À Joinville-le-Pont, Pon ! Pon ! (drôle de guerre)
11 Avril 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #drôle de guerre
Pour conjurer le mauvais sort d’être confinés, les températures plus que printanières le permettant, les Français ont ouvert les fenêtres. Pour chercher l’évasion, sans doute. Pour gagner en surface et avoir ainsi l'impression d'être un peu dehors. S’échappent des maisons et appartements des bruits parfaitement distincts, les rues étant désertes, débarrassés du vacarme des moteurs. C’est à peine si l’on entend le pas plus ou moins pressés de quelques évadés provisoires, dument munis de leurs laisser-passer. Des bruits, et des odeurs de cuisine, de vieilles caves par endroit, de lilas et bientôt de muguet. Un long dimanche de 15 août depuis plus de trois semaines. Jusqu’à la fin de notre mort, toute notre vie, qui sait ?
Elle a surgit au détour d’une rue, quartier Saint-Roch à Angoulême, pendant que nous faisions notre petite promenade quotidienne de taulard. La voix de Bourvil, chantant « À Joinville-le-Pont, Pont ! Pont ! Tous deux nous iront, Ron ! Ron ! Regarder guincher chez chez chez Gégène… ». Une voix et une musique qu'on aurait pu croire sorties d’un vieux phonographe, qui nous ramène pratiquement dans la France post Seconde Guerre mondiale. Cette France qui sentait bon l’encaustique des vieux escaliers de bois, les pivoines de la Fête-Dieu et les dentelles de nos grands-mères. Une France d’avant qui se pensait dans l’après-guerre, un peu comme nous quand on imagine le jour d’après (mais quand ?).
Une tête hirsute poivre et sel est sortie par la fenêtre du rez-de-chaussée – ça n’était donc pas Bourvil lui-même – cravaté et le pantalon de tergal gris tenu par des bretelles carmins. « Un ancien militaire », m’a dit la voisine qui, sur ces entrefaites, est arrivée en voiture et s’est garée devant sa fenêtre. « J’ai planté de l’ail » déclara l’homme à un autre, un peu en retrait dans l’appartement, dont on apercevait aussi le bordel organisé d’une table de cuisine prête à partir, chargée d’un fatras d’objets quotidiens jamais rangés et toujours sous la main.
Et la sono crachait « À Joinville-le-Pont, Pont ! Pont ! Tous deux nous iront, Ron ! Ron ! », nous éloignant le sourire aux coins des lèvres dans cette rue étroite d’une ville moyenne, d’un département moyen, dans la vaste région chère à une certaine Aliénor, en France métropolitaine confinée au milieu d’une Europe fermée dans un monde qui ne l’est pas moins.
Notre vie semble être entrée dans un entonnoir, faisant penser aux pavillons des phonographes qui crachotaient autrefois le répertoire populaire des bals musettes dans les guinguettes des bords de Marne. Une époque où les gens aimaient à se retrouver dans l’insouciance revenue, le temps d’une valse. Autant dire il y a une éternité…
Drôle de guerre.
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