Sur le Front du Loir
Le maire de Villedieu-le-Château Jean-Yves Narquin est candidat aux élections départementales sur le nouveau canton de Montoire. Un canton réputé tranquille mais âprement disputé.
Faut-il que le danger soit grand pour que le président du Conseil général sortant, Maurice Leroy, abandonne son cher canton de Droué, dans le Perche Vendômois à qui il doit tout, pour aller ferrailler dans celui de Montoire-sur-le-Loir… Ce dernier était jusqu’alors pourtant tenu par un fidèle, Philippe Mercier, maire de Tréhet à un jet de pierre de la Sarthe où il dirige le service des routes du Département, et conseiller général UPLC (1) sortant. Mais « Momo » s’en va-t-en guerre. Contre l’abstention, tout d’abord. Promise à un niveau record, elle sera arbitre – malgré elle et malgré lui – de ces élections qui ne passionnent pas grand monde. Mais elle n’est pas seule à lui donner des sueurs froides. En face de lui, Jean-Yves Narquin, 64 ans, maire de Villedieu-le-Château, récemment nommé délégué général adjoint du Front national, et attaché parlementaire de Bernard Monod, député européen FN du Centre-Auvergne depuis le 25 mai dernier.
Au devant du danger
Villedieu-le-Château, 409 habitants, trois fois moins que Neung-sur-Beuvron, mais le double du Poislay (209) village cher au président du Conseil général – il y fut maire pendant 12 ans. Villedieu-le-Château : "combien de divisions ?" serait-on tenté de dire, au regard de la quiétude toute rurale et loir-et-chérienne de cette bourgade endormie, tout juste animée par un pèlerinage à Notre Dame chaque mois de septembre. Villedieu-le-Château et son prieuré qui, pendant la Guerre de cent ans, fut entouré de murailles défensives, au point d’en faire un véritable château fort, assiégé en 1589 par les Ligueurs. Ce qui permet aux Casthéopolitains de pouvoir pavoiser avec un blason « d'azur à la croix d'argent, au château d'or. »
Oui mais voilà : les temps ont changé depuis la Guerre de cent ans, et surtout depuis 2007, date du premier affrontement électoral entre le baillis local, vilain petit canard de la famille Narquin – Jean-Yves est en effet frère de Roselyne Bachelot-Narquin qui ne souhaite pas trop s’exprimer à son sujet – et l’imposant Maurice Leroy, député de la circonscription de Vendôme. A l’époque, Jean-Yves Narquin se présenta aux élections législatives contre le député sortant et surtout contre l’avis de l’état major de l’UMP. La sanction n’a pas traînée : viré. Menacé d’être réduit en bouillie électorale par son adversaire, il fera quand même 19 % des suffrages. « Depuis 13 ans que je suis en Loir-et-Cher, on m’a traité d’accouru, de coucou qui vient dans le nid des autres. Alors le déménagement de Maurice Leroy prête à rire », annonce d’entrée le candidat au canton de Montoire. « Mais plus prosaïquement, il a dû analyser les scores du FN aux élections européennes : dans le Perche environ 30 %. Ici : 33 %. Les électeurs déciderons quel canton est le plus facile pour lui, ou non. » En effet, Maurice Leroy ne le cache pas : « Je vais au devant du danger. »
Orchestration médiatique
Le danger ? C’est pourtant sur des affaires familiales et privées dont Jean-Yves Narquin a été condamné par la justice que son rival appuie volontiers. Ils sont un certain nombre – dont des journalistes – a avoir été incités via un SMS le 19 novembre dernier à lire le quotidien local dans lequel s’étalait sur quatre colonnes un article relatant l’audience du Tribunal correctionnel de Blois où le maire de Villedieu-le-Château était condamné pour « abandon de famille, non versement de pension alimentaire et organisation de son insolvabilité ». Dans un autre et récent article du site LePoint.fr, on relate à nouveau cette décision de justice qui relève du privé. « L’utilisation de cette affaire est assez misérable, c’est une orchestration médiatique. Il s’agit de me décrédibiliser », se lamente Jean-Yves Narquin, rappelant que Maurice Leroy a eu maille à partir avec le Conseil constitutionnel début 2012 au sujet d’encarts publicitaires faisant la promotion de sa personne dans un quotidien local. Il s’était engagé à rembourser la somme. « Personne n’a jamais vérifié », insiste-t-il.
Une partie de bonneteau
C’est sur le terrain des idées et des propositions que le candidat aux élections départementales souhaite affronter le président sortant. En déployant un discours bien huilé aux accents frontistes : « nous, on défend les trois strates : communes, département, Etat », se défend-il. « Maurice Leroy veut avec les fédéralistes européens fédérer les communes, donner plus d’importance aux Régions, et à l’Europe. » L’autre élément sur lequel le candidat Narquin attaque le candidat Leroy, c’est la fiscalité : « Nous voulons un vrai maintient de la fiscalité. Ce que Maurice Leroy oublie de dire, quand il évoque la neuvième année consécutive sans augmentation de la fiscalité, c’est qu’à son arrivée à la tête du Conseil général en 2004 il l’a augmentée de 15 % les deux premières années. Quand on a pris une telle avance en pourcentage mais aussi en volume, on peut pavoiser sur le gel de la fiscalité ensuite. » Enfin, l’homme qui entame depuis un an son second mandat à la mairie de Villedieu-le-Château souhaite « défendre les collectivités territoriales telles que les départements et les communes. Ce qu’on arrivera pas à éliminer, c’est la réalité territoriale : les communautés humaines existent dans les 36.000 communes. Derrière la volonté de fusion, de gré ou de force des communes, il y a un extraordinaire mépris des élus locaux. » Peu ou prou « 500.000 élus, la plupart bénévoles. Des gens dévoués, des élus de proximité. Et on nous dit que tout cela est pour réaliser des économies ? Où seront-elles, les économies, quand ces élus locaux seront remplacés par des fonctionnaires administratifs, qui seront loin, et pèseront sur l’efficacité de la proximité actuelle ? Cette partie de bonneteau c’est un brouillard pour cacher la baisse des dotations de l’Etat. »
Alors quand on demande, pour finir, à Jean-Yves Narquin pourquoi dans un canton aux apparences tranquille, aux paysages doux où peu d’accidents n’accrochent ni le regard ni un quelconque sentiment d’insécurité, où la modération rurale du bon sens paysan semble une valeur partagée par tous ; pourquoi le FN enregistre des résultats en hausse depuis quelques années, il ne réfléchit pas longtemps pour dérouler le discours frontiste entendu au niveau national : « Un électeur sur trois vote Front national. En 2012, quand j’ai apporté mon soutien à la candidature de Marine Le Pen, des maires m’ont dit que c’était du suicide politique. J’ai été réélu maire avec 66 % des voix. Le diagnostic posé par le FN s’avère de plus en plus vrai. Sur la souveraineté, l’abaissement de la France, sur l’immigration, les Français nous rejoignent. Ils n’ont pas digéré la forfaiture du Traité de Lisbonne : ils avaient dit non au référendum, et puis N. Sarkozy l’a fait adopter au Parlement. Personnellement je sais pourquoi j’ai rejoint ce parti il y a presque 4 ans. Les faits me donnent raison. »
Reste à savoir ce que les électeurs décideront, eux.
F.S
(1) Union pour le Loir-et-Cher.
(article paru dans la Renaissance du Loir-et-Cher du 20 février).