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Le jour. D'après fred sabourin

presse book

L’embarrassant passé des empires coloniaux

23 Octobre 2015 , Rédigé par F.S Publié dans #Presse book

Le passé colonial vous embarrasse ? Parlons-en...

Le passé colonial vous embarrasse ? Parlons-en...

 

Que faire du passé des Empires coloniaux ? Une question universelle aux accents traumatiques très franco-français…

 

« Il y a 23 musées du sabot en France, tous aussi beaux les uns que les autres, où l’on vous explique le passé nostalgique d’une France agricole, l’exode rurale etc. Et combien de musées d’histoire coloniale ? Zéro… On n’est même pas capables de raconter quatre siècles et demi d’histoire coloniale en France ! »

Pascal Blanchard, historien, documentariste, chercheur associé au CNRS, chercheur au Laboratoire de communication et de politique, ne mâche pas ses mots. Mais il a l’habitude de prêcher pour sa paroisse. Il exagère ? Pas tant que ça, il part surtout d’une réalité qui dérange : « Il y a une vraie pauvreté de l’université française sur l’histoire coloniale. On paie une carence en recherche depuis 20 ans. Peu de chercheurs ont été recrutés par l’université sur ce sujet, et aujourd’hui, un jeune chercheur brillant va aller plus facilement en Suisse ou à New-York pour étudier l’histoire de France coloniale ! »

Repentance, idéologie, et politique

Rien que pour la guerre d’Algérie – un gros morceau – les premières études ont été faites par les militaires, des témoins directs, des journalistes : dès les années 70. « Pendant très longtemps on a considéré que c’était une question mineure », ajoute-t-il avec la volubilité qu’on lui connaît. Le chercheur ne fait d’ailleurs pas toujours l’unanimité dans le très strict académisme de certains historiens, qui voient parfois d’un drôle d’œil cet étrange chercheur qu’on voit autant sur les plateaux de télévision qu’à l’université ou dans les studios de radio. Son agence de « communication historique » nommée « Les bâtisseurs de mémoire » en fait à la fois un pur produit historien mais aussi marketing. Il organise des expositions – dont la très remarquable et remarquée Exhibition. L’invention du sauvage avec Lilian Thuram au musée du Quai Branly en 2012 – participe en tant qu’expert à des émissions dans les médias télé ou radio, débat face à Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut, réalise des documentaires sur le thème de l’histoire coloniale.

« Aborder l’histoire coloniale, c’est dénigrer l’histoire de France, on nous accuse même récemment de vouloir déconstruire la France ! » ajoute-t-il. Avant de préciser, très justement : « Assez vite on vous parle de repentance, d’idéologie, c’est très politisé. Le problème, c’est que ce n’est pas de la politique ni de la polémique ! C’est de l’histoire de France ! »

"En 1959, l'affaire est pliée"

A ses côtés lors de la table ronde, l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou, qui a étudié en France et professeur de littérature francophone en Californie (et auteur du Sanglot de l’homme noir, chez Fayard en 2012). « Quand on parle d’histoire coloniale, on en parle comme d’une maladie. On dit : névrose collective ; mémoire traumatique ; blessure narcissique. La France est-elle malade de son passé à ce point ? » interroge-t-il. « Les Allemands ont regardé leur passé en face, ce qui leur a permis de le dépasser, et d’en arriver où ils sont aujourd’hui. »

Pour Pascal Blanchard, « le savoir n’est déjà pas partagé par tous. Regardez la date de la fin de la guerre d’Algérie : les militaires ont une date ; les harkis aussi mais différente ; les pieds noirs encore une autre. » Dès lors faut-il être dans la mémoire pour être dans le savoir ? « On a fait ce travail avec Vichy et la Shoah. Je ne dis pas que ça s’est fait en 5 minutes, mais on l’a fait et le point d’orgue c’est J. Chirac en 1995 qui reconnaît publiquement que Vichy, ça n’était pas la France. Mais avec l’histoire coloniale, on n’a pas encore commencé » regrette-t-il.

L’historien Gilles Manceron (spécialiste de l’Algérie) pense pour sa part « qu’un certain nombre de forces politiques ont baigné dans cette histoire ; une partie de la République est dans cette histoire coloniale. En 1959, l’affaire est pliée : la situation politique est ingérable, les investissements quittent les colonies, l’avenir, c’est l’Europe. Mais l’opinion publique était très en retard sur l’idée que les colonies c’était fini. Le grand mythe construit depuis 1830, enseigné dans les manuels d’histoire des écoliers, toute cette propagande c’est fini ! Quand De Gaulle arrive au pouvoir tout s’effondre en un rien de temps.»

Bras de fer idéologique

Mais alors pourquoi tout est toujours renvoyé au politique, interroge l’écrivain et historien Farid Abdelouahab, animateur du débat ? « Tous les peuples ont des périodes plus ou moins glorieuses dans leur passé. La vraie réparation, c’est la vérité historique. Les replis identitaires sont de mauvaises réponses » répond Gilles Manceron. « Nous sommes la première génération à avoir la chance de prendre de la distance vis-à-vis de l’imaginaire colonial », ajoute Pascal Banchard. « En même temps on est conscient de la peur que cela suscite ». Avant de conclure : « Il n’y a aucun lieu pour emmener des élèves pour parler de l’histoire coloniale. Quant aux programmes scolaires, c’est le bras de fer idéologique, trop politique. »

Si un jour, quelque part en France, un musée consacrée à l’histoire coloniale ouvrait ses portes, il ne serait guère étonnant de ne pas voir Pascal Blanchard à la manœuvre…

F.S

(table ronde aux 18e Rendez-vous de l'histoire de Blois)

Les programmes d'histoire font (aussi) débat

 

Inévitablement, le débat au sujet de la refonte des programmes d'histoire s'est invité aux Rendez-vous du même nom. D'ailleurs ils étaient au programme... les programmes. "A-t-on vraiment besoin de programmes d'histoire ?" était en effet le sujet d'une table ronde animée par Emmanuel Laurentin (la Fabrique de l'histoire sur France Culture) avec Romain Bertrand (directeur de recherche au Ceri et à Sciences Po Paris), Patrick Boucheron (Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Collège de France), Raphaëlle Branche (Université de Rouen), Michel Lussault (géographe, professeur à l'ENS Lyon et président du Conseil supérieur des programmes - le CSP).

"Parfois les programmes devancent la recherche", s'est-il étonné. "C'est quand même un peu troublant..." Patrick Boucheron s'interroge aussi : "les programmes changent régulièrement, quant aux programmes d'histoire, ils sont très passionnels, comme si l'histoire était la seule à former à la citoyenneté". Et il ajoute : "Une ligne de programme, c'est une heure de cours, en infusion immédiate dans la société : c'est absurde !"

Trop de sources, trop de connaissances

Tous les participants de la table ronde s'accordent pour dire que les programmes étaient trop lourds, et qu'il fallait les alléger. "Dans la première mouture, qui a été tant contestée avant l'été, il y a avait une liberté pédagogique. Mais on nous a dit : votre vision est trop idéologique. On a laissé seul le CSP alors qu'on a médiatiquement écouté ceux qui n'avaient aucune légitimité pour s'exprimer. Qu'est-ce qui est arrivé pour que personne ne réponde ?" se lamente Michel Lussault. "Et qu'est-ce qui est arrivé au pouvoir politique pour qu'il dise : on a entendu, et réponde au critique ? Selon moi, il y a une disproportion. Le CSP se trouve au croisement de toutes les lignes de forces. Le moindre évènement prend des proportions considérables", ajoute-t-il, constatant qu'il n'y a pas de lecture collective et qu'on n'a pas fait de toutes ces rumeurs des objets de débats.

Finalement, le bon sens général est venu par Raphaëlle Branche de l'université de Rouen : "Il y a trop de place pour l'histoire contemporaine dans les programmes, il y a trop de sources, trop de connaissances. Vouloir à tout prix courir après est-ce une solution ? Comment on fait quand on change de thème toutes les cinq séances avec des jeunes de 10 à 15 ans qui n'ont aucune mémoire historique ?"

That is the question...

Les programmes ? Au programme !

Les programmes ? Au programme !

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Franchir la frontière, pour la liberté

12 Septembre 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

Attente à la frontière du Perthus, janvier 1939. Coll. Museo de La Jonquera

Attente à la frontière du Perthus, janvier 1939. Coll. Museo de La Jonquera

 

Pendant que 24.000 personnes migrantes vont être accueillies, bon gré, malgré, en France dans les jours – semaines qui viennent, beaucoup poussent des cris d’orfraie en se demandant ce qu’on va bien pouvoir en faire, où les caser etc.

 

La cécité historique est un mal bien français, hélas, et il conviendrait de se souvenir que nous avons déjà vécu cela en bien pire, si j’ose dire, en 1939, notamment. Entre le 28 janvier et le 13 février, entre 450.000 et 500.000 exilés Républicains espagnols, fuyant le Franquisme suite à la chute de Barcelone quelques semaines plus tôt, ont franchi la frontière et sont entrés dans le département des Pyrénées-Orientales. Il comptait à cette époque-là 230.000 habitants ! On se représente mal le raz-de-marée que cela a représenté. La plupart ont franchi la frontière par le fameux Col du Perthus, entre la Jonquera et Perpignan. Mais d’autres cols et passages leur servirent de refuges, de portes vers la liberté, et surtout la vie, n’ayant d’autre choix que celui de la valise, ou la mort. Ce fut le cas notamment au col d’Ares (1600 m.) pour ensuite atteindre le village de Prats-de-Mollo.

