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Le jour. D'après fred sabourin

Encore une minute, s’il-vous-plaît

29 Mars 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #édito

Les premières fois que j’ai assisté aux minutes de silence, c’était enfant, à la fin des années 70 début 80, en préambule à des matchs de football retransmis sur la télévision noir et blanc du salon familial. L’arbitre – à l’époque exclusivement habillé en noir – regardait sa montre et maintenait son bras plié durant toute la minute. À la fin, il donnait un coup de sifflet, et la minute était terminée. J’interrogeais mes parents en leur demandant ce que cela signifiait. Ils me disaiet : « c’est en hommage à telle personne décédée » ou encore « pour les victimes de l’accident x ou y ». Il régnait un silence de mort – c’est le cas de dire – dans les stades où se déroulaient ces minutes de silence.

Encore une minute, s’il-vous-plaît

Puis un jour glacial de début janvier 1997, dans la cour de la caserne Bosquet du 6e RPIMa de Mont-de-Marsan, passé en revu par le ministre de la Défense de l’époque Charles Million et le Chef d’état-major, un millier d’appelés du contingent – dont j’étais - accompagnés des officiers et sous-officiers du régiment, ont respecté une minute de silence, pleine et entière, à la mémoire d’un adjudant et d’un capitaine morts à Bangui en République Centrafricaine, abattus froidement dans une embuscade alors qu’ils étaient en opération. Leurs cercueils, drapés de tricolore, étaient devant nous, dans la cour d’une caserne battue par le vent d’hiver. Nous étions en place depuis des heures, le froid nous congelait sur pied, mais étonnamment cette minute-là nous parut d’une chaleur humaine inégalée. Nous faisions corps, et chacun se sentait concerné.  
 

Vous allez dire que ces anecdotes sont écrasantes de banalité. Elles ne le sont pas, pour une bonne raison : ces minutes de silence duraient vraiment une minute. Aujourd’hui, dans les préfectures ou les collectivités territoriales (mairies, conseils d’agglomération ou métropoles, conseils départementaux, régionaux etc.) pardon de le dire, mais les minutes de silence ne durent au mieux que 35 secondes, 40 à tout casser. Vous allez peut-être trouver que je chipote pour pas grand-chose. Certes. Alors dites-moi à combien vous évaluez les vies de ceux et celles dont on honore la mémoire dans ces moments-là ? Combien de minutes valent-elles ? Le prix de ces vies brisées pour de multiples raisons ne vaut-il pas au moins une minute de silence, dans laquelle chacun peut y mettre ce qu’il souhaite en fonction de ses convictions ? Sommes-nous si pressés de passer à autre chose et de reprendre le cours normal de nos activités, en consultant au passage les notifications de nos téléphones portables ?
 

Les beaux discours, les grandes théories, le verbe haut et les formules ciselées n’auront de sens que si ces minutes durent vraiment une minute. Un temps suffisamment long et en même temps pas trop court pour que chacun la mette en veilleuse. Respectueux. Silencieux. En hommage aux morts, et aux morts pour la France parfois, qui le valent bien, et qui nous regardent.
 

Fermez le ban. Aux morts !

F.S.

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D’arbre et d’eau

25 Mars 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #émerveillement

D’arbre et d’eau

Je l’ai découvert à l’automne, visité tout l’hiver. Je le contemple au printemps. J’ai hâte de le voir en été, dans son habit vert. Il a les pieds dans l’eau et moi droit dans mes bottes. Le voici au bord du fleuve, face à l’horizon regardant vers le sud, le dos tourné vers le nord. De la rive droite d’où je suis, son reflet dans l’eau lui donne l’air d’un géant. Mais il est nu, pour l’instant, entre ciel et eau, entre nuages lourds et onde profonde. Le fleuve a charrié ses eaux boueuses tout l’hiver, un hiver dégoulinant d’averses. Impassible, il a regardé la barque, sur l’autre rive, s’enfoncer progressivement dans l’eau. Seule une chaîne la retient encore, et il faudra un fort des halles pour la tirer de là. Cela l’indiffère, il trône sur sa berge, contemplant les nuits et les jours et le courant qui emporte le temps, tout le temps.
 

Je ne peins pas, aussi je le photographie. Je l’aime cet arbre, son reflet, même à l’envers il parle encore et me renverse. Assombri par le ciel menaçant, il me plaît encore davantage. Auprès de lui, je sens cette terre revivre enfin après ces longs mois humides, gris, tristes et froids mais vaincus, bientôt. Quand il vente, je pense à lui, au loin. « Tiendra-t-il ? » me dis-je, bien à l’abri entre mes quatre murs. En arrivant je l’aperçois de loin, arpentant l’autre rive. Entre nous, un monde nous sépare. Chacun sur sa rive, chacun sur son bord. Entre les deux, le fleuve, où il est impossible pour le moment de s’imaginer plonger. Le temps viendra pourtant où je nagerai vers lui, dans cette eau d’été devenue verte. Sous son ombrage, je regarderai d’où je viens. Je m’appuierai contre son tronc. Il ne suffira que d’une traversée. Un monde, tout un monde nous sépare et pourtant nous sommes si proches. Mon sombre héros. Mon arbre. Ma vie.

