emerveillement
L'ordre blanc
Ça nous changera des fachos…
En rentrant de l’escapade lyonnaise, traversant le Bourbonnais, le givre nous a saisi. Je dis nous, à savoir ma bagnole et moi en fait. D’un coup l’hiver vous tombe dessus, sans prévenir ou presque. Passé Saint-Pourçain-sur-Sioule, givrée : la forêt de Vacheresse, la bien nommée. Givrée : la traversée de la rivière Gratteloup, tout un programme. Givrée : la traversée de Saint-Marcel-en-Murat, son petit cimetière, et son église qui me saute à la gueule, tant est si bien que passé trop vite je dus faire demi tour au carrefour suivant. Givrée : la séance photo dehors, klaxonné par les autos qui fuient ce lieu sans vie apparente. Apparente seulement.
Dire que certains(nes) trouvent l’hiver fade, brumeux, épais, trop blanc délavé et usé, ou trop gris et monotone, vide et sans âme ! Les pauvres… Ils ne savent point regarder.
Donnons-leur une seconde chance.
(c) Fred Sabourin. 15 janvier 2012. Saint-Marcel-en-Murat, Allier, France.
J'avoue
- J'arrive -
J’avoue, j’ai un faible pour le matin tôt. L’aube, l’aurore. L’instant où le jour se lève, dites-le comme vous voulez. La lumière est, selon moi, incomparable. Rien à voir avec les innombrables couchers de soleil curieusement nommés romantiques, même si certains sont en effet très beaux. Mais le matin, point de romantisme. C’est l’heure où les braves ne sont même pas encore paupières ouvertes. Il s’agit de s’arracher au confort d’un lit chaud, ce que peux de gens consentent à faire s’il n’y a pas l’obligation du boulot à rejoindre.
Pendant deux ans, j’ai contemplé ces aurores, chaque fois différentes, à Lyon et Privas, rejoignant une radio pour y tenir le micro avant que les poules n’ouvrent l’œil. Il m’en a coûté, souvent, de m’arracher aux bras de Morphée, comme on dit, pour me retrouver dans la rue froide et encore dans la nuit, vers 5 heures du matin. Mais j’ai assisté, quasiment chaque jour, à un spectacle superbe, jamais le même, y compris lorsque les brumes hivernales enveloppaient tout et cela pour la journée. J’ai vu des soleils embraser les Alpes depuis la colline de Fourvière, du Mont-Blanc jusqu’au Grand Vémont. Des montées de nuages lourds au dessus de Privas, poussés par des vents de sud remontant la vallée du Rhône, ou des matins secs frigorifiés par la bise venue du nord et qui faisait craquer de froid tout ce qu’elle rencontrait sur son passage. A Rouen, les lumières lointaines du port scintillaient dans les brouillards épais et la flèche de la cathédrale disparaissait dans son épais coton.
L’aube, l’aurore, le petit matin, dès potron-minet, tous ces mots et expressions qui ne s’offrent qu’aux vrais solitaires seuls témoins de cette magie d’un jour qui se lève, et qui sera ni jamais le même, ni aussi différend qu’on aurait aimer le croire. Il faudrait être peintre pour figer ces instants impressionnistes, impressionnés, sublimés par la lumière exceptionnelle qui monte de la nuit. Je ne suis que photographe, et tous les sens sont en éveil lorsque se lève la lueur de l’aube. Elle nous arrache à la nuit, nous projette malgré nous dans la journée – encore une ! – jusqu’à ce soir, peut-être…
Ou demain, qui sait.
Nulle part ailleurs
- Gorge profonde -
La route départementale numéro 25 conduit la voiture et ses occupants au fond d’une vallée très encaissée et surprenante : les gorges de la Cère, du nom de cette rivière, affluent de la Dordogne, qui prend sa source près du Plomb du Cantal. Ça tourne et vire dru. Sur la carte du Bibendum, il semble y avoir une gare SNCF au fond de cette vallée, à mi chemin entre Laval-de-Cère et Laroquebrou. Lamativie, drôle d’endroit pour une rencontre. On descend, s’attendant à rencontrer au moins un village, puisqu’il y a une gare… Arrivé en bas, point de village. Une maison (qui semble habitée mais dont les volets sont clos), un barrage, une ruine et un tunnel. Des baraques style chemin de fer français dont les fenêtres sont murées, des voies, un quai central : la gare de Lamativie. Quelle surprise ! On se dit que ce n’est pas possible, pas là. Sur le quai, un panneau indiquant le nom de la gare (Lamativie, donc, pourtant éloigné de plusieurs kilomètres du village), et un autre, plus petit. Nous approchons et découvrons une fiche horaire à jour ! Un thé eu air passe par là, et mieux encore : marque un arrêt, de début juin à fin septembre. Lamativie est au beau milieu du GR 652, qui relie Laroquebrou à Bretenoux, en descendant les gorges de la Cère. Je regarde ma montre : un Brive – Aurillac va s’arrêter ici à 15h35, dans 20 mn…
- Odeurs -
Il flotte un air de far-west, et ce jour-là tout y est ou presque. La chaleur de midi écrase tout, façon Lecomte de Lisle (Midi, roi des étés). L’air est saturé de cette odeur caractéristique de voies ferrées, mélange de goudron chaud, de vieille urine, de rouille et de cailloux granitiques chauffés à blanc. Je tends l’oreille pour déceler le grincement possible d’une éolienne façon Il était une fois dans l’ouest. Rien. Juste le bourdonnement de mouches qui semblent chez elles, et les cigales et grillons qui scient l’atmosphère de leurs chants estivaux. « L’air flamboie et brûle sans haleine ». La sueur me coule au bas du dos et colle la chemise. On passe à l’ombre, en attendant, et la ruine offre un morceau d’histoire : ancien baraquement des ouvriers qui ont construit le barrage, au début des années 30. Plus bas le barrage, et le murmure de la Cère. Un coup d’œil à la montre : 15h30. Il est temps de se rapprocher du tunnel, pour voir ce qui pourrait en sortir dans quelques instants.
