Commémorez, commémorez, il en restera (peut-être) quelque chose…
12 Mai 2011 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #quelle époque !
- Cinq, quatre, trois, deux, un... -
« Déjà la pierre pense, où votre nom s’inscrit, déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places, déjà le souvenir de vos amours s’effacent, déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri. » Louis Aragon, dans Le roman inachevé, faisait-il déjà, sans le savoir, œuvre de commémoration ? Commémorer, littéralement avec la mémoire, être avec, se souvenir. Aragon commémore, dans ce recueil de 1956, le souvenir des poilus tombés au front de la première guerre mondiale.
Un grand bon dans le temps. Et une maladie : la commémorationite. Vous aviez raté le 10 mai 1981 ? Vous avez dû adorer le 10 mai 2011. Adorer, célébrer, dans une veine nostalgique, de culte, de quasi idolâtrie, une béatification. On parla même de pèlerinage rue de Solferino ! Ceux qui cherchent le souffle de l’espoir pour l’année à venir ont beau s’en défendre : ils se tournent vers Lui, le seul socialiste à avoir accédé à la présidence de la Ve République. Cette « tontonmania » a pourtant quelque chose d’attendrissant, à l’heure du repli sur soi et la cellule familiale, semblant seule pouvoir résister à la crise. Chacun se souvient - sauf pour les moins de trente ans – se qu’il faisait le 10 mai 1981, comme on se souvient ce qu’on faisait le jour de la mort de Claude François ou le 11 septembre 2001. Témoignages à profusion, souvenirs d’une soirée électorale vécue en famille puis dans la rue dans une farandole hexagonale au son de l’accordéon. Gueule de bois du 11 mai. Le rêve devenu réalité pour les uns. Le cauchemar pour les autres. La nostalgie pour tous.
Mais que retenir de ces trente ans qui puisse servir de socle pour l’espoir de demain ? Nous ne parlons pas d’un demain lointain, dans un futur de science fiction, mais du demain de demain. Dans un an, par exemple. Comment cette profusion-confusion d’évènements peut-elle servir de base à la recréation d’un nouvel élan, nouvel espoir, un nouveau courage politique, exemplaire, pour donner envie aux Français de se rendre aux urnes ? Si la commémoration du 10 mai 1981 n’est qu’une strophe de plus pour le souvenir des jours heureux, alors elle ne sert à rien, ou pas grand-chose. En parcourant les nombreux témoignages de ceux qui aujourd’hui commémorent, trente ans après, un élément semble émerger : pour beaucoup, le 10 mai 1981 représente le dernier moment où les Français ont cru qu’une élection pourrait changer quelque chose. Et ils n’eurent pas complètement tort. Le président élu ce jour là se faisait le chantre du changement, en cent dix propositions. En trente ans, la France a en effet beaucoup changée. Mais la crise – dont l’acte de naissance ne date pas des subprimes en 2008 – était déjà là en 1981. Elle ne cessera de croître, et avec elle vont rapidement décroître les immenses espoirs générés par ce fol mois de mai 1981, et l’été qui s’en suivra.
« On est toujours du pays de son enfance, et mon enfance, c’est la Charente, » disait le président du 10 mai 1981. Les commémorations trente ans après ont-elles le goût du retour à l’enfance, celle de l’union qui le porta au pouvoir mais aussi la nôtre à tous, cette part d’âge d’or et de rêve qui jamais ne s’éteint vraiment en chaque homme ? Les roses du 10 mai 2011 semblaient avoir le goût et l’odeur des madeleines de Marcel Proust, dans une France sépia qui peine à envisager le futur et encore plus à vivre le présent. Ce président célébré par ses anciens fidèles avait le sens de l’histoire, laquelle est d’ailleurs tout sauf une fixation ou suspension du temps. Reste à savoir ce que deviendra cette histoire, dans les mois qui viennent ? Sujet épineux, entre les roses et les madeleines du souvenir…
PS : le 11 mai 1981, Bob Marley, l’homme du reggae planétaire mourrait. Qui pour commémorer ?
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