la vie rêvée des anges...
miracle !
On ne le dira jamais assez : le théâtre du peuple se joue chaque jour dans les transports en commun. Cette fois-ci, c’est dans un train de banlieue, un samedi après midi. Tout est calme. Keith Jarrett joue du piano dans mes oreilles, rien ne peut me perturber. Sauf quand deux hommes s’assoient dans le carré de sièges devant moi, et trouvent un petit livre bleu. Ils se retournent, pour savoir à qui il appartient. Un homme « d’un certain âge » les regarde et s’écrit : « miracle ! ». Le piano est recouvert par cette injonction de victoire. Je retranscris fidèlement le dialogue :
- si, si, c’est un miracle !
- je ne sais pas si on peut aller si loin, dit l’homme qui a trouvé le livre
- ah si ! et vous savez pourquoi ?
- non (l’homme est un peu stupéfait, son ami à côté de lui s’étouffe de rire)
- parce que c’est une bible ! c’est ma bible ! je l’avais perdue sur ce siège et vous l’avez retrouvée ! Regardez, j’ai souligné les passages les plus importants ! (là, il ouvre l’évangile, les trois quart des pages sont coloriées de marqueur fluo…). Et ce n’est pas tout : je lis aussi le Coran, regardez : j’ai souligné les passages les plus violents ! (semblable à l’évangile qu’il tient dans l’autre main, le livre est quasi entièrement fluo).
- mais alors, si ça c’est un miracle, il doit y en avoir tous les jours ?
- exactement ! mais on ne les voit pas ! Parce qu’on y fait pas attention !
- oui, mais par exemple, pour moi, un vrai miracle, ça serait que les gens qui meurent de faim ou ont des difficultés importantes soient plus heureux…
- écoutez, moi je suis croyant, j’essaie d’annoncer l’évangile, et la chose la plus importante c’est de faire comme le Christ fait dans les évangiles… ! C’est ça qui peut rendre les gens plus heureux !
La suite part dans des divagations spirituelles et évangéliques, le vieux bonhomme en costume excelle mais en fait trop, un mot n’attend pas l’autre. Les deux hommes se demandent du coup s’ils ont bien fait de retrouver le livre, ou s’il n’a pas été abandonné sur le siège volontairement pour mieux se faire avoir. Autour, le spectacle est aussi profitable : une dame âgée, style 16è arrondissement, fait semblant de se plonger dans son journal (un gratuit distribué dans le métro…). A côté de moi, une jeune femme essaie de lire, mais n’y arrive pas à cause des soliloques entendus derrière elle. Elle souffle d’agacement de manière à ce que tout le monde entende. Mon seul « allié » est un jeune homme vêtu d’une veste de survêtement « flashi » accompagné d’un étui à guitare multicolore. Je croise son regard plutôt amusé par le cours de théologie qui maintenant est bien installé.
La conversation (je devrais dire le monologue, le sermon !) dévie sur la responsabilité des parents dans l’éducation des enfants. Là, je subodore qu’on va parler politique : avec la religion, c’est lié, quoiqu’on en dise ou pense ! Ca ne rate pas : l’homme reprend l’avantage :
- oui, vous avez raison, et d’ailleurs c’est un des points du futur programme de Ségolène Royale, la responsabilité des familles dans l’éducation des jeunes… etc etc.
le vieil homme opine du bonnet, regardant par dessus ses lunettes, et ajoute : moi vous savez, mon cœur est à gauche. Enfin peu importe d’ailleurs…
La jeune femme est de plus en plus agacée par l’évangélisation malgré nous du wagon. Le jeune guitariste sourit franchement. La dame du 16è laisse entrevoir un visage de compassion, qui veut tout dire. Quant à moi je souris aussi, mais discrètement, craignant être repéré dans ma prise de notes. A Chaville, les deux hommes doivent descendre. Ils serrent la main du vieux prophète, qui leur dit, avec toute la bonhommie propre aux hommes de bonnes volonté mais légèrement décalés :
- merci messieurs de ce moment de dialogue. Tout ça à cause de cet évangile retrouvé sur le siège ! C’est un miracle, vous étiez des anges ! Les deux types s’engouffrent dans la porte en souriant.