 

31 janvier 1939 : au Perthus, la situation devient dantesque. De notre envoyé spécial : « Une immense cour des miracles… Au Perthus, la situation s’aggrave d’heure en heure. Il faudrait le Dante pour dépeindre cette affreuse et immense cohue. Cette foule disparate qui piétine, campe, attend sous la pluie battante et glacée qui n’a cessé depuis le milieu de la nuit passée ; ces femmes qui trainent des marmots dépenaillés tout en essayant de protéger à l’aide d’un vieux châle le dernier-né endormi sur leur épaule ; ces enfants qui coltinent d’invraisemblables hardes, ces valises en fibre ou en carton que la pluie a fait éclater de toutes parts et qui vomissent la pauvre lingerie, les derniers effets de la famille ; ces blessés, au visage exsangue à peine visible sous le « topaboca » qui les abrite et qui ne peuvent maintenir au sec, sous ces averses continuelles les pansements, les gouttières qui contiennent leurs membres brisés. » Ainsi les reporters de l'Indépendant décrivaient-ils l’arrivée massive de réfugiés espagnols au col du Perthus.

 

 

Col du Perthus. Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation, Toulouse

Col du Perthus. Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation, Toulouse

Les conditions d’hygiène sont déplorables, et le ministre de l’intérieur de l’époque, Albert Sarraut, accompagné par le ministre de la santé publique Marc Rucart, décidera d’employer les grands moyens pour subvenir aux besoins les plus pressants, lors de leur visite sur place le 31 janvier 1939. Le ministre Albert Sarraut déclara lors de sa visite : « Il fallait maintenir l’ordre et assurer la sauvegarde sanitaire du pays ; c’est fait. Les femmes et les enfants, on les recevra ; les blessés et les malades, on les soignera ; les hommes valides, on les refoulera sans exception, sans considération de leur situation personnelle ou de leur état de fortune. Voilà qui est net. (…) »

Nettes aussi les observations faites par les réfugiés eux-mêmes, comme le témoignage de cette petite fille de cinq ans à l’époque : « Il y avait beaucoup de monde. Tellement qu’à mesure que j’avançais, tenue de la main de ma mère, je ne pouvais rien voir. Ce n’étaient que jambes et pieds. J’éprouvais une sensation d’immense oppression. Je me rappelle que les gens pleuraient. (…) Ma mère ne voulait pas avancer parce qu’elle continuait à chercher mon père désespérément. Elle savait que si on séparait les familles, on ne pourrait jamais les retrouver, si toutefois il était encore en vie. »

 

 

Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation, Toulouse

Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation, Toulouse

Le 8 février, la frontière sera fermée. Commence alors la lente marche vers les camps d’internement, Saint-Cyprien, Argelès-sur-Mer, Barcarès, Collioure, le Vernet-d’Ariège, Bram…

 

 

Prats-de-Mollo, février 1939. Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation, Toulouse

Prats-de-Mollo, février 1939. Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation, Toulouse

La suite, c’est à lire dans ce livre, paru en avril 2011, Franchir les Pyrénées sur les chemins de la liberté (Editions Ouest-France) que j’ai eu l’honneur d’écrire, avec mes mains mais aussi avec les pieds puisqu’il propose aux amateurs de marche et d’histoire de parcourir les chemins empruntés par ces foules immenses d’exilés Républicains ; puis les évadés de France pendant l’occupation.

 

F.S. 12 septembre 2015.

Y à plus qu'à...

Y à plus qu'à...

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Le Défi 41 est-il " propre " ?

24 Juillet 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

- "Ludo le fou" et son docteur, Alain Aumaréchal -

- "Ludo le fou" et son docteur, Alain Aumaréchal -

Depuis le 1er juillet, Ludovic Chorgnon, alias Ludo le fou, enchaîne quotidiennement les triathlons catégorie Ironman. Objectif : en faire 41 jusqu'au 10 août. En buvant uniquement de l'eau de Vichy et en mangeant des pâtes ?

 

Le record officiel est battu depuis samedi 11 juillet. Ludovic Chorgnon, que tout le monde appelle " Ludo le fou " (1) a enchaîné 11 triathlons catégorie Ironman (2) en 11 jours, battant le record officiel qui était de 10. Il aurait pu s'arrêter là, Ludo. D'autant plus qu'il a du courir après ce record un peu (beaucoup ?) dingue sous la chaleur caniculaire du début du mois de juillet. Les températures dans le Vendômois ont même dépassé les 40° à l'ombre… Or Ludo pédale et court pratiquement tout le temps au soleil. Mais non, il continue, Ludo le fou. L'objectif qu'il s'est fixé est bien d'en faire 41. Comme le Loir-et-Cher. Aussi un peu pour battre le record officieux de 33 triathlons Ironman, détenu par Didier Woloszyn, un Français qui aurait réalisé cette " performance " à Laval au Québec, en juin-juillet 2013. Ce record est non homologué, et suscite bien des questions.

Alors forcément, des questions, il s'en pose aussi beaucoup. Au-delà de l'engouement et de la fascination quasi mystique d'un cercle à géométrie variable de bénévoles Vendômois, de ses amis proches et de sa famille, la performance de Ludovic Chorgnon et du Défi 41 a de quoi interroger. Peu de médias s'y intéressent pourtant, en tout cas aucun nationaux, et si la fédération de Triathlon suit ça de près pour homologuer le record, la fédération d'Athlétisme regarde le défi avec circonspection. Nous l'avions vu littéralement cuit le 6 juillet dernier (lire la Renaissance du 10/07), jour où, en plus d'être " très déshydraté " (sic) Ludo le fou souffrait d'un ongle incarné, dont la seule évocation du nom empêche de marcher n'importe qui de normalement constitué. Alors courir des marathons – plus le reste – avec ça, pensez donc !

À l'heure où beaucoup de gens s'interrogent – c'est la saison – sur la nature réelle des performances réalisées par environ 180 coureurs sur les routes du Tour de France et notamment celles d'un certain Chris Froome, l'enchaînement des triathlons par Ludovic Chorgnon interpelle. Et suscite naturellement la suspicion du dopage. Comment pourrait-on éviter cette question ? Est-il vraiment possible de faire ça uniquement en buvant des boissons énergisantes et de récupération ? En mangeant des salades de pâtes chargée en calories (il en dépense 9.000 par jour !) et des barres de céréales ? En se trempant les membres inférieurs dans de l'eau à 9° chaque soir après l'effort pour accélérer la récupération ? Et en passant sur la table du kiné pendant une heure et demie - deux heures, avant d'aller dormir environ 3-4 heures et remettre ça le lendemain ? Vraiment ?
 

"Si je lui dis stop, il arrêtera"

 

Nous avons posé la question très franchement à son médecin particulier, qui le suit depuis longtemps, le docteur vendômois Alain Aumaréchal. Le Défi 41 peut-il et est-il " propre ", c'est-à-dire sans aucun soupçon de dopage ? " Il s'est énormément préparé avant le Défi, son alimentation est très suivie, il a deux heures de soins kiné par jour après la course. Et il y a son mental. Il faut savoir qu'il a lui-même sollicité l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) pour qu'elle vienne faire des contrôles pendant le Défi. Pour l'instant personne n'est encore venu. Moi-même je vais faire pratiquer des analyses d'urine. " Deux prises de sang par semaine permettent de surveiller son bilan biologique, mais ne permettraient pas la détection d'un produit dopant ou alors par le plus grand des hasards, et Ludovic Chorgnon lui laisse peu de place. " Mais les questions sont légitimes ", ajoute le docteur Aumaréchal. " Il faut mettre vraiment de côté les six premiers jours, où la chaleur était très forte, et contrairement à ce qu'il croyait lui, il n'était pas déshydraté, mais trop hydraté justement ! Il mangeait et buvait trop salé, il avait donc un taux de sodium très et trop élevé. On a adapté son alimentation et son hydratation. Après, l'organisme s'habitue et s'adapte à l'effort. Lui aussi adapte son rythme. Jusqu'ici il a effectué des courses autrement plus difficiles dans des conditions climatiques autrement plus extrêmes, et il en ressortait pire que ça. "

Certes, il y a la course, les jours qui défilent sur le Défi 41. Mais après, docteur, ça peut laisser des traces, non ? " On avance jour après jour. On ne sait pas ce qui peut se passer le lendemain. Ce qui me paraît évident c'est que si il va au bout, il va falloir ensuite qu'il observe une longue période de repos total, ce qui me semble difficile vu le personnage… Il y aura forcément des dégâts articulaires, il faudra lever le pied, vraiment. Et son alimentation devra aussi continuer d'être suivie de très près. " D'autres confrères médecins s'intéressent-ils à ce phénomène ? " J'avais demandé à des confrères de m'aider car pour moi, être sur le pont 41 jours de suite c'est difficile. Mais pas grand monde ne s'est manifesté, c'est la période qui veut ça aussi… " Il le jure, et c'est un contrat très clair entre lui et Ludovic Chorgnon : si le docteur Alain Aumaréchal lui demande d'arrêter, Ludo le fou arrêtera. " Sans poser de question. Si je lui dis stop, il arrêtera. Evidemment si c'est la veille du 41e, la négociation serait difficile. Mais ce que je crains le plus pour lui, c'est une chute à vélo. Ça, ça l'arrêterait vraiment. "

 

À l'heure où vous lirez cet article donc, vendredi 24 juillet, selon toute vraisemblance Ludo le fou en sera à son 24e triathlon Ironman en 24 jours, avec une moyenne de 13h30 à 14 heures d'efforts quotidiens. Et tout ça propre et naturel. Jusqu'à preuve du contraire.

 

(1) Lire la Renaissance du Loir-et-Cher du 17 avril dernier, et du 10 juillet.

(2) Enchaîner 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon (42,195 km)

 

Enquête parue dans la Renaissance du Loir-et-Cher du 24/07/2015

Ludo, à chaud

 

Vendôme, près de la piscine des Grands-Prés, lundi 20 juillet. Ludovic Chorgnon vient d'en finir avec son 20e Ironman en 20 jours. Une petite centaine de personnes danse au rythme d'une musique techno lorsqu'il franchit la ligne d'arrivée, en compagnie d'autres coureurs dont son fils Antoine qui réalisait son premier marathon. Rapide interview sur le podium (sujet du jour : "les courses de montagnes les plus belles que tu as faites, Ludo"). Il évoque la Diagonale des fous (traversée de l'Ile de la Réunion, près de 10.000 mètres de dénivelés positifs et 169 km, qu'il "fera en octobre pour récupérer" - sic). On le voit discrètement avaler quelques gelulles de compléments alimentaires prescrites par son diététicien. Puis direction le tivoli des soins. Il y retrouve le docteur Alain Aumaréchal, qui lui ôte ses grandes chaussettes de contention afin d'examiner son orteil souffrant d'un ongle incarné. On hésite à prendre une photo de l'orteil en question, et puis... non. Ludo le fou grimpe ensuite l'échelle qui le conduit dans le bain à 9°, la fameuse cryothérapie, pour ses membres inférieurs endoloris.

