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Le jour. D'après fred sabourin

« Parfois on peut marcher sur la montagne et y trouver la paix »

8 Octobre 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #montagne

 

 

SAB 1045 R                                               - Au petit matin frais -

 

 

Si j’emprunte ce titre à un camarade blogueur (1) c’est parce qu’il a visé juste, dans le mille. Son article commence ainsi : « Hervé Gourdel est mort il y a quelques lunes, assassiné pour avoir voulu marcher sur une montagne. » C’est exactement ce que je me suis dit quand les médias ont annoncé sa mort atroce, le 24 septembre dernier. Je me suis dit qu’on avait assassiné un type qui n’aurait jamais du l’être, pas seulement parce que c’est un homme et qu’on n’a pas à faire ça, mais aussi parce qu’il était guide de haute montagne, et que c’est à cause de sa passion pour elle qu’il est mort. Paradoxalement, ce n’est pas la montagne elle-même qui l’a tué – une mort d’alpiniste qui dévisse – mais ce sont bien d’autres hommes qui l’ont égorgé, comme on égorge un mouton ou tout autre animal. La seule évocation de cet acte suffit à me révulser, me dégoûter, et je sens l’odeur du sang, cette odeur chaude et ferrugineuse si reconnaissable.
 

Frédéric Berg, dans son très beau texte intitulé : Et moi, dans quel ordre suis-je ? me ramène à l’essentiel, et cet essentiel j’y pense depuis le début de cette histoire d’enlèvement sitôt le pied posé sur le sol algérien. Hervé Gourdel allait là bas pour « marcher sur une montagne », en paix. Depuis le temps qu’il crapahutait, il a pourtant du prendre infiniment plus de risques, tout cumulés. Des risques calculés, évalués, mais des risques quand même. La mort et son haleine fétide, il a du la frôler déjà quelques fois. Cependant, à voir et entendre ses proches, ses copains guides, tout ce milieu de modestes taiseux de la montagne, on sent en lui la profondeur des gens qui marchent « là haut » entre ciel et terre, sur le fil des crêtes, les sentiers à vaches ou sur la pointe des sommets. On sent surtout la paix qui se dégage de ces étranges journées où, fatigué par la marche et les efforts de toute sorte, on redescend, fourbu et heureux, goûter un temps de repos bien mérité.
 

Le camarade Berg ne marche pas en montagne : il y court. Adepte depuis quelques temps de trails, d’ultra-trails même (il vient de clore celui du Mont Blanc, le fameux UTMB), il semble heureux de courir dans la montagne, même si, à le lire, ça a l’air d’une putain de galère sans nom, souvent l’enfer même… Je le dis sincèrement : j’ai du mal à comprendre ceux qui ne marchent pas en montagne mais y courent. Peut-être parce que je n’ai jamais essayé moi-même, ou que je n’ose pas de peur d’avoir mal (raison la plus probable). Peut-être aussi et même surtout parce que je n’en vois pas l’intérêt, car ce que j’aime par-dessus tout dans la montagne ce n’est pas en finir le plus vite possible mais au contraire faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Aussi il m’arrive souvent de m’arrêter, restant debout, au milieu d’un paysage, d’un chemin, là, comme ça, juste pour voir et sentir de longues minutes, et retarder le moment redouté de la descente.
 

Frédéric court, donc. Mais je suis à peu près sûr d’une chose – même si finalement nous n’en avons jamais directement parlé, juste par blogs ou réseaux sociaux interposés – c’est que nous allons dans la montagne pour la même raison : trouver la paix. Etre en paix. Habiter la paix. Nul par ailleurs – en mer, peut-être ? – on ne trouve cette paix et la capacité qu’elle a de vous envahir complètement, jusqu’à faire battre le sang dans vos tempes lorsque le souffle vous manque, lorsque la sueur vous coule le long du dos, lorsque vous levez le nez et que vous dites : « ça y est, j’y suis ».
 

Cette paix, Berg et moi l’avons trouvée. Tant mieux, et gardons-là le plus longtemps possible, non comme un secret qu’il faut jalousement garder, mais une chose à dire et à partager.
 

Gourdel, lui, à tant vouloir la paix des montagnes a malheureusement fini par trouver la mort. C’est dire si, humains, nous sommes bien fragiles au milieu d’elles, et pas toujours à cause d’elles, hélas.

 

« Parfois on peut marcher sur la montagne et y trouver la paix ».

 

 

(1) http://quebec.blogs.charentelibre.fr/archive/2014/10/08/et-moi-dans-quel-ordre-suis-je-189730.html

 

 

SAB 1086 R                                                 - Franchir le pas -

 

 

 SAB 1053 R

                                           - Premier de cordée -

 

 

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