Ce train allait à Versailles « Rive Droite ». Un homme essayait de parler de Dieu, il semblait avoir des ailes. Un autre lui proposait Ségolène, la nouvelle Immaculée Conception des Français. Je regardais attendri la comédie humaine dans ce qu’elle présente de plus royal. Un ange passa, le silence revint. La femme et le guitariste discutaient ensemble désormais. J’ai réappuyé sur le bouton de mon baladeur, et le piano est revenu.
Ce n’était peut-être pas la vie de château, mais ça y ressemblait…
(en mettant en ligne ce petit moment de bonheur, je me dis qu'il aurait sûrement plu à un grand homme de comédie qui vient de nous quitter. Merci à vous, monsieur Philippe Noiret... )
le jour s'est levé
dans Paris…
Les rues de Bombay ont rendu l’âme, à qui elle appartient. Celles de Paris les ont remplacé, jamais autant animées, que la mégapole indienne. Mais pour l’œil et l’oreille de celui qui a le nez en l’air, la ville a le goût des autres que d’un doigt, on peut capter à l’aide de pixels numériques, le nouveau cœur à l’ouvrage…
Le théâtre permanent des rues n’est pas que beau, il est le reflet de la vie d’aujourd’hui : solitude des grandes villes, à ceci près qu’en Orient on y rencontre, parfois, de belles solidarités. Fi de la sinistrose ! Cet après midi le jeune homme de 23 ans « à la rue, et sans ressources puisqu’on ne peut prétendre au RMI qu’à 25 ans, et qui n’a pas d’autre choix que… », a ému une rame de métro : les pièces ont teinté, même la mienne, c’est dire. Nos doigts se sont effleurés, il a lu dans mon regard la détresse de celui qui « ne peut pas faire grand chose de plus ». Mais après coup, lisant dans le sien, je me suis dit qu’un regard accompagnant le geste, c’était sans doute déjà bien ! Malgré moi, intérieurement, je me disais : « je ne sais pas si ton histoire et vraie, mais tu es crédible ». A partir de quand l’est-on ? Quel degrés d’émotion faut-il atteindre pour cela ? Il est certain que les plus belles guibolles pourront s’afficher comme candidates à la magistrature suprême, si elles ne s’assoient jamais sur le skaï des transports en commun de France et de Navarre, elles pourront toujours courir…
Pendant ce temps-là, sous le pont, coule la Seine, et dessus, le petit train vert et blanc file vers l’Etoile, par Denfert.
Tout un programme…
live in Châteauroux
enfance en face
Quelques notes de piano que ne renierait pas Keith Jarrett, une lampe allumée réchauffant, elle aussi, de son orange tonalité : le piano, c’est clair, devient comme du miel.
A l’heure où la nuit nous enveloppe de peur, une étrange et douce langueur vient envahir les coeurs.
Sans farce, ou si peu, les enfants s’approprient le mobilier.
Les jeux d’adultes deviennent des jouets d’enfants, et les touches du piano s’embrasent sous leurs doigts si tôt assurés, et pourtant si peu agiles : trop petits, et tellement potelés,
pleins d’espoirs quand la note, au hasard ou au vol, est inspirée.
Il fait dimanche, le soir, dans le calme retrouvé de la maisonnée,
On a rangé les verres : le vin s’est évaporé, il n’en reste que des miettes. Les invités sont partis, et la famille est réunie.
C’est l’heure où les grands baillent aux corneilles
Alors que leurs enfants crient qu’ils n’ont pas sommeil…
Toi l’enfant qui vient de naître, Castafiore range tes déguisements et montre toi, sans paraître ! Derrière l’étrange atmosphère qui mouille les yeux des grands,
Tes doigts agiles malgré leur empressement,
Font courir sur nos cœurs, les notes d’un amour trans - parents.
drôle de planète
Un petit coup de pouce et de pub pour un blog sympa sur une idée originale : « Nature insolite » , le blog réalisé par Marie et Maryse, qui n’ont pas les yeux dans leurs poches et qui n’oublient pas l’appareil photos dans le coffre de la voiture… Allez-y voir, pour « voir autrement » !
http://natureinsolite.unblog.fr
… à Paris aussi, si on regarde bien, on peut voir « autrement » la ville et son contenu. D’autres l’ont fait (et des célèbres !), mais il n’est pas interdit de se mettre à leur école.