Vous en êtes à la moitié, comment allez-vous ? "Bien, ça va, j'ai le moral." Et l'orteil, ça ne va pas mieux ? "Si, depuis qu'on m'a percé le pue, j'ai mal mais beaucoup moins qu'avant." Et les douleurs aux quadriceps dus à la mauvaise position de course ? "Ça va en s'améliorant." Vous dormez combien de temps par nuit ? "Environ 3 ou 4 heures, les soins kiné prennent du temps, je mange et ensuite je m'occupe un peu de mon entreprise, je bosse..." Vous bossez ? "Oui, mon principe c'est être bien dans son corps, et bien dans sa tête. Comment je pourrais faire si j'étais préoccupé par les affaires de mon entreprise sans m'en occuper moi-même ? Ma fille s'en occupe un peu dans la journée, mais il faut que je fasse aussi des choses." Toujours pas de médias nationaux ? "Si, Tout le sport est venu, il y aura l'Equipe web aussi, France 2." (pas encore diffusé). Et... l'AFLD (Agence française de luttre contre le dopage) ? Toujours pas ? "Non, et j'aimerai bien qu'ils se décident à venir. Sans ça... Mais je peux difficilement faire plus que ce qu'on a fait, on a même demandé au vice-président qui habite la région. Mais c'est le ministère de la Jeunesse et des Sports qui décide."  

 

Le Défi 41 est-il " propre " ?

" Oui, c'est possible sans dopage "

 

Julia Muller est kinésithérapeute à Blois. Elle répond à deux questions : est-ce possible d'accomplir un tel effort surhumain répété pendant 41 jours sans rien prendre ? Et qu'est-ce que cela peut laisser comme traces dans le corps humain, une fois terminé ?

 

" Oui, c'est possible. Il existe un système d'endurance qu'on peut travailler, et avec un entrainement spécifique on peut y arriver. Si on vous demande de soulever 300 kg en une fois vous n'y arriverez pas. Mais si vous vous entrainez d'abord à 100 kg, puis 200, vous pourrez peut-être monter jusqu'à 300. Les fibres musculaires sont de deux types : force et endurance. Cet athlète a du entrainer ces dernières. On peut tout optimiser. Le but c'est de repousser les limites, et médicalement on en a les moyens. Il faut aussi noter l'adaptation du matériel de sport : vélo, chaussures etc. Et, je le répète, être bien suivi médicalement. Pour moi, trois choses sont importantes : les capacités initiales, et il semble en avoir beaucoup. Un entrainement spécifique et adapté. Et n'oublions pas le mental, qui rentre en ligne de compte pour au moins 20 à 30 %, et c'est prouvé par des études scientifiques récentes. Ce mental aide à dépasser encore plus les limites, et pour battre un record le mental a un rôle vraiment important. Alors oui, on est encore capable de faire des choses sans dopage. Encore faut-il aussi se soumettre quand même à un contrôle…"

" Concernant l'après : on n'a pas assez de recul au sujet de ces efforts longs, intensifs, c'est trop récent sur l'échelle temps pour savoir ce que cela produira sur l'organisme. "

 

" Difficile, mais faisable "

 

Fabien D. est médecin du sport, pour lui, " c'est tout à fait possible sans se doper c'est-à-dire sans rien prendre pour aider à minima la récupération, mais ça paraît difficile quand-même. Surtout avec l'énorme chaleur qu'il a du subir dans les premiers jours de son effort, il a certainement sérieusement entamé sa préparation et sa capacité à récupérer. Mais c'est faisable. Le corps humain s'adapte comme peu de gens l'imaginent, et la force mentale y est pour beaucoup. Mais ne faisons pas non plus d'angélisme béat : la plupart des produits classés sur une liste noire des produits dopants interdits cachent mal la forêt de ceux qu'on ne dépistent pas encore, ou très mal, ou très longtemps après. Ces athlètes courent des épreuves sur toute la planète, dans des lieux très différents. Ils rencontrent beaucoup de sportifs comme eux, les échanges peuvent être nombreux avec des trucs qu'on ne connaît pas encore très bien chez nous… On sait que ces courses d'endurance extrême rassemblent des coureurs du monde entier qui ne font pas que se parler de conditions météo, de marques de chaussures ou d'ampoules aux pieds… Cela peut aussi devenir un grand supermarché mondial de substances pouvant améliorer la récupération."

Sur le fait que " Ludo le fou " n'ait pas encore subit de contrôle, Fabien est catégorique : " Il le faut, car même s'il est très probable qu'on ne décèle rien – et son record n'en sera que plus beau évidemment – il doit accepter les questions que cela pose, et si il n'y a jamais aucun contrôle, même si une fédération sportive reconnaît son record, le doute planera toujours, et entachera malheureusement pour lui son record. "

 

Le Facebook du Défi41 s'agace de la question

 

Dans la soirée de vendredi 17 juillet, le Facebook du Défi41 bruissait déjà de rumeurs sur les questions - légitimes selon nous - du dopage de leur champion préféré. On pouvait y lire ceci :

"Dopage !! Etant donné les nombreuses suspicions de dopage de la part de personnes qui ne connaissent rien au sport, à l'effort et à la préparation d'un athlète, mais surtout dont tout ce qui n'est pas de leur (petit) niveau est suspect plutôt que de se poser des questions sur ce qu'elles devraient faire pour y arriver, l'équipe médicale fera une recherche de produits dopants d'ici à la fin du Défi41. Les résultats vous seront bien évidemment communiqués.

L'idéal serait que l'AFLD (Agence Française de Lutte contre le Dopage) déclenche elle-même ce contrôle, malheureusement nous n'avons aucun pouvoir pour le faire, il n'y a que le Ministère des Sports qui décide. Aussi nous invitons toutes les mauvaises langues à se défouler auprès de cet organisme pour que celui-ci déclenche un contrôle.

Enfin pour clore le bec à celles et ceux dont le goût de l'effort est un goût inconnu, sachez que Ludo se prêtera volontiers à n'importe quel contrôle que ceux-ci voudront bien payer (un contrôle anti-dopage coûte 600 €) auprès du laboratoire de leur choix et qu'il remboursera celui-ci si d'aventure il était positif. Un grand merci à tous les sceptiques de se cotiser ...

Euh si quand même, il est un peu beaucoup dopé par l'engouement et les encouragements des Loir-et-Chériens qui nagent, roulent, courent et chantent à ses côtés et par tous ceux qui à distance vivent le défi avec lui."

Un ton plutôt accusateur qui tranche avec les valeurs que souhaite pourtant véhiculer "Ludo le fou" et son défi, ainsi que toute l'équipe qui l'accompagne. Ce message Facebook a ensuite été abondamment commenté et partagé. Sans toutefois briller par le sens de la mesure ou le fair-play de certains commentateurs. Il faut parfois aussi savoir supporter ses supporter...  

 

L'antidopage aurait besoin d'un stimulant

 

C'est sous l'impulsion notamment du célèbre alpiniste Maurice Herzog, alors haut commissaire à la jeunesse et aux sports que se tient en 1963 en Isère un colloque européen sur le doping. Médecins, toxicologues, sportifs, journalistes s'y retrouvent. Deux ans plus tard le 1er juin 1965 est votée une loi, première disposition ministérielle contre le dopage. Le décret d'application paraîtra un an plus tard le 10 juin 1966 et entre en vigueur lors du Tour de France qui débute quelques jours plus tard. L'application de la loi prohibe les stimulants, très en vogue à ce moment-là. Ils occasionnent des malaises et surtout des décès chez les sportifs en compétition, notamment des coureurs cyclistes en plein effort. On se souvient de l'Anglais Simpson en juillet 1967 sur les pentes du Mont Ventoux, devant les caméras de télévision du monde entier… Les premiers contrôles urinaires positifs décèlent des traces d'amphétamines ; mais encore fallait-il prouver qu'ils avaient été pris sciemment… Cet argument va perdurer longtemps, et on se souvient du désormais fameux " à l'insu de mon plein gré " de Richard Virenque, coureur de l'équipe Festina en 1998. En outre, pendant des années, les hormones étaient associées aux vitamines. C'est notamment sur ce flou que les sportifs vont s'appuyer.

Les années passent et globalement les contrôles positifs sont en diminution. Allait-on crier victoire trop tôt ? On annonçait la fin du dopage, des Tours de France " naturels " et " propres ", des compétitions sportives exemptes de tout dopage. Erreur : ce dernier était entré dans la clandestinité. On allait déchanter. La plupart des substances interdites par le Comité international olympique (CIO) et inscrites sur leur liste noire disposent en effet d'un délai de carence entre le moment où elles sont interdites et la capacité des laboratoires à les dépister. Par exemple, les corticoïdes sont interdits en 1978, et ne sont décelables qu'en 1999. Les stéroïdes anabolisants sont interdits en 1976, certains sont toujours indétectables. L'EPO est interdite en 1990, mais décelable en 2000. L'hormone de croissance est interdite en 1989, décelable depuis peu. On ne fait pas mieux avec la liste française des produits interdits : 300 noms y sont inscrits, mais combien de substances sont encore indécelables ?

C'est à la suite de l'affaire Festina lors du Tour de France 1998 (1) que sera créée l'AMA, l'Agence mondiale antidopage, sous l'impulsion des politiques français et du Conseil européen. En 2000, c'est le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage qui sort de terre (CPLD), devenant en 2006 la fameuse AFLD, Agence française de lutte contre le dopage. Marie-Georges Buffet, alors ministre des Sports, montre les crocs et durcit le ton. La France montrait l'exemple, mais qu'elle était sa réelle influence contre les mastodontes du sport mondial – notamment le CIO - et ses fameux enjeux financiers, médiatiques, politiques etc. ?

