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Le jour. D'après fred sabourin

montagne

Dans le silence des cathédrales

24 Août 2023 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales

Ceux qui me connaissent le savent bien, et le disent, parfois : si les Pyrénées étaient une religion, je serais dévot. Ou bigot, c’est selon. Je n’en éprouve, depuis le temps (plus d’un quart de siècle) aucune honte, cette lubie, monomanie pour certains, est totalement assumée. Inutile de me faire changer d’avis, jusqu’à ma mort, ça sera comme ça. Parmi les « églises » pyrénéennes où j’aime particulièrement me « recueillir », il y a le massif de Gavarnie - Mont-Perdu. Trois cirques se succèdent (quatre, si l’on veut ajouter le plus oriental bien qu’ouvert au sud, formé par la muraille de Barroude) : Gavarnie, Estaubé, Troumouse. Depuis longtemps je songeais à faire découvrir ce sanctuaire béni entre tous à ma fille, jeune padawan de bientôt 12 ans au pied de plus en plus sûr, et aux mollets endurcis par les années de marche. Ce qui fut dit fut fait, cet été 2023.

Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales

Il y eut deux moments particulièrement émouvant pour elle, je crois : la découverte du cirque de Gavarnie et sa grande cascade, le premier jour (balade facile, 300 mètres de dénivelés) : au fond du cirque, sous la fraîche cascade ou presque, au pied du mur, dans les cailloux : rien de tel pour poser le décor. Puis la soirée et nuit dans la petite cabane des Aires, à 2100 mètres, à l’entrée du cirque de Troumouse. Je l’ai déjà écrit ici maintes fois et photographié autant de fois aussi : j’aime Gavarnie, c’est certain, mais plutôt d’en haut. J’adore Troumouse encore davantage, et j’aime y être « dedans » (même si la grande carcasse de la Munia, à 3185 mètres, demeure ma course mixte de montagne préférée). Au soir de ce 9 août, à l’issue d’une chaude journée d’été que nous avions passé à l’ombre, et dans la fraîcheur du torrent près de la chapelle d’Héas avant de se coltiner un peu plus d’une heure du demi de suée pour arriver en soirée à la cabane, nous avons bénéficié d’un silence de cathédrale. Il faut l’entendre pour le croire : au cœur même du ventre de ces onze kilomètres de circonférence (plus étendu que Gavarnie…), c’est à peine si l’air était troublé par le murmure d’un petit torrent quelques mètres plus bas. À ce moment-là, cette soirée-là, trois sens demeuraient essentiel à la contemplation : la vue, l’ouïe, l’odorat. Tout le reste semblait devenu accessoire. La petite cabane qui allait nous servir d’abri – mais contre quoi, la nature semblait si paisible ce soir-là ? - était comme la cabine d’un petit bateau qui nous aurait accueillis au milieu de l’océan. Même l’Espagnole, seule, qui s’y trouvait avant nous, ne faisait pas de bruit (chose rare, c’est qu’elle n’avait personne avec qui parler !). Nous étions posés là, dans le creux de la main chaleureuse de Troumouse, à contempler les « sept rochers capitaux » d’une crête si tentante : Pas de Gerbats, Pic Heid, Pointe des Aires, Pic de Troumouse, Pic de Serre de Mourènes, Petite Munia, Grande Munia. Une fois la jeune padawan saucissonnée dans son sac de couchage, je restais encore un petit moment dehors, à observer gravement, comme les marins, le soir tombant doucement. Rien ne manquait au décor, et surtout pas le silence de cette cathédrale de roches calcaires façonnée par le temps, l’érosion, la glace désormais totalement disparue. Je fis mon signe de croix à la fin de ces vêpres pyrénéennes et j’allais me coucher, les yeux imprimés de ce panorama sans cesse renouvelé.

Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales
Dans le silence des cathédrales

