C'est pas "mâle" parti
3 Avril 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book
Quinze femmes sont entrées au Conseil départemental nouvelle génération. Pour y faire de la figuration ? Peut-être pas…
Parité : n.f (du latin par, paris, égal). Égalité parfaite ; conformité. La définition d’un dictionnaire suffit d’elle-même. Les femmes sont désormais égale proportion des hommes dans la salle Kléber-Loustau du Conseil départemental de Loir-et-Cher. Les mâles sont prévenus : il va leur falloir composer avec, et pas seulement pour faire de la figuration ou pour apporter une touche de féminité à la mode vestimentaire du veston sombre-cravate claire.
"C'est un bon début"
Ça valait le déplacement, jeudi 2 avril dernier, lors de l’installation de cette nouvelle assemblée fraîchement élue. La moitié sont des femmes, et avec elles leurs qualités ad hoc. Leurs compétences aussi. Certaines semblaient un peu intimidées, mais cela ne saurait durer. L’erreur serait de minimiser la portée de ce changement radical, certes accouché au forceps – il a fallu une loi pour l’imposer – mais qui préfigure un bouleversement de la vie politique locale. Cette dernière – et particulièrement les cantons - véritable pépinière d’élus, est souvent le tremplin vers d’autres carrières politiques : beaucoup ont débuté par ces ancrages locaux, propices aux carrières longues, vers d’autres assemblées, voire la présidence de la République pour certains. On pourra regretter que seulement neuf femmes ont accédé à la présidence d’un département, mais en Loir-et-Cher elles sont quatre sur neuf à être vice-présidentes : Monique Gibotteau (délégation solidarités), Christina Brown (délégation aux personnes âgées), Catherine Lhéritier (Personnel et transports) et Isabelle Gasselin (délégation Vie associative, culture, jeunesse et sport). Deux sur 5 vont aussi présider des commissions : Florence Doucet aux solidarités et Claire Foucher-Maupetit à la Culture, jeunesse et sport. Au total, douze nouvelles femmes sont conseillères départementales sur les vingt nouveaux arrivants dans cette assemblée. Une assemblée rajeunie également : quatre conseillers ont 40 ans ou moins.
« C’est un bon début », déclarait Monique Gibotteau à l’issue de la séance officielle d’installation, à qui nous demandions ce qu’elle en pensait. Elle se sentira moins seule : dans la précédente mandature, elle était en effet la seule femme à siéger en tant que vice-présidente. « Tout ne sera pas réglé pour autant et il faudra encore du temps pour se faire accepter par tous ces mâles », nous avait dit avec un petit sourire en coin et avant le premier tour des élections Geneviève Baraban, qui prend la tête de l’opposition de gauche au nouveau Conseil départemental. Elle succède à Gilles Clément qui passe la main. Sa finesse d’esprit et ses interventions ciselées devaient trancher avec le côté brouillon de son prédécesseur, souvent sèchement renvoyé dans les cordes par le président Leroy qui n’aime rien tant que remporter ces joutes oratoires. Surtout quand le répondant n’est pas au rendez-vous.
Des élus coupés du peuple
Mais ne nous y trompons pas : l’entrée massive des femmes dans les Conseils départementaux ne résoudra pas tout. Parmi les chantiers d’une démocratie représentative en miettes, il y a d’abord l’abstention : Maurice Leroy a beau jeu de dire « les Loirs-et-Chériens ont remis les pendules à l’heure ». Il devrait plutôt dire « des Loir-et-Chériens », car tous les inscrits sur les listes électorales ne se sont pas rendus aux urnes, loin s’en faut : au total, en tenant compte de cette abstention, à peine un Loir-et-Chérien sur trois a voté pour ses représentants départementaux (1). Ensuite, un tiers de ces électeurs n’ont aujourd’hui aucun représentant dans l’assemblée départementale. On peut regretter l’existence du Front national, ses prises de positions aux limites du supportable et ses projets inconscients, mais c’est un fait : au premier tour plus de 34.000 personnes ont apporté leurs suffrages à ce parti (soit plus que l’Union de la droite de Maurice Leroy), au second plus de 27.500 (soit moins de 2.000 voix qu'elle). À l’arrivée : aucun siège. Les élus de droite et de gauche ont tout intérêt à conserver ces règles du jeu électoral, leur permettant de conserver leurs places et de s’assurer une domination confortable. Mais cela ne fait qu’aggraver la défiance des Français qui reprochent justement à leurs élus d’être coupés des réalités de la population en étant peu représentatifs des électeurs, et aussi une certaine endogamie électorale mortelle à la longue.
Peut-on attendre des femmes nouvellement élues de faire sortir du déni et d’apporter une réflexion sur ce point comme sur beaucoup d’autres ? C’est à souhaiter. Elles peuvent faire entendre leurs voix et briser - peut-être - le plafond de verre qui les empêche d'aller plus haut. En tout cas, les hommes le savent mieux que quiconque et depuis longtemps : on peut avoir le dernier mot avec une femme, à condition que ça soit « oui ».
(1) Le Loir-et-Cher compte 342.224 habitants (Insee 2012).
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