D’arbre et d’eau
D’arbre et d’eau
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Je me suis étendu sur mon lit en pensant qu’on peut très bien être heureux à Sakhaline

6 Mars 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #littérature

Je me suis étendu sur mon lit en pensant qu’on peut très bien être heureux à Sakhaline


Je suis sorti dans la rue pour trouver un restaurant. J’ai dégusté des mets à prix d’or, dans un palais en toc. Le propriétaire n’avait pas lésiné sur la dépense, ou peut-être, avait-il quelques sous à blanchir. Je me suis une nouvelle fois souvenu de cette phrase de Custine : « Ils prennent le faste pour l’élégance, le luxe pour la politesse… ».
 

Il n’y avait là que de sévères hommes d’affaires, et la jeunesse dorée de Sakhaline. En face de moi bavardaient quelques-unes de ces jeunes filles, qui d’habitude dans ces régions tombent enceinte à 18 ans, au mépris de l’évolution générale des mœurs. Elles vous regardent avec des yeux qui appellent au pillage et au bout de deux semaines vous introduisent dans des foyers trop bien rangés. Des dimanches ennuyeux, vous ne vous tirez alors qu’avec de médiocres excuses avant de demander au chauffeur de faire un long détour pour aller respirer la liberté des faubourgs mal soignés. En vérité, c’est beaucoup plus loin que j’ai fui ces histoires où l’on vous regarde avec espoir. Vous vous sentez opprimé par une douceur que vous voudriez écraser du poing, aspiré par un marais de gentillesse. Vous songez d’un coup à la solitude et au lointain. Tout sauf cette chaleur sèche des maisons bien chauffées. Dieu sait combien m’ont toujours plus séduit les appartements où l’on pose à peine l’œil sur vous, le père propose à boire comme si vous étiez son voisin et la mère vous restaure comme elle nourrirait l’oncle Vassia. Nulle sollicitude et une certaine virtuosité de la bonté. Comme est confortable cette relation, où l’indifférence vaut pour un signe d’humanité, où les égards sont une insulte à la fraternité.
 

Dans un coin de la salle trônait deux de ces imposants billards russes qui diffèrent de leurs homologues américains par les caractéristiques suivantes : un tapis plus vaste, des boules plus volumineuses et plus lourdes, des trous plus étroits et des angles fermés. Les joueurs envoyaient des boulets de canon d’une précision démoniaque pour le plaisir d’entendre le son sourd des billes heurtant les panières. Au bar, une femme entre deux âges envoyait des signaux de détresse à un marin qui passait au large dans un océan de bière. Et moi je fixais l’horizon enfumé en délaissant mon verre. Ce soir, j’étais à nouveau convoqué devant mon tribunal intime. Il m’arrive régulièrement de comparaître pour lâcheté devant la vie. J’en étais quitte pour deux jours de vertiges. Le voyageur est une catastrophe ambulante.
 

Je suis rentré dans la chambre avec ses gadgets japonais anachroniques se détachant du décor gorbatchévien. La fenêtre était ouverte et un souffle d’été jouait avec le voile faisant office de rideau. Je me suis étendu sur mon lit en pensant qu’on peut très bien être heureux à Sakhaline. Il y a dans ce Nord la rudesse – pas tant climatique que sociale – dont on nous a toujours privés. En Europe les malheurs sont valorisés selon un barème de l’affliction. On s’acquiert des mérites involontaires. La télévision Panasonic sur son meuble vernis montrait un de ces jeux de téléréalité décliné à la sauce russe. Au milieu du néant intellectuel de leurs conversations, disputes et amourettes, aucun des participants ne pleuraient. Si je me souviens bien, sur les chaînes françaises ils passent leur temps à larmoyer et à sangloter. Ici les hôtesses de l’air ne vous sourient pas comme à des demeurés au milieu des turbulences. Il n’y a que dans nos compagnies que tout l’équipage se présente par son petit nom comme si on partait en colonie de vacances. C’est sur ces grandes considérations que je me suis assoupi.
 

À l’aube, les rayons matinaux m’ont débusqué derrière le voile doublant les carreaux. J’ai filé vers Korsakov où le ferry pour Hokkaido vient chercher les passagers. Une foule de Russes attendaient le départ pour Wakkanaï, la plupart pour aller faire ensuite quelques emplettes à Sapporo. Le respect que leur impose l’archipel nippon tranche avec l’opinion qu’ils ont généralement des Chinois. A la suite du tsunami et de la catastrophe de Fukushima, plusieurs millions de roubles furent rassemblés en Extrême-Orient russe. Et dire que ces deux pays n’ont jamais signé de traité de paix à la suite de la Seconde Guerre mondiale en raison de leur dispute frontalière. Comment appelle-t-on les îles Kouriles au Japon ? Territoires du Nord.
 

Cédric Gras : Le Nord, c’est l’Est. Aux confins de la Fédération de Russie

(pp. 116-118 éd Libretto)

 

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Neige again

1 Mars 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #regarde-la ma ville

"Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver". (Pierre Desproges).

Neige again
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Blois. 1er mars 2018. (c) F.S.

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