Il y eut un troisième moment de « dévotion », si j’ose dire, lors de la montée à la Hourquette d’Alans (2430 m), la veille du départ. Profitant de la fraîcheur du petit matin, au sortir du bois des Espuguettes, ce col – Hourquette dans les Pyrénées indique une forme de fourche – permet de relier Gavarnie au cirque d’Estaubé, le moins connu des trois et pour autant pas le moins beau. Il débouche sur la célèbre brèche de Tuquerouye, à 2666m, où est posté, depuis 1896, le plus vieux refuge non-gardé des Pyrénées. Il y a bientôt trente ans, c’est ici que mon aventure pyrénéenne a commencé, et à l’époque, ça s’était plutôt mal passé : météo pourrie, compagnons de cordée pas du tout à la hauteur, inexpérience totale, matériel et vêtements totalement inadaptés aux conditions météo que nous avions rencontré. Les Pieds nickelés en randonnée… De l’eau a coulé depuis sous les passerelles de la grande cascade, je suis repassé souvent par ou près de cette Hourquette, j’avais à cœur de montrer à ma fille l’amphithéâtre du cirque sous un autre angle, qui se dévoile progressivement au fur et à mesure de l’ascension, et ne nous lâche plus jusqu’en haut, sous les contreforts du Pic Rouge de Pailla, et le regard bienveillant des Pics Astazou barrés en diagonal par le fameux couloir Swann. C’est ici que, dans les Choses vues, Victor Hugo a écrit un passage célèbre, à l’occasion de sa visite à Gavarnie, en 1843, quelques semaines avant la mort de sa chère fille Léopoldine : « C’est une montagne et une muraille tout à la fois. C’est l’édifice le plus mystérieux des architectes. C’est le Colosseum de la nature ; c’est Gavarnie ». Le Colisée de la nature… Certains trouveront ça emphatique et par trop exagéré,  moi je trouve ça très juste. Il faut le voir pour le croire. Et pour le voir, il faut le ressentir avec les pieds. Pour cela, on a mille mètres depuis le début du Gave de Pau (sa source est la grande cascade) pour en profiter pleinement. Arrivés en haut, les orgues se turent : pas un souffle de vent, pas le moindre bruit, si ce n’est quelques bribes de voix humaines – lesquels humains eurent le bon goût de quasiment chuchoter – et le grincement de la mastication de nos sandwichs au jambon sec. Face à nous : 35 millions d’années de construction et déconstruction. Sur le candélabre face à ce tabernacle géologique, nous déposâmes notre cierge, avant d’entamer la dernière descente, à grands regrets, pour ma part, enivrés des cimes. La vue est à couper le souffle, je ne connais pas meilleur panorama que la vision de cette muraille, ce fond de cirque, cette brèche dont on jurerait la bouche souriante d’un géant qui aurait perdu une dent.

Il fallut la grande fraîcheur d’une petite piscine d’eau dégringolant du rocher, à quelques mètres de la fin de cette promenade de santé, pour me remettre les idées en place. Lesquelles n’ont qu’une obsession : revenir ici, au plus vite, et si possible plus longtemps.

F.S. août 2023

Photos (c) fredsabourin.com / Dommage qu'il n'y ait pas eu de temps en temps quelques nuages pour les contrastes...

Dans le silence des cathédrales
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Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)

5 Juillet 2023 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

C’était un jour gris sans véritable personnalité. Le temps semblait hésiter, entre montée de brumes épaisses, annonciatrices d’humidité, et quelques trouées laissant passer de rares rayons de soleil. La lumière, par instants fugaces, était quand même assez belle et faisant ressortir le vert d’une nature visiblement très arrosée depuis plusieurs semaines. Une nature abondante, généreuse de verdure et de couleurs éclatantes. Les fleurs de montagne – quelques orchis encore, des chardons pointant leurs épines vers le ciel cotonneux, pas mal d’autres variétés dont malheureusement j’ignore le nom – brillaient de mille couleurs. Dominantes de jaune, rose cyclamen, bleu… La terre sentait cette odeur si caractéristique de pierres humides et de fougères entêtantes. Tous les sens étaient en éveil, même le goût, en étanchant ma soif à la fraîche fontaine de Bart : la saveur incomparable d’une source… La sueur me perlait en grosses gouttes dans le dos, sur le torse, et je sentais la ceinture de mon short bientôt saturée d’humidité. Parti de 400 et quelques mètres, l’objectif premier était à 1347 mètres, au col de la Courade. Rien de bien méchant, mais il fallait quand même s’envoyer 900 mètres, en peu de distance. Ce fut fait en deux heures, pile ; la cloche de Gère sonnait 10 heures quand je doublais la petite église ; je posais sac à terre, plus exactement sur la margelle d’un abreuvoir à vaches à midi pile. Mis à part une carcasse de vache croisée aux trois-quarts de l’ascension, je n’avais vu personne. Personne de vivant, devrais-je dire.

Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)

Au départ du chemin, la rumeur de la route départementale reliant Pau vers le nord, Laruns et l’Espagne vers le sud, me gênait : je ne parvenais pas à m’en débarrasser, je savais que le bruit disparaîtrait mais quand ? Il cessa net, je ne m’en aperçut finalement pas tout de suite. C’était pourtant comme si on avait brutalement coupé le son d’une télévision. Je me trouvais donc seul au col de la Courade, quelques vaches au Pla dou Soum faisaient tintinnabuler leurs grosses cloches. Je les distinguais à peine dans le brouillard désormais bien accroché. De temps à autre, quelques micro-gouttelettes semblaient en annoncer d’autres, plus fortes, mais nous restions dans le style crachin. Je pris la décision de monter un peu plus haut, vers les Rochers des Cinq Monts. Le sentier s’éleva franchement – 300 mètres de dénivelé en peu de temps – je suais abondamment et sentais bien la pente sous mes godasses. Au sortir d’un bois situé sous la crête de Bouhaben, le chemin se fit très boueux, labouré par les sabots des vaches qui avaient dû passer là peu de temps auparavant. Je commençais à entendre le son de leurs cloches. Une biche – ou un chevreuil – jappa de son rauque et guttural aboiement, mais vraiment assez loin, il ne pouvait m’avoir repéré bien que je puisse parler par moment à voix haute. La boue collait à mes grolles, c’était pénible et je devais louvoyer d’un bord à l’autre de ce cloaque pour ne pas m’enfoncer. J’avançais lentement, et n’y voyais pas à plus d'une trentaine de mètres. La faim commençait à me tenailler, et comme j’avais bêtement oublié mon couteau, je dus chercher une pierre très plate, style copeau d’ardoise, pour faire office de. J’y parvins et je passais le reste du chemin qui me séparait de la cabane de Gerbe d’en haut à la nettoyer consciencieusement avec mes doigts mouillés par les herbes humides, sur lesquelles je prélevais quelques gouttes d’eau au passage.

Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)

Je trouvais la cabane dans un léger contrebas, guidé par les vaches que j’imaginais bien groupées près d'elle. Elles y étaient, et paissaient, paisibles. Elles semblaient surprises devoir arriver l’humain, je restais cependant à distance, ayant repéré la présence au milieu d’elles d’un petit veau. Je les guettais du coin de l’œil en tartinant mon pâté avec mon couteau de fortune, mais bien vite je dus rentrer à l’abri dans la minuscule cabane. Celle-ci ne contenait qu’une table style bistrot, et une chaise. Ne voyant personne d’autre par ici, cela convenait parfaitement. Je pris, en mastiquant mes tartines, la décision de m’en tenir là, vu le temps et l’absence de visibilité. Sur la carte, je voyais une autre cabane – la Gerbe d’en bas – où je pensais me rendre directement sa avoir à refaire à l’envers le chemin qui m’avait mené jusqu’ici : la longue piste serpentant entre les granges. Je repartais donc, sans savoir si, comme je le lisais sur la carte, je pourrais descendre droit dans la pente herbeuse en direction de cette cabane. Mes pas faisaient un bruit de succion, la boue me collait aux semelles. J’étais en train de remonter une sente au sortir d’un bois que j’avais pris tout à l’heure, labouré par les vaches. Régulièrement, je jetais un œil à droite vers la pente herbeuse, ne parvenant pas à me décider de m'y engager. Les herbes, désormais bien mouillées, devaient glisser sévèrement. J’entendais d’autres vaches en bas, probablement elles aussi près de la cabane que je visais. Elles ne me semblaient pas si éloignées, mais comme je n’y voyais rien, la prise de décision s’en trouvait aussi réduite que ma visibilité. Je tergiversais : allais-je plonger dans l’herbe humide, coupant droit, en espérant que.... ?

Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)

C’est alors qu’il surgit, flanqué de deux chiens sur ses talons, un parapluie en bandoulière, une veste posée sur l’épaule, chaussé de bottes en caoutchouc, un bâton à la main. Il arrivait de son côté où la pente s’élevait aussi, le chemin formant à cet endroit une sorte de petit dôme, si bien que ni l’un ni l’autre ne pouvions voir arriver quiconque, sauf au dernier moment. Un surgissement, une apparition tout droit sorti du brouillard. Il ne parut pas plus surpris que cela ; moi oui ! J’étais d’ailleurs en train de marmonner mes pensées et tergiversations, comme un moine dans son cloître, lisant l’office. L’homme, coiffé d’une casquette, propriétaire des vaches plus bas – j’allais bientôt le savoir – répondit à mon « bonjour » par un : « alors, on se promène ? ». Je répondis oui, et j’en profitais pour lui demander où était précisément la cabane de Gerbe d’en bas. « Elle est par là », me dit-il, me montrant la pente que je lorgnais depuis tout à l’heure. Je lui fis part de mon hésitation à descendre direct, et il me dit : « j’y vais, vous voulez me suivre ? Ce sont mes vaches en bas ». Comment refuser une telle invitation, providentielle, qui me permettrait d’économiser environ une heure de marche ? J’embrayais derrière lui, tâchant de ne pas trop me laisser distancer, redescendant ce que je venais de monter dans la boue. Tout à coup, il prit à gauche direct dans la pente, et c’était parti. Les herbes glissaient, en effet, ses chiens se retournaient régulièrement en me guettant, intrigués par ma présence, se demandant sans doute quand j’allais me casser la gueule. Il fallait que je cavale bon train, l’homme, bien qu’en bottes, descendait à bonne allure et son pied était davantage montagnard que le mien, qui n’avait pas foulé les pentes pyrénéennes depuis fin mars. À l’entrée d’un passage boisé, une vache noire aux vastes cornes meuglait, solitaire. Le vacher s’arrêta auprès d’elle, on aurait dit qu’il lui parlait (sans doute lui parlait-il, mais je n’entendais pas à la distance où je me trouvais encore) me permettant de le rattraper, ayant perdu un peu de temps dans cette descente acrobatique. Était-elle à lui ? Il ne prit pas la peine de la ramener vers le bas en tout cas, et jetant un œil vers moi, voyant que j’arrivais (enfin !), il reparti aussitôt s’enfonçant dans le bois sombre, et très pentu. Un mince sentier descendait direct, ça frottait de part et d’autre tant il était étroit : je ne l’aurais probablement jamais trouvé tout seul. Je le perdis de vue, mais j’entendais de plus en plus les vaches en contrebas, signe que nous approchions. Au sortir du bois, il m’indiqua le croisement avec le sentier qui débouchait de la cabane de Gerbe d’en haut, que j’aurais pu prendre si j’avais su qu’il existait… Enfin, quelques courtes minutes plus tard, nous arrivions près de la cabane. Combien de temps avait duré cette descente infernale ? Dix minutes, tout au plus ? Peut-être quinze ? Le vacher me dit alors : « voilà, vous y êtes, c’est 200 euros ! » me lança-t-il en rigolant. « Je vous ai fait gagner une heure de marche en évitant le détour ». Et il me parla des gens qu’il croisait à Bious Artigues, pendant la pleine saison estivale, « des gens perdus qui ne savent plus trouver leur chemin ». Je m’étonnais de ce fait, Bious Artigues est un lieu facile, je ne vois pas bien comment on peut s’y égarer, même dans le brouillard ! « Ah si, pourtant, vous n’imaginez pas », ajouta-t-il. « Des Espagnols notamment… ». Je songeais en moi-même aux vers d’Hugo, « c’était un Espagnol de l’armée en déroute, qui se traînait sanglant sur le bord de la route… », et cela ne m’étonnait pas.

Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)
Surgissant du brouillard (une rencontre en altitude)

Je demeurais encore quelques minutes, à observer la cabane, à inspecter l’intérieur, et à regarder les vaches se rassembler auprès du vacher et de ses chiens, leur intimant l’ordre, en leur parlant par onomatopées, de remonter le chemin que nous venions de dévaler. Les chiens revinrent une dernière fois vers moi bille en tête, comme s’ils voulaient me dire quelque chose – mais quoi ?  - et repartirent au cul des vaches. Je les regardais s’éloigner, puis ne les voyais plus mais les entendais encore un bon moment, jusqu’à ce que je décide de repartir, seul, sur le sentier qui continuait de descendre vers Gère, et la vallée. « C’est par là, vous ne pouvez pas vous tromper », m’avait dit le vacher en guise d’adieu. Agitant mon béret, je l’avais chaleureusement remercié, et salué d’un « adichas ! » tel qu’on peut se le dire par ici, même si moi, je ne suis pas vraiment d’ici. Le vacher me salua de la main, tout en continuant à cavaler vers ses vaches, ses chiens à ses trousses. Ce concentré d’évènements éclaira ma journée plus sûrement que le soleil, que je n’avais point vu…

F.S. juillet 2023

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Chambre froide (chapitre 2)

29 Novembre 2022 , Rédigé par F.S Publié dans #littérature, #montagne

Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)

"L'élégance est de mourir. Je prends appui sur l'autorité de la neige : une reine descendue du ciel avec de longs gants blancs et voici que ses doigts s'écartent, que le cadeau de la plus belle pensée nous est donné. Quelques jours, puis elle meurt. Son apparition était dès l'origine son effacement. Construire une abbatiale qui traverse les siècles peut sembler orgueilleux en regard de ce vœu éphémère de la neige. Mais c'est la même magie : les pierres de l'abbatiale ont commencé à fondre dès que je leur ai tourné le dos".

Christian Bobin (24 avril 1951 - 23novembre 2022). La Nuit du cœur, Gallimard, 2018).

Photos : F.S., novembre 2022. Ariège, Siguer. Cabanes de Brouquenat-d'en-Haut et Peyregrand.

Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)
Chambre froide (chapitre 2)

"La noblesse de la neige : arriver silencieusement, partir très vite" (Sylvain Tesson, Une très légère oscillation, journal 2014-2017).

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Reflets

22 Octobre 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

Reflets
Reflets
Reflets
Reflets

(À Hélène)

C'est l'histoire d'un reflet. Un simple reflet d'un géant de pierre, de "Jean-Pierre", une des explications à l'appellation familière du Pic du Midi d'Ossau, dans la vallée du même nom, sommet emblématique du Béarn pyrénéen.

Cet endroit me fascine depuis plus de 23 ans. Depuis la première ascension du "géant de pierre" en août 1997, au sortir d'un service militaire qui nous avait affûtés, mon camarade et moi, conséquence nous y étions montés quatre à quatre. Un bouteille de jurançon avait fait le reste pour stimuler la descente...

Chaque année pendant presque vingt ans, je suis retourné caresser ses flancs de ma sueur, de mes mains et de mes godillots, jusqu'à quinze ascensions. Ce sommet se prend par la face nord - nord-est, ce qui est rare. On arrivait par le côté est, du col et refuge de Pombie, dominant le cirque d'Anéou ("les neiges", en Béarnais). Je préfère le dire à ceux et celles qui trouvent ce comportement étrange : cette lubie ne cessera que lorsque mes genoux ne pourront plus me porter (et encore ! je me demande si je ne trouverais pas un moyen de...). Et puis, un jour, je suis allé voir de l'autre côté, "en face", côté ouest, près du col d'Ayous, qui marque la limite entre Ossau et Aspe, "ceux d’à côté". Négligé jusqu'alors car le considérant trop "touristique", je suis monté aux fameux trois lacs d'Ayous (Roumassot, Miey, Gentau) auquel s'ajoute un quatrième, au dessus du refuge plein sud en direction du Pic Castéreau : le lac Berseau. De ces quatre lacs, un seul attire le marcheur munit d'une paire d'yeux, jusqu'à la fascination : le lac Gentau, sous le refuge d'Ayous, à 1947m. On s'y presse nombreux dès que la saison le permet. Curiosité de la nature, lorsque le vent cesse et que la lumière du jour passe au sud, puis à l'ouest, le Pic s'y reflète comme votre visage dans le miroir d'une salle de bain. Encore mieux : certains soirs, quand le ciel flamboie, que le rouge et le noir s'apprêtent à "s'épouser" (merci Grand Jacques !) que l'atmosphère cesse de respirer, le miroitement est parfait. Plus rien ne bouge, pas un souffle d'air ne trouble la surface de ses eaux tranquilles ; la montagne prie : il n'y a plus qu'à communier. 

