Lettres à Anne
2 Décembre 2016 , Rédigé par F.S Publié dans #littérature
Du jeudi 9 septembre 1965 au jeudi 1er décembre 2016, 51 ans nous séparent, un monde, et quel monde ! Deux François, deux socialistes (ou presque), deux Présidents de la République. Le premier, pas encore en passe de l'être - il devra attendre 16 ans avant d'entrer à l'Élysée - tandis que l'autre s'apprête à piteusement en sortir, par la grille du Coq. L'un annonce à son amour clandestin (Anne Pingeot) sa candidature en face du général de Gaulle, qu'il mettra en ballotage quelques semaines plus tard lors de la première élection présidentielle au suffrage universel direct. L'autre annonce en moins de 10 minutes chrono à l'heure du souper qu'il n'ira pas une seconde fois briguer le mandat suprême. Il inaugure involontairement une promesse de feu candidat Juppé : le mandat unique !
En lisant les "Lettres à Anne" de François Mitterrand - une brique de 1,5 kg qui se lit presque comme un roman - comment ne pas être frappé, outre par les extraordinaires qualités littéraires de ces lettres enflammées, par le secret d'un homme d'État, les secrets devrait-on dire. Insondable Mitterrand, le "Florentin", le "Mazarin", qui vécu pratiquement toute sa vie publique en double vie. A-t-on d'ailleurs tout appris désormais ? Rien n'est moins sûr...
François Hollande - sans atteindre les qualités d'homme de lettres de son prédécesseur, loin s'en faut ! - nous a montré que décidément, le goût du secret semble être une des qualités requises pour atteindre les sommets du pouvoir. Paradoxe encore de l'homme qui passa son quinquennat à s'épancher à des journalistes en leur disant à peu près tout ; sauf l'essentiel finalement : qui est-il, vraiment ?
Lettre 220. Jeudi 9 septembre 1965, 17h30
Anne, mon amour,
Voilà, c’est fait, après de longues méditations, de longues hésitations et maintenant la certitude d’une lourde charge : j’ai fait connaître ce soir, à 6 heures, à l’issue de la conférence de presse du général de Gaulle, que j’étais candidat à la Présidence de la République. Les moments d’hier soir et de ce matin ont été intenses, parfois dramatiques. Deferre, Maurice Faure, Mollet, beaucoup d’autres… le Parti socialiste fait bloc pour me demander de mener ce combat… Bref j’en suis là.
Vendredi, 18h30
Je n’ai pu continuer hier cette lettre. Et tu n’as rien reçu ce matin ! (moi non plus d’ailleurs et j’en ai de la peine.) Les journalistes, la radio, les visites, la bousculade, quoi ! La presse d’aujourd’hui apprécie selon son goût ma candidature. Je t’en montrerai l’essentiel demain.
Ma matinée a été consacrée aux réunions de la Fédération en gestation (et la gestation paraît bonne). Déjeuner avec Mollet. Hier soir dîner avec mon équipe d’amis aux Buttes-Chaumont. J’étais soudain épuisé. Ce qui m’ennuie un peu c’est que chaque nuit je connais une heure « claustrophobe ». Bah ! Il faudrait desserrer l’étau ! (…)
L’avion n’ira pas assez vite, les routes des Landes ne seront pas assez droites, et nulle patience ne m’habitera. Ta lettre reçue hier, tes photos sont devant moi, sur mon bureau. Je sens que ma vie est là où tu es. Je t’aime. François.
PS : Si tu dis à Diesel que je viens demande-lui aussi qu’on ne parle pas de ma présence à Hossegor pour que la presse m’y laisse la paix !! Je n’irai pas au golf à cause de cela.
François Mitterrand, Lettres à Anne. 1962-1995. Ed. Gallimard.
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