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Le jour. D'après fred sabourin

lettres a ...

Le terrorisme expliqué à ma fille

17 Novembre 2015 , Rédigé par F.S Publié dans #quelle époque !, #Lettres à ...

 

Ma chère enfant, il y a onze mois, j’ai déjà écrit un texte qui commençait par le même titre. Je ne l’ai jamais publié, il est resté à dormir dans le dossier « textes 2015 » d’une clé USB qui ne quitte pratiquement jamais ma poche. A l’époque – qui semble déjà si loin – toute une rédaction de dessinateurs caricaturistes était tombée sous les balles de Kalachnikov, ainsi que des clients d’un supermarché casher. La traque de deux des assassins s’était terminée dans les conditions que l’on sait, et dont nous avons vu les images, scotchés aux médias, les jambes tremblantes. Le moment que nous avons vécu, dès le début de l’année alors qu’il restait un peu de buche de Noël dans le frigidaire et qu’on avait à peine rangé les guirlandes et boules du sapin dans un  placard, était à la fois sidérant, terrifiant, tout autant que gonflé par l’espoir grâce à l’incroyable soulèvement solidaire des Français et même du monde. J’avais vu passer, ici ou là, des trucs pour « expliquer le terrorisme » aux enfants, la plupart en bande dessinée. C’était raccord avec le thème. Zep s’y étais mis, d’autres aussi, moins connus mais qui gagnent à l’être. Il faut reconnaître un certain « avantage » aux illustrateurs pour ce type de question à l’adresse du jeune public. Du coup, j’avais essayé de t’écrire moi aussi quelque chose, que je n’ai pas trouvé assez fort sur le moment et pourtant je voulais que ça sorte de mes tripes. Mais ça n’est pas sorti. J’ai laissé tomber.

C’était sans compter sur ce vendredi 13 novembre, où nous venons de franchir un pas définitif dans la terreur, la stupeur, l’horreur et tout le tremblement. Les mots nous manquent pour décrire tout cela. Trois jours après, lundi 16, tu as toi aussi fait ta minute de silence, à l’école maternelle (qui n’a jamais aussi bien portée son nom), dans ta classe, naturellement.

Je suis venu te chercher à quatre heures de l’après midi. Le ciel était gris, sans caractère, un ciel gris tout mou qui ne dit ni oui, ni non. Il faisait doux, et les feuilles mortes des arbres jonchent le sol désormais. Elles sont marrons, et, par endroit, elles forment une sorte de boue plutôt glissante, pas très avenante. La ville était très calme, mais ici ça n’est pas dû aux attentats de vendredi soir : dans une petite ville moyenne telle que B., le lundi c’est calme, tous les commerces ne sont pas ouverts, la circulation est fluide. On dirait presque un jour de vacances. On en est loin.

A l’heure pile, la grille de l’école s’est ouverte, et les parents sont entrés pour aller chercher les enfants qui ne restaient pas à l’accueil loisirs périscolaire (le truc des rythmes scolaires qui a énervé tout le monde il y a deux ans). Je ne t’avais pas vu depuis trois jours, je me suis demandé comment tu avais entendu parlé de tout ça. Tu es sortie de ta classe et je t’ai demandé comment tu allais. « Pas trop bien », m’as-tu répondu, le regard fuyant. « Ah bon ? Pourquoi ? » Et tu as expliqué que tes lunettes – une nouveauté depuis vendredi – te faisaient un peu mal au nez. Sur le chemin du retour, tu m’as dit : « M. m’a tiré la langue ! Je l’ai dit à A., qui va lui tirer les oreilles ! » J’ai entendu ça pendant que je réfléchissais toujours à la façon dont j’allais essayer de t’expliquer le terrorisme… Du coup, j’ai fermé ma gueule. On est rentré en se courant après genre « attrape-moi si tu peux » et en grimpant sur les murettes. La liberté. L’insouciance. La vie.

Pour le goûter, il y avait une demi-pomme, un carré de chocolat, du jus de pomme, un petit morceau de gâteau aux noix. Je me suis aussi épluché une pomme pour t’accompagner. Au bout d’un moment, le ciel était toujours gris dehors, je t’ai demandé si tu avais entendu la sirène à midi. « Oui » as-tu dit. « Et… vous faisiez quoi pendant ce temps-là ? » ai-je demandé, un peu hésitant. « On était en silence dans la classe. » Mon sang s’est figé. « Et tu sais pourquoi vous avez fait ça ? » Alors d’une traite, le plus calmement du monde, tu as dit : « Oui. C’est parce qu’il y a des gens qui sont morts à un spectacle. On leur a tiré dessus avec des gros fusils, comme des chasseurs, et dans la rue aussi. » J’ai dû reprendre mon souffle. « Et… tu sais dans quelle ville ça s’est passé ? » « Oui, à Paris. » A Paris où tu étais il y a quinze jours en balade avec ta maman…

… … …

Les points de suspension que vous venez de lire représentent les secondes – une dizaine ? Une trentaine ? Je ne sais plus – qui m’ont été nécessaires à la reprise de mes esprits. Toi, tu as continué de mâcher, toujours très consciencieusement.