S'en suivent dix ans de politique hybride faite de compromis, de pressions, de coups médiatiques, de conflits d'intérêts, de baisse d'autorité sur le territoire et surtout… de budgets ridicules face à l'ampleur de la tâche. En 2015, l'AFLD dispose de 8 millions d'euros pour effectuer ses missions dans les compétitions sportives, entrainant notamment la baisse des échantillons prélevés sur les sportifs (11.040 en 2013. 6.200 en 2015). L'AMA n'est pas beaucoup mieux lotie : avec 25 millions d'euros annuels pour le contrôle antidopage de la planète entière, c'est en comparaison le même budget que celui de l'équipe cycliste Sky de Chris Froome… Et ce n'est pas l'AMA qui permit de mettre au jour le scandale Lance Amstrong (entre autres), ce qui laisse songeur. En 2014, l'AFLD a décelé 46 sportifs en France convaincus de dopage.

 

(1) Toute une équipe renvoyée du Tour le 18 juillet par J-M. Leblanc son directeur pour "manquement à l'éthique" à la suite de l'arrestation du soigneur de l'équipe Willy Voet avec des sacs isothermiques dans sa voiture contenant 400 flacons de produits dopants et stupéfiants.

 

Source : enquête de Pierre Ballester dans Le Monde.

L'AFLD muette comme une carpe (ou presque)

 

Nous avons tenté de joindre l'Agence française de lutte antidopage, en lui demandant comment elle procédait lors des contrôles antidopage des épreuves sportives (quelles qu'elles soient) et si la performance surhumaines du Défi 41 n'était pas de nature à soulever de légitimes questions. Par le biais d'un échange mail avec le secrétariat général, la réponse est sans appel : "Même lorsque nous avons des doutes, ce qui peut nous arriver, nous ne les exprimons pas pour ne pas jeter l'opprobre sur le sportif ou la sportive et ne pas donner le sentiment que nous avons pré-jugé d'une affaire sur laquelle nous pourrions être appelés à statuer. En conséquence, la seule expression de l'Agence passe par le contrôle antidopage et l'examen scientifique du prélèvement réalisé." Sur les demandes formulées par Ludo le fou et son entourage à venir procéder à un contrôle urinaire, pas mieux : "Seul le directeur du département des contrôles ou ses représentants ont connaissance des contrôles programmés, ce qui garantit leur indépendance."

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"Ludo le fou" a soif

21 Juillet 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

"Ludo le fou" a soif

Ludovic Chorgnon, depuis le 1er juillet, enchaîne les triathlons catégorie Ironman quotidiennement. Comme d'autres vont à l'usine, mais le sourire aux lèvres. Ou presque. (article paru dans La Renaissance du Loir-et-Cher du 10 juillet)

 

Quand vous lirez cet article, il devrait normalement égaler le record du monde de triathlon catégorie Ironman d'affilés (1), soit 10 en 10 jours. Si vous lisez ce journal samedi 11 juillet au soir, peut-être ce record sera-t-il battu… Et dimanche 12 juillet ? Nul le sait, sauf lui. Le jour où nous sommes allés cueillir "Ludo le fou " sur la ligne d'arrivée, lundi 6 juillet dernier, le mercure frôlait les 33°, à l'ombre évidemment. Presque " frais " comparé aux 40° des premiers jours ! Et pourtant, c'est bien de la chaleur et du vent dont cet extra terrestre souffrait le plus. Plus dur que le marathon des sables (2) ? " Ça c'est rien, c'est de la blague ", dit-il dans un demi sourire crispé (quand même) quelques minutes après l'arrivée de ses 13h24 mn d'effort. " Vraiment c'est le pire, ça me dessèche beaucoup ", souffle-t-il en retirant à grand peine ses sockets poussiéreuses, trempées de sueurs. " Mais mon équipe médicale est super. Bon, les temps de massage ont tendance à s'allonger – 1h30 au lieu de 1h au début – mais c'est super. La chaleur, ça va bien finir par s'arrêter. J'espère seulement que ça s'arrêtera avant moi ! " Juste après ces mots, et un soin par une pédicure – car il souffre d'un ongle incarné – il " plonge " ses membres inférieurs endoloris, raides comme deux morceaux de bois dans une piscine d'eau refroidie à 9°. On appelle ça la cryothérapie, et c'est sensé accélérer la récupération. Et de la récupération, Ludo en a bien besoin.
 

En boucler 41, ou rien

 

Auparavant, sous le tivoli installé près de la piscine des Grands-Prés à Vendôme, alors qu'il lui restait encore deux boucles de 6 km chacune pour achever son marathon quotidien, une bassine d'eau glacée où flotte un mélange de glaçons, de serviettes microfibres et de torchons, attendait Ludovic, alias " Ludo le fou ", pour un rafraîchissement bienvenu après ces heures et ces heures d'effort. De quoi s'alimenter aussi, barres énergétiques, sachet contenant une salade de pâtes à 500 calories pour 100 grammes, mais aussi – plus surprenant – des viennoiseries. Des boissons énergisantes, de l'eau bien sûr, et l'incontournable coca. Ludovic l'a avoué sur le podium lors de la traditionnelle courte interview qu'il livre sitôt la ligne d'arrivée franchie, à l'adresse des supporters et bénévoles en petites grappes venus l'applaudir : " Je suis déshydraté. Très déshydraté même. " On le serait à moins, en effet. Mais, l'assure-t-il, " c'est sous contrôle médical. " On s'interroge, tout de même, sur ce ou ces fameux médecins, kiné etc. qui donnent l'autorisation à l'athlète de continuer cet effort surhumain - n'ayons pas peur du mot - sous cette chaleur écrasante, et pas seulement dans l'optique de battre le record du monde homologué de 10 triathlons Ironman consécutifs. Mais plus encore – car c'est bien l'objectif qu'il s'est fixé – d'en boucler… 41, comme le Loir-et-Cher, et on se prend à regretter pour lui qu'il n'habite pas l'Aude ou l'Aveyron…
 

Les médias nationaux absents

 

À côté de lui, lors du dernier ravitaillement mais aussi juste après avoir franchi la ligne, une discrète femme brune en débardeur orange et aux lunettes de soleil a le regard fixé, sur cet homme, en nage, au bout de lui-même. Cet homme c'est le sien, Delphine est sa femme. Craint-elle pour la santé de son mari ? " Pourvu que ça tienne ", nous confit-elle presque en chuchotant, comme pour conjurer le sort. Comment se passe les relations avec son triathlète de mari le soir après ce " boulot " ? " On parle peu. Il rentre à 21h45 environ, on mange, moi j'ai souvent mangé avant lui. Après il va se coucher. On peut parler ensemble un peu, mais de tout sauf du Défi 41. Je lui parle de sa société… " dit-elle avec comme une pointe de résignation. Comment pourrait-il en être autrement, tant les questions sont très nombreuses autour de ce " défi " qu'il s'est lancé. Qu'ils se sont lancés, car c'est une affaire de famille. Antoine et Anaïs, ses enfants et la petite Elsa (4 ans) sont aussi embarqués dans l'organisation. Anaïs veille d'ailleurs aux médias, dont les nationaux tardent un peu à se manifester, au regret du speaker sur le podium. Ludo est confiant – c'est une seconde nature chez lui – " ça va venir… "

Demeure la lancinante question vue de l'extérieur : qu'adviendrait-il si le staff médical lui disait, un soir, " stop, arrête là, ta santé est en jeu " ? Ludo le fou est si déterminé, si sûr de son objectif dont il ne démord jamais, écoutera-t-il ? Ingrid, membre de " Vendôme triathlon " et qui vient de boucler le dernier tour à ses côtés l'affirme : " Il écoutera bien sûr. Il n'est pas si fou que ça ". Pourtant, dans la piscine à 9° où on le quitte en train de faire barboter ses pauvres jambes lourdes comme du béton, Ludovic Chorgnon ne veut pas entendre parler du samedi 11 juillet, jour où il pourrait battre le record officiel. Il ne voit qu'un chiffre : 41. " J'ai réservé l'hôtel jusqu'au 10 août, alors… " lance-t-il dans une ultime boutade, sans se départir de son (presque) éternel sourire.

 

(1) enchaîner dans la même journée 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon soit 42,195 km.

(2) Une semaine dans un désert à courir un marathon par jour dans les dunes et en autonomie presque complète.

 

Lire aussi sur ce blog le portrait de "Ludovic : l'homme de "faire" en fer (17 avril 2015)

Prochain article : Le Défi 41 est-il "propre" ? (enquête)

- La solitude du coureur de fond -

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En MMA, Julien Piednoir assure

9 Juin 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

Julien Piednoir, alias "The Machine"

Julien Piednoir, alias "The Machine"

 

Le champion blésois originaire de Vierzon ouvre à Blois une salle de Mixed martial arts, la Top Team Academy. Brutes épaisses, passez votre chemin.

 

Si pour vous " MMA " n'est que l'acronyme d'un géant mutualiste avec " zéro traca ni blabla ", alors vous avez un train de retard. Le MMA, Mixed martial arts, est un sport de combat et de contact venu des États-Unis, dans les années 80-90. On appelait ça le freefight et vous avez peut-être vu Fight club, film de David Fincher avec Brad Pitt, en 1999. Les combats, organisés par son principal promoteur américain UFC (Ultimate Fighting Championship) étaient très spectaculaires et surtout… sans règles ni limites. Tout, mais alors vraiment tout était permis : coups de pieds, coups de tête, coups de poings, frappes au sol, et – châtaignes sur le gâteau si on ose le dire ainsi – des " penaltys à la tête ", comprendre des coups de pieds dans la tête quand l'un des combattants est au sol. Dis de la sorte, ça ne fait pas forcément envie…

Mais ça, c'est terminé, le MMA est passé par là. Depuis le début des années 2000, il s'est grandement règlementé, à défaut de s'être adouci. Julien Piednoir, champion de cette discipline, originaire de Vierzon mais vivant à Blois depuis 3 ans avec sa femme et leur petit garçon de 20 mois, ouvre la " Top Team Academy ", rue Jean-Moulin.


