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Le jour. D'après fred sabourin

Sur la terre comme au ciel

29 Août 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #montagne

 

 

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                                                     - Si je t'attrape... -

 

 

Je l’ai déjà écrit ici l’année dernière à la même période ici  : je kiffe Gavarnie, ce que pompeusement certains auteurs ont qualifié de « Chamonix des Pyrénées ». J’avais ruminé, en redescendant du « Taillon », un fastoche pic pelé à 3144 mètres au dessus de la coquille des bigorneaux. Une déclaration d’amour quasi phallique à ce lieu des Hautes-Pyrénées où je me rends presque chaque année comme un mystique en pèlerinage. Et cette année, j’y suis retourné.
 

 

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                                                       - Là bas, en bas -

 

 

L’abondance de neige persistante, du à l’hiver abondant en 2013, m’avait toutefois empêché d’aller où je voulais. Une excursion sur la crête même du cirque de Gavarnie, et précisément en son quasi milieu : un sommet qui se nomme La Tour, culminant modestement à 3009 mètres, mais aux parois surplombant le vide avec des à pic vertigineux. Une chute serait, on s’en doute, fatale. Ce vertige de l’amour rocheux me grise et m’attire, irrémédiablement. J’ai visité l’endroit en 2005 et 2006, mais pas depuis. Je l'écris autant que je le hurle : ce lieu me manquait. Je l’aime pour cette impression d’avoir là, juste sous les godasses, l’équivalent d’une Tour Eiffel, sans les touristes qui lui sont habituellement flanqués. Puis 1700 mètres, à peine 2 kilomètres à vol d’oiseau plus bas, se niche le petit village de Gavarnie. Derrière mon dos, une bordée de nuages brumeux monte de l’Espagne. Nous sommes là sur le vrai fil de la frontière, dans tous les sens du terme.
 

 

 

SAB 0916 R

 

 

 

Pour monter ici, il faut se lever de bonne heure. Franchir la brèche de Roland. Passer le fameux « Pas des isards » et sa célèbre chaîne, à flanc de rocher, où, pendant quelques mètres, l’espace pour les pieds n’excède pas 3 à 4 cm. Les premières fois, je me faisais une règle intangible de ne pas tenir ce lien métallique fixé à la paroi. Désormais, l’âge aidant, je prends en main parfois cette chaîne, me souvenant qu’une chute ici ferait sans doute mal à défaut de tuer. C’est aussi parce qu’on a envie d’y revenir que cette chaîne est là. Pour s’enchaîner à la beauté minérale du site.
 

 

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                                                     - Enchaîne -

 

 

Passé cette difficulté sans conséquence excessive, le col des Isards est vite avalé. Le choix s’impose : soit le Casque, un pic à 3006 mètres aux flancs pierreux peu engageants et à l’heure où nous y sommes la tête dans un nuage. Soit La Tour, en face de nous, au couloir enneigé raide comme un cierge de Pâques. Ce couloir, qui peut être évité en le contournant par son flanc sud, permet cependant d’accéder quasi directement à quelques mètres du sommet. La paire de crampons dans mon sac n’incite pas vraiment, pour l’heure, à un quelconque renoncement. La situation ne fut pas la même quelques jours plus tôt, dans le cirque de Troumouse, où mon camarade et moi allions gaiment au pic de la Munia (où nous prîmes des risques inutiles).
 

 

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                                                                 - Corridor -

 

 

Les deux Espagnols à quelques mètres devant moi s’équipent aussi, et nous voilà partis à l’assaut de ce couloir raide. Ça monte sévère et je garde néanmoins mes distances, de peur que l’un des deux Ibériques ne dévisse et m’entraîne dans sa chute. Je profite quand même des pas qu’ils font devant moi, et arrivés en haut je les remercie « para el camino ». Je profite aussi de leur séance photo pour les doubler et leur gratter l’arrivée au sommet, dont je profite en solitaire quelques minutes avant eux. Je m’approche de ce vide enivrant, à distance raisonnable cependant, craignant une brusque autant que perfide rafale de ce vent d’Espagne qui m’enverrait en bas sans rien toucher durant 300 mètres. Le « base-jump » ce n’est pas mon truc, et j’ai raccroché mon parachute un jour de juillet 97… Tout est là sous nos yeux : Vignemale, Taillon, Casque (embrumé), Mont Perdu, Cylindre, Marboré, les trois Pics de la Cascade, la cascade elle-même, l’Epaule du Marboré. Le spectacle est à la hauteur des espérances, des rêves, et devient réalité.
 

 

Je ne rêve pas que je vole, d’ailleurs je ne vole pas j’ai les pieds bien sur la roche du crâne de "ma" Tour. Je suis juste bien là, au ciel, à cette heure-là le plus bel endroit de la terre.

 

 

SAB 0906 R

                                                      - Un pas, un seul -

 

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