Reflets
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C'est l'heure des braves, des chanceux, des amoureux des Pyrénées et de la vallée d'Ossau, l'heure de grâce où Marie même saluerait la Vierge - ou l'inverse, c'est selon - l'heure où les yeux crèvent d'une beauté mirifique, absolue. L'heure où l'on retarde celle du coucher, si jamais le spectacle voulait bien recommencer là, sur le champ. 

Reflets
Reflets

C'est l'heure où la montagne se fait lascive, après avoir chauffé au soleil d'été, ou frissonné aux frimas de l'hiver ; l'heure où Pyrène se couche près de son Hercule, comme dans la légende, pour s'aimer toute la nuit et donner son nom à cette chaîne de montagnes calcaire, la plus haute d'Europe. C'est l'heure où l'on regrette de n'être point immortel, pour rester là, calme et fou, pour admirer, chaque jour qui passe et chaque fois que le vent se calme, le prodigieux spectacle de ce reflet d'éternité.

Photos (c) Fred Sabourin.

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Au delà des lignes

7 Juillet 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

C'était un peu comme de retrouver un être cher après une (trop) longue absence : espérées, attendues, désirées, ces retrouvailles avec les Pyrénées étaient aussi un peu craintes. Sept mois depuis la dernière sortie, au même endroit – une coïncidence - après la nuit dans un frigo nommé cabane de Quioulès en novembre dernier (4° au réveil à 7h)… Cette Ariège méconnue - la montagne dite d'Aston, du nom d’un village légèrement situé aux marges de la RN20 qui file plein sud direction l’Andorre en traversant des contrées exotiques (1) - était le parfait théâtre d’une opération dégourdissement des jambes, le temps d'une escapade à quatre hardis et fières pyrénéistes. Aston, c’est aussi le nom du torrent qui dévale de cette montagne émergeant tel un mur et qui paraît, comme souvent dans les Pyrénées, infranchissable.

Au delà des lignes
Au delà des lignes
Au delà des lignes
Au delà des lignes
Au delà des lignes

Il faut aller au bout du bout de la route, qui serpente le long du torrent d’Aston donc, dévalant d’une retenue d’eau (barrage de Riète) près de laquelle se trouve la centrale de Laparan, qui récolte les eaux de l’étang du même nom, plus haut vers le sud-est. Il faut monter dru dans un sous-bois de hêtres, de chênes - plus rares - et de quelques résineux. Au sortir de cet étage montagnard, une passerelle enjambe le torrent, on passe sous une conduite forcée puis on remonte vers l’ouest près du torrent de la Sabine : on entre alors dans l’étage subalpin. La cabane de Quioulès est toujours là, elle semble moins frigorifique qu’en novembre dernier ; mais ça n’est pas encore là le terminus. Tout juste le temps d’une légère collation, c’est vers la cabane de la Sabine que nous pas nous dirigent, dans un paysage odorant de pins, genévriers, rhododendrons, et toute une magie de fleurs de saison (lys, orchidées etc.) qu’il fut plaisant de contempler.

Cette cabane est toute petite, divisée en deux parties, et dont le toit, végétalisé, la fait se fondre littéralement dans le paysage. La partie la plus « grande » est composée de deux bat-flancs sommaires où l’on peut coucher sur chacun à deux, peut-être trois en se serrant bien et si les gabarits le permettent. Une cheminée et quelques « placards » suspendus, deux bancs fixés dans les murs complètent son sobre confort. C’est bien assez pour le repos des pyrénéistes... Malheureusement – si l’on peut dire – trois gaillards équipés de cannes à pêche sont arrivés avant nous, et il nous faudra compter sur l’étroite annexe, plus basse et nettement plus sommaire. Nos hôtes – ils sont Ariégeois et du coin – nous montrerons que la solidarité montagnarde n’est pas encore tout à fait un vain mot : ils se serreront pour laisser l’un des membres de notre équipage dormir dans la grande partie avec eux, nous permettant de passer une nuit pas trop dégueulasse.

