Hier encore…
5 Octobre 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #l'évènement
« Lorsque l’on tient, entre ses mains, cette richesse, d’avoir 20 ans, des lendemains pleins de promesse ; il faut boire, jusqu’à l’ivresse, sa jeunesse. À 18 ans, j’ai quitté ma province, bien décidé, à empoigner la vie, le cœur léger, et le bagage mince, j’étais certain de conquérir Paris. Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, Montmartre en ce temps-là, accrochait ses lilas jusque sous nos fenêtres. Par la peur de te perdre et de ne plus te voir, par ce monde insensé qui grouille dans ma tête, par ces nuits sans sommeil où la folie me guette, quand le doute m'effleure et tend mon cœur de noir, j'en déduis que je t'aime, j'en déduis que je t'aime… Nous nous sommes aimés, nos joies se sont offertes : dans le petit bois de Trousse-Chemise, la mer était grise, on l’était un peu, dans le petit bois de Trousse-Chemise, on fait des bêtises, souviens-toi nous deux… Laisse-moi guider tes pas dans l’existence, laisse-moi la chance de me faire aimer, viens comme une enfant au creux de mon épaule, laisse moi le rôle de te faire oublier… Nous nous sommes mariés par un jour de printemps, sans prêtre sans mairie sans amis ni parents, nous n’avions tout au plus elle et moi que 20 ans, mais un désir d’adulte brûlait nos cœurs d’enfants. J’ai mis mon complet neuf, mes souliers qui me serrent, et je suis prêt déjà depuis pas mal de temps, ce soir est important car c’est l’anniversaire, du jour où le bonheur t’avait vêtue de blanc, mais... viens, découvrons toi et moi les plaisirs démodés. Je sais qu’un jour viendra, car la vie le commande, ce jour que j’appréhende où tu nous quitteras ; je sais qu’un jour viendra où triste et solitaire en soutenant ta mère et en traînant mes pas, je rentrerai chez nous, dans un chez nous désert, je rentrerai chez nous où tu ne seras pas.
Un beau matin, je sais que je m’éveillerai, différemment de tous les autres jours, et mon cœur délivré enfin de notre amour, et pourtant, et pourtant… C’est drôle, c’que t’es drôle à r’garder, t’es là, t’attends tu fais la tête, et moi j’ai envie d’rigoler, c’est l’alcool qui monte dans ma tête, tout l'alcool que j'ai pris ce soir afin d'y puiser le courage de t'avouer que j'en ai marre de toi et de tes commérages, de ton corps qui me laisse sage et qui m'enlève tout espoir. Dieu que t'as changé en cinq ans, tu t'laisses aller, tu t'laisses aller.
Il faut savoir quitter la table lorsque l’amour est desservi, sans s’accrocher l’air pitoyable, mais partir sans faire de bruit. Que c’est triste Venise, au temps des amours mortes, que c’est triste Venise, quand on ne s’aime plus… Je n’aurais jamais cru qu’on se rencontrerait, le hasard est curieux, il provoque les choses, et le destin pressé un instant prend la pause ; non, je n’ai rien oublié... Je souris malgré moi, rien qu'à te regarder ; si les mois, les années marquent souvent les êtres toi, tu n'as pas changé, la coiffure peut-être… Non je n'ai rien oublié. J'habite seul avec maman, dans un très vieil appartement, rue Sarasate, j'ai pour me tenir compagnie, une tortue deux canaris, et une chatte...
Hier encore, j’avais 20 ans je caressais le temps et jouais de la vie comme on joue de l’amour et je vivais la nuit sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps. Par l'idée que la fin pourrait être un début par mes joies éventrées par ton indifférence ; par tous les mots d'amour qui restent en souffrance, puisque de te les dire est pour moi défendu. J'en déduis que je t'aime, j'en déduis mon amour… »
Charles Aznavour
F.S. 5 octobre 2018
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