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Le jour. D'après fred sabourin

Des hommes et des dieux

3 Septembre 2010 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma

 

 

Des hommes et des dieux

 

De Xavier Beauvois. France, 2010. 2h10. Distributeur : Mars Distribution. Avec : Lambert Wilson ; Mickaël Lonsdale ; Olivier Rabourdin…

Sans aucun doute le spectateur restera habité, hanté même par cette dernière image du film de Xavier Beauvois et Etienne Comar, Des hommes et des dieux : une colonne de sept moines accompagnés de leurs ravisseurs, titubant dans la neige, enveloppés d’un épais brouillard, qui disparaissent de l’écran. Le tout baigné dans la lumière d’une blancheur qui annonce déjà une résurrection. Et pourtant, ces moines de l’abbaye de Tibhirine, dans l’Atlas algérien, vont vers leur mort. Ont-ils tout fait pour l’éviter ? Ils se sont sacrément posé la question, qui traverse tout le film – et aussi le spectateur : faut-il partir ou rester ? C’est frère Luc, « le toubib », qui soigne quotidiennement jusqu’à 150 algériens musulmans avec les moyens du bord, qui résume à lui seul le dilemme qui s’apparentera ensuite à la tempête sous un crâne : « partir c’est mourir. Je reste ». On a envie d’ajouter : rester, c’est prendre l’énorme risque de mourir aussi.

 


Parmi les montagnes de qualités du film de Xavier Beauvois – outre le scénario admirablement adapté avec Etienne Comar – il en est une qui surclasse toutes les autres : celle de nous avoir fait entrer dans l’intime des moines. Leur intimité de vie quotidienne d’abord : loin de les filmer enfermés – ce qui était à craindre – Beauvois nous les montre ouverts, partageant la vie d’une population villageoise terrorisée par les actions terroristes de l’Algérie des années 93-96. Leur intimité de communauté d’hommes et de frères, dans leurs gestes quotidiens d’une répétition monotone et pourtant pleine de sens : tout commence et tout finit à la chapelle, avec le chant des psaumes qui répondent comme un écho à celui du muezzin appelant à la prière de l’islam. L’intimité individuelle aussi, jusqu’à filmer l’invisible : les doutes. Frère Christophe, magnifique Olivier Rabourdin, mystique fragile dans un corps de colosse, en fait la parfaite démonstration. Il doute. Il a peur. La réalité s’impose à lui brutalement. Il pose ouvertement la question que tous les spectateurs se posent : « on est martyr pour quoi ? Pour Dieu ? Pour être des héros ? Pour montrer qu’on est les meilleurs ? ». Ce doute s’insinue jusque dans les réunions de chapitre, où un à un les 8 moines expriment leur choix : partir ou rester. De cet intime individuel va naître un intime collectif, jusqu’à la décision finale, mûrement réfléchie et étalée dans le temps, de rester quoiqu’il en coûtera. Pour ceux qui se demandent encore ce que donner sa vie veut dire, ils trouveront là un exemple net et précis, aux méandres sinueux. 
Accompagné d’un casting parfait, évident pourrait-on dire (et il ne s’agit pas seulement de Lambert Wilson), d’un groupe d’acteurs qui, par la psalmodie, a fait corps comme l’avaient fait les moines eux-mêmes, Des hommes et des dieux brille aussi par son excellente photo, et l’intégration de l’action dans un paysage magnifique (tourné au Maroc).


Une palme d’or perdue sans doute, comme si les 7 moines de Tibhirine, morts dans des conditions encore obscures aujourd’hui, avaient voulu faire un dernier clin d’œil pour rappeler leur humilité, et qu’ils sont frères de tous. Prix spécial du Jury quand même…
Il serait vain de tuer d’avantage la découverte des spectateurs en ajoutant encore des éloges à ce film rare, puissant et profond. « Quand un a-Dieu s’envisage » écrivait Frère Christian de Chergé, prieur des moines peu avant leur mort, dans un testament spirituel d’une force qui déplace tout. Des visages, on en retiendra ceux de ces hommes assis autour d’une table, dégustant un bon vin en écoutant le Lac des cygnes. Cette longue séquence où Xavier Beauvois les cadre serré, évitant ainsi la facile comparaison avec la cène, ne gardant que leurs regards d’hommes et l’émotion des frères qu’ils sont.
Et nous invitent à demeurer parmi eux.

 

 

Des hommes et des dieux

 

 

Des hommes et des dieux

 

 

Des hommes et des dieux

 

 

sortie nationale mercredi 8 septembre 2010.

Chronique cinéma "Première Séance" de Frédéric Sabourin, mercredi 12h RCF Angoulême. Jeudi 11h40 & 12h55 RCF Haute-Normandie et 11h50 RCF Bourges

 

 

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