Une plaquette de chocolat à celui ou celle qui trouvera quelle est ce double clocher et surtout d’où peut-on le voir de la sorte ? !
et comme on est généreux, en voici d'autres (la plaquette de chocolat est aussi en jeu dans ce qui suit...!)
dis, comment tu t'appelles ?
au nom des mers : les navigateurs …
La récente arrivée des concurrents de la Route du Rhum donne une occasion de plus, pour qui sait observer la poésie du quotidien, de se réjouir d’un petit phénomène délicieux. C’est Lionel Lemonchois qui a remporté, à vitesse grand V,
Soit donc le nom des navigateurs : Lionel « Lemonchois », Jean « Le Cam », JP « Dick », Roland « Jourdain », Ellen « MacArthur », Michel « Desjoyeaux » (un vrai bijou celui là !)… Et puis on peut ajouter Marc « Thiercelin », Sébastien « Josse », et avant eux Philippe « Poupon », Titouan « Lamazou »… Et encore bien sûr, « Kersauzon, « Tabarly »... Tous ont cette particularité d’avoir des noms qui sonnent et claquent au vent des mers comme la proue de leurs bateaux. Comme la dureté et l’étonnante beauté de leur vie. Comme une grand voile remontée ou réduite à grands coups de manivelle. Comme cette solitude des hommes de barre qu’ils adorent. Comme la fragilité de leur cœur qui se dissimule si bien sous leurs mains calleuses et un bonnet de laine, mais transparaît si fort dans leurs regards profonds. Le cœur au bord de l’écume.
Est-ce vraiment un hasard, ces noms si à propos qu’ils semblent inventés pour eux ? Ou bien sont-ils le fruit des bastons raclées sous la quille qui finissent par accoucher dans les ports où la plupart on vu le jour ? Du côté des montagnards, autres lieux où les éléments forgent le corps et le cœur des hommes, les plus aguerris se nommaient : Charles « Pack », « Chausenque », Philippe « Herzog », et le plus fameux d’entre eux : Frison « Roche ». On ne pouvait pas mieux dire…
Les éléments naturels, qu’ils soient paisibles ou déchaînés, aiment les gens qui ont un nom qui leur ressemble. Et nous aussi ! Aventuriers et poètes, les navigateurs font souvent « le bon choix », et il plait d’entendre leur nom : un appel au grand large...
(merci à Didier Roquigny pour la photo du haut : coucher de soleil dans les Cyclades. Et à Pascal Renoux pour la photo d'en bas : percée du soleil sur la mer)
à nous de vous faire préférer le train
sommeil à grande vitesse
Dans l’atmosphère ouaté d’une rame de TGV. Il est tôt ce dimanche, et le monstre de fer et d’électricité file à
Le temps suspendu, mais à grande vitesse…
portrait sensible (trésor de la chanson française d'aujourd'hui)
Frédéric
Oh, quand tu t’endors
Est-ce que tu penses à moi
Qui suis entre les bras d’un homme libre
Dans un lit à nous
Et quand tu t’éveilles
Est-ce que tu penses à moi
Qui vis sans me soucier des portes et des fenêtres
Aussi loin que tu puisses être
Tu restes avec moi comme un frère enfermé
un ami égaré
Frédéric
Oh, quand tu espères
Est-ce que tu penses à moi qui espère avec toi
Debout dehors de l’autre côté
Et quand tu respires à fond
Dans la faune des hommes de ta geôle
Garde les yeux fermés
Aussi loin que tu puisses être
Tu restes avec moi comme un frère enfermé
Un ami égaré
Frédéric
Entends ma voix qui traverse tes barreaux
Les gestes les plus simples
Deviennent étrangers
Les plaisirs les baisers
Tu les as oubliés
Tout te manque
Frédéric
Entends ma voix qui détestent tes barreaux
Paroles et musique : Jeanne Cherhal (Editions Tibia) www.jeanne-cherhal.com
(merci Jeanne.....................)
Photos : Fred Sabourin.