Encore une "minute," Monsieur le bourreau !
14 Novembre 2013 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #cadrage débordement
Le journal Minute fait sa pub (il doit en avoir bien besoin), le pays est à feu et à sang, les commentateurs commentent, les éditorialistes éditorialisent, les députés s’insurgent à droite comme à gauche, et même au centre – qui sait ? Le racisme est de retour, la parole s’est libérée, au secours ! Les tabous ont sautés, les complexes sont décomplexés. Et voilà que les préfets envoient des notes confidentielles au ministère de l’Intérieur, notes tellement confidentielles en effet qu’elles se retrouvent dans le Figaro grâce à des fuites savamment orchestrées. Les mêmes notes traduisaient - mais qui s’en souvient désormais ? – une « situation insurrectionnelle » lors du précédent quinquennat de qui vous savez, notamment au moment très énervé de la réforme de la carte judiciaire, où les magistrats étaient vent debout mais têtes nues (je veux dire sans bonnet d’une quelconque couleur) et la France, déjà au bord du gouffre. « Ça va mal finir, » pronostiquait même François Léotard dans un petit livre paru chez Grasset et tombé dans l’oubli, lui aussi.
Tout aussi abjectes soient les sorties minables à l’encontre de Mme Christiane Taubira, les professionnels de la politique – entendez par là ceux que vous et moi élisons, peut-être – ont beau jeu de pousser des cris d’orfraies de vierges effarouchées qui se demandent comment tout cela va rentrer. Et Jean-Marc Ayrault de s’émouvoir : « c’est une attaque au cœur de la République. » Les députés lui emboîtent le pas, tous autant qu’ils sont. C’est oublier un peu vite que ces derniers n’ont pas les cuisses propres pour venir donner des leçons de morale et de bon goût à la presse, qui, dans le cas de Minute, n’en n’a probablement pas. Un petit florilège des dernières paroles de bon goût des derniers mois :
Le 9 octobre, c’est le caquetage de poule du député Philippe Le Ray (Morbihan) lors de l’intervention à l’Assemblée de Véronique Massonneau (député écologiste de la Vienne). Condamnation unanime, honte à lui, hystérie collective, sexisme etc. Il en a pris pour son grade pour cette sortie pas drôle et en dessous de la ceinture, au niveau des fesses dont il porte si bien le nom.
En juillet, c’était le marmonnage de Gilles Boudouleix, député maire de Cholet, qui avait dit tout bas face à des gens du voyage qui lui faisaient le salut nazi (ce qui est déjà d’un goût douteux, n’est-ce pas ?) « qu’Hitler n’en avait peut-être pas tué assez pendant la guerre. » Tollé général, condamnation unanime, députés et ministres vent debout, hystérie collective et médiatique. Les vacances d’été et le soleil d'août sont venu effacer tout cela, on est passé à autre chose, comme d'habitude.
Loin de nous l’idée de relativiser la gravité de tous ces propos, nuls, archi nuls et entraînant encore un peu plus le pays dans une spirale mortifère dont on ne voit toujours pas l’issue. Mais il suffit pourtant d’assister à une seule séance du Palais Bourbon pour s’apercevoir du niveau très bas des coups et mots échangés par ceux qui nous représentent. Certes, « c’était encore pire avant, » et citons une nouvelle fois les échanges nauséabonds d’insultes en tous genres de la fameuse IIIe République, allant même jusqu’aux duels ! Nous n’oublierons pas quant à nous, une séance à laquelle nous avons assisté en décembre 2010, où, quand Roselyne Bachelot prit la parole, un député (mais lequel, vu le bordel ambiant digne d’une classe de 4e c’était impossible de la savoir ?) avait gueulé : « ah ! voilà Lady Gaga ! » Nous ne sommes certes pas au niveau des bananes et des guenons, mais les femmes – elles ne sont que 52 pour 497 députés hommes ! – peuvent témoigner de leur calvaire quotidien. On se souvient des sifflets lorsque Cécile Duflot était apparu en robe à fleur, c’était au début du quinquennat « irréprochable » de Monsieur Hollande, « Moi, Président de la République. » D’ailleurs ces députés et ministres qui fustigent le « retour du racisme en France » peuvent-ils regarder la « couleur » de cette Assemblée dite nationale ? Où sont les blacks ? Ou sont les beurs ? Les « minorités visibles, » comme ils disent, sont… invisibles justement. Manuel Valls lui-même n’avait-il pas dit lors d’une visite d’Evry (la ville dont il était le maire) : «Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos.» Nous étions en juin 2009 il est vrai. Une éternité. Il y a donc bien longtemps que les complexes ont sautés chez ces hommes blancs aux costumes sombres et cheveux gris : les députés.
Allez, plus que 48 heures et le cirque médiatico-hystérique sera passé à autre chose. Ça tombe bien, vendredi soir, il y a du foot. L’équipe de France joue sa qualification pour le Brésil contre l’Ukraine. L’équipe de France dites-vous ? Non mais vous avez vu la couleur de ces bleus ? Diantre ! C’est un coup à glisser sur une peau de banane en enfilant son bonnet rouge… Et pourtant ce sont à peu près les mêmes qui ont mis toute une France (ou presque) dans les rues un certain soir de juillet 1998. Comment disait-on alors ? Ah oui, c’est ça : « Black, blanc, beur. »
La route est encore longue…
PS : Et sinon, pour les Unes dégueulasses, insultantes et dégradantes de Charlie Hebdo, on fait quoi ?
FS
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