Ludovic : l’homme de « faire » en fer
Le Vendômois se lance un défi hors norme : enchaîner 41 triathlons catégorie « ironman » d’affilés, en juillet et août prochains, pour faire connaître le Loir-et-Cher. Et surtout par goût du dépassement de soi. Rencontre avec un (extra) terrestre.
Ne dites jamais à Ludovic Chorgnon, triathlète de 43 ans, marié et père de 3 enfants : « Ça ne marchera jamais », et surtout pas « C’est impossible. » Car c’est exactement le genre de chose capable de déclencher chez lui une irrépressible envie d’en découdre, et de vous prouver le contraire. Par bravade ? Par inconscience ? Par goût du risque ? Par folie douce ? Rien de tout cela. Ludovic Chorgnon n’aime rien tant que d’essayer de changer le cours des choses, tout simplement. « Je ne supporte pas cette fatalité qui consiste à dire : ah ben c’est comme ça, on n’y peut rien ! » dit-il en plissant les yeux dans un regard malicieux, un sourire franc et une bonne humeur super-communicative. L’homme que l’on surnomme parfois « Ludo le fou » est tout sauf ça, justement.
Entre le 1er juillet et le 10 août prochains, ce Vendômois chef d’une entreprise de consulting en ressources humaines (Sérénité consulting) va tenter de battre le record du monde de triathlons « ironman ». Pour ceux qui ne le sauraient pas, un triathlon « ironman » c’est enchaîner – excusez du peu – 3,8 km de natation, 180 km de vélo, et 42,195 km de courses à pied (un marathon complet). L’épreuve à elle seule donne mal aux jambes rien qu’à la décrire… Ludovic Chorgnon, lui, va enchaîner 41 jours de suite cette épreuve sportive parmi les plus réputées et les plus dures au monde, créée en 1977 à Hawaï. Pourquoi 41 ? D’abord parce que le record du monde officiel est de 10, et officieusement de 33 (mais non homologué). Et surtout parce que 41 est le numéro du département de Loir-et-Cher, pas assez connu à son goût. « Je viens de la région Rhône-Alpes. Quand nous sommes arrivés ici pour raisons professionnelles, avec ma femme et mes enfants, on connaissait à peine, on s’est demandé comment on allait tenir si loin des montagnes. Je me suis dit : on reste trois ans et on retourne là-bas. Quand j’ai vu le film ‘Bienvenue chez les Ch’tis’, je me suis dit : c’est exactement moi il y a quelques années. Ça fait 20 ans que nous sommes là », dit-il, un brin amusé. Dans sa vie professionnelle, parcourant les quatre coins de la France, il est souvent confronté aux questions bien connues des Loir-et-Chériens qui se déplacent : « C’est où ce département ? Il y a quelle grande ville connue ? » Et il ajoute : « En ressources humaines, quand vous donnez à choisir entre venir habiter à Tours ou Vendôme, les gens mettent une demi-seconde à choisir Tours. » Une fatalité ? Non, pas pour lui, et c’est justement ça qui le met en mouvement.
Dormir sur commande
Du mouvement, Ludovic en fait depuis toujours. Non pas qu’il ait la danse de saint Guy, mais par réel goût du sport. Son père, boulanger-pâtissier, était aussi maître-nageur. « J’ai su nager avant de marcher », dit-il le plus naturellement du monde. À la maison, enfant puis adolescent, le sport fait partie de la vie de tous les jours. Du sport bien-être, pour être en forme, pas forcément pour la compétition. Lors de son premier marathon, à 28 ans, la veille ses potes lui font une surprise. Il se couche très tard, et ne bois pas que de l’eau... Il se lève peu après s’être couché, et prend quand même le départ. N’importe qui à sa place ne dépasserait sans doute pas le 10e kilomètre. Pas lui : il termine la course en 3h15, pour une première participation. Il se dit : « je dois avoir un potentiel. » C’est peu de le dire, au regard des courses qu’il a enchaîné ensuite ! (lire ci-dessous). Il se prend au jeu, obtient de très bons résultats aux triathlons. Il enchaîne les courses longues, parmi les plus difficiles du globe. Son mètre 80 pour seulement 69 kg lui « facilitent » la tâche. Mais plus que tout, Ludovic est une sorte d’extra-terrestre qui récupère très vite, et surtout très bien. Beaucoup mieux que le commun des mortels en tout cas. « Je peux m’endormir à n’importe quel moment, n’importe où, en quelques secondes, et me réveiller sur commande. » Vous pensez qu’il plaisante ? Non, et c’est même très sérieux : « Je m’entraine pour ça, je développe ça. J’utilise l’auto-hypnose, je l’ai apprise seul, sans m’en rendre compte vraiment », ajoute celui qui dit être parfaitement bien reposé après une nuit de 5 ou 6 heures, et même moins ! Vous vous dites : ce gars est complètement fou. Sur le papier, ça y ressemble. Et pourtant c’est un homme normal que nous avons rencontré, chez lui, dans son salon décoré comme chez tout le monde, avec un bouquet de jonquilles printanières posé sur la table, un écran de télévision près d’une cheminée, et un panier pour le chien Jackpot. Seul, dans un coin, un vélo d’appartement futuriste équipé d’un petit ordinateur vient nous rappeler que nous sommes chez un sportif qui prend soin de ses performances.
