussi, d’une sorte de langueur toute estivale, et nonchalant sans scrupules, je regarde la perspective de la rue qui forme un entonnoir, et laisse s’échapper un rectangle de ciel bleu presque nuit. Seuls les fils électriques coupent la quiétude visuelle de ce spectacle singulier. Je ne serai pas surpris d’y croiser un funambule, agité fébrilement par l’équilibre instable de sa position. Dans certaines villes côtières, derrière une rue étroite, après avoir un petit peu monté, il y a la mer. D’ailleurs ici on dirait la mer. On la sens. On l’entend presque. D’où je suis l’illusion est parfaite. Pas besoin de coller mon oreille à un coquillage, lever les yeux suffit.
Solitude sensorielle et voyageuse du promeneur dans sa propre ville, quand « Minage » veut rimer avec « plage ». Dans tous les cas, c’est une invitation au voyage. Pour un simple soir d’été.
(en hommage à Jacques Brel)
the day after...
L’étrange défaite. Etrange défaite que celle d’une équipe de France pourtant techniquement et physiquement plus dominante contre l’Italie en finale de la coupe du monde à Berlin. Elle revenait de loin cette équipe, ce groupe d’intrépides joueurs de football emmenée par son sélectionneur, lui qui n’a jamais douté. Pas comme nous. D’abord conspuée et traînée dans la boue médiatique et familiale de « ceux qui ne comprennent pas », cette équipe de France est parvenue à l’incroyable. Il faut admettre qu’à mesure où le niveau de jeu s’est élevé depuis quelques années, dans les championnats nationaux, européens et les grandes compétitions internationales, notre niveau d’exigence c’est lui aussi élevé. Jusqu’à devenir trop exigeant peut-être vis à vis de ce qui reste… un sport. Un sport avec des gagnants, et des perdants. Un sport où la chance fait aussi partie du jeu, le sort, être au « bon endroit au bon moment » : d’une tête, d’un pied ou d’une main. Les sponsors, les salaires des joueurs, les enjeux boursiers, la FIFA, les tricheries, le dopage, et même chacun des (télé) spectateur, ont fait dangereusement pencher la balance, de sorte qu’aujourd’hui la défaite est de moins en moins acceptée. On cherche des coupables. Le bouc émissaire. Rien de nouveau sous le soleil de l’humain, dira le sage…
A ce petit jeu de l’homme fort et de son côté obscure, Zinédine Zidane, notre « Zizou » national, a payé cher la note d’un chapeau trop petit ou trop lourd à porter, c’est selon. On va beaucoup, beaucoup argumenter sur ce carton rouge pour ce «pétage de plomb », ce coup de boule qui nous plongea, rouges de honte et de confusion, dans la noirceur de ce qui fait les plus mauvais moments du sport, si c’en est encore un. Etrange geste, très probablement la dernière et ultime réponse à ce qui a du être une agression verbale, une insulte de trop, de plus, ou tout simplement trop bien ajustée et guidée par le mépris, sport mondial. La coupe était pleine donc, et « Zizou » a perdu la tête… Après l’avoir si bien utilisée, cette belle tête de vainqueur, ce regard si calme dans les moments les plus importants (et ce jusqu’à quelques minutes auparavant !). Cette tête de Zidane qui nous envoya au « paradis » des vainqueurs en juillet 1998 par deux fois dans les buts brésiliens. Cette tête qui faillit bien « crucifier » le gardien transalpin Buffon, qui du coup avait l’occasion de le faire en arborant un rictus vengeur au moment de changer de terrain. Six ans plus tôt, l’Italie rebouchait le champagne à 17 secondes de la fin du match, assommée par un but qui ne valait pas encore de l’or, mais c’était tout comme.