On mangeait des pommes ; et en essayant de t’expliquer le terrorisme, je ne me suis pas rendu compte à ce moment-là que j’étais en train d’avaler les pépins.

 

FS 16/11/2015

 

(c) Terreur Graphique

(c) Terreur Graphique

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Le chômage expliqué à ma fille

7 Novembre 2015 , Rédigé par F.S Publié dans #Lettres à ...

- Lac du Montagnon d'Iseye, vallée d'Ossau, Béarn (64) -

- Lac du Montagnon d'Iseye, vallée d'Ossau, Béarn (64) -

 

« Tu iras au travail ou à l’école après l’école ? »

« Mon petit, je n’ai plus de travail… »

« Ah bon ? Mais comment tu vas faire alors ? »

« Et bien je ne sais pas trop encore. Mais il faut que tu saches que c'est un vrai travail que de chercher du travail tu sais… C’est mal payé, mais c’est un sacré boulot ».

« Et pourquoi t’as plus de travail ? »

« Parce que celui qui me l’avait donné me l’a repris… »

« Ah… Il est méchant alors ? »

« ... Je ne sais pas, je ne peux pas réellement te dire ce que j’en pense… »

« Tu vas lui dire qu’il est méchant ? »

« Et toi, à l’école, quand quelqu’un est méchant, tu lui dis ? »

« Oui ! »

« Et ça change quelque chose ? »

« Non… »

Ce n’est pas simple de t’expliquer, du haut de tes quatre ans, ce qu’est un licenciement économique, le chômage, le bordel qui m’attend chez Pôle emploi… À vrai dire tu t’en fiches un peu, et sans doute vas-tu trouver dans la situation qui s’ouvre à partir d’aujourd’hui quelques avantages. Notamment un, non négligeable : je vais pouvoir, plus souvent qu’avant, t’emmener à l’école et venir t’y chercher. D’une certaine façon, je vais être plus disponible, je ne pourrai plus m’abriter derrière l’alibi du « j’ai trop de travail » ou « j’ai un rendez-vous, une inauguration » tout ça...

- La dent de l'amer -

- La dent de l'amer -

Il n’y a pas longtemps, alors que nous lisions un livre sur les châteaux forts, il y avait une prise d’assaut, une bataille, et je t’ai dit : « c’est la guerre ». Tu m’as demandé – c’était touchant – « c’est quoi la guerre ? » J’ai répondu avec mon cœur de père, mes guibolles d’ancien para et mon cerveau d’historien. Désormais, je suis moi aussi de plain pied dans la guerre, la guerre économique, comme on dit. « Il faut se battre » entend-on à tous les carrefours. Alors battons-nous… Mais la guerre c’est aussi celle contre le mensonge, la fatuité, l’attentisme, l’incompétence et la vision court-termiste de ceux qui croient tout savoir, enfermées dans leurs certitudes, et la brutalité froide des tableurs excel. Nous ne sommes plus dès lors que des « points de convergences juridiques », des pions dont on se débarrasse d’un trait de plume, sans merci ni au-revoir. C’est aussi ça, la comédie humaine. Elle comporte plusieurs actes, des acteurs brillants dans des grands films, et des seconds rôles, des navets et des séries B. A la fin, il faut nous arracher du fauteuil quand le rideau tombe sur la scène et que le mot « fin » a disparu. Comment t’expliquer tout ça aussi ?

Alors j’ai regardé dehors, les feuilles tombent sévèrement des arbres, et bientôt « les arbres seront en bois » et « c’est à ça qu’on reconnait l’hiver » comme le disait si joliment Jules Renard. Je me suis dit que pour t’expliquer le chômage, il fallait peut-être se calquer sur les saisons. 

- High level -

- High level -

Le chômage, d’abord, c’est un peu comme l’hiver. Il fait froid, il pleut souvent sur les arbres nus et la nuit vient de bonne heure, le jour tard le matin. Tout est souvent gris et ressemble aux murailles. On se sent embastillé et les beaux jours semblent si éloignés qu’on se demande s’ils reviendront.

Le chômage, c’est comme l’hiver. Une saison qui en apparence ne sert à rien. On n'en voit pas le bout, et on a l’impression que le soleil ne reviendra jamais. L’hiver, en apparence, c’est nul.

