Lettre 512. Latche, 26 août 1970, 12h15
15 Janvier 2017 , Rédigé par F.S Publié dans #littérature
Encore une étonnante lettre de l'ancien Président de la République, laquelle débute par une très impressionniste description sensitive de l'atmosphère d'une fin août dans les Landes. Jusqu'à ce que survienne, dans ce décor où le lecteur est immédiatement transporté, l'arrivée de la lettre d'Anne Pingeot, qui sourdre telle une source dans ce décor écrasé de "soleil, de ciel bleu et de vent d'été".
Peut-être tel ou tel professeur de lettres aujourd'hui pourrait-il (ou elle ?) faire étudier ce bref passage à ses élèves dans un de ses cours, et les inviter à imaginer pour eux mêmes une telle description - surgissement ?
Notez également, quelques lignes plus bas, cette remarque de F.M sur le devenir de ses lettres. Dans le contexte de leur publication, aujourd'hui, cette réflexion est pour le moins délicieuse...
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"Il fait très beau, très chaud. Le soleil donne aux herbes l’odeur du feu. Tout de même il y a dans l’air un attendrissement de septembre. Une couleur plus vive, ou plutôt, plus riche de nuances, quelque chose qui annonce un déclin. Les mouches bourdonnent comme si elles l’ignoraient mais elles savent. Les asters attirent les papillons bruns, blancs, jaunes tout simples qui s’enivrent jusqu’à tomber soudain de côté. L’alcool des pistils ! A ce moment ta lettre m’arrive. Je la lis. Je suis heureux que tu m’aies écrit et je ne suis pas vexé du tout de ton humeur mont Lozère. Oui je suis un privilégié. Méprise-moi ! Un petit appel en moi me dit que j’ai encore une certaine liberté de m’évader de tout. Mais tu crois que ce petit appel lui aussi est un luxe. Tu ne me fais grâce de rien. Eh bien ! on verra. Cette lettre (la tienne !) est tendre, pas trop. Elle me raconte ton besoin de soleil, de ciel bleu, de vent d’été. Mon amour, seras-tu jalouse de moi ? Moi je le suis de toi, de ton ciel gris, de ton goudron et de tes cheminées. Je suis heureux dans l’univers où tu es.
(...) Pardonne-moi, mon Nannon-comptable, de t’avoir écrit une page, la précédente, sans articulation grammaticale sérieuse. Je parlais en rêvant. Peu importe le style, les que, les de, les infinitifs, les parenthèses en trop. Je sais ce que je veux dire mais je le dis mal. Mes lettres ne sont pas faites pour paraître chez Denoël ! Heureusement ! Je ne pourrais plus rien n’écrire. C’est un brouillon de ce que je sens, qui trouvera un jour son expression. Et cette expression n’a rien à voir avec la littérature".
F. Mitterrand, Lettres à Anne (1962-1995).
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