Aste - Béon, un voyage à pied
19 Septembre 2012 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #voyage - voyage...
- Perspective -
La maison bleue adossée à la colline se voit dès le petit cimetière d’Aste, mon point de départ ou presque, depuis le petit camping style « à la ferme » où je niche deux nuits. Comme je l’espérais, la grille du cimetière grince en entrant. Un carré d’herbe coupé court accueille le passant, qu’il passe ou trépasse. Du gazon frais fraîchement tondu. Les morts ont de la chance ici, me dis-je. Non seulement ils jouissent d’une vue splendide pour l’éternité, mais encore ils peuvent s’ébattre sur l'herbe aux beaux jours. Ce jour l’est justement. Chaud même. Très chaud. La sueur me perle déjà au milieu du dos, alors que je viens de démarrer ce voyage insolite. Du village d’Aste, à celui de Béon. Un voyage à pied. Deux kilomètres et trois cents mètres. Ce n’est pas l’Odyssée, mais une aventure, peut-être.
- Sur gazon -
Une des tombes attire l’œil : elle est sculptée en forme du Pic du Midi d’Ossau. Nous sommes bien dans la vallée du même nom, à quelques kilomètres de Laruns où demain résonneront les chants du pays béarnais, les chants ossalois, pour les fêtes du 15 août. Dans l’axe exact de la tombe et de la maison bleue, le Pène de Béon, la falaise aux vautours comme on la nomme ici. Son front bombé et quelque peu arrogant, fier, il avance vers le vide, songeant aux temps immémoriaux où la glace, ici, a sculpté la vallée. Désormais roule en bas le gave d’Ossau, unique vestige chantant de cette période où la mémoire de l’homme ne peut remonter. La grille grince à nouveau signalant mon départ, poursuivant le chemin dans le village désert, en apparence seulement.
Une vieille femme me domine désormais, du haut de son mur dont on devine un jardin en hauteur par rapport à la ruelle. Quelques banalités météorologiques échangées plus tard, c’est l’église que je double, fermée, naturellement. Devant la mairie ornée d’une vulgaire réplique de la légende d’un ours mis en fuite par une vache (« Viva la vaca ! » telle est la devise de la vallée), une fontaine à l’eau « non potable » me rafraîchit cependant le visage et la nuque. Le lavoir trône à côté, où l’eau disparait dans un bruissement aquatique et chantant. Elle n'est pas potable, indique un petit panneau, et pourtant je m'en abreuve comme les troupeaux. Nulle maladie ne viendra troubler mon sommeil, quelques heures plus tard.
- Hic et nunc -
Je sors d'Aste, sous le soleil exactement. Alors que j'entreprends de filer vers Béon, un petit chemin descend sur ma gauche, comme un appel à une digression hasardeuse. Bien m'en prend, et je longe rapidement un petit ruisseau chantant qui course vers le gave, plus bas. Une première prairie où je planterais bien ma tente, puis, encore plus bas, une seconde, bordée d'arbres et au pied de laquelle coule ce gave frais à cet endroit peu profond. Pas suffisamment en tout cas pour s'y baigner autre chose que les pieds. Les miens foulent désormais l'herbe coupée, abandonnant mes chaussures au bord du chemin. Il règne ici une ambiance de paradis, vraiment, et la chaleur du jour ajoute finalement à la félicité dans laquelle je me trouve à l'instant. Je m'arrache littéralement à ce bonheur simple pour continuer la route. Béon n'est plus très loin, j'en aperçois vite le clocher de l'église Saint-Félix.
- Baylocq (Beau lieu en Oc) -
Avant elle une grille coulisse (en grinçant...) et j'entre dans le cimetière où la famille Ossau-Baylocq m'accueille. Jeanne-Marie, Pierre et leur fille Odette reposent là, dans la quiétude de ce charmant jardin de pierres, près de la route et adossée à l'église. Le gravier crisse sous mes pas, et le bitume chaud me guide à travers la rue de Béon, jusqu'au château. Des portes entrouvertes jaillissent de multiples odeurs de foin moisi, d'herbes séchées, de fromage de brebis, de salpêtre des caves, de bois sec, de rouille et de cambouis rance par les années d'immobilité. « Ça sent le vieux, » diraient les jeunes ou ceux qui n'y connaissent rien. « Ça sent la vie, » me dis-je, en retirant mon béret comme pour saluer l'esprit du village qui semble planer au dessus de ce lieu, ce jour, cette scène. Un bruit de fond anime pourtant le silencieux hameau : le gave est là, et il m'appelle. Je dois m'y baigner, pour rafraîchir ce corps suant sous la chaleur moite d'août qui colle sous la chemise. Dans la tenue d'Adam je descends sur les pierres glissantes dans l'onde fraîche. Elle me saisit, la bougresse. Elle me baptise une nouvelle fois, surtout. « Ici tu régénères, tu renais à chaque fois que tu t'y trempes, » semble murmurer le flot continue de ces eaux bienfaisantes. Là haut près du Pène tournent les vautours fauves à la recherche d'un coin de rocher pour y poser leurs grandes carcasses. Ils sont ici chez eux, comme nous en bas.
Je reprends la route direction Aste où je crèche pour cette-fois. La tête pleine de souvenirs de ce court chemin qui pourtant me paraît un monde...
- Odeurs -
(c) Fred Sabourin. 14/08/2012. Ossau, Béarn.
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