En perdant la tête, Zidane nous prouve que le foot reste un jeu d’êtres humains, capables du meilleur comme du pire, on le sait bien au fond. Il nous prouve aussi, que la vie d’un homme n’est peut-être pas uniquement la somme de ses actes, et Dieu merci. Le magicien Zizou nous a bien fait rêver, vibrer, oublier un temps nos soucis, grâce à sa tête, mais aussi grâce à ses jambes. On ne t’en veut pas Zinédine, vraiment t’étais le meilleur et on est bien content de t’avoir eu à notre table le soir à l’heure du dîner depuis plus de dix ans. Tu auras toujours une assiette et un verre. Toi qui a fait tant de gestes de génie, et pris tant de cartons rouges. Tu étais un magicien du football, un magicien du sport. Tu redeviens désormais un homme, que tu as toujours été, un mari, un père, un fils, un frère, pour nous tous : un bon copain. Et pour tout ça, et tout le reste, tu peux coiffer fièrement le chapeau que nous te tirons bien bas, sans rancune ni tristesse.
Chapeau l’artiste !
chronique du temps qui passe... vite !
attends, deux secondes !
On ne se rend pas compte à quel point on a gagné du temps depuis quelques temps. Gain de temps, dans tous les domaines : des transports aux communications en passant par le temps de travail, grignoté pour qu’il laisse plus de place aux loisirs, jusqu’au camping ! Oui j’ai bien dit « camping ». Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais une grande firme de vêtements et matériel de sport (logo bleu sur fond blanc…) a créé la tente « deux secondes ». Deux secondes ! On prend la tente, on la jette en l’air, et elle retombe… montée, prête à servir ! C’est dingue ! Vous en aviez rêvé, ils l’ont fait ! Il n’y a plus qu’à enfoncer les traditionnelles sardines, soit environ 15 secondes en fonction de la nature du sol. Et ces petites merveilles font fureur ! Pour 45 euros environ, et sans doute moins pendant la période des soldes, vous pouvez acquérir une « deux secondes ». Fini l’énervement des tentes montées à la va-vite sous le vent ou l’averse. Fini les ficelles qui s’emmêlent. Fini ce qui faisait peut-être aussi le charme du camping : le choix de l’emplacement, l’orientation, les discussions et surtout… l’entraide. Car il fallait être deux pour monter une tente, on faisait connaissance, des histoires sentimentales sont nées de cette « étroite » collaboration. D’autres aussi se sont brisées sous l’orage d’une tente mal montée ou d’un sol truffé de racines… Aujourd’hui, il faut toujours être deux pour monter la tente. Mais ce sont simplement des secondes dont on a besoin. Deux pour être plus précis. Et pour le thé, il faut être combien ?
Ce progrès technique libère du « précieux » temps pour le reste. Mais quel reste ? On gagne un temps fou, mais on se plaint toujours d’en manquer…
Alors je pose LA question : une fois la tente montée en si peu de temps, qu’est-ce qu’on fait ?
Réponse : « attends, deux secondes ! »
le péril jeune
passe ton bac d’abord…
Les jeunes sont de retour dans la rue ! Hier matin, ils battaient de la semelle sur le pavé de ma vieille rue, devant le lycée Ste Marthe. Mais cette fois, il y avait comme de l’électricité dans l’air, et quelque chose était différent : des parents étaient là aussi, anxieux, le regard nul part et partout à la fois. Des téléphones triturés dans tous les sens, des mouchoirs chiffonnés au creux de la main, les cigarettes grillées nerveusement. Plus rien à voir avec les sorties de classe du mercredi ou du vendredi, insouciantes et éprises de l’excitation propre à l’arrivée du temps libre. D’un seul coup, des cris, de la joie, des embrassades, des accolades, des bras levés en l’air, le point serré et rageur. Les mains formant un cône se saisissent du visage, enveloppant le nez et la bouche : quel est se signe tribal qui prend les jeunes et leurs parents, là, ici, dans cette vieille ruelle du vieil Angoulême ? Le directeur de l’établissement est là lui aussi, deux jeunes filles, enthousiasmées par leurs résultas, semblent presque tomber à la renverse et il les retient de justesse. Il y a aussi, là bas, dans le coin d’une austère porte cochère une jeune fille en larmes, le portable greffé à l’oreille. On devine la teneur de la conversation, avec un père ou une mère, cherchant le réconfort après cette lourde déception. Derrière moi, une sympathique jeune lauréate s’écrie : « allo, maman ? Ca y est je l’ai !! ».
