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Le jour. D'après fred sabourin

Au bout du couloir

19 Août 2011 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #littérature

 

 

 

 

Juste après avoir poussé la porte d’entrée, un long couloir absorbe le visiteur du soir. On imaginerait volontiers une trottinette pour le parcourir, tellement il semble s’étirer en longueur. En stationnant brièvement à l’entrée de l’appartement, des odeurs de cuisine ainsi qu’un programme radio envahissent l’espace. Les odeurs d’ail frit sont plus fortes que le son de la radio. Mais pour l’heure on ne voit rien d’autre que le couloir qui plonge dans la pénombre, à l’exception d’un carré de lumière en son milieu. Il doit s’agir de la pièce d’où viennent les odeurs et le bruit, peut-être la cuisine. Au fond, une porte ouverte sur une pièce dont on ne peut pour l’instant deviner l’usage.
Il faut se résoudre à avancer, d’un pas hésitant. Dérange-t-on ? Comment savoir ? Plus on avance dans le couloir, plus le son de la radio se distingue du reste. L’odeur reste la même : celle d’une cuisine du sud. A présent on distingue plus franchement ce qui se cache dans la pièce au fond du couloir : c’est la chambre, à cause du lit défait visible dans l’encablure de la porte. Les draps sont blancs, et repoussés sur un seul côté. S’il n’y avait la vision de ce lit défait et le programme radio, on pourrait croire que l’appartement est vide. Mais il flotte dans l’air une présence qui n’est pas seulement due à l’odeur de friture. Ce lieu est habité, là, maintenant. On a alors cette étrange impression de déranger, de s’introduire dans l’intimité de quelqu’un, de forcer la porte pourtant ouverte de la pièce où il se trouve. D’ailleurs à force d’avancer on arrive près de cette mystérieuse pièce dessinant un carré de lumière sur le sol du couloir, comme un tableau accroché non au mur, mais par terre.
On passe la tête à gauche, lentement, comme pour faire durer le plaisir. Un homme est assis à table, de dos, face à la fenêtre, ouverte, d’où proviennent les bruits du dehors. A sa droite un frigo, calé entre le mur et l’évier. De l’autre côté de l’évier, une plaque de cuisson sur laquelle repose, repue, une poêle à frire qui semble avoir accueillie une omelette. Sur le côté opposé, un buffet en formica aux portes marrons et blanches. La fenêtre est ouverte et en haut est roulé un store vénitien dont la ficelle est accrochée à une sorte de clou fixé sur le montant extérieur de la fenêtre. On aperçoit des toits où se dressent des antennes de télévisions, dont certaines sont tordues. La table devant l’homme est aussi en formica, jaune, sur laquelle dorment les miettes d’un pain coupé à la main, un verre vide, un journal plié en deux et un paquet de cigarettes avec un briquet posé dessus. L’homme a les coudes sur la table et les bras repliés, ses mains se touchant, et il a repoussé son assiette qui s’est trouvée en contact avec le verre posé devant lui. Il est torse nu, sa serviette négligemment posé sur sa cuisse gauche.
L’homme regarde par la fenêtre, et presque sans bouger attrape le paquet de cigarettes posé sur la table. A la radio la présentatrice annonce un flash d’informations. « Il est 14 heures », dit-elle.

 

 

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