Mieux vautour que jamais
6 Janvier 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #montagne
Passer le deuxième jour de l’année avec des charognards, je vous l’accorde, c’est pas banal. En même temps, ça augure ce qui, réalistement, marquera sans doute encore l’actualité de cette nouvelle année, celle du changement (une de plus !). Et non, il ne s’agissait pas de passer du temps avec des politiques ni des journalistes en manque d’actualité à se mettre sous la dent – en l’occurrence sous le bec.
En attendant, nous voici sur le Pene de Béon. Je n’ai pas fait exprès d’appeler ce rocher, cette falaise, ainsi : c’est son nom. Ici nichent une centaine de couples de vautours fauves. On y accède par deux sortes de cols quasiment symétriques qui portent le nom de « Port, » celui d’Aste et celui de Béon. En débouchant de celui d’Aste, au sud de la falaise, et après avoir croisé la présence d’un jeune vautour perché sur un arbre au dessus du chemin, il faut longer les granges retapées par les habitants de la vallée d’Ossau, et grimper sec plein nord dans la rocaille et les genévriers. Poussé par le vent de sud, nous atteignons rapidement une sorte de crête sommitale sur laquelle le moindre faux pas serait fatal : une centaine de mètres d’à-pic (voir deux fois plus par endroit) attendrait le malchanceux ou l’imprudent. De là, la vue est pourtant imprenable : toute la vallée s’offre au visiteur d’un jour, de Gan (sortie sud de Pau), en passant par Arudy, jusqu’au Pic du Midi d’Ossau émergeant plus au sud, dernière sentinelle avant l’Espagne. Le Gourzy, le Pic de Ger, le Montagnon d’Iseye, le Lauriolle, Ibech…
Mais rapidement, nous sentons que nous ne serons pas venus que pour ça. A la faveur de ce vent de sud, vent venu d’Espagne, vent chaud donc, cet effet de Foehn permet aux vautours fauves de profiter de courants thermiques ascendants. Probablement aussi dérangés par ma présence solitaire – même une cinquantaine de mètre en contrebas – les charognards ont entamé un spectaculaire ballet dans le ciel gris – blanc de ce deuxième jour de l’année, alors que je voyais s’écraser plus loin les averses sur le crâne de « Jean-Pierre. » Rasant la crête sommitale où je me trouvais, j’entendais le souffle d’air provoqué par leurs ailes déployées au maximum (jusqu’à deux mètres d’envergures) percevant même leurs petits cris sourds. Avec un 18-105 mm, je n’ai pu faire qu’une maigre récolte, mais là n’était pas, finalement, le plus important. Le plus important fut de partager ce moment inouïe où ces fauves – qui ne mangent que de la viande morte faut-il le rappeler, y compris si c’est du cheval ! – perturbés probablement dans leur habituelle quiétude, cherchait à filer ailleurs. La ronde qu’ils effectuaient dans le ciel des Pyrénées ossaloises cet après-midi là me fit frissonner et pas de froid. Cette invincible armada, dans le tournoiement d’escadrilles dont la couleur se confondait avec le sol, invitait le spectateur d’un jour à communier avec eux.
Et voler, planer, libre, enfin…
(c) F.S. Janvier 2014.
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