Au delà des lignes
Au delà des lignes
Au delà des lignes
Au delà des lignes
Au delà des lignes

Il faut s’élever encore davantage de la Sabine (1981 mètres) dans une forte pente herbeuse et caillouteuse par moment pour atteindre une sorte de col sans nom, et finir tranquillement jusqu’au sommet du Pic de la Sabine, seulement 2561 mètres mais dominant son entourage tout en défiant le Pic de Thoumasset (2700 mètres), seul « seigneur » du lieu. Du sommet, le panorama, sans être le plus époustouflant des Pyrénées, n’en demeure pas moins surprenant : comme souvent en Ariège, les charmes de cette montagne âpre, rude, très pentue et souvent couverte d’épines, ne se laissent admirer qu’aux prix de longs efforts, de passages dans des paysages où l’on ne serait pas surpris de voir surgir l’ours, entre autres…

Après une nuit réparatrice à la cabane de la Sabine, où il ne fait même pas froid, quasiment sans humidité du matin, nos pas nous dirigent entre rhododendrons et ruisseau frais, sur un replat spongieux où paresse le ruisseau de Soulanet (qui descend de l’étang du même nom), pour attraper une sorte de petit col rond comme la commissure de l’épaule et du cou. Là, c’est un autre ruisseau – la Coume de Seignac – qui indique le sens de la descente, parfois parmi une végétation luxuriante où nous croisons encore fleurs de lys, orchidées et les gentianes des Pyrénées, pas encore en fleur mais ce sera pour bientôt. Les rhodos nous griffent les jambes, comme si ils voulaient nous rappeler que la montagne, ça fouette le sang. À l’orée de la cabane de Bela (environ 1800 m) nous apercevons celle de Quioulès, en contrebas déjà. Dans deux heures et demie nous serons près de la centrale de Laparan et déjà s’achèvera cette virée virile au creux d’une montagne sensuelle, mais pas sans suite.

 

(1) Tarascon-sur-Ariège, Ussat-les-Bains, Les Cabannes, Albiès, Luzenac, Ax-les-Thermes, Mérens-les-Vals, l'Hospitalet-près-l'Andorre...

Photos (c) F.S. Nikon D300. Focale 10-24 mm.

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Chambre froide

25 Novembre 2019 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

Chambre froide

C'est un coin de l'Ariège - vers Aston, départ de la marche à la centrale électrique de Laparan, barrage de Riète - tel que dans nos souvenirs... Très humide, froid, au sol détrempé comme une éponge et au réveil-matin à l'image des journées : rustique et froid. 4° à l'intérieur de la cabane de Quioulès à 7h30 du matin : dormir dans une chambre froide ça raffermit les chairs... Mais pour qui aime l'aventure et la sobriété, c'est l'endroit idéal. Nous n'avions pas convoqué Sylvain Tesson et sa Panthère des neiges, mais la nature sauvage à l'état brut était tout de même omniprésente... Mis à part un skieur égaré, personne ; pas l'ombre d'un animal identifiable à part quelques choucas. Mais les animaux en question ne nous ont-ils pas vu, eux ? Les prévisions météorologiques avaient annoncé un temps épouvantable, raison de plus pour aller vérifier.

- Quioulès -

- Quioulès -

Chambre froide
Chambre froide
Chambre froide
- Bela -

- Bela -

Chambre froide
- l'angélus -

- l'angélus -

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Automne en Ossau

22 Octobre 2019 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

- Pic de la Ténèbre -

- Pic de la Ténèbre -

Automne, saison dorée en vallée d'Ossau autour de Laruns ("Laruntz", en Béarnais). Remontée de l'Arriutort (le "ruisseau tordu") jusqu'à la cabane du même nom (1000 mètres en 2 heures). Puis débouché au col de Taillandière sous le Montagnon d'Iseye et son lac en forme de heart. La pluie et le vent ne douche pas complètement nos ardeurs et nous descendons - sous le soleil retrouvé accompagné d'un bel arc-en-ciel - jusqu'à la cabane de Laiterine (1680m) qui nous accueillera pour la nuit, ventée et pluvieuse par intermittence.

Le lendemain matin c'est à la verticale de la cabane de la Cujalat (300 mètres en contrebas) que nous grimpons en sous-bois puis sur une pente herbeuse qui fait bien transpirer, poussés par un méchant petit vent de sud - sud-est agrémenté de quelques pluies. Le débouché sur le Cirque de Besse se nomme le Pène d'Hourque, et la vue est bien belle. Abrité du vent et de la pluie par ce flanc de montagne ossaloise, la descente s'effectue dans le cirque vers le col d'Abet puis celui de Lusque, serpentant en sous-bois jusqu'au Plateau de Lusque avant d'entamer la dernière descente vers Goust, ensoleillé quand nous y arrivâmes. L'ancienne route balisée rouge et jaune (grand tour de l'Ossau) conduit ensuite aux Eaux-Chaudes où nous mettons sac à terre, trempant nos lèvres dans un café chaud bienvenu.

Un crapahute à l'ancienne, à pieds quasiment de bout en bout, virée virile de franche camaraderie, de pâté à l'ail de chez Coudouy et de fromage de brebis Pujalet...

