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Le jour. D'après fred sabourin

Fête de la musique, faites du bruit

22 Juin 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #cadrage débordement

 

Chère fête de la musique. J’avoue, au début de ta vie, je t’ai beaucoup aimée. Jusqu’au bout de la nuit – la plus longue de l’année – parfois j’ai couru tes nombreux concerts improvisés, tes reprises plus ou moins réussies de Stairway to heaven ou de La Bombe humaine. J’ai parfois vibré d’émotion en entendant des concerts classiques qui n’avaient rien à envier à un orchestre philarmonique. J’ai dansé aussi, avec de parfaites inconnues – qui ne le sont pas toujours restées longtemps – sur des rocks endiablés gueulés par des papis répétant dans leur garage le restant de l’année, et visiblement heureux de prendre l’air. Mais aujourd’hui, après plus de 30 ans d’existence, je dois te l’avouer : je divorce.

 

Ça faisait quelques années que je ne te fréquentais plus que du bout des oreilles et des orteils, le solstice d’été revenu. Parfois la météo m’a bien aidé à rester chez moi, le 21 juin prenant souvent hélas des allures de 21 novembre. Cette année, j’étais bien décidé à retenter le coup, pour voir si, par hasard, tu avais un peu changé, pour le moins évolué. Je n’ai pas été déçu, mais en pire. Chère fête de la musique, dans un centre ville de ville moyenne, lascive bourgeoise endormie sur les bords d’un fleuve réputé sauvage, tu n’es que cacophonie criarde et gueularde, chevauchement de cris et de riffs saturés. De fausses notes à peine assumées, d’œuvres magistrales d’artistes légendaires massacrées par des apprentis musiciens qui sont sortis trop tôt du garage, ou qui ont du manquer quelques répétitions. Mais cela, encore, je peux le pardonner : on ne devient pas musicien en claquant des doigts, alors qu’on peut apprécier le rythme simplement en tapant du pied. J’ai plus de mal à comprendre les « groupes » qui s’installent si près les uns des autres, et dont le gloubi-boulga écrase celui du voisin juste parce que son ampli est réglé plus fort. Et je ne parle pas des « balances » qui permettent de n’entendre que les batteries et quelques lignes de basse, donnant un spectacle assez croquignole de chanteurs sur scène aphones, malgré leurs efforts visibles d’hurler I can get no satisfaction.

 

Mais le pire, chère fête de la musique, est au-delà du bruit : c’est ton odeur qui me met le plus mal à l’aise. Je dois bien te l’avouer même si la politesse élémentaire et la bonne éducation devraient plutôt me laisser silencieux : tu sens l’alcool des bières tièdes et collantes, et la pisse froide le long des murs (conséquence des précédentes). Passe encore sur la transpiration de mes contemporains qui n’ont pas du voir un morceau de savon depuis Pentecôte, mais ton haleine fétide de bière et tes traces d’urine dans les caniveaux de la ville, j’avoue, j’ai du mal. Et comme un malheur ne vient jamais seul, cette soirée là, la plus longue de l’année, est une des trois où le tapage nocturne n’est pas considéré comme un délit (avec le 14 Juillet et la Saint-Sylvestre), aussi les ivrognes de tout le pays peuvent s’en donner à cœur joie jusqu’aux premières lueurs de l’aube, et pisser sans vergogne sur tous les réverbères de la ville. Là, à la bière tiède et l’urine froide, peuvent s’ajouter les effluves de vomit, que ceux qui rendent au travail tôt le matin en parcourant les rues encore fumantes des bacchanales de la veille, doivent éviter, slalomant tel des skieurs urbains, reconnaissant ici un reste de pizza aux quatre fromages mal digérée, là une carbonara trop lourde à porter, plus loin un kébab défraîchi avec ses frites molles et sa sauce barbecue.

 

Je ne nie pas qu’il puisse exister, dans certains recoins de la cité (conservatoire, cour du Château royal, préfecture) des havres de paix où l’on joue « de la musique » en essayant de respecter ceux qui l’ont écrit - et qui bien souvent sont fertilisent les chrysanthèmes depuis fort longtemps - mais aussi ceux qui l’écoutent. Ces bulles d’air presque pur sont si rares, et il faut traverser tant de champs de mines auditifs et olfactifs pour les atteindre qu’on se demande si cela vaut la peine. Rien que pour encourager le bel ouvrage et finir sur une note (de musique) positive, répondons : oui !

Mais pour le reste, chère fête de la musique, je te le dis, ma reprise préférée qu’il me plairait d’ouïr est une chanson bien connue du groupe Téléphone : Je rêvais d’un autre monde

Je t’embrasse, à l’année prochaine, peut-être. Pas sûr. On verra s’il fait beau.

 

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D
et je fus sauvé par des enfants, de mon côté: <br /> http://davidlerouge.fr/index.php?post/2015/06/22/musiquecherbourg (et avec du plaisir de jeu et du talent, donc ça allait)
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