Comme si de rien n’était…
François Bonneau et la liste « A fond ma région » conserve le pouvoir à la tête de la Région Centre à l’issue d’un second tour très serré. Et contre toute attente.
Quand, le 2 juillet 2000, l’arbitre accorde quatre minutes de temps additionnel aux joueurs du match France-Italie en finale de l’Euro de foot, il ne sait pas encore que trois minutes plus tard, le gardien de buts Fabien Barthez tirera un dernier coup franc loin des seize mètres. Le ballon de cette ultime relance - alors que l’Italie mène un but à zéro et s’apprête à faire péter les bouchons de champagne - effleure la tête de David Trézéguet, puis de l’italien Fabio Cannavaro et place cette balle dans une situation idéale pour l’attaquant bordelais Sylvain Wiltord, qui contrôle, tire du pied gauche et marque le but de l’égalisation, sous les yeux médusés de millions d’Italiens qui attendaient un titre depuis… 1982. La suite, on la connaît : les Italiens savent désormais comment reboucher une bouteille de champagne. Depuis dimanche 13 décembre dernier, l’union de la droite et du centre le sait aussi. La liste d’union de la gauche menée par François Bonneau (PS), a été réélue à la tête de la Région Centre, de 9.000 voix.
Le passage était étroit, quasiment le chas d’une aiguille, mais il l’a trouvé, et s’y est engouffré. Alors même que la droite (L.R, UDI, Modem) le donnait perdant depuis des mois, et particulièrement les jours précédant la saint Nicolas. Alors même que le FN l’a fait vaciller le 6 décembre lors d’un premier tour décevant pour tout le monde, sauf lui. Si la région Centre ne brillait pas par l’absence de sommets – dans tous les sens du terme – on pourrait presque comparer François Bonneau à une sorte d’alpiniste trouvant un improbable passage entre deux dièdres, et en surplomb par-dessus le marché !
Beaucoup de bruit pour rien ?
Mais que s’est-il donc passé dimanche dernier ? Au fond, pas grande chose, et parions qu’on va très vite tourner la page, s’occupant désormais des vrais sujets d’actualité. Comme les cadeaux de Noël par exemple, ou le bourrage de dindes - qui n’ont rien demandé - avec des marrons ; les hectolitres de champagne tiède et de bûches glacées. Que s’est-il donc passé ? Se souviendra-t-on dans quinze jours que le Front national, ce parti républicain danger légal et autorisé pour la République, a réalisé des scores historiques en région Centre les 6 et 13 décembre ? Au point de déclencher un autre état d’urgence, sonnant le branle bas dans tous les états majors politiques ? Combien de temps se remémorera-t-on cette folle semaine de l’entre deux tours des élections régionales 2015 ? Comme disait le grand penseur Pierre Desproges : « quand au mois de mars, je dis ça, c’est pas pour cafter, mais ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver ». Ce mois de décembre ne devrait pas trainer non plus.
Pressions et mercato
Il s’est passé un de ces tours de passe-passe tel que la vie politique française les adore. On se dit et on entend à chaque fois qu’on ne nous y reprendra plus, mais, comme le matou de la célèbre chanson, il revient le jour suivant ; il est toujours vivant. La gauche - qui était partie désunie au premier tour, jouant la partie un peu comme la droite autrefois - la gauche s’est réunie entre les deux tours, et est allé chercher ses électeurs dans leurs lits, les trainant de gré ou de force dans les bureaux de vote. Pour cela, elle n’a pas ménagé ses efforts, listes électorales à l’appui. Mieux : elle a même joué un mercato géographique, plaçant qui en Indre-et-Loire au lieu du Loir-et-Cher, qui en Loiret au lieu de l’Indre-et-Loire. La gauche a aussi fait pression sur les syndicats qui ont gentiment relayé le message auprès des salariés qui y adhèrent encore, jusque dans les fonds de couloirs de grands centres régionaux de formation. La gauche a tracté, dans le froid glacial et blafard des petits matins de décembre, sur les marchés y compris devant des maries adverses… Finalement la gauche a rassemblé, au-delà de ses espérances.
