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Le jour. D'après fred sabourin

L'Amiral est mort ce soir...

1 Décembre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #édito

      Image:Rubis 02.jpg

 

             Le père d’un ami cher qui meurt, c’est comme perdre un peu de soi-même aussi.
L’Amiral JP L. est mort ce soir, à l’hôpital des Invalides à Paris, avec à son chevet son fils accouru depuis Toulouse en urgence. Après avoir sillonné toutes les mers du globe, dessus et sous la mer, après avoir combattu en Indochine, en Algérie, sur les théâtres d’opérations extérieurs comme on dit, il avait posé son sac sur la terre d’Ossau, en Béarn, à l’abri de la falaise aux vautours de Béon. Cette gentilhommière qui devint il y a un an déjà son linceul, après une mauvaise chute dans les rudes escaliers de bois.


      L’Amiral L. a commandé la flotte des sous-marins d’attaque de la marine française, et les premiers SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins). Il en portait haut la devise : « Honneur, Patrie, Valeur, Discipline ». J’ai eu la chance, car c’en était une, de rencontrer cet homme aux goûts simples aux sortir de mon service national, où j’avais fait la connaissance de son fils, un ami, un camarade, un frère. Il avait le sens des expressions qui font mouche, de l’humour pince sans rire, et cette rigueur dans la gestion des horaires, méthodique et organisé, qui n’était sans doute pas toujours la plus facile à vivre pour ses proches. Il portait encore sur son paletot et dans le verbe ses idéaux d’une France révolue, faite de travail, de sens du devoir, de sacrifice, de respect et de parole d’honneur, plus que tout au monde. Son horizon s’est longtemps borné à deux, trois mètres maximum (on ne peut pas vraiment ouvrir les fenêtres dans un sous-marin...), mais entre ses yeux et les hommes d’équipage, on sentait une vraie attention, comme si le commandement de l’un par rapport aux autres ne pouvait s’articuler que par ce mot : respect.


L’une de ses – nombreuses – anecdotes marines, racontait que dans l’Océan Indien (ou Pacifique, peut importe), lors d’une pause en surface du « bateau » (c’est ainsi que les sous-mariniers nomment leur engin), il profita du beau temps et de la mer chaude pour faire un petit plongeon. Le commandant en second, voyant cela, dit aux mécaniciens de mettre quelques minutes « en avant lente », sorte de première vitesse de propulsion d’un sous-marin, juste assez rapide pour ne pas permettre à un nageur, même très bon, de rattraper le bâtiment. Il riait de cette bonne farce faite au « Pacha », et nous l’écoutions avec délectation, reprenant une gorgée de vin de Navarre. Si loin des mers.


Aujourd’hui, Amiral, c’est vous qui avez mis « en avant lente ». Nous sommes juste restés à quai.


photo : le Rubis, en rade de Toulon (J.M. Roche)

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