Pourtant au début, on est content, on retrouve les bons pulls de laine, on ressort le manteau d’hiver, avec des trucs dans les poches qu’on avait oublié… On se dit que quatre mois, c’est vite passé, et puis à bien y réfléchir avec les jours qui raccourcissent dès la fin du mois d’octobre jusqu’à la fin mars, c’est quand même assez long. Et puis il y a novembre qui en rajoute une couche, avec son faux air d’hiver (sauf à l’heure où j’écris, fenêtre ouverte, le soleil entrant à plein poumon dans mon bureau). L’hiver ma fille, c’est un peu comme le chômage, c’est nul. « Quand il fait froid on ne peut pas marcher pieds nus dans l’herbe » m’as-tu dit récemment. Non, on ne peut pas. La seule certitude c’est que ce fichu hiver, il finira bien par finir. Alors que le chômage, lui… on ne sait jamais quand ça s’arrêtera.

Et pourtant, tu vois, parfois l’hiver il fait grand beau ! Des journées de soleil à s’en faire péter les lunettes noires, on reprend espoir d’ailleurs, on se dit que ça y est, le printemps est tout près, on a presque chaud, on a des envies de terrasses avec une petite bière, ou de glaces vanille-fraise en buvant des jus de pommes glacés. Des gens commencent à dire qu’ils ont vu des bourgeons sur les arbres, « quand même, on n’est qu’en janvier ! » Tout cela s’appelle l’espoir et souvent c’est vite remballé par un coup de froid avec un vent du nord-est sournois à te faire jouer des castagnettes avec tes dents. L’hiver c’est aussi le moment où il y en a au moins un qui retrouve du boulot, vers le 25 décembre généralement, le moment où tu fais des vœux à n’en plus finir. Cette année, les vœux, on ne les mettra pas tous dans le même panier…

Parfois aussi il neige et là d’un coup il y a 60 millions de gens qui retrouvent plus ou moins une âme de gamin. Les paysages sont transformés, on se fait des batailles de boules de neige. Et tu oublies que toi aussi tu les as, les boules. Tout est recouvert d’une chape soyeuse et silencieuse. Et puis ça fond et la boue colle aux semelles…

Enfin, un jour – mais l’hiver est passé depuis longtemps parfois – tu décroches le sésame, le truc que généralement tu n’attends pas ou en tout cas pas comme ça. Tu as tellement bossé pour maintenir ta terrasse à peu près propre pendant l’hiver que tu en avais oublié que chômeur c’est pas un vrai boulot et là… tu sens le printemps à plein nez. Tu reprends espoir, mais vraiment, tu trouve tout joli et tu respires à plein poumons en te disant qu’on ne t’y reprendra plus. Tu as envie de dire « je t’aime » à tout le monde même à ceux que tu ne connais pas ! Tu changes de vie, tu changes la vie. Tu as pris dix ans dans la tronche mais tu changes de vie. C’est le printemps, c’est l’été. C’est la vie.

Et c’est reparti.

Et c’est reparti.

Et c’est reparti. 

 

F.S 7 novembre 2015 

- Depuis la Table de Ponce -

- Depuis la Table de Ponce -

- Suivez le guide -

- Suivez le guide -

- La "Laiterine" (home, sweet home...) -

- La "Laiterine" (home, sweet home...) -

- Au feu ! -

- Au feu ! -

- Je suis la vague, toi, l'île nue -

- Je suis la vague, toi, l'île nue -

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Noyé de chagrin

3 Septembre 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #cadrage débordement, #Lettres à ...

A ma fille,

Putain c’est pas vrai, le lendemain de la rentrée scolaire – la deuxième pour toi chez les « moyens » que tu attendais depuis… le début des vacances d’été – on nous balance sous le nez cette photo d’Aylan, 3 ou 4 ans, mort noyé sur une plage de Turquie en voulant fuir son pays. Tout le monde (ou presque) est sous le choc. Drame ignoble. Photo qui pourrait, lit-on ici ou là, « faire ouvrir les yeux », etc. etc. Les grands prêtres de la morale sont nombreux à lancer des « y a qu’à » et des « faut qu’on ».

 

Quand j’ai vu cette photo, évidemment, j’ai pensé à toi. Tu as le même âge que lui, pour un peu tu pourrais même être habillée pareil, car tu n’es pas toujours en rose princesse cul-cul comme on pourrait le croire et souvent, on te met des fringues de garçon. J’ai pensé à toi, et j’ai revu immédiatement des scènes de plage – même si on n’y va pas beaucoup parce qu’on préfère la montagne – j’ai revu aussi cette piscine où le week-end dernier avec tes brassards décorés de poissons clowns tu riais aux éclats en pataugeant et en nageant « comme un petit chien ». J’ai revu ta joie d’être en vie, d’être aimée, de n’être pas noyée.

Evidemment j’ai pensé à toi car je me suis dit que s’il t’arrivait un truc comme ça, je serais terrassé de douleur et de chagrin, je crois que je me pèterais les cordes vocales en gueulant ou un truc dans le genre.

