Une nouvelle amie
27 Novembre 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma, #Presse book
François Ozon joue avec les codes – qu’il transgresse – et les genres – qu’il bouscule – dans un film où même le spectateur peut goûter au plaisir du travestissement.
Pendant un long moment, on se demande où François Ozon veut emmener le spectateur avec Une nouvelle amie. Le début est pourtant limpide, et c’est même un beau moment de cinéma. Claire et Laura sont deux amies inséparables depuis leur 7e année. Dans le premier quart d’heure, le réalisateur balaie au cours d’un montage virtuose les vingt premières années de la vie de ces deux jeunes filles. Découverte, adolescence, rencontre du prince charmant, mariage de tradition familiale dans une paisible église de province bourgeoise et catholique. À peine mariée à David (Romain Duris), Laura (Isild Le Besco) – qui vient d’accoucher – meurt d’une maladie laissant seuls le père et Claire (Anaïs Demoustier). Cette dernière commence à sombrer dans la dépression qui amène son mari (Raphaël Personnaz) à lui conseiller d’aller rendre visite au jeune père veuf. Lorsqu’elle arrive chez lui, Claire tombe sur David costumé en femme blonde portant les vêtements de sa défunte épouse. Il justifie cet étonnant choix en disant que cela calme le bébé, perdu sans sa mère. Et cela satisfait pour lui une ancienne pulsion de travestissement, refoulée pendant son mariage.
Vertige des sentiments
Si cette transgression du genre est bien le véritable point de départ d’Une nouvelle amie, elle ne sera pourtant pas l’unique dans un scénario à la fois rigoureux, plaisant et déroutant. Le dégoût et l’incompréhension initiale de Claire vont peu à peu laisser place à d’autres ambigüités faites de désirs, de vertiges, de tentations, de séductions, de plaisirs troublants, d’érotisme libéré. Romain Duris prend un malin plaisir à jouer une femme dans un travestissement finement étudié, Anaïs Demoustier n’en demeure pas moins une jeune femme liée par tradition familiale au conformisme bourgeois d’une province aisée (qui n’a parfois rien à envier aux lotissements résidentiels américains), mais sérieusement ébranlée dans ses certitudes. Il n’est pourtant pas question ici du combat social que pourrait mener « David – Virginia » (le prénom choisi lorsqu’il s’incarne en femme), tel que François Ozon aurait pu le monter, avec toute la violence que cela supposerait. Pas non plus une sorte de comédie Cage aux folles. La question est moins « qu’est-ce que se découvrir travesti quand on vient d’un milieu hétéro bourgeois où cette transgression est tout bonnement inaudible ? » mais plutôt : « qu’étaient donc réellement les relations entre ces deux jeunes femmes, amies depuis si longtemps, et dont l’absence de l’une remet profondément en cause les sentiments de l’autre ? »
« Je suis une femme »
François Ozon, auteur du récent Jeune et jolie, joue avec les ambigüités et la transgression des codes à une époque où la société est extrêmement clivée sur les questions de mariage pour tous, de supposée théorie genre, des désirs refoulés qui finissent souvent par éclater au grand jour. D’autant plus violemment qu’ils étaient bien cadenassés dans le conformisme. Si le casting est parfait, n’en demeure pas moins une petite frustration à la sortie d’Une nouvelle amie. Celle d’avoir certes assisté à un bon film qui tient le spectateur jusqu’au bout, mais en laissant ouvertes beaucoup de portes qu’il aurait été intéressant de traverser. Comme pour La prochaine fois, je viserai le cœur de Cédric Anger dont nous parlions ici récemment, on aurait aimé qu’Ozon ose tirer des ficelles chabroliennes pour aller au-delà du désir, justement. Car ce qui est suggéré à l’issue d’Une nouvelle amie donne envie de savoir ce qui a bien pu se passer dans l’ellipse finale résumée par un « 7 ans plus tard ». On devra pour l’heure se contenter d’une des dernières paroles du film : « Je suis une femme ! » envoyée de Virginia à Claire par texto.
Certes, mais…
F.S
Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz, Isild Le Besco. 1h47.
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