- (c) Marc L. -

- (c) Marc L. -

- Arriutort -

- Arriutort -

Automne en Ossau
Automne en Ossau
Automne en Ossau
Automne en Ossau
- Laiterine, chambre avec vue -

- Laiterine, chambre avec vue -

- Cirque de Besse -

- Cirque de Besse -

Automne en Ossau
- Les Eaux-Chaudes -

- Les Eaux-Chaudes -

- Les Eaux-Chaudes -

- Les Eaux-Chaudes -

- Lou Nouste Henric -

- Lou Nouste Henric -

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6 ans 8 jours et 45 minutes

20 Août 2019 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne

6 ans 8 jours et 45 minutes

Très exactement 6 ans, 8 jours et 45 mn séparent ces deux photos prises au sommet du Pic d'Ariel (2824m) en vallée d'Ossau, avec le même appareil, le même objectif (un grand angle 10-24mm) et quasiment le même cadrage. On y reconnait le Palas (à g. 2990m) et le Balaïtous (à d. 3144 m). 2013, c'est la dernière année où les cumuls de neige ont atteint des records permettant la subsistance de celle-ci jusqu'en plein cœur de l'été (il "restait" encore 7 m au col du Tourmalet le 21 juin quelques semaines avant le passage du Tour de France…). Je le redis cette année, la sécheresse est visible et très intense dans les Pyrénées (malgré les fortes pluies de ce jour notamment dans les Hautes-Pyrénées et en Ariège), y compris dans cette partie-là d'ordinaire très arrosée l'hiver et au printemps.

6 ans 8 jours et 45 minutes
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Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

18 Juillet 2019 , Rédigé par F.S Publié dans #Lettres à ..., #montagne, #émerveillement

- Encore un matin -

- Encore un matin -

Il y a des matins. Des matins difficiles, des matins chagrins, des matins du bon pied, des matins du mauvais pied. Des matins à pied d’œuvre, des matins sans espoir, des matins à se recoucher. Il y a des bons matins. Il y a des « encore un matin, un matin pour rien, une argile au creux de nos mains ». Il y a des matins de fin de mauvaises nuits, des matins d’insomnies, des matins de génie. Il y a des matins où l’on ne voit rien et des matins où l’on voit bien, des matins sans problèmes. Des matins d’avenir. Des matins d’amour. Des matins de « thé ou café ? ». Il y a des petits matins redoutés, des matins espérés, des matins de condamnés, des matins de damnés, des matins d’assoiffés. Des matins en marche...

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

J’aime les matins. Je les préfère aux soirs, malgré les prodigieux spectacles de couchers de soleil flamboyants, romantiques, poétiques, abracadabrantesques. J’aime les matins et leurs nuances de jour, promesses de l’aube pour un monde nouveau. Une renaissance solaire quotidienne. J’ai déjà eu l’occasion de décrire le prodigieux spectacle de petits matins en montagne où l’on ne sait si le jour va naître ou si la nuit va recommencer. J’aime les matins en montagne parce qu’ils sont infiniment plus beaux que les soirs. Ils « sentent » quelque chose, une odeur de roche encore ensommeillée, humide et fraîche, la sueur nocturne des Pyrénées. Les matins offrent, à qui peut les voir, une énergie vitale que la montagne veut bien, en de rares instants, partager avec l’Homme.

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

Depuis déjà deux ans, je t’emmène voir ces paysages aimés, près d’un lac dans la vallée d’Ossau, le lac Gentau, sous le refuge d’Ayous. Pour la troisième fois en juillet nous nous y sommes retrouvés, dans ce décor de carte postale où le Pic du Midi d’Ossau, s’il le veut bien, se reflète le soir dans le lac, offrant un spectacle touchant que beaucoup viennent voir exprès. On jurerait parfois une photo retouchée, mais non : si aucun souffle d’air ne ride le lac, si le ciel est parfaitement dégagé, si la mer de nuage s’arrête à ses pieds, alors le spectacle est grandiose. Même les bavards (et bavardes) finissent par se taire, et admirent. C’est un moment de grâce qui se répète plusieurs fois dans l’année, mais pour le voir encore faut-il habiter à côté…

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

Ces deux dernières années, tu étais couché au moment où le soleil faisait de même, embrasant le pic dans le grand incendie du soir. Cette année, ton âge augmentant, je m’étais promis de t’offrir ce moment de grâce à nul autre pareil. Pas de chance : le premier soir un brouillard épais a tout enveloppé. On ne voyait plus ni le lac, ni notre tente, à peine le bout de nos pieds. Le plaisir de la montagne, c'est aussi quand on ne voit rien...
Au réveil, le soleil a frappé à pleins rayons sur la porte de la tente – j’avais déjà constaté en pleine nuit que le ciel s’était dégagé – augurant une superbe journée. Elle le fut. Elle le fut parce qu’elle avait commencé par ce matin-là, et ta joie de petite fille à voir se miroiter le pic dans le lac, prenant son bain du matin. Il faisait doux, à peine frais, la nuit avait été exceptionnellement douce aussi, tout juste un peu de fraîcheur à l’aube, obligeant à remonter un peu le duvet. Je me suis assis à l’entrée de la tente, et je t’ai regardé avancer vers le lac, contempler le reflet et ce soleil déjà haut qui nous chauffait la face ne nous lâchant pas de tout le jour.