- Le bout du tunnel -
C’est la cloche de la barrière – et non le garde barrière lui-même – qui surprend en premier. Celle-ci annonce la fermeture concomitante des garde-fous. Un bruit de ferraille ajouté au moteur diesel se fait entendre à l’autre bout du tunnel. Deux phares se distinguent et grossissent lentement. Un klaxon retentit, et le monstre d’acier jaillit de l’ombre nous soufflant un air chaud qui est sans commune mesure avec ce que crachaient autrefois les locomotives à charbon. Le thé eu air sponsorisé par la région Auvergne entre en gare de Lamativie, et marque l’arrêt. Personne n’en descend, encore moins n’y monte. Une minute après, il va son chemin et disparait entre deux roches taillées à brut. Et c’est fini. Le silence revient.
Pour un peu j’en aurai presque oublié la chaleur, les odeurs, le chant des cigales et le bitume fondant sous mes semelles. L’espace d’un moment, Lamativie était ce far-west, à mille milles de toute terre habitée. Nulle part ailleurs, assurément.
- Arrivée d'un train en gare de Lamativie -
- Sans titre -
- Sans titre -
Les fins de nuits sont plus belles que vos jours
C'était un dimanche matin, le 15 mai. A l'heure du laitier, et à l'heure où des policiers niou-yorkais enfermaient un drôle de gus (c'était à la radio de la bagnole à 5h15, et je me suis dit : "oh putain, on n'a pas fini d'en entendre parler..." Parfois je suis très visionnaire).
C'était surtout à l'heure des braves. Une heure que ceux qui aiment leur lit ne peuvent pas connaître. La meilleure heure. Celle du levé de l'astre. Ma préférée.
Un tour en Loire sur une toue, avec l'association Millière Raboton (www.milliere-raboton.net), piloté par Aurélien, passioné du fleuve qu'on dit sauvage (c'est une connerie car la main de l'homme est présente partout, à commencer par les digues).
C'était juste pour le plaisir des yeux, et des oreilles. Un peu le nez aussi. Et beaucoup l'esprit.
- 5h50 -
(Port de Chaumont-sur-Loire)
- 6h24 -
- 6h28 -
- 6h29 -
- 6h30 -
(Chaumont-sur-Loire)
- 6h33 -
- 6h35 -
- 6h47 -
(22mm ; F-16 ; 1/640s ; Iso 640 ; Nikon D300 ; 18-105 mm)
Sauvagerie à l'état naturelle
- Envole-moi -
- Terre inconnue -
- Partir -
- Au commencement -
Goûte à ma couisine...
- Choisi de veau doré, pastillas de pleurotes et patates douces, quelques châtaignes et jus de tilleul -
- servez chaud -
- touche finale -
- prenez et mangez -
- connivence -
- connivence (2) -
Les 9è Trophées Robert Saget au CFA Interprofessionnel de Blois, vendredi 3 décembre 2010. Premier Prix : Florent Serrault, en stage à La Roche Le Roy de Tours.
Le cerf brame, et la caravane passe...
Qui n’a pas assisté à la levée du jour sur Chambord n’a rien vu. Dès l’aube, à l’heure hugolienne où blanchit la campagne, il faut partir. S’enfoncer dans la forêt profonde et automnale, aux senteurs de sous-bois humides et de champignons fraîchement poussés. Parvenu près d’un mirador d’observation, stopper le véhicule. Dès l’ouverture de la portière, on est saisi par un bruit sauvage et guttural à nul autre pareil. Là bas, au loin, et pourtant si près, un cerf brame. Son cri rauque surgit des profondeurs de ses entrailles et résonne dans la clairière où le jour pointe à peine. On ne voit rien, on ne devine que des formes, des silhouettes animales. Le silence est de rigueur. On hésite même à respirer. Puis, un nouveau son surgit des profondeurs. Un autre cerf donne du majestueux brame, annonciateur du mâle en rut. C’est le seigneur du lieu. A quelques kilomètres de là, on a laissé le château dans le rétroviseur. Rien ne manque, rien n’est en trop. L’harmonie est quasi parfaite. L’homme, l’animal, la nature qui déploie ses ailes brumeuses dans les premiers rayons d’un soleil pâle, s’étirant comme sortant d’un long sommeil. Puis, soudain, à la lisière du bois, il est là. Son brame se fait plus clair, distinct, plus rien ne l’arrête. Ce cri rauque et guttural parcours la clairière où l’on distingue maintenant des biches broutant l’herbe fraîche de rosée. Ce sont elles qui mènent cet opéra champêtre. Elles bougent par là, le cerf suit. Elle s’arrêtent, il ne bouge plus. Un autre cerf, plus jeune, se mêle au spectacle vivant d’un rituel immuable. Lui ne brame pas, trop jeune encore pour risquer les coups de bois de l’ancien, plus gros, plus fort. Il sait par instinct que son heure n’est pas encore venue. L’année prochaine, peut-être, si tout va bien.