Des entraînements très variés

 

Ce solide gaillard de 27 ans et 87 kg tout en muscles – il descend à 77 kg avant un combat – est un ancien rugbyman, parti à 19 ans pour Montpellier. Là bas, il découvre les sports de combat, dont le MMA. Il s'entraîne dur, très dur, et gravit les catégories : D, C, B, puis A, la catégorie reine, celle des compétitions internationales, avec juste une paire de gants, une coquille protège parties génitales et un protège dents. Depuis qu'il est passé professionnel, Julien compte six victoires et une défaite. Son prochain combat est le 20 juin au Portugal, à Porto. Mais alors pourquoi ouvrir une salle de MMA à Blois, quand on connaît la réputation sulfureuse de ce sport dont les combats officiels sont interdits en France ? (lire par ailleurs) " J'ai envie d'apporter mon expérience à d'autres. J'ai 27 ans, il est temps pour moi de déjà penser à la reconversion. Et puis j'aime bien apprendre. Le MMA marche bien en France car c'est un sport très complet, ludique, il intéresse tout le monde. Les gens y cherchent une forme de challenge, malgré la dureté des entraînements ", dit-il franchement. C'est sans doute pour cette raison-là qu'il éloigne le public qu'on croirait pourtant friand de " baston " et de " coups dans la gueule ". Vous imaginiez les jeunes de banlieues à grandes gueules venir suer sur les tapis du MMA ? Erreur : beaucoup trop dur, beaucoup trop fort, la discipline y est féroce, une hygiène de vie saine est hautement recommandée. Et surtout, plus que tout : le MMA est bardé de règles, pour éviter d'y faire n'importe quoi, et sortir de cette réputation de combats de gladiateurs. " Une centaine ", ajoute Julien. " Les arbitres sont présents et très pros. C'est très encadré, il ne faut pas croire qu'on peut tout se permettre. " Toujours utile de le dire, car les vidéos qui traînent sur Internet montrent une réalité – ancienne visiblement – bien différente. " Les entraînements sont très variés, il n'y en a jamais deux pareil. Il y a une recherche d'adrénaline. Oui, c'est vrai, c'est un sport dur. Mais je souhaite encadrer les choses. Ici, on sera ponctuel, on range ses affaires, je ne veux pas voir de trucs qui traînent, les vestiaires doivent être propres et rangés. " On est prévenu : ce n'est pas l'armée, mais si on veut que tout le monde s'y retrouve dans une bonne ambiance, il faut mettre tous les adhérents au diapason. " L'équipement des combattants sera intégral : plastron, protège-tibias, protège-dents, casque, gants épais, coquille. " C'est lui, avec son œil d'expert (1), qui déterminera qui accèdera à des combats plus ou moins difficiles.
 

Faire émerger des talents

 

Le MMA, un sport de bourrins agressifs ? " Pas du tout, contrairement à ce qu'on croit ", ajoute encore Julien Piednoir. " Ça ne sert strictement à rien. Il faut avoir envie plus que de l'agressivité. Tout se joue dans les enchaînements. Il faut être lucide, cool, souple, et précis. Il y a aussi un grand respect de l'adversaire, comme en boxe par exemple. L'animosité est dans la cage, ou sur le ring. Avant un combat, c'est vrai on ne se parle pas, on ne sourit pas. Ça fait partie du jeu. Mais après, perdant ou gagnant, on est amis. " La cage ? Sans doute ce qui rebute le plus les spectateurs non avertis de ce sport de combat pas vraiment comme les autres. On a l'impression d'y voir des gladiateurs modernes. Elle a pourtant son utilité cette cage : " Elle sert surtout à éviter que les combattants soient projetés en dehors du ring comme cela arrive parfois dans des combats de boxe d'ailleurs ! "

Julien Piednoir ouvre les portes de sa Top Team Academy tout le mois de juin – sauf du 18 au 24 où il sera à Porto – et ne souhaite qu'une chose : faire émerger des talents, ici, dans le Blaisois.

 

(1) Et son BMF, Brevet de moniteur fédéral.

 

F.S

Le MMA se porte comme un charme

 

Le succès planétaire du MMA fait des envieux : en France, la Fédération de Judo a déclaré, dans un communiqué datant de novembre 2014, que "tout judoka classé dans le ranking list (classement mondial des judokas sur le même modèle que l'ATP) n'est pas autorisé à s'engager dans une compétition internationale autre que le judo". Fermez le ban. Il faut savoir que les relations entre le judo et le MMA sont plus que tendues, depuis longtemps. Depuis l'arrivée du MMA en France en fait. Face au succès de ce sport de combat spectaculaire - et pourtant très encadré presque autant aujourd'hui que le judo - la Fédération de judo souhaite se prémunir contre l’hémorragie de ses adhérents vers le MMA, ou que des judokas s'engagent dans plusieurs disciplines.

Jusqu'ici, seuls trois pays au monde et l’État de New York interdisaient sur leur sol les compétitions de MMA : la France, la Norvège et la Thaïlande. Cette dernière vient de plier, estimant que la concurrence avec une discipline locale, le muay-thaï, n'empêchait pas l'organisation de compétitions sur son sol. Aux États-Unis, les combats de MMA atteignent des records d'audience et de spectateurs, mais l’État de New York ne souhaite pas une concurrence aux combats de boxe organisés au Madison Square Garden. Mais dans le reste du pays, le MMA cartonne.

Cent vingt-neuf pays retransmettent les combats à la télévision, touchant environ 880 millions de téléspectateurs. L'UFC (Ultimate Fighting Championship, qui regroupe plus de 500 combattants professionnels de par le monde) empocherait grâce à ces retransmissions environ 2,5 milliards de dollars.

En France, difficile d'estimer très précisément le nombre d'adhérents faute de statistiques officielles. Cependant, Dragon bleu (leader de la vente d'équipements pour le MMA, crée en 2004 et qui génère la coquette somme de 15 M d'€ de CA et 45 salariés) estime à 700 clubs pour environ 30.000 membres dans l'Hexagone. Et les adeptes se comptent en milliers supplémentaires chaque année. À titre de comparaison, la Fédération française de Judo affichait en 2014 593.427 licenciés, en baisse par rapport aux années fastes du début des années 2000, avec 635.000 licenciés. 80 % des judokas ont moins de 12 ans, ce qui fait dire à certains observateurs qu'il sert surtout de garderie (on peut commencer le judo à 4 ans). Mais une chose est sûre : année après année, le MMA grignote des adhérents à d'autres sports de combat - dont le judo - qui cherchent la parade. Le combat risque d'être long et dur. Et là, tous les coups semblent permis.

 

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La Loi du marché

21 Mai 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma, #Presse book

Vincent Lindon : un acteur physique

Vincent Lindon : un acteur physique

Le nouveau film de Stéphane Brizé est une expérience radicale de réalité sociale : la vie d’un chômeur et la jungle dans laquelle il doit se débattre pour s’en sortir. Avec un acteur professionnel, et une pléiade de non professionnels.

 

Stéphane Brizé (1) l’a avoué au micro de Caroline Broué dans La Grande table : La Loi du marché aurait pu se traduire, pour l’international, Dogs eat dogs. Les chiens mangent les chiens. À elle seule, cette indication en dit long sur la réalité sociale de l’œuvre tournée avec très peu de moyens, en très peu de temps, et mettant sur un même pied d’égalité un acteur professionnel – Vincent Lindon – avec des non professionnels jouant leur propre rôle.

 

Thierry (Vincent Lindon), 51 ans, a été licencié économique de son entreprise. Il vit dans un pavillon de banlieue avec sa femme et son grand fils handicapé mental. Dans une scène d’ouverture sans préavis ni générique, on le voit confronté à l’abrutissant entretien avec son conseiller Pôle emploi, impuissant et dépassé par la situation. Le décor est campé, brutal, chirurgical oserait-on dire : Thierry est un chômeur de longue durée, et il va en chier pour retrouver du boulot. S’en suivent plusieurs séquences toutes aussi réalistes les unes que les autres, aux frontières de l’absurde. On y voit successivement Thierry confronté à la recherche d’un travail, à la litanie des discours pseudo-managériaux lénifiants qui le marginalisent de plus en plus, le dévalorisent, le déshumanisent. Un entretien d’embauche via Skype où on lui signifie qu’il n’a finalement que très peu de chance ; un rendez-vous avec sa banquière qui d’une main cherche à l’aider mais de l’autre lui enfonce la tête sous l’eau ; un stage de requalification où les autres chômeurs ne sont pas tendres avec lui, etc.

Dans une seconde partie du film, Thierry est dans son nouveau travail : agent de sécurité dans un hypermarché. Une autre réalité sociale s’ouvre alors. Grâce à la vidéosurveillance (80 caméras dans tout le magasin), non seulement les clients potentiellement voleurs sont filmés, suspectés au moindre comportement bizarre, mais aussi les caissières. Le directeur du magasin cherche en effet à licencier du personnel pour augmenter ses bénéfices. Thierry assiste, malgré lui, à des scènes où certaines d'entre elles sont prises la main dans le sac, en train de dérober des bons de réduction ou de passer leur propre carte de fidélité lorsqu’un client n’en possède pas. Cette partie-là du film n’en est pas moins violente que la longue et fastidieuse recherche d’emploi. « Vous n’allez pas faire remonter ça pour des points de fidélité », dit l’une d’elles en toute fin de film. Et bien si. On y voit l’absurdité d’un système non choisit par les protagonistes, dont certains volent car ils n’ont même plus de quoi se payer un steak.

