Des rebelles conformes à leur conformisme
12 Octobre 2014 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #Presse book
Le rideau est tombé sur la 17e édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois. 1000 intervenants et 400 rencontres, un cycle cinéma, un salon du livre. Et un défilé de ministres.
Rebelles les Rendez-vous de l’histoire ? Probablement pas autant que l’affiche le laissait croire, et espérer. Et cela malgré le clin d’œil anecdotique dès les premières pages du programme officiel. Deux figures de "rebelles" semblent ironiquement scruter les amateurs d’histoire : Aurélie Filippetti, ex-ministre de la Culture. Et Benoît Hamont, ex-ministre de l’Éducation nationale. Ils signent tous les deux un éditorial qui fait sourire aujourd’hui. Le 25 août dernier, ils sont sortis du gouvernement, victimes de leur parole et attitude indépendantes. Comme des rebelles. Les organisateurs ont visiblement été pris de court, et le programme n’a pas été corrigé. En revanche, ils n’ont pas été pris de court sur le défilé de ministres – dont Manuel Valls – pour venir se pencher sur ce bel adolescent de 17 ans. Jusqu’à la présence de son fondateur lui-même, Jack Lang, désormais président de l’IMA (Institut du Monde arabe). Des ministres dont la rébellion est souvent soluble dans l’exercice du pouvoir, ce qu'il dira lui-même en substance lors d’une table ronde sur les rebelles au pouvoir.
Le Tigre rugit-il encore ?
Dès l’ouverture de cette « plus importante rencontre d’intellectuels en France » comme aiment à le rappeler le maire Marc Gricourt mais aussi Jean-Noël Jeanneney président du comité scientifique des Rendez-vous de l’histoire, la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a donné le ton de la modération très politique sur le thème de l’année pourtant explosif : les rebelles. Condorcet, Olympe de Gouge, Mandela. Mais aussi Simone de Beauvoir, Victor Hugo, Georges Brassens, Joan Baez : les grandes figures de rebelles selon ses propres goûts. « Ma forme préférée de rébellion, c’est l’action politique, être membre d’un gouvernement dont je suis solidaire », a-t-elle ajouté dans le dernier temps de son intervention vendredi 10 octobre, devant un parterre d’officiels et de professeurs, pas tous rebelles loin de là. « La rébellion, c’est l’engagement, oui c’est possible à l’intérieur d’un système. La France qui s’engage, c’est la France qui sort de la crise », dira-t-elle à la fin, avec un lyrisme très contenu.
Propos qui trouveront une sorte d’écho lors de la causerie « au coin du feu » comme il le dira lui-même, entre Manuel Valls, Jean-Noël Jeanneney, et Jean Garrigues (1) sur la figure difficile à égaler aujourd’hui de Clémenceau, homme d’État. Une figure dont le Premier ministre, visiblement en admiration devant le « Tigre », le « tombeur de ministères » dont les joutes oratoires avec Jules Ferry, Aristides Briand ou Léon Gambetta sont mémorables, partage peu de points communs au regard du contexte d’une Ve République aux antipodes de celui de la IIIe. « Nous sommes un très grand pays et c’est là qu’un Clémenceau manque », avouera-t-il en fin de rencontre. Sans aucun doute le propos le plus pertinent de ce pensum d'une heure et demi. « Je souhaite que ce pays qui est un grand pays, loin de la morosité dont on nous rebat les oreilles en permanence retrouve la confiance en lui-même. Clémenceau n’aurait jamais accepté cette déprime – légitime au regard de la situation économique et sociale d’un grand nombre de Français. Nous devons retrouver l’audace », concluait-il. Singeant sans le savoir ce que Clémenceau disait lui même de Jaurès : "On reconnaît un discours de Jaurès à ce que tous les verbes sont au futur."
Histoire critique, critique de l'histoire
Dimanche soir, au crépuscule de ces 17e Rendez-vous de l’histoire, Michelle Perrot (qui fut un temps présidente du comité scientifique) a partagé quelques convictions d’historienne sur le mot rebelle et sur les sens possibles du mot rébellion : les ouvriers et leurs grèves. L’univers carcéral des prisonniers et leurs révoltes. Les femmes et leur émancipation. « Blois nous donne de joyeux moments de consensus », a-t-elle conclut. On ne pouvait sans doute pas trouver mieux pour évoquer cette grand’messe des historiens, intellectuels, éditeurs, qui semblent tellement se méfier des critiques émanant de l’histoire critique au point de réserver celle-ci à la portion congrue et aux marges de ces Rendez-vous… L’année prochaine, « les empires », a lancé Jean-Noël Jeanneney en toute fin de rencontre, soulevant comme chaque année des "ah !" et des "oh !" de gourmandise.
Tous les ans, pire ? Réponse l’année prochaine…
(1) Professeur à l’université d’Orléans, spécialiste de la IIIe République et président du Comité d’histoire parlementaire et scientifique.
- Michelle Perrot -
- Antoine de Baecque (à dr.) Prix Augustin Thierry de la Ville de Blois -
- J-N. Jeanneney, M. Valls, J. Garrigues -
- Un tigre ? -
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