Le jour se lève. Chaque forme est désormais visible dans la clairière, le chant des oiseaux se mêle à cette symphonie d’un nouveau monde qui renait sans cesse, depuis… des siècles. C’est aussi l’heure où ces rois et reines de la forêt rentrent à nouveau dans les bois. D’abord en lisière, puis ils s’enfoncent et on ne les voit plus, c’est à peine si on les entend.
Alors la place est libre pour un autre ballet, celui des sangliers, mâle, laie et marcassins dont certains ne semblent pas avoir plus de huit jours. De leurs groins ils fouillent et retournent le sol, indifférents aux spectateurs dans le mirador. Puis s’en vont, aussi. Des tourterelles viennent ramasser ce qui reste. Tout se tait.
C’était un matin, à l’aube blanche, dans la forêt de Chambord.
tu m'envoies un texto ? (suite...)
Valence, lundi 20 avril 1931
Mon trésor bien-aimé,
Je suis ravie de ma promenade d'hier à Tournon, d'abord et comme toujours parce que j'étais avec vous, ensuite parce que j'avais envie depuis longtemps de revoir les lieux de notre connaissance, de faire en quelque sorte un pèlerinage de reconnaissance dans la ville où est né notre amour. Ce qui a dépassé mon attente, c'est la visite de votre bureau. Les quelques moments que j'y ai passés ont suffi pour qu'il reste gravé dans ma mémoire et dans mon coeur et je n'ai aucune peine pour vous évoquer à votre place, au téléphone ou dans n'importe quel coin. Mon travail le plus pressé ce matin a été d'en faire le plan sur papier, comme je vous l'ai dit, sans plaisanter, je vous assure. Je vous...
(et là, la carte s'arrête brusquement, par manque de place. Continue-t-elle ailleurs ? Sans aucun doute. Mais que dit-elle ?)
PS : fautes de conjugaison et d'accords conservées dans l'état.
"Tu m'envoies un texto ?"
"Le 14 mai 1949
A toi seule ma petite femme
Avec tous mon amour
En souvenir de notre séparation.
Et avec l'espoir que bientôt nous serons réunis pour toujours
Ton petit mari,
Moïse
SP 54.290
BPM 515
Allemangne-Nord"
ps : la faute d'orthographe "avec tous mon amour" est d'origine.
Les vieux copains
C’est comme des mâts de misaine, des pavés dans la mer, des forteresse autour du cœur.
Les vieux copains, ça ramène des copines, qui deviennent des femmes sans jamais être les nôtres, mais qui demeurent belles filles.
Ils vous tiennent par le bras, tout en guidant vos pas, quand le ciel ce fait lourd.
Ça guette une éclaircie, qu’on arrose au bistrot, à grands coups de demis.
Les vieux copains, ça se donne rendez-vous dans un port comme si ils voulaient partir pour ne plus revenir du tout. Ou peut-être parce qu’il y a un bout de quai, et qu’au-delà on ne sait pas.
Mais les vieux copains, ça discute le bout de gras, en contemplant celui qu’ils ont autour de la ceinture, et les rides sur la figure.
Les vieux copains, ça évoque toujours le passé, quelques fois le présent, et peu souvent l’avenir. Sauf quand ils parlent d’une maison, bleue ou d’une autre couleur, où on a envie d’être ensemble, quand la vie nous étrangle.
Les vieux copains, ça bâfre en s’engueulant, pour parler politique, rarement à cause du fric.
Ils refont le match, en tous temps en tous lieux, parce qu’ils sont heureux, au fond.
Au fond d’eux il pousse de la lumière, et des jardins savoureux, ils parlent des jours heureux. Aujourd'hui, peut-être ?
Les vieux copains font toujours un bout de chemin, et ça fait longtemps qu’ils le font, sans chercher à savoir qui invente l’autre.
Les vieux copains, ont des bosses et des bleus, et ils sont amoureux ou bien ils ne le sont pas.
Mais les vieux copains, ils sont toujours là.
(sans titre)
"so far away, from LR... "
"bordez, nom de Dieu !"
"par delà les nuages"
"grattez le fond de la quille"
(sans titre)
"embarquement immédiat"