 

La Loi du marché est un film social, ce qui généralement n’est pas un compliment pour un film français. On pense spontanément au cinéma des frères Dardenne, à ceci près qu’ici, Stéphane Brizé ne se sert pas tant de la fiction que de la réalité sociale : nous sommes dans l’action, jusque dans la façon de filmer Thierry. Souvent au plus près, de dos ou légèrement de trois-quarts, « nous » sommes Thierry, nous voyons ce qu’il voit, ressentons ce qu’il peut ressentir. A ce jeu-là, Vincent Lindon, qui a déjà tourné deux fois avec Brizé (Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps) offre son jeu naturel, explosif, physique et au caractère affirmé. Cependant, l’expérience dans laquelle le réalisateur le plonge ne manque pas d’intérêt : confronté à des acteurs non professionnels assumant leur propre rôle – à leur sujet Vincent Lindon dit "des acteurs qui tournaient pour la première fois" – les dialogues et les situations prennent une densité, une âpreté et une véracité rarement vue auparavant. Il est possible que cela perturbe un peu certains spectateurs. Mais cela demeure une expérience de cinéma très forte, à la mesure de l’absurdité et la violence du déclassement ressenties par toute personne qui un jour a pu vivre ce type de situation.

 

A la fin, on voit Thierry quitter la scène brutalement, comme sur un coup de tête trop longtemps contenu. Sur le parking de l’hyper, alors que sa voiture disparaît, on aperçoit une enseigne lumineuse : "la Grande récré". Et La Loi du marché s’impose…

 

(1) Réalisateur en 2009 de Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps.

F.S 

 

Vincent Lindon : Prix d'Interprétation masculine au 68e Festival de Cannes 2015.

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Le Fils perdu de la République

12 Mai 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #littérature, #Presse book

 

Le journaliste et écrivain Michel Taubmann signe un ouvrage richement doté de témoignages de proches et collaborateurs de Philippe Séguin, au parcours singulier dans la Ve République.

 

Philippe Séguin est mort soudainement dans sa 67e année le 7 janvier au matin. Aussitôt, les hommages ont fleuri de partout, de tous bords politiques confondus. Un paradoxe de plus pour un homme d’une singularité rare dans le paysage politique français. Personnage entier mais hérissé de pics et de pointes malgré sa physionomie toute en rondeur. Rarement un homme politique aura autant divisé que suscité l’adhésion de beaucoup de ceux qui ont eu à parcourir un bout de chemin avec lui. « Le problème de Séguin, c’est qu’il est séguiniste », dira de lui un jour un certain Jacques Chirac, qui ne l’aura pas ménagé non plus, et réciproquement. La formule lui sied à la perfection, tant Philippe Séguin aura fait ce que de nombreuses figures politiques ne parviennent jamais à être et encore moins à demeurer : rester lui-même, partout, en toutes circonstances, quels que soient les vents électoraux, les alliances et petites manigances de la popote politique des arrière-cuisines, honnies par le général de Gaulle, son modèle absolu.

Petit chose, ou Rastignac ?

On ne peut rien comprendre à Philippe Séguin si on ne remonte pas aux origines, et c’est le grand mérite du livre du journaliste de télévision Michel Taubmann, Le Fils perdu de la République, paru en avril 2015 aux éditions du Moment. Les origines de ce boulimique de travail autant que de pizzas, de cigarettes, de whisky et de femmes sont en Tunisie, où il nait en 1943. Élevé par sa mère dans le culte d’un père mort en combattant de la France libre dans le Doubs un an plus tard, Philippe Séguin est aussi le fils d’une union illégitime entre sa mère institutrice, Denise, et un juif tunisien qui travaille dans le même magasin de confection féminine qu’elle. Ce lourd secret ne lui sera révélé que bien plus tard, et il s’ajoutera à une autre lourdeur, encore plus écrasante, qu’il portera comme un fardeau toute sa vie : les deux médailles (Croix de guerre et Médaille militaire) remises à titre posthume à Robert Séguin, son père « adoptif » qu’il n’aura donc quasiment jamais connu, mais dont il vivra dans l’adoration permanente. Il a 6 ans en 1949 quand un général lui épingle ce tableau d’honneur sur le poitrail, occasionnant une colère face à sa mère qui une fois rentré à la maison voulait les lui enlever. « Elles sont à moi ! Elles sont à moi ! ». Le décor est planté. Consciemment et inconsciemment à la fois, ces deux héritages expliqueront pour une grande part la personnalité tourmentée de l’ancien député-maire d’Epinal, président de la Cour des Comptes à la fin de sa vie, après avoir été ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, président d’un RPR en fin de vie, président de l’Assemblée nationale. Lui qui se décrivait souvent comme « Petit chose » a quand même un côté « Rastignac » en décrochant la 7e place de l’ENA (il y était rentré dans les derniers), promotion Robespierre, choisissant délibérément en connaissance de cause la Cour de Comptes, détestant la caste des bien-lotis de l’Inspection des finances. « C’est pour les bourgeois », disait-il.

Fou de foot

On le dit souvent hautement colérique, capable d’envoyer valser un cendrier à travers son bureau. Certains le décrivent surtout comme sensible, attachant, charmant et charmeur, mélancolique, aigri, râleur, ironique, doté d’un humour noir très british, et drôle. Il faut aussi, pour comprendre le personnage, connaître sa passion pour le foot, au point d’en être une drogue, et d’avoir souvent caressé le rêve de se voir proposer la présidence de la Fédération française de football, ce qui ne lui échu jamais, à son grand regret.

Philippe Séguin n’a pas ménagé son entourage, ni sa propre personne. Marié deux fois, il eut quatre enfants dont trois de son premier mariage. Boulimique de travail, il ne leur consacrera que peu de temps, mais toujours de grande attention et de grande qualité, à les écouter témoigner sur ce père pas comme les autres. Mais il aura aussi cette incroyable autant qu’absurde capacité à s’auto-détruire physiquement, fumant Gitane sur Gitane, engloutissant d’énormes pizzas dégoulinantes de fromage en regardant les matchs de foot, et sirotant des whiskys jusqu’à plus soif. Sur la balance, Séguin fait du yoyo, plutôt vers le haut.

Double abandon

Séguin aura surtout payé cher sa farouche indépendance, son franc parler, sa détestation des postures politiques sans projet, les néo-gaullistes sans doctrine plus préoccupés de leurs réélections que de la nation France et de sa souveraineté. Celle-ci il l’aime plus que tout, la défendra bec et ongles comme un forcené pendant toute sa vie, lui qui était pupille de la nation et disait à son sujet : « la nation m’appartient. » On se souvient de son engagement contre le traité de Maastricht en 1992. Un homme politique entier, au physique de colosse des Vosges où il réussira son parachutage en 1977 (élu maire où il restera jusqu’en 1997) et député l’année suivante, au terme d’élections législatives qui étaient loin d’être aisées pour la droite divisée entre giscardiens et chiraquiens. Chirac : ce mentor à qui il se dévouera autant qu’il détestera ses manières de roublard calculateur, manipulateur et flingueur. Chirac qui fera de lui un roi (nommé ministre en 1986) mais le laissera tomber en 2001 aux élections municipales de Paris où, refusant de trancher entre lui et le « chanoine » Tibéri, il fit perdre les deux et ce fut le début de la fin pour ce colosse aux pieds d’argile.

Très enrichi par les témoignages de ses proches, le livre de Michel Taubmann se lit comme un roman – national cela va sans dire – le roman d’une Ve République et d’une vie bouleversante autant que bouleversée. Mais c’est encore sa fille Catherine qui parle le mieux de se père au regard doux et aux éclats de rire tonitruants : « C’était un homme très pudique, très sensible. Beaucoup de nos échanges passaient par le regard, des bribes de phrases, et parfois de longs silences. » Un autre journaliste, Pierre Servent, qui a signé avec lui un livre d’entretien en 1990 (1), fait la synthèse d’un homme qui a traversé la Ve République en rêvant d’atteindre son sommet sans jamais y parvenir : « Il a toujours souffert d’un double abandon, celui du père mort en 1944, et celui de la mère-patrie tunisienne, quittée en 1956. » Tout est dit.

F.S

 

(1) La Force de convaincre. Ed. Payot.

Le Fils perdu de la République
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Les mystères du Loir-et-Cher dévoilés

24 Avril 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #littérature, #Presse book

Le nouveau livre du journaliste Pascal Audoux lève le voile sur des éléments de l'histoire du département et des destinées insolites, extraordinaires et méconnues. Mais qui gagnent à l'être.

 

La séquestrée de Poitiers, Blanche Monnier ? Elle a fini ses jours à l'hôpital psychiatrique de Blois. Connaissez-vous vraiment le chanoine Tournesac fondateur du journal que vous avez en main, ecclésiastique haut en couleur malgré sa soutane noire et son col romain blanc ? Champigny-en-Beauce vous fait penser à un nom de village d'une aventure de Spirou et Fantasio ? Elle abrita une cité agricole, comme on dirait une cité de banlieue aujourd'hui. Et l'affaire du presbytère de la discorde à Chaumont-sur-Loire ? Saviez-vous aussi que les Américains avaient débarqué à Gièvres entre 1917 et 1919 ? Et ce préfet enterré dans l'église Saint-Nicolas, Albert de Lezay-Marnésia ? Pensez-vous tout savoir sur le père Brottier ? Connaissez-vous les diaboliques de Vendôme ? A-t-on tout dit sur Auguste Poulain, ou reste-t-il quelque chose à croquer ? Etc. Etc. Impossible de citer là tous les vingt-sept chapitres des quatre parties (1) qui composent Les Mystères du Loir-et-Cher de Pascal Audoux.

Mystérieux mystères

Le journaliste, historien et écrivain Pascal Audoux mériterait d'ailleurs à lui seul un chapitre sur ses propres mystères dans ce livre paru le 10 avril aux éditions De Borée. Passionné par son métier de localier – au sens noble du terme - et surtout par ce que certains nomment souvent avec la condescendance des petits sectaires de province la " petite histoire ", il signe avec ce nouvel opus une œuvre qui fera date dans les productions littéraires du département. L'homme n'a pas ménagé sa peine, ni son temps libre. À la manière d'un Rouletabille, il a su pousser les portes, s'interroger, contacter une foultitude de personnes, en ressusciter d'autres, fouiller les archives parfois poussiéreuses et souvent oubliées pour dénouer les énigmes de ces mystères. Et remettre cent fois ses certitudes sur le grill du doute ; pas celui dont on fait des prétendues fondations. Non, celui qui élève et instruit. Car, au sens littéral du terme, un mystère est quelque chose dont le sens est caché, et ne se révèle qu'aux initiés. Pascal Audoux ne se contente pas de s'en instruire lui-même et de s'en nourrir à la manière d'un érudit du haut Moyen Âge : il nous ouvre les portes en nous prêtant les clés de ce savoir encyclopédique.

