Un phare dans la nuit (drôle de guerre)
31 Mars 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #rural road trip, #drôle de guerre
Drôle de temps. Hier la neige, aujourd’hui le ciel bleu. Contraste saisissant dans ces paysages du nord-Charente à la beauté séculaire – dont n’aura raison aucune épidémie – qui n’ont de réelle rivalité qu’avec l’effondrement social du territoire. C’est en faisant nos tournées et « ramasses » de produits qui serviront à l’aide alimentaire aux personnes en grandes difficultés dans ce coin de Charente si paisible, au détour d’un virage, d’une minuscule départementale ou d’un chemin, qu'apparaissent parfois les phares dans la nuit. L’épaisse nuit économique et sociale d’un pays rural éprouvé. Lichères est de ceux-là. De ces phares auxquels on s’accroche pour garder l’espoir. Lichères et l’église saint-Denis, construite au XIIe siècle et peut-être - hypothèse de l’écrivain, journaliste et essayiste Jean-Claude Guillebaud - à l’origine réservée aux lépreux, ce qui expliquerait son isolement à l'écart du bourg. Une perle en plein champs, à peine troublée par l'immobile cimetière qui la borde, et des marronniers encore nus d’une fin mars qui n’en finit plus de mourir.
Un phare dans la nuit, étincelant de soleil et de colza - après la neige d’hier – tandis que la mort rôde dans les Ehpad, les hôpitaux, les maisons claquemurées où se confinent les habitants, reclus déjà si fortement éprouvés par l’isolement rural dans leur quotidien. Nulle part à l’horizon, rien ni personne. Seul un paysan griffe la terre et sillonne son champ ; son tracteur seul brise le silence. Un viticulteur solitaire attache des bois dans sa vigne, et ne parle à personne. Un jardinier remplit une brouette d’herbe fraîchement coupée. Il ne manque que Jean-François Millet pour immortaliser ces scènes, au pinceau, et l'on ne serait pas surpris que tout ce "monde" se fige à l'heure de l'angélus. Tout à coup au loin, là bas surplombant le colza, une biche esseulée, traversant la route sans même regarder si un danger métallique monté sur quatre roues rappliquerait. Elle s’est déjà habituée à notre absence. Il n’y a plus rien que la terre et les pierres médiévales, le souffle du vent et les éoliennes aux ailes de géants pour brasser l’air glacé de l’horizon. Pour rappeler qu’en cette aube d’avril le printemps est pour le moment comme le temps : suspendu.
Drôle de guerre.
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