Evidemment j’ai pensé à toi parce que l’émotion c’est  quelque chose de normal face à ce genre de photo, mais plus encore face à ce drame, ces drames. Un jour viendra où tu ouvriras un livre d’histoire, au collège ou au lycée, et à la page concernant l’exode des migrants cherchant refuge en Union européenne, il y a fort à parier qu’on verra cette photo, comme on a vu longtemps cette petite fille nue criant de douleur après un bombardement de napalm pendant la guerre du Vietnam. Un jour viendra où tu me demanderas, comme j’ai pu le demander à mes grands parents ou mes parents à l’époque où j’ai découvert certaines des atrocités de l’histoire de notre monde, « mais pourquoi vous n’avez rien fait ? » Et je te ferai la même réponse évasive à la con : « tu sais, c’est un peu plus compliqué que ça »

 

Ma chère enfant je te le dis et c’est écrit comme ça tu pourras me le lancer à la gueule plus tard : je ne sais pas quoi faire face à ça. Je serais tenté de dire « qu’on  déjà tout essayé » mais je ne le dis pas parce que c’est sûrement faux et c’est tellement faux-cul ! C’est réservé à ceux qui sont censés nous gouverner et prendre des décisions mais qui en réalité sont souvent plus préoccupés par leur évasion fiscale (un exemple parmi beaucoup d’autres) que de la vraie misère dans laquelle certains s’enfoncent jours après jours. 

 

Ma fille je ne vais pas m’appesantir d’avantage. J’ai vu cette photo, comme beaucoup d’autres ce jour-là ; je ne te la montrerai pas ce soir en rentrant. Non pour te protéger de quoi que ce soit – après tout, le monde dans lequel tu es entré n’est pas le pays des merveilles il faudra que tu le saches ! J’ai juste peur de ne pas savoir répondre à deux questions que tu aurais le droit de me poser, tes grands yeux bleus plongés dans les miens : pourquoi ? Et : qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

 

Je n’ai pas la réponse, sans doute parce que je suis un peu, moi aussi, noyé de chagrin. Et je t’en demande pardon.  

 

F.S 3 septembre 2015

(c) AFP et agence Dogan (Nilüfer Demir)

(c) AFP et agence Dogan (Nilüfer Demir)

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Allumer le feu

5 Mai 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Lettres à ...

 

 « Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes, l’univers est égal à son vaste appétit. Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes ! Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! » (Charles Baudelaire).

 

Avec toi ma fille nous avons « allumé le feu ». Et nous l’avons même chanté, avant que sa flamme ne le fasse elle-même, du bois dont on se chauffe. « Ma cheminée est un théâtre, où l’on ne joue qu’un seul spectacle : le feu » (Nougaro). Allumer un feu réclame un petit cérémonial, dont je ne me lasse jamais. Nous avons d’abord froissé du papier journal (mais pas avec mes articles), ce qui t’a bien amusé naturellement. Puis nous avons coupé du « petit bois » et du « moyen bois », que nous avons disposé sur les boules de papier. Tes petites mains qui déploient de plus en plus de force ont brisé net dans un craquement sec ces brindilles rapportées du tas de fagots sous le pigeonnier. Et puis les bûches, soulevées dans tes petits bras musclés. « Moi, je suis costaud ! » dis-tu en cramponnant l’une d’elle pour me l’apporter.

 

Le petit tas de papier, brindilles et « bois moyen » étant fin prêt, il fallut procéder à la mise à feu. J’ai craqué une allumette que tu as prise délicatement entre tes doigts. A partir de ce moment-là le temps est compté, j’ai donc guidé ta main vers les bouts de papier qui dépassaient volontairement du tas de bois, où la flamme a immédiatement jailli. « Monte flamme légère, feu de camp si chaud, si bon ; dans la plaine ou la clairière, monte encore et monte donc ». Comment ne pas revoir ces scènes de camps scouts où j’appris moi-même autrefois à faire ce feu, dans des conditions souvent bien moins confortables d’ailleurs. Comment ne pas ressentir, grâce à la fumée âcre qui se dégage au début, l’inexorable beauté du temps qui passe et me dépasse, où pourtant surnagent ces souvenirs dont la nostalgie sucrée comme du miel vient colorer joyeusement la moindre de mes mélancolies ? Apprendre à faire du feu est aussi utile que de savoir parler une langue étrangère ou aiguiser un couteau de poche, je l’ai souvent constaté, même si la combinaison des trois permet la survie dans à peu près tous les coins du globe. Aussi incroyable que ça puisse paraître, avec toi, j’apprends.

 

Que feras-tu de cet apprentissage de la flamme qui brûle autant qu’elle réchauffe, qui détruit autant qu’elle élève, toi l’enfant qui s’émerveille devant le crépitement de l’âtre dans cette maison pluriséculaire aux murs épais comme un donjon d’un coin du Béarn, près du gave d’Ossau qui roule et tonne ses hectolitres de flotte descendue à gros bouillons de la montagne ? Alors que le vent souffle dehors à perdre haleine et menace de t’envoler ?