Mystérieux évènements, mystérieuses personnalités aux destins peu communs, mystérieux toponymes d'une géographie et sociologie départementales qui sont, à elles seules, un mystère. Pas seulement parce qu'un chanteur célèbre (qui passa souvent ses vacances à Dhuizon chez ses grands-parents) en a magnifié la boue qui colle aux semelles - salissant au passage pour longtemps l'orgueil un brin mal placé des habitants du cru, leur injectant le poison d'un complexe d'infériorité tenace. Un département pourtant digne d'intérêt par ses coins et recoins, par son histoire, la petite et la grande, comme le dédale des 426 pièces et 77 escaliers du château de Chambord, fleuron et fierté locale qui permet au Loir-et-Cher de rayonner un peu plus loin que les limites des trois autoroutes qui le bordent.

Rigueur de l'historien, enthousiasme du journaliste

Dans sa préface, l'ancien préfet du département Gilles Lagarde, s'interroge à juste titre sur ce " département que l'on disait sans histoire [qui]  a souvent fait l'histoire (…) Par quelles mystérieuses prédispositions ce cœur de France (…) se trouva-t-il au cœur de l'histoire ? " C'est tout l'objet du livre de Pascal Audoux, qui l'avoue lui-même : "Je pars du principe, quand on est historien de formation comme je le suis, qu'on doit s'intéresser à l'histoire d'un département quand on y arrive. C'est ce que j'ai fait dès mon arrivée en Loir-et-Cher il y a 3 ans. Faire ce livre était aussi un challenge : le précédent, sur le Périgord (2), je l'avais fait avec un autre auteur. Je me suis lancé le défi d'en faire un seul. J'ai mis dans ce livre toute la rigueur de l'historien, et l’enthousiasme du journaliste."

Ces histoires insolites, étranges, criminelles et extraordinaires - sous-titre de l'ouvrage - passionneront plus d'un Loir-et-Chérien croyant bien connaître son département, en s'étonnant, cela va de soi. Un étonnement historique qui débouchera certainement sur un étonnement philosophique. Travail titanesque s'il en est pour un homme discret, boulimique de lectures et d'archives historiques autant que fan des répliques du cinéma de Michel Audiard et Henri Verneuil, de films comiques de série B et de leurs seconds rôles dont personne – sauf lui – ne se souvient du nom.

Et ça, ce n'est pas le moindre des étonnants mystères…

 

F.S

(1) 1ère partie : Histoires insolites. 2e partie : Histoires extraordinaires. 3e partie : Destins à part. 4e partie : Affaires criminelles.

(2) Les Mystères du Périgord, chez le même éditeur.

Pascal Audoux dédicacera Les Mystères du Loir-et-Cher samedi 25 avril de 15 h à 18 h chez Labbé, libraire, rue Porte-Chartraine à Blois.

 

article paru dans La Renaissance du L & C le 24 avril.

Pascal Audoux et les Mystères du Loir-et-Cher

Pascal Audoux et les Mystères du Loir-et-Cher

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Ludovic : l’homme de « faire » en fer

8 Avril 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

 

Le Vendômois se lance un défi hors norme : enchaîner 41 triathlons catégorie « ironman » d’affilés, en juillet et août prochains, pour faire connaître le Loir-et-Cher. Et surtout par goût du dépassement de soi. Rencontre avec un (extra) terrestre.

 

Ne dites jamais à Ludovic Chorgnon,  triathlète de 43 ans, marié et père de 3 enfants : « Ça ne marchera jamais », et surtout pas « C’est impossible. » Car c’est exactement le genre de chose capable de déclencher chez lui une irrépressible envie d’en découdre, et de vous prouver le contraire. Par bravade ? Par inconscience ? Par goût du risque ? Par folie douce ? Rien de tout cela. Ludovic Chorgnon n’aime rien tant que d’essayer de changer le cours des choses, tout simplement. « Je ne supporte pas cette fatalité qui consiste à dire : ah ben c’est comme ça, on n’y peut rien ! » dit-il en plissant les yeux dans un regard malicieux, un sourire franc et une bonne humeur super-communicative. L’homme que l’on surnomme parfois « Ludo le fou » est tout sauf ça, justement.

 

Entre le 1er juillet et le 10 août prochains, ce Vendômois chef d’une entreprise de consulting en ressources humaines (Sérénité consulting) va tenter de battre le record du monde de triathlons « ironman ». Pour ceux qui ne le sauraient pas, un triathlon « ironman » c’est enchaîner – excusez du peu – 3,8 km de natation, 180 km de vélo, et 42,195 km de courses à pied (un marathon complet). L’épreuve à elle seule donne mal aux jambes rien qu’à la décrire… Ludovic Chorgnon, lui, va enchaîner 41 jours de suite cette épreuve sportive parmi les plus réputées et les plus dures au monde, créée en 1977 à Hawaï. Pourquoi 41 ? D’abord parce que le record du monde officiel est de 10, et officieusement de 33 (mais non homologué). Et surtout parce que 41 est le numéro du département de Loir-et-Cher, pas assez connu à son goût. « Je viens de la région Rhône-Alpes. Quand nous sommes arrivés ici pour raisons professionnelles, avec ma femme et mes enfants, on connaissait à peine, on s’est demandé comment on allait tenir si loin des montagnes. Je me suis dit : on reste trois ans et on  retourne là-bas. Quand j’ai vu le film ‘Bienvenue chez les Ch’tis’, je me suis dit : c’est exactement moi il y a quelques années. Ça fait 20 ans que nous sommes là », dit-il, un brin amusé. Dans sa vie professionnelle, parcourant les quatre coins de la France, il est souvent confronté aux questions bien connues des Loir-et-Chériens qui se déplacent : « C’est où ce département ? Il y a quelle grande ville connue ? » Et il ajoute : « En ressources humaines, quand vous donnez à choisir entre venir habiter à Tours ou Vendôme, les gens mettent une demi-seconde à choisir Tours. » Une fatalité ? Non, pas pour lui, et c’est justement ça qui le met en mouvement.

 

Dormir sur commande

 

Du mouvement, Ludovic en fait depuis toujours. Non pas qu’il ait la danse de saint Guy, mais par réel goût du sport. Son père, boulanger-pâtissier, était aussi maître-nageur. « J’ai su nager avant de marcher », dit-il le plus naturellement du monde. À la maison, enfant puis adolescent, le sport fait partie de la vie de tous les jours. Du sport bien-être, pour être en forme, pas forcément pour la compétition. Lors de son premier marathon, à 28 ans, la veille ses potes lui font une surprise. Il se couche très tard, et ne bois pas que de l’eau... Il se lève peu après s’être couché, et prend quand même le départ. N’importe qui à sa place ne dépasserait sans doute pas le 10e kilomètre. Pas lui : il termine la course en 3h15, pour une première participation. Il se dit : « je dois avoir un potentiel. » C’est peu de le dire, au regard des courses qu’il a enchaîné ensuite ! (lire ci-dessous). Il se prend au jeu, obtient de très bons résultats aux triathlons. Il enchaîne les courses longues, parmi les plus difficiles du globe. Son mètre 80 pour seulement 69 kg lui « facilitent » la tâche. Mais plus que tout, Ludovic est une sorte d’extra-terrestre qui récupère très vite, et surtout très bien. Beaucoup mieux que le commun des mortels en tout cas. « Je peux m’endormir à n’importe quel moment, n’importe où, en quelques secondes, et me réveiller sur commande. » Vous pensez qu’il plaisante ? Non, et c’est même très sérieux : « Je m’entraine pour ça, je développe ça. J’utilise l’auto-hypnose, je l’ai apprise seul, sans m’en rendre compte vraiment », ajoute celui qui dit être parfaitement bien reposé après une nuit de 5 ou 6 heures, et même moins ! Vous vous dites : ce gars est complètement fou. Sur le papier, ça y ressemble. Et pourtant c’est un homme normal que nous avons rencontré, chez lui, dans son salon décoré comme chez tout le monde, avec un bouquet de jonquilles printanières posé sur la table, un écran de télévision près d’une cheminée, et un panier pour le chien Jackpot. Seul, dans un coin, un vélo d’appartement futuriste équipé d’un petit ordinateur vient nous rappeler que nous sommes chez un sportif qui prend soin de ses performances.

 

Sport, boulot, famille : tout est lié

 

Notre athlète – 2h46 au marathon – va s’attaquer en quelque sorte à l’Everest, mais plusieurs fois ! 156 km de natation. 7.380 km de vélo. 1.730 km de course à pied. « Ça va commencer tous les matins à 6h30 par la piscine, 1h30. Puis à 8 heures, le vélo, pour environ 7 heures afin de parcourir les 180 km. Vers 15 heures, j’attaquerai les 42,192 km du marathon, en 4h30. » Cette journée de « boulot » s’achèvera donc vers 19h30. Ensuite, il fera 10 mn de cryothérapie (1) et une heure de massage. Ludovic a avec lui une équipe composée de deux médecins, un kiné, un diététicien et même un radiologue qui s’intéresse au défi. Il aura aussi un protocole alimentaire à respecter : « Des protéines dans la demi-heure qui suit l’arrêt de l’effort, pour reconstituer les muscles. Ensuite un repas normal chargé en glucides tout de même. » Il espère être au lit à 22 heures environ, jusqu’à 5 heures du matin, et rebelote du 1er juillet au 10 août. Quand on lui dit : « vous allez vous faire mal », il ne contredit pas et ignore lui-même s’il pourra tenir le choc, mais là encore, Ludovic fait du Chorgnon : « Plus que le physique, c’est le psychologique qui entre en ligne de compte. Quand on aime ce qu’on fait, on ne souffre pas. Pour moi, c’est Noël tous les jours : je fais du sport, j’aime mon boulot, j’aime ma famille. Tout est lié, toutes mes activités sont très bien organisées, et il faut bien gérer son temps », ajoute celui qui est aussi organisateur de la course Sur les traces du loup, course vendômoise qui aura lieu cette année samedi 27 juin. Une association qui regroupe 11 membres et… 250 bénévoles.

