Eloge de la folie
21 Septembre 2011 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #quelle époque !
Dimanche soir, j’ai préféré Camille Claudel, film de Bruno Nuytten, à la confession publique de DSK chez Claire Chazal. Aucun regret d’avoir sans doute fait partie des 2% d’audience de la chaîne franco-allemande que tout le monde déclare regarder mais dont les chiffres d’audimats avoisinent ceux d’Arlette Laguiller à une présidentielle. Dans les deux cas, c’était une soirée où on flirtait avec la folie.
Celle de DSK, le séducteur le plus rapide et le plus persuasif de la planète, qui réussit à emballer - sans forcer ni violer - une femme de chambre jamais vue auparavant, en neuf minutes chrono. Séduction à la française, en leçon (très) accélérée. Attention, ne vous y méprenez pas : ce n’était ni tarifé, ni forcé, ni agressif, jure l’intéressé. Le tout, rappelons-le à l’envie, en trois fois ce qu’il faut de temps pour faire cuire un œuf à la coque. Pas mal. Au bénéfice du doute, violé lui aussi, il avait pris sa douche avant. Il a gagné du temps sur l’après. Bref, passons la camisole et allons voir ailleurs si on y est. Il n’y a que les treize millions de gogos téléspectateurs pour s’y laisser prendre. Et Martin Bouygues, ami du puissant de la République irréprochable, pour se frotter les mains.
Justement sur Arte, on se frottait les mains aussi, sur de la glaise ou du marbre sculpté. L’histoire de Camille Claudel, élève puis maîtresse, puis muse d’Auguste Rodin, avant d’être délaissée par ce dernier et finir sa vie dans la misère, l’abandon, l’internement. D’abord ignorée, puis admirée, elle fut salement lâchée par le maître, incapable de choisir entre sa femme – d’une jalousie assez démonstratrice – et celle dont le talent surpassait le sien finalement. Ce dernier feignait de ne pas s’en apercevoir, quand tout le monde le murmurait derrière les rideaux. D’elle, on peut désormais admirer une cinquantaine de sculptures au musée Rodin.
De 1889 à 1913, elle a vécu quai de Bourbon sur l’Ile Saint-Louis, un endroit aujourd’hui inaccessible aux pauvres, ayant quitté Rodin dont elle n’en finissait pas d’être considérée comme son élève. Néanmoins, elle fit bien, ces années seront les plus prolifiques de son art, mais elle ne reçu aucune commande. Vivant misérablement, elle sera internée dix jours après la mort de son père – nouvelle qu’elle n’apprendra qu’après – à Ville-Evrard, puis à Montfavet dans le Vaucluse suite à la réquisition des hôpitaux lors du commencement de première guerre mondiale. Seul Paul, son célèbre frère touché par la grâce en se frottant lui aussi à la pierre (d’un pilier de Notre Dame de Paris), viendra lui rendre visite une douzaine de fois avant sa mort en octobre 1943.
Je sais, le parallèle entre ces deux destins est osé, pratiquement impossible. Mais la coïncidence des programmes télé – laquelle je ne regarde quasiment jamais – entre la folie furieuse et sexuelle qui tournait autour de l’épiphanie télévisuelle d’un ex-futur candidat potentiel qui a donc raté son « rendez-vous avec les Français » (mais pas tous en tout cas pas moi…), n’avait d’égal que la folie déployée par l’énorme composition d’actrice que donne Isabelle Adjani en Camille Claudel. L’avantage de ce jeu d’acteur, c’est qu’il demeure profondément vrai tout en demeurant un jeu. Adjani touche du doigt la grâce d’une actrice, et s’en empare à pleine main, comme cela arrive quelques fois dans une carrière.
Alors que le repenti de Té Effe Un, lui, joue sans jouer une comédie dramatique à laquelle il essaie, vainement, de nous faire croire en ripolinant son show de fausse sincérité et de mimiques tragi-comiques. En cela aussi, à son corps défendant, il nous viole.
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