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Le jour. D'après fred sabourin

Les promesses de l’aube (drôle de guerre)

22 Mars 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement, #drôle de guerre

- Aube nouvelle au Mont-Perdu, vue sur Cylindre ; août 2016, (c) Marc Lucas -

- Aube nouvelle au Mont-Perdu, vue sur Cylindre ; août 2016, (c) Marc Lucas -

J’ai la chance d’avoir, tout près de chez moi, un petit chemin au bord d’un ruisseau qui permet de s’évader, seul et à l’aube, pour quelques enjambées. Traverser les rues un peu avant 7h du matin ressemble, depuis une semaine, à un long dimanche de 15 août. Il n’y a personne, et s’ils n’étaient quand même de sortie, on pourrait dire qu’il n’y a pas un chat. Ces évasions fugaces ne permettent pas seulement au corps d’éliminer les fortes tensions qui s’accumulent depuis le début du confinement – et dont chacun a compris que ça allait durer – elles permettent aussi à l’esprit de retrouver un peu de lucidité dans le merdier. Passé les premiers effets de sidération, nous devons retrouver la possibilité de penser, pour essayer de comprendre ce qui nous arrive, même dans la grande difficulté. Le moins qu’on puisse dire c’est que nous peinons tous à trouver une explication à ce qui nous arrive.

Ces « promesses de l’aube » – Romain Gary, que je n’ai pas encore lu, me le pardonnera j’espère –  permettent de garder l’espoir, si possible, et de penser à ceux qui souffrent du confinement dans d’exiguës appartements des grandes villes, avec des enfants très jeunes qui ne comprennent rien à ce qui se passe, pourquoi on ne peut plus sortir, etc. Ceux qui souffrent de l’isolement et de la solitude forcée, que la folie guette. Le désespoir des dépressifs chroniques va probablement s’accentuer dans les jours et semaines à venir. La mort rôde. Elle ne devrait plus tarder dans notre région. Le climat se réchauffe, et il est anxiogène.

Promesses de l’aube aussi car si l’Homme a désormais déserté petits et grands chemins, sous-bois, alpages d’altitude et bords de mer, les animaux et les oiseaux s’en donnent, eux, à cœur joie !  Si ce constat ne venait pas s’ajouter au pathétique de la situation, nous pourrions nous en réjouir et en sourire, mais… Nos relations se trouvent entravées par cette saloperie de virus, alors que la nature est belle à fendre le cœur et se félicite presque de notre quasi disparition – momentanée on l’espère – lui permettant de vivre une inattendue résurrection, bien avant Pâques.

Cet après-midi, alternant la lecture d’un Malraux et de Tesson (j’aime les grands écarts), les tourterelles roucoulaient tranquillement, les pattes posées sur les antennes de télévision, qui ne servent plus qu’à ça. En collant mes mains et portant une petite fente entre les pouces à la bouche, j’imite leur chant depuis qu’un copain m’apprit ce truc il y a une bonne trentaine d’années. Comme un appeau portatif qu’on aurait toujours avec soi. Ma fille adore, cette technique me permet d’imiter les tourterelles, et les chouettes à la tombée de la nuit. Délaissant un temps ma lecture, j’ai alors engagé un petit dialogue avec cette tourterelle sans doute intriguée par la scène, avant qu’elle ne fuit vers d’autres antennes. Non, je ne me prends pas encore pour Saint-François d’Assise…

Pendant notre confinement forcé, les animaux reprennent possession de la nature – la transition écologique en 48h finalement c’est possible – et il faudra se méfier, le jour où nous retournerons dans les bois, les champs et les montagnes, que loups, ours et autres « prédateurs » (tels que nous les nommions avant le 17 mars dernier…) ne nous présentent pas, à nous aussi, la facture qu’on leur fait payer depuis si longtemps.

Les promesses de l’aube n’en seront que plus belles, le jour où, autorisés à retrouver les grands espaces, nous pourrons enfin nous réjouir de nuits à la belle étoile et de sa splendeur, nous crevant les yeux des beautés du petit matin. Aube, nous te faisons cette promesse de revenir te voir, et sentir ton haleine fraîche me sortir du sommeil forcé d'une nuit dans lequel le monde est désormais plongé.

Drôle de guerre…

- Aube sur la Charente, le Peu-Saint-Jean, Vars août 2018 -

- Aube sur la Charente, le Peu-Saint-Jean, Vars août 2018 -

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