Héraldique (ta mère)
Disons-le tout net : la dernière livraison du Mag Loir & Cher hors série été 2014 est une réussite. Photos superbes, idées de balades et mise en valeur des richesses territoriales : en un mot comme en cent, bravo.
Mais il y a un petit détail qui cloche : la photo de Une. Le garçonnet brandissant une épée, à califourchon sur un cheval de bois, vêtu d’une cotte de mailles et coiffé d’une couronne, porte un blason… anglo-normand. Sur fond d’une photo du Château de Chambord, s’il vous plaît ! La collectivité territoriale de Loir-et-Cher irait-elle jusqu’à proposer un nouveau redécoupage des régions et, finalement, un rattachement de la Région Centre avec les léopards de Normandie ? Voire une soumission à la Reine d’Angleterre ? On en frémit…
Ces léopards d’or sur fond de gueule sont en effet le symbole héraldique des ducs de Normandie, et, lorsqu’ils sont trois, d’Angleterre. Sur le blason porté par le jeune enfant, il est écartelé avec le blason du roi de France : une fleur de lys or sur fond azur (symbole du rattachement du duché de Normandie au royaume de France lors du règne de Philippe Auguste à la fin du XIIe siècle, mais, un siècle plus tard, la soumission au royaume d’Angleterre). Rien à voir avec le blason des Valois et de François Ier (même s’ils ont en commun les fleurs de lys d’or sur fond azur), qu’il eut été sans doute plus opportun de faire pavoiser sous les cheminées de Chambord.
On ne peut pas tout demander aux "services communication" : faire de la " com’ ", ou faire de l’histoire…
" Et vive nostre bon roy François ! "
Le pays des mots
"Quelque part dans l'infini, il y a un grand, un très grand pays. C'est le pays des mots. De tous les mots. Les petits. Les gros. Les bizarres. Les rigolos. Les joyeux qui gigotent. Les tristes qui grelottent. Les maigres. Les dodus. Les droits. Les tordus. Les mots clefs. Les mots clous. Les mots clowns. Tous les mots. De tout l'univers.
Quelque part dans l'infini, il y a ce grand pays. Ce pays n'a qu'un seul habitant. Il s'appelle l'Arpenteur.
L'Arpenteur : le gardien des mots."
La suite, c'est David Sire qui la raconte là-dedans :
David Sire, Bidulosophe : www.davidsire.com
Voilà l'été !
Affaires à suivre...
Quatre mois que je suis parti...
"Quatre mois que je suis parti, cela pourrait être une semaine comme un an, il me semble que ce serait la même chose, le temps a changé de dimension. Dehors il crachine sur une mer très calme pour cette zone, avec un petit force 3 régulier qui tire Joshua à six nœuds. Il fait bon dans ma cabine, au chaud, pleine de fumée de ma cigarette.
La pluie crépite imperceptiblement sur le pont, avec une note plus claire sur la mince coupole du poste de pilotage, le roulis est à peine sensible, on se croirait presque au mouillage dans un atoll tant tout est calme autour. Tout ce que l’Océan Indien m’a donné, la fatigue du début, les coups de vent pas trop méchants, les calmes, les oiseaux qui cherchaient, les dauphins noir et blanc et les oiseaux encore et beaucoup de joies depuis que ma fatigue est dépassée. Ce soir je n’ai pas sommeil, je respire la paix qui m’entoure, l’eau descend par les voiles qui la relient au ciel, elle remplit les seaux, je peux l’entendre d’ici quand la bôme se relève un peu en libérant d’un coup toute l’eau prise dans le pli du premier ris que je n’ai pas largué. Le jerrican est presque plein, je vais le transvaser bientôt dans le tank. J’ai pourtant bien assez d’eau pour atteindre le pot-au-noir de l’Atlantique, mais je la verse dans le tank et ne m’arrêterai que lorsqu’il sera plein. (…)
J’écoute la mer, j’écoute le vent, j’écoute les voiles qui parlent avec la pluie et les étoiles dans les bruits de la mer et je n’ai pas sommeil. Je pense à Williams Willis, tout seul dans son radeau de balsa pendant des mois et des mois dans le Pacifique, avec la mer à lui tout seul au milieu de l’univers. Et parfois il entendait le « Chant », par toutes les fibres de son être. Je l’entends aussi depuis quelques temps. Et c’est peut-être ça, la longue route. Mais je ne pourrai pas le dire ni le laisser sentir au passage de Tasmanie, la terre est trop loin en regard des questions que me posent les étoiles. Je ne pourrai leur donner que mon premier journal de bord, avec des oiseaux, du vent, de la mer, des points journaliers et des petits problèmes de la vie quotidienne. Le vrai journal est écrit dans la mer et le ciel, on ne peut pas le photographier pour le donner aux autres. Il est né peu à peu de tout ce qui nous entoure depuis des mois, les bruits de l’eau sur la carène, les bruits du vent qui glisse sur les voiles, les silences pleins de choses secrètes entre mon bateau et moi, comme lorsque j’écoutais parler la forêt quand j’étais gosse."
Bernard Moitessier. La Longue route (Arthaud 1986).