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Le jour. D'après fred sabourin

Un avocat sans effets de manches

1 Mars 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #littérature, #Presse book

 

 

Dans Porter leur voix, un avocat sans effets de manches, Laure Heinich évoque le métier d’avocat, et, en creux, celui de magistrat. Décapant.

Il n’est pas étonnant de croiser, dans Porter leur voix, un avocat sans effets de manches de maître Laure Heinich, un autre grand avocat, très grand même : Jean-Marc Varaut. Dans L’art de plaider, en 2002, trois ans avant sa mort, il disait : « Le temps ne fait rien à l’affaire. Une plaidoirie n’est pas un passe temps, un contre temps ou un temps mort mais doit être un temps fort dans la recherche dialogique du juste. On peut plaider le temps d’un sonnet et même d’un quatrain. Celui qui dit le plus est souvent celui qui dit le moins. Dans convaincre, il y a vaincre. »
 

 

Auteur d’un blog chez Rue89, Derrière le barreau, Laure Heinich, ex-élève du lycée Henri IV, université Panthéon-Sorbonne et DEA de droit médical, est avocate depuis 1999. Mais ce n’est pas une avocate comme les autres. Ancienne première Secrétaire de la Conférence du Barreau de Paris, au terme d’un concours d’éloquence de haute volée, elle peut exercer dans des dossiers d’une grande gravité, que ce soit auprès des accusés ou des victimes. Ce qui fut notamment le cas dans le procès du « gang des barbares » avec Youssouf Fofana, en 2009, où elle défendit Myriam, celle qui avait reconnu sa copine dans le portrait-robot diffusé dans les médias et risquait une peine d’emprisonnement pour complicité présumée.
 

 

Entre son cabinet et le palais de justice de Paris, Laure Heinich est sans cesse confrontée aux cas les plus extravagants. Une jeune fille violée qui demande à son agresseur de recommencer ; un homme transformé en Cendrillon par la femme dont il est éperdument amoureux et qui finit par la poignarder ; un adolescent en apparence très calme et qui veut infiltrer un réseau homosexuel pour « casser du pédé, » avec ses copains, etc.
Il y a aussi et même surtout, dans Porter leur voix, un brûlot contre l’arrogance des magistrats, les nombreuses incohérences de la justice, l’indescriptible crasse du dépôt (où patientent les prévenus avant de comparaître devant le juge), l’insalubrité de la prison de Fresnes, et l'attente, l'attente, "il faut attendre, maître"… Révolte, compassion, détresse des victimes et remords des coupables, tout y passe, sans effets de manche, d’une plume ciselée, tantôt désabusée, parfois ironique et grinçante, voire cynique. Mais comment ne le serait-on pas, face à ce théâtre des tragédies humaines où les trois singes de la justice semblent faire face au lecteur en permanence : « je ne vois rien, je n’entends rien, je ne dis rien » ?
 

 

Laissons à maître Varaut le soin de terminer à la fois cette chronique et ce que nous avons ressenti à la lecture de Porter leur voix : « Plaider est l’art de donner un corps à une cause, non des mots à un discours. Un art ou plutôt une technique toute d’exécution et de circonstances. L’art de plaider c’est alors de rendre invisible la technique. Un art ou une technique surchargés d’exigence morale aussi. Bien parler renvoie au bien. »
 

 

Si maître Laure Heinich parle comme elle écrit, alors le bien n’est peut-être pas loin…

 

 

Laure Heinich, Porter leur voix, un avocat sans effets de manches. Fayard.

 

 

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