Aussi longtemps qu’un souffle d’air me traversera le cœur, je tiendrai ta main pour que la flamme jaillisse, jusqu’au jour où, je l’espère et je l’attends, c’est toi qui devra craquer seule l’allumette. Et mettre le feu sur la terre en soufflant sur les braises de l’amour que tu auras reçu…

 

Feu !

Feu !

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J’ai noyé le sapin

6 Janvier 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Lettres à ...

 

 

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Ma fille, je te demande pardon, mais ce matin, j’ai noyé le sapin. Celui que nous avions choisi et acheté ensemble il y a un mois, sur le parking de l’hypermarché. Puis chargé dans le coffre de la voiture. Puis monté dans le salon, et décoré ensemble avec les guirlandes et boules de circonstances. Je revois ta joie et tes sautillements devant l’arbre de Noël. L’attente du jour J – sans excitation particulière – et celle de tes grands yeux bleus perçants lorsque tu as découvert les papiers cadeaux à son pied. Ce sapin, qui sentait bon, je l’ai jeté ce matin, après l’avoir mis à nu hier soir, rangé boules et guirlandes dans le carton qui va redescendre dans le silence noir et frais de la cave pour sa gestation annuelle de onze mois.


Comme il perdait beaucoup d’aiguilles et que je ne voulais pas salir tout l’appartement, je l’ai passé par la fenêtre. Il est allé s’écraser, trois étages en dessous, sur le trottoir de la rue. J’ai eu l’impression de défenestrer un ami. Pourtant sa chute a été légère, presqu’aérienne, ça m’a surpris. En touchant le sol, le tronc a fait un petit « ploc ! » et tout le reste de ses aiguilles est tombé. Là, il fut vraiment à poil, dans le petit matin froid de janvier. Vite, vite, j’ai descendu quatre à quatre les escaliers pour aller le récupérer, et l’emmener, comme chaque année, vers la Loire, où l’attendait son funèbre bain mortel. Je sais, ce n’est pas bien de jeter son sapin dans la Loire, les habituels donneurs de leçon et ayatollahs de l’écologie et du développement durable vont me tomber dessus, aussi emmerdants en 2015 qu’ils ne l’étaient en 2014. Je m’en fous, je n’irai pas à Paris en décembre prochain écouter le Président parler de sa nouvelle danseuse, avec son danseur étoile préféré un ex-animateur télé adepte du kytesurf à Saint-Lunaire, dans une énorme baraque face à la mer achetée avec les royalties de gels douche merdiques qui collent à la peau et coûtent celle des fesses.


J’ai descendu le petit chemin qui mène au fleuve. Dans la semi-obscurité du jour naissant, entre chien et loup, j’ai entendu des canards s’envoler. Prudemment je me suis approché du bord – la Loire c’est dangereux disent les gens d’ici qui ne s’y baignent pas – j’ai empoigné solidement le haut et la base du tronc et hop ! à la baille. Il a fait un petit « plouf » et a à peine coulé. Il est resté près du bord, le courant l’emportera – ou pas – quand il le décidera. Et je suis resté là, comme un con, à regarder mon sapin nu flotter comme un bouchon au bout d’une ligne de pêche. Une tristesse m’a soudainement envahit, la mélancolie des lendemains de Noël, celle, sombre, tranchante, grise et froide comme l’acier des débuts janvier. La mélancolie des vœux, la tristesse des jours qui ne rallongent pas encore vraiment. J’ai surtout pensé à toi, petite fille, à ta joie sans retenue durant de cette période où l’imagination de l’innocence est si forte, pour encore quelques fugaces années. Après, il sera bien temps que tu te rendes comptes que Noël et le gros bonhomme rouge à barbe blanche ça n’existe pas, et c’est peut-être tant mieux car on dit que c’est une sacré ordure. Ça ne m’étonne pas d’ailleurs : un type aussi gros et moche capable de rentrer sans frapper chez les gens pendant leur sommeil en ramonant la cheminée avec sa hotte à la con, pour déposer des trucs sous un sapin dans un salon et filer à l’anglaise : c’est louche, quand même.


Toi tu t’en fiche. Mais je te demande pardon, ma fille : ce matin, j’ai noyé le sapin. Je me console en revoyant l’image de ta joie à découvrir tes deux cadeaux préférés : le livre des trois petits cochons en relief et animé ; et un camion de pompiers avec une grande échelle et des boutons pour faire du bruit. Ah oui parce que j’ai oublié de vous dire : cette fille n’est peut-être pas une fille. Tu aimes les camions de pompiers et les voitures. Mais le rose est quand même ta couleur préférée. Les intégristes de la lutte contre les stéréotypes sexistes vont sûrement avoir eux aussi des choses à dire. S’ils en ont le courage, avec les ayatollahs de l’écologie, ils peuvent aller prendre un bain dans la Loire : il y a un sapin qui flotte comme un petit bouchon au bas d’un raidillon ligérien.