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

Alors j’ai songé que tous les matins du monde ne vaudraient jamais celui-ci, cette plénitude quasi absolue de bonheur et de félicité parfaite. L’impression d’être là à la bonne place, au milieu de ces montagnes aimées et connues, que toi aussi tu connais et reconnais désormais, puisque tu y dors... Tous les matins du monde, et tous les soirs aussi, puisque le deuxième fut le bon et il nous permis d’admirer le reflet de « Jean-Pierre » - ce « géant de pierre » - enflammé des derniers rayons du soleil, montagne de verre, montagne de feu, de pics et de pointes, dans l’eau sombre et calme, presque déjà endormie du lac Gentau.

Tous les matins du monde. Et tous les soirs aussi.

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)
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Démission de Nicolas Hulot : et pendant ce temps-là...

29 Août 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne, #édito

Le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a démissionné mardi 28 août, au cours d'une émission matinale sur France Inter, sans préméditation semble-t-il (sauf pour lui et encore !). Dénonçant la forte présence des lobbys au plus haut niveau de l'État, Nicolas Hulot estime même de ce fait la démocratie en danger. Illustration des inepties écologiques avec l'agrandissement du refuge des Sarradets, sous la Brèche de Roland, à Gavarnie dans les Hautes-Pyrénées.

- le refuge des Sarradets, en août 2018 -

- le refuge des Sarradets, en août 2018 -

Les randonneurs et férus des Pyrénées ne peuvent pas le manquer : au nord ouest sous la brèche de Roland, à 2587 mètres d'altitude, le refuge des Sarradets, en travaux depuis 2016, fait peau neuve. Inauguré en 1956 par Maurice Herzog, d'une capacité de 57 places, ce refuge emblématique se voit doté d'une extension qui portera sa capacité à 70 couchages. L'ancien refuge, en pierres et en béton, ne sera pas détruit. Il est actuellement rénové. Les travaux ont pris du retard : il était prévu de le rouvrir pour l'été 2018, il le sera plus probablement pour celui de 2019. De grandes terrasses y sont aménagées, le point de vue sera aussi exceptionnel que le panorama qu'on peut y admirer. Cependant, on s'interroge sur l'opportunité, il y a 70 ans, d'avoir choisi d'implanter à cet endroit-là ce refuge, défigurant à jamais l'un des sites pyrénéens les plus exceptionnels. Un randonneur qui se rendait au Taillon (3144 m) le 1er août, que je crois avoir reconnu comme étant très probablement de Patrice de Bellefon, auteur pyrénéiste fameux, disait à ses deux compagnons de cordée du jour : "c'est quand même étonnant d'avoir choisi, à l'époque, d'implanter là ce refuge... Il aurait été plus logique de le placer en amont du col de Sarradets, près de la cascade". Et il s'étonnait aussi des travaux pharaoniques d'agrandissement de ce refuge, par "le très écologique CAF" (Club alpin français, Ndlr). Le coût global des travaux avoisine les 3,1 millions d’euros financés par le FEDER (fonds européens), le FNADT (aménagement et développement du territoire), la Région Occitanie, le Département des Hautes-Pyrénées, l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), l’Agence de l’Eau, le Parc National des Pyrénées et la FFCAM (Fédération française des clubs alpins et de montagne).

- Le cirque de Gavarnie et le refuge des Sarradets en août 2016 - (photo M. Lucas)

- Le cirque de Gavarnie et le refuge des Sarradets en août 2016 - (photo M. Lucas)

Bien entendu, la construction de l'extension du refuge de Sarradets respecte scrupuleusement un cahier des charges draconiens en matière de "protection de l'environnement", dans l’utilisation des matériaux, de recyclage, de basse consommation etc., tout l'arsenal habituel désormais connu. Y travaillent des entreprises locales, ce sont des "emplois non délocalisables" comme le dit la formule consacrée, réjouissons-nous.

Cependant on s'interroge sur l'opportunité, dans le contexte que nous connaissons actuellement (réchauffement climatique, surfréquentation touristique des grands sites protégés, fonte du permafrost entrainant des éboulements dans les Alpes, fonte des glaciers dans les Pyrénées et pas plus loin que celui d'Ossoue, au Vignemale voisin, etc.), d'une telle construction. Il en a été de même il y a quelques années chez nos voisins espagnols, au refuge de Goritz sous le Mont Perdu, dans le canyon d'Ordesa (72 couchages). À quelle logique et quels lobbys obéissent cette construction ? Peut-on se plaindre d'un côté de la destruction progressive et accélérée de la biodiversité, du réchauffement climatique qui transforme petit à petit la terre en étuve, des conséquences des gaz à effet de serre, bref, de tout ce qui vient de pousser Nicolas Hulot, dans un sanglot réprimé de justesse à l'antenne, à la démission, et continuer comme si de rien n'était de coloniser les sites dits protégés en y favorisant le tourisme de masse ?
Même si ici il y a un « trou dans le mur », on ne va plus « droit au mur ». On est dedans.

 

F.S.

- la brèche de Roland, août 2013 -

- la brèche de Roland, août 2013 -

- refuge des Sarradets, août 2016 - (photo M. Lucas)

- refuge des Sarradets, août 2016 - (photo M. Lucas)

- Cirque de Gavarnie et refuge des Sarradets, août 2016 - (photo M. Lucas)

- Cirque de Gavarnie et refuge des Sarradets, août 2016 - (photo M. Lucas)

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