 

Des pâtes, du boudin, et du foie

 

Evidemment, on se pose la question des blessures, et du dopage. Ludovic a déjà subit des blessures, et des graves ! « J’ai la capacité à découper une partie de mon corps, à l’isoler mentalement, grâce à l’auto-hypnose. Je gère ça mieux que d’autres sans doute », précise-t-il, dur au mal. Quant au dopage, il est formel : « Je veux prouver qu’on peut faire du sport sans se doper. Il y a une règle, il faut la respecter. En France, c’est la même pour tout le monde : pas de dopage. » Avant d’ajouter : « Il y a plus grave que le dopage des athlètes : c’est le dopage général. Prendre une substance magique pour un leurre personnel. Les gens prennent des trucs avant d’avoir mal, de la vitamine C ou du paracétamol par exemple. C’est un manque de préparation ou une mauvaise préparation. »

Celui qui avoue – même pas sous la torture - avoir dans son bar une douzaine de bons whiskys anticipe énormément sur l’alimentation que son corps réclame. Le fer, principalement, car la course à pied en est très gourmande. Le sucre ? « Pas trop, je n’aime pas ça et ça crée une hyperglycémie pour ensuite redescendre en hypoglycémie. Je mange surtout des aliments qui me protègent, je peux manger de tout mais je fais un peu autrement », dit celui qui peut avaler 500 grammes de pâtes à lui tout seul, du boudin ou du foie de veau (riches en fer).

La CGPME est partenaire principal de l’évènement, chaque jour une entreprise sera mise en avant, pour un budget total de 154.000 €. Une dizaine de partenaires sont encore à trouver pour boucler le Défi41. Un truc de dingue que va entreprendre cet (extra) terrestre qui ne l’est pas. Juste un athlète pas si fou que ça, avec une tête, et des jambes.

 

F.S

 

  1. (1) Exposition du corps ou de parties du corps à des températures extrêmement froides pour des temps courts afin de provoquer sur le sujet des effets hormonaux et biochimiques qui améliorent considérablement ses prédispositions à l’analgésie – en clair, au soulagement des douleurs corporelles – en agissant comme un puissant stimulateur psychique. Une séance permet d’éliminer la sensation de fatigue, d’assouplir des muscles tendus ainsi que d’intensifier le passage sanguin dans les téguments et les organes internes.

 

www.defi41.com

Photo Denis Bomer

Photo Denis Bomer

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Photo F.S

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Photo Denis Bomer

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Le palmarès de Ludovic Chorgnon

 

  • Plus de 50 marathons.
  • Badwater (217 km non-stop dans la Vallée de la Mort)
  • Spartathlon (245 km non-stop en Grèce)
  • Ultr’Ardèche (216k m non-stop en Ardèche)
  • 4 Diagonales des fous (166km non-stop à travers l’Ile de la Réunion)
  • Grand Raid des Pyrénées (164km – 10.000m +)
  • 2 Marathons des Sables
  • Everest Sky Race (250 km au tour et sur l’Everest)
  • AMT au Mustang (250 km au Mustang – Népal)
  • Himal Race (900 km en très haute altitude au Népal)

 

  • Grand Raid Sahara en Mauritanie (250km dans le désert)
  • Comrades en Afrique du Sud
  • Desert Oman Raid (220 km au Sultanat d’Oman)
  • Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB)
  • 24 heures de Grenoble
  • Traversée de la Corse en 7 jours
  • Ascension du Kilimandjaro (5 895 m) en courant
  • Ironman de Bolton, Zurich, Gravelines, Embrun, des Angles, Vitoria Gasteiz
  • Double Ironman du Pays de Galles (7,8km de natation, 384km à vélo et 84,4km à pied)

 

Le Défi41 en chiffres

 

  • 156 km de natation, à la piscine municipale des Grands Prés à Vendôme.
  • 7.380 km de vélo (8 boucles de 22,5 km entre Vendôme et Renay).
  • 1.730 km de course à pied (7 boucles de 6 km traversant notamment Vendôme).
  • Total : 9.265,765 km.
  • Guiness book des records et Fédération française de Triathlon pour l’homologation.

 

Article à paraître dans la Renaissance du Loir-et-Cher du 17 avril 2015

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C'est pas "mâle" parti

3 Avril 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book

 

Quinze femmes sont entrées au Conseil départemental nouvelle génération. Pour y faire de la figuration ? Peut-être pas…

 

Parité : n.f (du latin par, paris, égal). Égalité parfaite ; conformité. La définition d’un dictionnaire suffit d’elle-même. Les femmes sont désormais égale proportion des hommes dans la salle Kléber-Loustau du Conseil départemental de Loir-et-Cher. Les mâles sont prévenus : il va leur falloir composer avec, et pas seulement pour faire de la figuration ou pour apporter une touche de féminité à la mode vestimentaire du veston sombre-cravate claire.

 

"C'est un bon début"

 

Ça valait le déplacement, jeudi 2 avril dernier, lors de l’installation de cette nouvelle assemblée fraîchement élue. La moitié sont des femmes, et avec elles leurs qualités ad hoc. Leurs compétences aussi. Certaines semblaient un peu intimidées, mais cela ne saurait durer. L’erreur serait de minimiser la portée de ce changement radical, certes accouché au forceps – il a fallu une loi pour l’imposer – mais qui préfigure un bouleversement de la vie politique locale. Cette dernière – et particulièrement les cantons -  véritable pépinière d’élus, est souvent le tremplin vers d’autres carrières politiques : beaucoup ont débuté par ces ancrages locaux, propices aux carrières longues, vers d’autres assemblées, voire la présidence de la République pour certains. On pourra regretter que seulement neuf femmes ont accédé à la présidence d’un département, mais en Loir-et-Cher elles sont quatre sur neuf à être vice-présidentes : Monique Gibotteau (délégation solidarités), Christina Brown (délégation aux personnes âgées), Catherine Lhéritier (Personnel et transports) et Isabelle Gasselin (délégation Vie associative, culture, jeunesse et sport). Deux sur 5 vont aussi présider des commissions : Florence Doucet aux solidarités et Claire Foucher-Maupetit à la Culture, jeunesse et sport. Au total, douze nouvelles femmes sont conseillères départementales sur les vingt nouveaux arrivants dans cette assemblée. Une assemblée rajeunie également : quatre conseillers ont 40 ans ou moins.

 

« C’est un bon début », déclarait Monique Gibotteau à l’issue de la séance officielle d’installation, à qui nous demandions ce qu’elle en pensait. Elle se sentira moins seule : dans la précédente mandature, elle était en effet la seule femme à siéger en tant que vice-présidente. « Tout ne sera pas réglé pour autant et il faudra encore du temps pour se faire accepter par tous ces mâles », nous avait dit avec un petit sourire en coin et avant le premier tour des élections Geneviève Baraban, qui prend la tête de l’opposition de gauche au nouveau Conseil départemental. Elle succède à Gilles Clément qui passe la main. Sa finesse d’esprit et ses interventions ciselées devaient trancher avec le côté brouillon de son prédécesseur, souvent sèchement renvoyé dans les cordes par le président Leroy qui n’aime rien tant que remporter ces joutes oratoires. Surtout quand le répondant n’est pas au rendez-vous.

 

Des élus coupés du peuple

 

Mais ne nous y trompons pas : l’entrée massive des femmes dans les Conseils départementaux ne résoudra pas tout. Parmi les chantiers d’une démocratie représentative en miettes, il y a d’abord l’abstention : Maurice Leroy a beau jeu de dire « les Loirs-et-Chériens ont remis les pendules à l’heure ». Il devrait plutôt dire « des Loir-et-Chériens », car tous les inscrits sur les listes électorales ne se sont pas rendus aux urnes, loin s’en faut : au total, en tenant compte de cette abstention, à peine un Loir-et-Chérien sur trois a voté pour ses représentants départementaux (1). Ensuite, un tiers de ces électeurs n’ont aujourd’hui aucun représentant dans l’assemblée départementale. On peut regretter l’existence du Front national, ses prises de positions aux limites du supportable et ses projets inconscients, mais c’est un fait : au premier tour plus de 34.000 personnes ont apporté leurs suffrages à ce parti (soit plus que l’Union de la droite de Maurice Leroy), au second plus de 27.500 (soit moins de 2.000 voix qu'elle). À l’arrivée : aucun siège. Les élus de droite et de gauche ont tout intérêt à conserver ces règles du jeu électoral, leur permettant de conserver leurs places et de s’assurer une domination confortable. Mais cela ne fait qu’aggraver la défiance des Français qui reprochent justement à leurs élus d’être coupés des réalités de la population en étant peu représentatifs des électeurs, et aussi une certaine endogamie électorale mortelle à la longue.

 

Peut-on attendre des femmes nouvellement élues de faire sortir du déni et d’apporter une réflexion sur ce point comme sur beaucoup d’autres ? C’est à souhaiter. Elles peuvent faire entendre leurs voix et briser - peut-être - le plafond de verre qui les empêche d'aller plus haut. En tout cas, les hommes le savent mieux que quiconque et depuis longtemps : on peut avoir le dernier mot avec une femme, à condition que ça soit « oui ». 

 

(1) Le Loir-et-Cher compte 342.224 habitants (Insee 2012).

 

Quelques grammes de douceur dans ce monde de mâles

Quelques grammes de douceur dans ce monde de mâles

y a pas que "l'opposition de gauche" qui avait remarqué son absentésisme... Certains journalistes aussi, qui l'ont d'ailleurs payé cher...

y a pas que "l'opposition de gauche" qui avait remarqué son absentésisme... Certains journalistes aussi, qui l'ont d'ailleurs payé cher...

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