Et ce soir, une petite fille demandera : « il est où, le sapin ? » Je n’aurai pas la force de répondre…

 

 

celui-ci a eu moins de chance, finalement :

 

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L'étoile filante

5 Janvier 2015 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #voyage - voyage..., #Lettres à ...

 

 

SAB 1614 R

 

 

Dimanche 4 janvier, 6h45 du matin. Extérieur nuit, route nationale 20, La Tour de Carol. 2° dehors. 21° à l'intérieur de la voiture. Les ombres blanches des sommets s'abattaient sur nous ; et la grande gueule d'une lune enceinte quasiment jusqu'aux yeux éclairait faiblement la route. Soudain, en direction du col de Puymorens, une étoile filante stria le ciel constellé d'étoiles.

Quel présage apportait-elle, cette enfant unique mort-née de l'atmosphère glacé ?

Je préfère amplement faire un voeux à celle-ci que tous les autres des débuts d'années, l'haleine chargée de relents de boudins blancs truffés, de chocolats fourrés et de champagnes tièdes.

Car ceux faits aux étoiles filantes ont probablement plus de chances de se réaliser... 

 

 

SAB 1602 R

                                             - Plouf ! -

 

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Et de trois ! (trois p'tis chats, trois p'tis chats...)

23 Septembre 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Lettres à ...

 

 

 

SAB 1135 R

 

 

 

A ma fille


Je sais qu'un jour viendra car la vie le commande
 Ce jour que j'appréhende où tu nous quitteras
 Je sais qu'un jour viendra où triste et solitaire
 En soutenant ta mère et en traînant mes pas
 Je rentrerai chez nous dans un "chez nous" désert
 Je rentrerai chez nous où tu ne seras pas.
 
Toi tu ne verras rien des choses de mon cœur
 Tes yeux seront crevés de joie et de bonheur
 Et j'aurai un rictus que tu ne connais pas
 Qui semble être un sourire ému mais ne l'est pas
 En taisant ma douleur à ton bras fièrement
 Je guiderai tes pas quoique j'en pense ou dise
 Dans le recueillement d'une paisible église
 Pour aller te donner à l'homme de ton choix
 Qui te dévêtira du nom qui est le nôtre
 Pour t'en donner un autre que je ne connais pas.
 
Je sais qu'un jour viendra tu atteindras cet âge
 Où l'on force les cages ayant trouvé sa voie
 Je sais qu'un jour viendra, l'âge t'aura fleurie
 Et l'aube de ta vie ailleurs se lèvera
 Et seul avec ta mère le jour comme la nuit
 L'été comme l'hiver nous aurons un peu froid.
 
Et lui qui ne sait rien du mal qu'on s'est donné
 Lui qui n'aura rien fait pour mûrir tes années
 Lui qui viendra voler ce dont j'ai le plus peur
 Notre part de passé, notre part de bonheur
 Cet étranger sans nom, sans visage
 Oh! combien je le hais
 Et pourtant s'il doit te rendre heureuse
 Je n'aurai envers lui nulle pensée haineuse
 Mais je lui offrirai mon cœur avec ta main
 Je ferai tout cela en sachant que tu l'aimes
 Simplement car je t'aime
 Le jour, où il viendra.

 

Charles Aznavour

 

 

 

 

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12 millions d’élèves, et toi, et toi, et toi…

6 Septembre 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Lettres à ...

 

 

L’année dernière à pareil époque, j’étais tombé par hasard lors d’une promenade en ville sur la boîte à musique rose bonbon d’où jaillit une danseuse en tutu montée sur ressort et qui tourne sur elle-même. Cette boîte, offerte le jour de tes deux ans, a donné lieu à un texte qui a jaillit lui aussi, mûri cependant pendant plusieurs jours avant de le mettre en ligne sur ce blog. Il a occasionné énormément de commentaires, la plupart en privé, et une franche émotion chez certains lecteurs (et lectrices). J’en fus à la fois sincèrement étonné tout autant que content. Au fond je crois que c’était la première fois que je publiais quelque chose d’aussi personnel et véridique, et c’est sans doute ce qui a touché un certain public.
 

 

Cette année, je ne tombe pas pour l’instant sur quelque chose qui ferait à la fois l’objet d’un cadeau pour ton troisième anniversaire, et m’inspirerait un quelconque texte à l’instar de celui de septembre dernier. Je ne me force pas, laissant le hasard, les coïncidences faire leurs œuvres. Si quelque chose doit venir, ça viendra. Et l’émotion suscitée se traduira, peut-être, par quelque chose d’écrit.