Et pendant ce temps-là, devant la machine à café…
Et la droite ? Qu’a-t-elle fait ? Pareil, ou presque. La droite et le centre, uni comme un bloc de briques solognotes, sitôt le vrai saint Nicolas venu les encourager la veille du premier tour (c’était dans la poche, vous vous souvenez ?), la droite a d’abord essuyé ses sueurs froides. Philippe Vigier n’avait pas fait le score attendu, la faute à cette maudite abstention… et au siphonage de ses voies par le FN. La droite l’a dit, et même crié : « on a entendu votre colère, gens du FN ! Mais revenez chez nous, nous sommes les seuls à pouvoir alterner ! » Et il s’en est fallu de peu (à peine 9.000 voix) pour que ça marche.
Quand au FN, il fait comme à son habitude contre mauvaise fortune bon cœur - même s’ils n’ont pas tous le cœur à gauche loin s’en faut. Et il regarde déjà vers la suite, dans toutes les têtes : 2017.
Ce matin, dans les rues de Blois, les camions poubelles ramassent les ordures, comme tous les lundis matin. Ce matin, comme tous les matins, il y a des bouchons sur les trois ponts qui enjambent la Loire à Blois, ce trait d’union entre Chinon et Jargeau, qu’une adolescente prétenduement pucelle remonta autrefois, brandissant l'étendard, « gouvernant d’un seul mot le rustre, ou le soudard…». Ce matin, en se rasant, peut-être que le jeune maire de Neung-sur-Beuvron repensera à cette citation d’Etienne de La Boétie qu’il lança lors du meeting de Bruno Le Maire le 30 novembre dernier à Blois : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». Ce matin… à la machine à café des entreprises, des collectivités ou dans les bistrots on parlera quelques secondes du résultats des élections régionales. Puis la vie recommencera comme hier, comme si de rien était, avec cette question tiens par exemple : « alors, t’as fait tes courses de Noël ? »
F.S
Baguette magique
Hier soir, sans prévenir, entre deux bouchées de coquillettes au comté râpé, tu m’as sorti cette fulgurance : « moi, j’aimerai bien avoir une baguette magique ! » J’ai cessé de mâcher, et je t’ai demandé, intrigué : « ah bon ? Et… qu’est-ce que tu ferais, avec cette baguette magique ? » Tu as répondu avec un sourire naturel à désarmer un militant du Front national : « Je transformerais M. (1) en étoile ». Moi : « Et… tu en ferais quoi, après ça ? » Elle : « Je le laisserais comme ça… » Et puis tu as repris une fourchette de coquillettes au comté râpé.
L’enfance - tout le monde le sait - est une source i-né-pui-sa-ble de surprises, de spontanéité sans calcul, de joies et d’émotions simples. On peut détester cela – et il s’en trouve. On peut être complètement gaga devant ça, au point d’en perdre le sens du discernement – et il s’en trouve. On peut aussi juste profiter de l’instant, de ces moments qui débarquent sans préavis dans le quotidien banal d’une vie banale. D'une vie de chien parfois. Là, on mangeait juste des coquillettes (de loin la forme de pâtes que je déteste le plus…), avec du fromage râpé pour les uns (elle) et de l’huile d’olive et de l’ail pour les autres (moi). Ca surgit, comme ça, et c’est tout. Ensuite, la vie reprend son cours, comme si de rien était.
Dans le bordel actuel ambiant, alors qu’on sent une tension sociale crasseuse qui dégouline de partout, dans les rues, dans les commerces, dans les entreprises, dans les familles mêmes, ce genre de fulgurance de l’imaginaire débridé fait du bien. J’ai la faiblesse de le croire. Et même au pire, si par malheur un jour j’étais jugé et condamné pour ça sur un bûché des vanités, je ne regretterais pas d’en avoir été le témoin.
Parce que cela nous rappelle, ma chère petite, ce pour quoi nous sommes vraiment fait et ce pour quoi nous sommes là à trimer comme des chiens parfois sur cette « terre de désolation » : la beauté du rêve, l’immensité du rêve, de l’impossible, de l’inaccessible, de l’incompressible. L’incroyable et pourtant réelle beauté d'une envie de changer les choses, juste d’un coup de baguette magique…
- LE copain.
FS. 11/12/15