Sport, boulot, famille : tout est lié
Notre athlète – 2h46 au marathon – va s’attaquer en quelque sorte à l’Everest, mais plusieurs fois ! 156 km de natation. 7.380 km de vélo. 1.730 km de course à pied. « Ça va commencer tous les matins à 6h30 par la piscine, 1h30. Puis à 8 heures, le vélo, pour environ 7 heures afin de parcourir les 180 km. Vers 15 heures, j’attaquerai les 42,192 km du marathon, en 4h30. » Cette journée de « boulot » s’achèvera donc vers 19h30. Ensuite, il fera 10 mn de cryothérapie (1) et une heure de massage. Ludovic a avec lui une équipe composée de deux médecins, un kiné, un diététicien et même un radiologue qui s’intéresse au défi. Il aura aussi un protocole alimentaire à respecter : « Des protéines dans la demi-heure qui suit l’arrêt de l’effort, pour reconstituer les muscles. Ensuite un repas normal chargé en glucides tout de même. » Il espère être au lit à 22 heures environ, jusqu’à 5 heures du matin, et rebelote du 1er juillet au 10 août. Quand on lui dit : « vous allez vous faire mal », il ne contredit pas et ignore lui-même s’il pourra tenir le choc, mais là encore, Ludovic fait du Chorgnon : « Plus que le physique, c’est le psychologique qui entre en ligne de compte. Quand on aime ce qu’on fait, on ne souffre pas. Pour moi, c’est Noël tous les jours : je fais du sport, j’aime mon boulot, j’aime ma famille. Tout est lié, toutes mes activités sont très bien organisées, et il faut bien gérer son temps », ajoute celui qui est aussi organisateur de la course Sur les traces du loup, course vendômoise qui aura lieu cette année samedi 27 juin. Une association qui regroupe 11 membres et… 250 bénévoles.
Des pâtes, du boudin, et du foie
Evidemment, on se pose la question des blessures, et du dopage. Ludovic a déjà subit des blessures, et des graves ! « J’ai la capacité à découper une partie de mon corps, à l’isoler mentalement, grâce à l’auto-hypnose. Je gère ça mieux que d’autres sans doute », précise-t-il, dur au mal. Quant au dopage, il est formel : « Je veux prouver qu’on peut faire du sport sans se doper. Il y a une règle, il faut la respecter. En France, c’est la même pour tout le monde : pas de dopage. » Avant d’ajouter : « Il y a plus grave que le dopage des athlètes : c’est le dopage général. Prendre une substance magique pour un leurre personnel. Les gens prennent des trucs avant d’avoir mal, de la vitamine C ou du paracétamol par exemple. C’est un manque de préparation ou une mauvaise préparation. »
Celui qui avoue – même pas sous la torture - avoir dans son bar une douzaine de bons whiskys anticipe énormément sur l’alimentation que son corps réclame. Le fer, principalement, car la course à pied en est très gourmande. Le sucre ? « Pas trop, je n’aime pas ça et ça crée une hyperglycémie pour ensuite redescendre en hypoglycémie. Je mange surtout des aliments qui me protègent, je peux manger de tout mais je fais un peu autrement », dit celui qui peut avaler 500 grammes de pâtes à lui tout seul, du boudin ou du foie de veau (riches en fer).
La CGPME est partenaire principal de l’évènement, chaque jour une entreprise sera mise en avant, pour un budget total de 154.000 €. Une dizaine de partenaires sont encore à trouver pour boucler le Défi41. Un truc de dingue que va entreprendre cet (extra) terrestre qui ne l’est pas. Juste un athlète pas si fou que ça, avec une tête, et des jambes.
F.S
- (1) Exposition du corps ou de parties du corps à des températures extrêmement froides pour des temps courts afin de provoquer sur le sujet des effets hormonaux et biochimiques qui améliorent considérablement ses prédispositions à l’analgésie – en clair, au soulagement des douleurs corporelles – en agissant comme un puissant stimulateur psychique. Une séance permet d’éliminer la sensation de fatigue, d’assouplir des muscles tendus ainsi que d’intensifier le passage sanguin dans les téguments et les organes internes.
Le palmarès de Ludovic Chorgnon
- Plus de 50 marathons.
- Badwater (217 km non-stop dans la Vallée de la Mort)
- Spartathlon (245 km non-stop en Grèce)
- Ultr’Ardèche (216k m non-stop en Ardèche)
- 4 Diagonales des fous (166km non-stop à travers l’Ile de la Réunion)
- Grand Raid des Pyrénées (164km – 10.000m +)
- 2 Marathons des Sables
- Everest Sky Race (250 km au tour et sur l’Everest)
- AMT au Mustang (250 km au Mustang – Népal)
- Himal Race (900 km en très haute altitude au Népal)
- Grand Raid Sahara en Mauritanie (250km dans le désert)
- Comrades en Afrique du Sud
- Desert Oman Raid (220 km au Sultanat d’Oman)
- Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB)
- 24 heures de Grenoble
- Traversée de la Corse en 7 jours
- Ascension du Kilimandjaro (5 895 m) en courant
- Ironman de Bolton, Zurich, Gravelines, Embrun, des Angles, Vitoria Gasteiz
- Double Ironman du Pays de Galles (7,8km de natation, 384km à vélo et 84,4km à pied)
Le Défi41 en chiffres
- 156 km de natation, à la piscine municipale des Grands Prés à Vendôme.
- 7.380 km de vélo (8 boucles de 22,5 km entre Vendôme et Renay).
- 1.730 km de course à pied (7 boucles de 6 km traversant notamment Vendôme).
- Total : 9.265,765 km.
- Guiness book des records et Fédération française de Triathlon pour l’homologation.
Article à paraître dans la Renaissance du Loir-et-Cher du 17 avril 2015