Gros mensonge
3 Avril 2013 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #l'évènement
- Arbre à Bouge - (36)
Un jour, quand j’étais petit – environ 7 ou 8 ans je crois – j’ai dit un gros mensonge, et je l’ai soutenu à mon père, les yeux dans les yeux. C’était dans le Lot-et-Garonne, où nous vivions quelques années. Dans le jardin de la maison familiale, il y avait un mimosa, comme beaucoup de jardins de ce coin de Gascogne. C’était un jeune mimosa, et ses branches basses étaient à portée d’escalade pour le jeune garçon que j’étais à l’époque.
Mon père m’avait bien mis en garde : les branches étaient faibles, souples, elles pouvaient casser. Je ne devais pas monter dans l’arbre. Comme la relative souplesse des branches faisaient un effet ressort, j’aimais y monter quand même, lorsqu’il ne me voyait pas, et je rebondissais sur les branches basses. Un jour, peu avant de reprendre l’école entre midi et deux comme on disait, j’ai joué dans l’arbre. La branche a cassé. Je me suis trouvé très con, et je suis parti à l’école sans rien dire à personne. J’avais l’estomac noué, et j’ai passé un sale après midi à imaginer ce que j’allais pouvoir dire à mon père quand il verrait cela. Ça n’a pas raté : le soir, je suis rentré, mon père aussi. Il a fait le tour du jardin, avec ses chiens, comme il en avait l'habitude. Il a vu la branche du mimosa, pendante dans l’herbe. Il m’a demandé si c’était moi qui l’avais cassée, connaissant déjà la réponse. Alors j’ai dit : « non, ce sont les chiens, en jouant, qui l’ont cassée. » Mon père, abasourdi par cette énormité, m’a fait répéter. Et j’ai maintenu la même version débile, énorme, mais avec un aplomb et une effronterie telle qu’il ne savait plus quoi faire. Il m’a demandé, les yeux dans les yeux, si je ne mentais pas. J’ai dit : « non, papa, je te jure, je ne mens pas. » « Menteur ! » s’était-il écrié. J’ai été privé de sortie dans le jardin et de télévision pendant 8 jours. Mon père ne m’avait pas cru. Il avait sévi, point. Et il est allé couper la branche à raz le tronc. Je suis resté avec mon remord longtemps, très longtemps, et aujourd’hui, bêtement, en repensant à cette histoire j’en éprouve encore, même si mon père n’est plus là et qu’il m’avait sûrement pardonné, au fond. Mais je lui avais menti, et juré le contraire.
Aujourd’hui, dans la presse et les médias, un certain Jérôme Cahuzac – à une échelle autrement plus importante – a dit qu’il avait menti. A tout le monde. Le président. Les députés. Les juges. Son avocat. Les journalistes. Le public. Les Français. Sa famille. Ses enfants. J’ignore comment ces derniers prendront la chose, et comment ils pourront réparer le lien cassé entre eux. Cela ne regarde personne. Pour le reste, il devra s’expliquer avec la justice et tout le tremblement médiatique qui l’accompagne.
Mais il y a une chose qu’il va trimbaler jusqu’à la fin de sa vie, c’est le remord. Il a menti. Il a masqué la vérité. Il a soutenu mordicus un énorme mensonge. Parce qu’il a eu peur.
Il a eu peur.
Peur.
Photo (c) Laetitia Forgeot d'Arc
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