Le cerf brame, et la caravane passe...
7 Octobre 2010 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #émerveillement
Qui n’a pas assisté à la levée du jour sur Chambord n’a rien vu. Dès l’aube, à l’heure hugolienne où blanchit la campagne, il faut partir. S’enfoncer dans la forêt profonde et automnale, aux senteurs de sous-bois humides et de champignons fraîchement poussés. Parvenu près d’un mirador d’observation, stopper le véhicule. Dès l’ouverture de la portière, on est saisi par un bruit sauvage et guttural à nul autre pareil. Là bas, au loin, et pourtant si près, un cerf brame. Son cri rauque surgit des profondeurs de ses entrailles et résonne dans la clairière où le jour pointe à peine. On ne voit rien, on ne devine que des formes, des silhouettes animales. Le silence est de rigueur. On hésite même à respirer. Puis, un nouveau son surgit des profondeurs. Un autre cerf donne du majestueux brame, annonciateur du mâle en rut. C’est le seigneur du lieu. A quelques kilomètres de là, on a laissé le château dans le rétroviseur. Rien ne manque, rien n’est en trop. L’harmonie est quasi parfaite. L’homme, l’animal, la nature qui déploie ses ailes brumeuses dans les premiers rayons d’un soleil pâle, s’étirant comme sortant d’un long sommeil. Puis, soudain, à la lisière du bois, il est là. Son brame se fait plus clair, distinct, plus rien ne l’arrête. Ce cri rauque et guttural parcours la clairière où l’on distingue maintenant des biches broutant l’herbe fraîche de rosée. Ce sont elles qui mènent cet opéra champêtre. Elles bougent par là, le cerf suit. Elle s’arrêtent, il ne bouge plus. Un autre cerf, plus jeune, se mêle au spectacle vivant d’un rituel immuable. Lui ne brame pas, trop jeune encore pour risquer les coups de bois de l’ancien, plus gros, plus fort. Il sait par instinct que son heure n’est pas encore venue. L’année prochaine, peut-être, si tout va bien.
Le jour se lève. Chaque forme est désormais visible dans la clairière, le chant des oiseaux se mêle à cette symphonie d’un nouveau monde qui renait sans cesse, depuis… des siècles. C’est aussi l’heure où ces rois et reines de la forêt rentrent à nouveau dans les bois. D’abord en lisière, puis ils s’enfoncent et on ne les voit plus, c’est à peine si on les entend.
Alors la place est libre pour un autre ballet, celui des sangliers, mâle, laie et marcassins dont certains ne semblent pas avoir plus de huit jours. De leurs groins ils fouillent et retournent le sol, indifférents aux spectateurs dans le mirador. Puis s’en vont, aussi. Des tourterelles viennent ramasser ce qui reste. Tout se tait.
C’était un matin, à l’aube blanche, dans la forêt de Chambord.
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