 

Cette année, en fait, le cadeau c’est plutôt toi qui me le fais. Tu viens de rentrer à l’école. La première école, celle qu’on appelle « maternelle ». Celle que des ayatollahs sectaires d’une prétendue égalité hommes-femmes érigée au frontispice de ministères sur la rive gauche parisienne voulaient récemment gommer, pour remplacer par je ne sais quelle expression vidée de sens. Toi, tu t’en fiches comme de tes premiers chaussons, et tu étais très contente d’y aller, à l’école maternelle, en petite section (noté de l’acronyme « PS » sur la feuille à l’entrée de ta classe… Epatant…).

 

Ce matin-là, dans le petit matin frais et ensoleillé de septembre, l’été enfin revenu, nous t’avons donc accompagné à l’école. Pour la première fois de ta vie, et sûrement pas la dernière. Ta petite main dans ma grosse pogne, l’autre dans celle, plus fine, de ta mère. Avec un tee-shirt que tu avais choisi (de couleur rouge avec un éléphant imprimé dessus, pour ceux qui pensent encore que seuls le rose et le bleu caractérisent les mômes), et tes chaussures usées par le goudron de la crèche. « C’était bien la peine d’acheter des souliers chics BCBG en cuir d’une grande marque anglaise », me suis-je dit…
 

« Ralentir : école ! » Disait un humoriste habillé en salopette à rayures et tee-shirt jaune : on allait quand même pas y aller en courant… Nous y sommes donc allés en marchant normalement, si tenté que désormais le mot « normal » revête encore une certaine normalité, justement. A l’entrée, nous n’étions pas les seuls, mais, comme beaucoup, nous étions en avance. J’ai donc eu tout le loisir de regarder d’un œil amusé le portail peint en blanc, ajouré d’une grille, d’une hauteur d’environ un mètre cinquante. « C’est symbolique », ai-je pensé, me souvenant de la porte en ferraille peinte en vert sapin qui m’avait accueilli 38 ans plus tôt dans une école maternelle du Poitou. C’était en 1976, la fameuse année de la sécheresse, millésime fabuleux pour certains vins. Ce portail je m’y suis souvent par la suite agrippé en hurlant, vociférant, pleurant et même vomissant pour ne pas le franchir. Tes débuts à l’école ont donc été très différents des miens, même si, symboliquement, nous t’avons vus pleurer au moment où nous allions te quitter.

 

Des pleurs il y en avait beaucoup, ce matin-là dans cette petite école maternelle, et il y avait beaucoup de papas, de mamans et de doudous pour essuyer toutes ses larmes de chagrin. Pensez-donc ! l’école… Qui sait où cela conduira ?

 

Puis nous avons franchi de nouveau le portail, et chacun est parti vers ses activités. J’aurais aimé attendre encore un peu vous voir si une cloche sonnait, annonçant le début officiel des activités. Je ne crois pas qu’il y ait de cloche dans ton école. Ou alors ce n’est pas celle qu’on imagine… Souvent, dans la journée, j’ai pensé à toi me demandant ce que tu pouvais faire pendant que je gagnais laborieusement ma croûte qui est aussi la tienne. J’avais peur, sincèrement, que cela ne se déroule pas bien, j’imaginais aussi les plus grands terrorisant les plus petits comme ça avait été le cas à mon époque. Bref : je m’inquiétais comme on peut s’inquiéter ce jour-là de façon paternaliste. Le soir ta mère est venue te chercher, et tu as fait une colère de tous les diables :  tu ne voulais pas partir de l’école… Ça te passera.
 

 

Finalement, le cadeau surprenant il est là : j’avais tout imaginé sauf ça. Je me sentais fier, au fond, de cette journée pour toi et pour moi. C’était une vraie journée de rentrée scolaire : le ciel était bleu azur, le soleil brillait mais sans chaleur excessive, les marronniers sur la place perdaient leurs feuilles et leurs marrons. Les cartables sentaient le neuf. Les habits aussi. Les rues étaient encombrées de voitures, d’enfants courants en tous sens et d’adolescents comparant leurs téléphones en ricanant bêtement (pléonasme). Voilà, tout était « normal ». 12 millions d’élèves venaient de retourner « à l’usine », certains pour la première fois (sans trop le savoir) d’autres peut-être pour la dernière fois (sans s’en douter).

 

 

Vous étiez 12 millions, mais je me sentais, moi, seul au monde avec toi, « en serrant dans ma main tes petits doigts ».

Ma fille, mon enfant : merci pour ce moment.