Oui mais de quoi s’agit-il donc ? Du bac, ce précieux sésame qui ouvre les portes d’un avenir qui reste encore à dessiner. Le bac, qui ouvre aussi la porte des vacances, celles qui auront été désirée par ceux qui ont entendu pendant un an : « passe ton bac d’abord».
la chronique sur la vie d'aujourd'hui...
attention, travaux…
Dans ma rue il y a des travaux. Et moi j’aime regarder les travaux. C’est l’ancienne clinique Ste Marthe qui est en démolition. Le puissant tractopelle saisit de ses mâchoires d’acier le calcaire d’une pierre bien charentaise, mais devenue grise, patinée par le temps. Une maison qui s’écroule, c’est toujours un peu de l’humain qui s’en va. On imagine la vie qu’il y avait à l’intérieur. Par la façade éventrée, on aperçoit encore les restes des chambres. La peinture jaunie, les câbles pendent en triste pantins désarticulés. C’est plus fort que moi, je pense à ces vies sauvées dans ces espaces désormais à ciel ouvert. Les malades qui étaient ici. Leurs angoisses, leurs souffrances, les longues nuits de veille, quand le sommeil ne peut venir. Les rires des enfants qui visitent les malades, et font fi de l’ambiance, apportant une note joyeuse à la vie blessée. Je pense aussi aux soignants, qui ont arpentés les couloirs de cette clinique, qui ont pansés, rassurés, accompagnés malades et mourants. Au premier étage, on voit encore une tablette accrochée en hauteur : sans doute pour une télévision, précieuse fenêtre sur un monde dont on ne fait plus partie lorsqu’on est allongé sur un lit médical. Des débris de plancher pendent en drôle de langues. On voit désormais tout un espace qui auparavant nous était interdit. La perspective prend de la profondeur. C’est toute une rue qui en est changée.
Au fond de ce qui reste encore de cour, le tractopelle trône, chaud encore de sa ripaille gargantuesque. On l’entend presque digérer ce qu’il a mis au sol et ingurgité, dans un cliquetis de tôles en refroidissement, baignées d’huile chaude. Nous sommes dans ce laps de temps où l’homme hésite entre son ancienne humanité blessée et la machine surpuissante, qui vient faire du neuf. Qui des deux l’emportera ?
Je presse le pas : l’inquiétante dévoreuse de façades me regarde fixement… Je ne fais pas partie des meubles !
surf mamie, surf...
Brice… de Parisss !
On imagine pas à quel point la mer monte… Jusque dans le bus n° 95 qui passe à la gare Montparnasse. En sortant du TGV, le voyageur prend de nouveau conscience de la chaleur, et de la nécessité d’y remédier. A l’arrêt de bus sur le parvis, un homme passe, portant sous le bras… un surf ! C’est encombrant, un surf, quand on n’est plus allongé dessus du côté de Lacanau ou Hossegor… Le mieux c’est qu’il passe presque inaperçu… Encore provincial aux sens en alerte un instant auparavant, l’usager des transports urbain redevient parisien blasé dès le premier mètre de pavé.
Mon œil s’amuse de ce surfeur de bitume, qui doit faire de nombreux efforts pour faire entrer sa planche dans le bus qui vient d’arriver.
A l’intérieur, il trône fièrement à ses côtés, le teint hâlé de la tribu des glisseur, et la chemise grande ouverte. Ca y est, j’ai deviné : c’est Brice de Parisss, le roi de la glisse !
Je suis « cassé »…