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Le jour. D'après fred sabourin

Nécrologie (abbé Pierre, republication d'un article de 2007).

17 Septembre 2024 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #l'évènement

Il s'était trouvé par hasard - et pas rasé - que je sois à Paris fin janvier 2007, au moment des obsèques de l'abbé Pierre, tout auréolé de sainteté, ou quasiment, au moment où il passait de vie à trépas, à 95 ans. Je m'étais rendu sur le parvis de Notre-Dame, le 26 janvier. C'était facile d'accès, à l'époque, peu de services de sécurité, peu d'obsession d'attentats, et une foule bigarrée de gueules cassées, de petits, de sans grades, avaient pu approcher au plus près. Nous étions encore en "chiraquie" mais plus pour longtemps, et bientôt prendrait le relais de la "sarkosie", qui fit tant de mal socialement à des gens déjà la tête sous l'eau. Je me souviens, journaliste débutant et vivotant de petits CDD mal payés et de piges précaires, de l'ambiance ce matin-là. J'avais été très impressionné par cette arrivée massive d'anciens compagnons, de sympathisants de la cause des mal-logés (ou pas logés du tout), mais aussi de gens bien mis, comme on dit, de bonnes dames du XVIe arrondissement ou tout au moins de la rive gauche, d'hommes en loden, etc. J'étais dans cette foule d'anonymes, le cul entre deux chaises moi-même mais chanceux car avec un toit sur la tête, en cet hiver froid de janvier 2007. J'avais sorti l'appareil photo, et jeté mes doigts engourdis sur le calepin pour recueillir quelques témoignages, impressions, émotions. Ça avait donné cet article ci-dessous, qui prend naturellement, aujourd'hui que nous savons que le saint homme n'en n'était pas vraiment un mais visiblement lui aussi un gros dégueulasse. Tout cela interroge les hommes et femmes que nous sommes, qu'est-ce qu'un homme quasiment sanctifié de son vivant, adulé, Dieu sur terre même pour certains/certaines ? Comment se peut-il que lui aussi... Pourquoi n'a-t-on jamais rien dit ou si peu, pourquoi en comment n'a-t-on pas pu stopper le bonhomme, pourquoi n'a-t-on pas écouté les victimes qui osaient dire, et à qui on a gentiment demandé de se reprendre, parce que, quand même "l'abbé Pierre"...

J'avais été touché, adolescent, dans un émission de Christine Ockrent (Qu'avez-vous fait de vos 20 ans ? sur Antenne 2), par cette citation de l'abbé : "Je ne suis pas chargé de convaincre, je suis seulement chargé de dire". Et bien voilà, maintenant, on dit, on en finit pas de dire d'ailleurs, mais souvent c'est trop tard et l'Église, les institutions (Emmaüs bien sûr, mais aussi l'Arche de Jean Vanier, lui aussi un salopard, finalement) peinent à se saisir correctement du problème, malgré la mise en place de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église). Comme l'a justement dit sur France Culture lundi 16 septembre dans Questions du soir Véronique Margron (théologienne dominicaine et membre de la CIASE) : "il ne s'agit pas de détruire un mort, mais de réparer les vivants qui ont subi ces abus et ces crimes". Et il y a du boulot...!

F.S.

Ci-dessous l'article de janvier 2007.

                              Pour qui sonne le glas ? 


        Bravant le froid qui devait ressembler à celui de l’hiver 54, et non loin du fameux boulevard Sébastopol, plus de trois milles personnes se sont recueillis sur le parvis de Notre-Dame de Paris vendredi dernier, pour les obsèques du pèlerin d’Emmaüs.
 «Georges, toi qui es tout cassé, trouves-en un deuxième comme toi, et ensemble, allons en soulager un troisème ».  Les propos de l’Abbé Pierre, lors de la fondation de la première communauté d’Emmaüs, avaient donc pris des proportions fortes. A l’intérieur de la cathédrale, le protocole républicain, souhaité par le Président Chirac lui même, était légèrement écorné, pour respecter les dernières volontés de « l’Abbé » qui ne fut jamais tendre envers les gouvernants : aux premiers rangs, les compagnons d’Emmaüs. Derrière eux, les « officiels » et les gens « importants ». Sans doute une image prophétique de l’au-delà. Dans son mot d’accueil, Martin Hirsch, l’actuel président de l’association, a donné le ton : « La meilleur façon de lui rendre hommage, ce sera de continuer son combat ». Précision qu’il n’était sans doute pas inutile de rappeler à une assemblée composée donc pour une part de personnalités politiques de haut rang, en exercice, ou l’ayant été… Dans son homélie, le cardinal archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, s’est appuyé sur trois images tirés de l’évangile de Luc (le récit des pèlerins d’Emmaüs) : « la route, la parole, le pain ». Trois mots, trois piliers de la vie de l’Abbé Pierre, et de beaucoup de compagnons avec lui. « Nous reprenons la route, d’un bon pas, pour aimer et servir les autres, jusqu’à notre dernier souffle ».
A l’extérieur, au son du glas, un silence glacial s’est emparé d’une assemblée hétéroclite recueillie. A cet instant, les mouchoirs sont sortis des poches, parfois crasseuses de ceux dont on dit volontiers qu’ils ont des « trognes » plutôt que des visages et des figures. Parmi le public de parisiens parfois bon chic, bon genre, beaucoup de « sans » : sans travail, sans logement, sans propreté, sans beaux habits, sans papiers, mais pas sans espoirs. Car ils ont parfois croisé, en vrai ou par l’intermédiaire des compagnons, celui pour qui « les autres » étaient devenus une préoccupation de tous les instants. Depuis que son père lui avait dit, enfant : « et les autres ? Tu n’y penses pas aux autres ? ». Pour Jean-Pierre, sans domicile fixe depuis dix ans, « Emmaüs m’a permis de ne pas mourir dans la rue, alors pour moi, l’abbé Pierre c’est comme un père ». Jeannine, soixante ans, est en larmes : « qui va prendre le relais maintenant ? Et tous ces hommes politiques là qui ne font rien ou presque ». La révolte à fleur de peau, à la mesure de la peine.
Puis lentement, accompagné de nouveau par le glas dans le ciel froid de Paris en pleurs, le cercueil a traversé le parvis, la foule, le peuple des petits dont il faisait partie, au nom de l’amour. « La vie m’a appris que vivre, c’est un peu de temps donné à nos libertés pour apprendre à aimer, et se préparer à l’éternelle rencontre avec l’Eternel Amour. Cette certitude-là, je voudrais pouvoir l’offrir en héritage. Elle est la clé de ma vie, et de mes actions », disait-il dans son « Testament » en 1994.
Cette rencontre est enfin arrivée, et elle ne regarde que Dieu et son fidèle compagnon. Sur le parvis de Notre-Dame, il y a eu la dernière rencontre des hommes et femmes qui lui ont rendu un hommage poignant, avec un mot qui à lui seul suffit pour dire l’amour d’un proche : « merci, l’Abbé ! ».


 

 

 

 

 

 

 

 

(en rentrant, dans le métro, je suis tombé sur cette affiche et ce slogan. On achève bien les chevaux, même s'ils valent de l'or, mais la question posée par l'affiche prend une actualité singulière...) 

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F
salut Fred juste un coucou pour te dire que ce que tu as ecris c'es tres bien de de rajouter que j'ai vue la ceremonie a la tele j'ai trouver emouvant le moment ou le neuveu de l'abbe pierre a parler sur ceux a+
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