 

 

 

 

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Le dernier jour

22 Juillet 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Lettres à ...

 

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Aujourd’hui, c’était ton dernier jour. Dernière fois que nous avons pris ce chemin pour aller là. Pas la dernière fois pour les grimaces dans la glace, ni pour les cailloux dans nos poches, ni pour la petite souris dans la vitrine du salon de coiffure, ni pour le chant de la tourterelle dans la rue sous le château. Pas la dernière fois non plus pour « c’est quoi, ce bruiiit ? » des travaux de l'ancienne gendarmerie rue du S. Sans doute pas la dernière fois non plus pour la petite maison en plastique jaune au toit rouge dans la cour d’un immeuble près de chez nous. Pas la dernière fois pour les cloches de l'église Saint-N. Mais la dernière fois pour les escaliers qui montent avant d’arriver au portail vert (deux fois 14 marches), qui s’ouvre grâce au badge planqué dans une poche de mon sac à dos, ce qui m’évite de le sortir (il y en a qui trouvent ça astucieux). Derrière ce portail vert, c’est la crèche. Et aujourd’hui, c’était ton dernier jour. Oh bien sûr ça n’est pas la fin du monde, c’est juste la fin d’un monde, le tiens, avant d’en découvrir un autre, plus vaste, plus bruyant, et parfois aussi plus étrange : celui de l’Éducation nationale…  Bienvenue chez le mammouth…
 

Le dernier jour. A la rentrée prochaine, nous continuerons la rue une centaine de mètres un peu plus haut, vers l’école. Déjà. Depuis quelques semaines, il y avait des signes qui ne trompent pas : tu marchais presque tout le trajet « toute seule » sans que je te porte. Tu gardais ton petit sac à dos « vache » sur ton dos sans que j’aie à le porter en plus du mien. Et, imperceptiblement, sur la pointe des pieds, c’est toi « toute seule » qui appuyait sur le bouton des feux aux carrefours, pour que le petit piéton passe au vert, et nous avec. Tu grandis. Le dernier jour de la crèche est arrivé, et avec lui le premier des vacances. Après, ce sera une autre histoire qu’il reste à écrire, en trempant une plume dans un encrier…

 

 

 

 

 

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Le monde ne suffit pas

21 Février 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Lettres à ...

 

 

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Mettre la polaire, le manteau, l’écharpe, la cagoule. Attacher les lacets. Franchir la porte, fermer à clé. Descendre les escaliers, un étage dans les bras, les deux autres à pied en comptant les marches. Faire une grimace face au grand miroir de l’entrée. Sortir dehors. Guetter le « camion poubelles. » Cueillir un tout petit brin de lavande, le sentir (« ça sent bon hein ? »). Ramasser trois cailloux dans l’allée de l’entrée, « deux pour les poches, un pour toi. » Passer à côté de l’échafaudage du chantier. Regarder le clocher de l’église, entendre une cloche, parfois. Passer devant la boulangerie où « y a pas Mélanie, » parce qu’on n’y va pas, dans celle-là. Dire bonjour à la petite souris grise en peluche dans la vitrine de la coiffeuse qui fume. Passer devant le fish spa, où des « petits poissons mangent les pieds" des clients.  Tourner à gauche, dans la rue sous le château où on entend la tourterelle. Imiter le chant de la tourterelle. Dialoguer avec la tourterelle. Marcher sur les bandes blanches de la piste à vélo. S’arrêter sur le dessin du vélo, chacun sur sa roue. Arriver près du carrefour et « appuyer sur le bouton. » Attendre que le petit bonhomme rouge devienne vert. Traverser sans s’arrêter avant qu’il ne redevienne rouge. Entrer dans le petit parc, courir après les pigeons, regarder pleurer le saule pleureur. Passer à côté du toboggan, sentir ton cœur se serrer. Prendre ta main en longeant la rue où les voitures sont nombreuses et roulent vite. Pointer son doigt vers la façade un peu désuète de l’hôtel de F. et de G. Regarder passer un bus noir et jaune, puis un autre bleu et blanc. Passer devant La Poste, traverser, appuyer sur le bouton. S’engager quand le bonhomme est vert. Râler contre les autos qui passent au rouge. Appuyer une dernière fois sur le bouton. Traverser, embouquer les escaliers. Compter les marches. Passer le badge pour que la porte s’ouvre. Faire coucou aux enfants déjà arrivé par la fenêtre en face de l’entrée. Poser les cailloux sur la pelouse, en promettant de les reprendre le soir. Entrer. Monter trois marches, "tout seul.". Oter les chaussures, le manteau, la polaire, la cagoule, l’écharpe. Mettre les chaussons, sortir doudou. Moucher le nez. Réajuster les chouchous des couettes. Serrer doudou contre toi. Etre dans les bras de papa. Faire bip-bip avec la carte à code barre. Dire bonjour. Consulter le menu. Se serrer très fort dans les bras. Dire comment s’est passé la soirée, la nuit, le matin. Se résoudre à descendre. Etre triste. Etre seule. Et puis partir, sans trop se retourner. Tu es arrivée à la crèche, je pars travailler. Le rituel est immuable mais c’est chaque fois différent.


Le monde – ton monde – ne suffit pas. Il faut encore que je sente, plus tard dans la journée, le caillou dans ma poche. Je sais à cet instant-là que tu m’espères.
 

 

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                                 - Maintenant, ou jamais -

 

 

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